mercredi 25 mai 2016

Macron, toujours à la pointe de l’agenda patronal

Macron, toujours à la pointe de l'agenda patronal

Il y a de quoi être effaré: alors que le mouvement de grêve contre le projet de loi travail s'étend, notamment dans les transports, et alors que l'essence manque, Emmanuel Macron vient de faire des déclarations très provocantes qui pourraient bien renforcer la mobilisation des grévistes.



Le grand ami des patrons à Bercy

Le timing de l'entretien du ministre de l'économie aux Echos est étrange, à moins qu'il ne soit l'illustration de la fin de non recevoir totale et brutale du gouvernement à ceux qui s'opposent à son projet de loi. Voici donc le locataire de Bercy qui déclare qu'il est « hypocrite de déclarer 'limitons la rémunération des dirigeants à 100 fois le SMIC' », qui continue de défendre un droit du travail façon puzzle, adapté à chaque entreprise, et demande « aux patrons d'arrêter d'augmenter les salaires de leurs employés » ! Parfois, on a l'impression qu'il parvient à dépasser le Medef par la droite ! Cela est d'autant plus frappant que Total vient de menacer de revoir ses investissements en France suite aux mouvements actuels. Décidément, l'époque n'est pas favorable aux salariés, entre menace sur l'emploi et leur salaire…

On peut prendre les déclarations du ministre pour le énième tir de sniper d'un tireur isolé jouant sa carrière et cherchant à servir son ambition. C'est sans doute le cas, mais on peut se demander si cela ne fait pas partie de la grande comédie organisée par François Hollande pour essayer d'être réélu en 2017. En effet, le ministre de l'économie permet à la majorité actuelle d'occuper une grande partie de l'espace politique, des frondeurs gauchistes en carton jusqu'au locataire de Bercy qui déborde l'ancienne majorité par la droite, ce qui contraint les dits Républicains à dériver fortement vers la droite économiquement. Ce pari pourrait bien être perdant mais c'est une manœuvre dont on ne pourra juger de l'habileté que dans un an… Un ministre de l'économie avait-il déjà autant défendu l'agenda patronal ?


Dans quelques années, les historiens regarderont curieusement ce parti qui se dit socialiste, qui, après avoir envoyé un million de Français au chômage au début des années 1990 pour défendre la parité avec le mark, et qui, aujourd'hui, dit de ne pas monter les salaires et démantèle le droit social.

Des huiles & gaz de schiste – en France en 2017 ? (Philippe Pascot)

Des huiles & gaz de schiste – en France en 2017 ? (Philippe Pascot)

Mobilisez-vous ! Allez voir le/la Maire de votre village avant qu'elle/il ne soit séduit par les sirènes du Gaz de Schistes, prévenez les gens autour de vous, le seul moyen qu'il nous reste pour lutter c'est de réinformer massivement les gens ! Ou comme aux États-Unis notre pays sera détruit par les financiers apatrides sans scrupules...

Update 25.05.2016 : Livre : Du goudron et des plumes (Philippe Pascot)

Philipe PASCOT, engagé contre l'huile de schiste nous informe, l'heure est grave, les multinationales du pétrole ont corrompu les commissaires européens de Bruxelles, qui ont imposé aux États-nations et autorisé la fracturation hydraulique de l'huile de schiste, sous couvert « d'exploration ou stimulation », ils s'attaquent à notre pays, pour des conséquences sanitaires et de santé publique, les nappes phréatiques sont polluées pour + de 600 ans !

Une rivière en feu après la fracturation hydraulique en Australie

L'industrie Origin Energy à l'origine des forages de schiste avancent comme argument pour leur défense comme le rapporte une dépêche AFP : « Nous comprenons que cela puisse inquiéter, mais ces émanations ne présentent aucun risque pour l'environnement ou la sécurité publique, si tant est que les gens à proximité fassent preuve de bon sens », et toujours selon cette industrie, ils ne seraient tout simplement pas responsables de ces émanations de méthane…

Au moins, cela permet de comprendre en quelques secondes le danger et pourquoi il faut empêcher ce genre de techniques de fracturation quel que soit l'endroit ou les entreprises veulent opérer…

Source : Reenchantonslaterre.fr

 

 

 

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Agenda 21
 

  

Raffineries, SNCF, RATP, Air France, EDF : les foyers de grèves se multiplient...

Raffineries, SNCF, RATP, Air France, EDF : les foyers de grèves se multiplient...

De la CGT au syndicat des pilotes de ligne, les mouvements contre la loi Travail s'amplifient et touchent désormais les centrales nucléaires. Ce mercredi et jeudi, les transports ferroviaires et aériens seront perturbés. À partir du 1er juin, les cheminots débrayeront tous les jours. 

• Situation de plus en plus délicate sur le front des carburants

La situation se tend chaque jour un peu plus dans les raffineries françaises. Depuis le début de la semaine, six installations sur huit sont à l'arrêt ou tournent au ralenti. Les conséquences sur l'approvisionnement en carburants ne cessent de s'aggraver : plus de 20% des stations-service de l'Hexagone sont désormais en rupture de stock totale ou proches de l'être, malgré les efforts des opérateurs pour acheminer des camions-citernes supplémentaires.

Face à ce mouvement, le gouvernement se veut extrêmement ferme: mardi à l'aube, il a fallu une intervention policière musclée pour dégager les accès - bloqués par des militants cégétistes - de la raffinerie et du dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Mardi après-midi à l'Assemblée nationale, lors de la séance de questions au gouvernement, Alain Vidalies, le secrétaire d'État aux Transports, a indiqué que tous les dépôts pétroliers sur le territoire seraient «libérés».

En attendant, pour les industriels du secteur, l'impact économique de la grève est sévère. Selon plusieurs estimations, l'arrêt de ses installations coûte à Total entre 40 et 45 millions d'euros par semaine. La compagnie exploite cinq des huit raffineries implantées en France. «Pour toute la chaîne d'entreprises liée à la distribution de carburants, les négociations avec les syndicats sont rendues d'autant plus difficiles que les motifs du mouvement ne les concernent pas directement», souligne un spécialiste du secteur. Certains acteurs commencent déjà à anticiper une grève de longue durée, étant entendu qu'une raffinerie qui s'arrête complètement met ensuite plusieurs semaines avant de redémarrer. En revanche, si ce sont uniquement les systèmes thermiques qui sont interrompus, la reprise des activités peut être plus rapide. D'autres observateurs évoquent pour leur part le spectre des mouvements de 2010 qui avaient pénalisé les livraisons de produits pétroliers à destination des aéroports. «Si on en arrive à ce stade, un cap majeur dans la difficulté aura été franchi», lâche un distributeur.

• Menace sur la production d'électricité dans les centrales nucléaires

«C'est le moment d'accentuer la mobilisation.» La CGT-Energie a appelé, ce mardi, à un mouvement d'action, notamment dans ses centrales nucléaires, «le plus fort possible», jeudi, contre la loi travail et la dégradation de la filière. «Des coupures électriques ont déjà eu lieu aujourd'hui (mardi) dans plusieurs quartiers de Nantes ainsi que dans le plus grand centre commercial d'Europe à Marseille, mais les baisses de charge pourraient être plus importantes jeudi», a déclaré la porte-parole de la fédération nationale mines-énergie (FNME-CGT), Marie-Claire Cailletaud. Interrogé par l'AFP, un porte-parole d'EDF a déclaré qu'il était «difficile» de prévoir les conséquences sur la production électrique. Lors d'assemblées générales organisées ces derniers jours dans plusieurs sites, «de jeunes salariés ont fait part de leur volonté d'intervenir sur leur outil de travail», selon Laurent Heredia, membre de la direction fédérale de la FNME-CGT. «On sent clairement que le mouvement de contestation monte», a-t-il assuré. Le syndicat souhaite «le retrait de la loi travail» mais entend également réitérer ses inquiétudes quant à l'avenir de la branche énergétique.

• À la SNCF, une grève unitaire se prépare

La CGT poursuit, ce mercredi, la série de grèves «rectangulaires», c'est-à-dire par groupe de deux jours le mercredi et le jeudi, lancée début mai. La SNCF prévoit, pour les deux jours qui viennent, un trafic «perturbé» mais «moins que la semaine dernière». Les prévisions de trafic annoncent que 3 TGV sur 4 rouleront, tout comme 2 Transilien sur 3, 6 Intercités sur 10, 2 TER sur 3 et 4 RER sur 5.

À partir de juin, les cheminots passeront à la vitesse supérieure et débrayeront tous les jours. La CGT, premier syndicat à la SNCF, rejoint ainsi SUD-rail qui a d'emblée opté pour un mouvement reconductible. Surtout les deux syndicats «réformateurs», l'Unsa et la CFDT, pourraient emboîter le pas à la CGT en votant également la grève reconductible à partir du 1er juin. Tous refusent de signer l'accord destiné à donner naissance à une convention collective du secteur ferroviaire. À la RATP, la CGT appelle à son tour à une grève illimitée à partir du 2 juin pour protester contre la loi travail et réclamer l'ouverture de négociations salariales.

• De sérieuses turbulences dans les transports aériens

Dans les airs, des sévères turbulences se préparent. Une première secousse aura lieu dès jeudi contre la loi travail à la Direction de l'aviation civile (DGAC) qui règule notamment le contrôle aérien. L'Usac-CGT, premier syndicat à la DGAC, a appelé ce jeudi à une journée de débrayage, ce qui va réduire de 15 % le plan de vol des compagnies aériennes à Orly et causer des retards dans toute la France. Mais le pire est à venir. Tous les syndicats de l'aviation civile appellent à la grève du 3 au 5 juin. Leur motif ? La baisse des effectifs et le manque de négociation sur leur cadre social.

Chez Air France où le climat social a semblé calme, une nouvelle crise pourrait être déclenchée dès le 1er juin. Le principal syndicat de pilotes de la compagnie, le SNPL, consulte ses adhérents par voie de référendum pour savoir si une majorité est prête à s'engager dans une grève de plus de six jours. Lors de l'assemblée générale des actionnaires d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac, le PDG démissionnaire du groupe, avait déclaré au sujet de cette éventualité: «Une grève à cette période de l'année, de cette ampleur, alors que le groupe sort la tête de l'eau, serait le plus mauvais coup qui soit porté à ce redressement. Ce serait vraiment un acte que je qualifierais presque de sabotage des immenses sacrifices et efforts qui ont été faits par tout le monde et qui produisent leurs effets.»

Source : Le Figaro.fr

 

Informations complémentaires :

 

 

La science apporte des éléments sur la mort du roi Erik de Suède

La science apporte des éléments sur la mort du roi Erik de Suède


Erik le Saint fut roi de Suède de 1155 à 1160. Aucune information historique ne nous est parvenue et toutes les données sur le roi Erik proviennent de légendes ultérieures qui avaient pour but de le sanctifier. Il serait ainsi  mort dans des conditions dramatiques au cours d'une bataille hors de l'église à Uppsala, en Suède, où il venait juste de célébrer la messe.

Mais que peut nous dire de plus la science moderne concernant ses restes ?

Les reliques d'Erik le Saint. Photo: Anders Tukler

Une équipe de recherche conduite par l'Université d'Uppsala révèle des informations sur l'état de santé d'Erik le Saint, de ce à quoi il ressemblait, où il a vécu et dans quelles circonstances il est décédé.

Le seul récit sur sa vie est la légende du saint, écrite sous sa forme préservée dans les années 1290. Mais de telles légendes sont souvent peu fiables. La légende d'Erik est, cependant, basée sur un un récit plus ancien qui s'est perdu et qui devait être plus long.

La légende préservée raconte qu'Erik fut choisi comme roi, qu'il régna avec justice, et qu'il fut un fervent chrétien. Il conduisit une croisade contre la Finlande, et soutint l'église. Il fut tué en 1160 par un danois réclamant le trône. Depuis 1257, ses restes sont conservés dans un reliquaire.

Une analyse approfondie du squelette du reliquaire avait été faite en 1946, mais la disponibilité de nouvelles technologies a motivé un nouvel examen en 2014.

 Le chef de projet Sabine Sten lors de la la tomographie à l'hôpital universitaire. Photo: Adel Shalabi
 
Le 23 avril 2014, le reliquaire a été ouvert au cours d'une cérémonie dans la cathédrale d'Uppsala. Suite à quoi, les chercheurs de plusieurs disciplines scientifiques se sont rassemblés pour mener des tests sur les restes afin de tenter d'en apprendre plus sur ce roi médiéval.

"La recherche collaborative interdisciplinaire sur l'analyse des restes du squelette de Saint Erik a fourni des informations supplémentaires sur son état de santé (orthopédistes et radiologistes), sa généalogie (analyses ADN), son régime alimentaire (analyse isotopique), et sa mort (médecin légiste)" rapporte la directrice du projet, Sabine Sten, professeur d'ostéo-archéologie à l'Université d'Uppsala.

Le reliquaire contient 23 os, apparemment du même individu. Ils sont aussi accompagnés d'un tibia sans rapport avec eux.

Les valeurs radiocarbones mesurées dans les ossements correspondent avec un décès en 1160. Les analyses ostéologiques ont montré que les os appartenaient à un homme, âgé de 35 à 40 ans et mesurant 1.71m.

Les examens des os avec un tomodensitomètre, à l'Hôpital Universitaire d'Uppsala, n'ont révélé aucune condition médicale particulière.

Les mesures  DXA et pQCT faites dans le même hôpital ont révélé qu'Erik ne souffrait pas d'ostéoporose ou de friabilité des os. C'est plutôt l'inverse, car il avait une densité de 25% au-dessus de la moyenne des jeunes adultes de nos jours. Le roi Erik était bien nourri, puissamment bâti et avait une vie active.

L'analyse des isotopes indiquent un régime alimentaire riche en poisson d'eau douce, ce qui indique que le roi obéissait aux règles de l'église sur les jeûnes, à savoir les jours ou périodes où la consommation de viande était interdite.

Les isotopes stables impliquent aussi qu'il n'a pas passé sa dernière décennie dans la région d'Uppsala mais plutôt dans la province de Västergötland plus au sud.

 Ces conclusions doivent être considérées comme très préliminaires, car il y a pour l'instant très peu d'autres études pour comparer les valeurs des isotopes.

Tibia avec deux blessures par arme blanche. Photo: Anna Kjellström

L'ouverture du reliquaire a aussi permis de récolter des échantillons d'ADN. On espère que les résultats apporteront plus de lumière concernant les questions de généalogie. Cette analyse n'a pas encore été terminée et devrait prendre une année supplémentaire.

Le crâne dans le reliquaire est marqué par une ou deux plaies cicatrisées probablement dues à des armes. La légende rapporte qu'Erik mena une croisade contre la Finlande, ce qui pourrait expliquer ces blessures.


La légende du saint explique qu'au cours de la dernière bataille du roi, les ennemis grouillaient autour de lui, et lorsqu'il tomba, lui infligèrent blessure sur blessure jusqu'à ce qu'il soit à moitié mort. Ils se moquèrent ensuite de lui, puis enfin lui coupèrent la tête.

Les ossements restants ont au moins neuf coupures infligées en lien avec sa mort; sept d'entre elles sont sur les jambes.
Aucune blessure n'a été trouvée sur les côtes ou l'os de bras restant, ce qui signifie probablement que le roi portait un haubert mais que ses jambes étaient moins protégées. Les deux tibias ont des coupures infligées en direction des pieds, indiquant que la victime gisait face contre sol.

Une vertèbre du cou était coupée en biais, ce qui n'a pu être fait sans enlever le haubert, donc pas au cours de la bataille mais plus tard. Cela confirme qu'il y a eu un interlude, décrit par la légende comme la moquerie, entre la bataille et la décapitation.

A aucun moment les blessures documentées ne contredisent le récit de la lutte donnée par la légende parvenue jusqu'à nous.

Les recherches seront publiées dans le journal Fornvannen.
 

Sources:

Derniers articles sur la Suède:

La popularité des grands dirigeants mondiaux

La popularité des grands dirigeants mondiaux

En décembre 2015, Gallup a réalisé son étude annuelle mondiale phare, posant les mêmes questions à 1 000 personnes dans 68 pays.

Cette année, il y avait une question sur la popularité mondiale des grands dirigeants mondiaux.

Voici le résultat pour la popularité des dirigeants dans LEUR propre pays :

popularite dirigeants

(on a ici la différence entre les opinions favorables et les défavorablesµ. On n’a pas le détail, mais on doit par exemple avoir Poutine à 85 % de favorables et et 13 % de défavorables)

Vainqueur : Vladimir Poutine, suivi des dirigeants indiens et iraniens…

On appréciera les résultats dans l’Occident “éclairé”, et dans la France éteinte…

Sans aucune Poutinophilie de ma part (que je n’ai pas – je n’ai confiance dans aucun dirigeant. Après, il y a un classement de dangerosité entre eux, c’est certain…), que nos médias traitent ainsi le Président peut-être le plus populaire du monde dans son pays, quand on a le moins populaire chez nous, est assez interpellant…

Plus amusant, on peut croiser dès lors avec la popularité moyenne mondiale, tous pays confondus. Le classement, change évidemment :

popularite dirigeants

La “nation indispensable” est donc en tête et les “méchants” de nos médias en queue de peloton.

Plus intéressant est le détail par pays, que je mets en conclusion – c’est une bonne mesure de l’orientation des opinions publiques.

Obama :

popularite dirigeants

Poutine :

popularite dirigeants

Chine (non testé chez lui, faut pas pousser…) :

popularite dirigeants

Merkel (amusants les pays de scores négatifs… Gros succès chez les trafiquants d’organes en revanche) :

popularite dirigeants

Hollande :

popularite dirigeants

Cameron :

popularite dirigeants

Iran :

popularite dirigeants

Le coupeur de têtes :

popularite dirigeants

Inde :

popularite dirigeants18

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Allez, pour finir en chanson : une jeune femme chante “Je veux quelqu’un comme Poutine” dans la rue en Russie (3 millions de vues sur Youtube…).

Notez que ça ne vient pas à la tête de beaucoup de personnes de chanter ça de Hollande.

Le seul intérêt de passer ça est cependant de voir la réaction du public qui passait juste dans la rue, à la toute fin :

On sent bien la dictatuuuuuuuuuure… 🙂

Témoignages sur “la bataille d’Alger” et la torture

Témoignages sur "la bataille d'Alger" et la torture

Source : INA, 30-09-1991

(désolé, je ne suis pas arrivé à enlever le démarrage automatique, si quelqu’un sait faire…)

Paul TEITGEN, responsable de la police à Alger en 1957, Jacques DUQUESNE, journaliste, Hélie DENOIX DE SAINT MARC, officier parachutiste témoignent de ce qu’a été “La bataille d’Alger” avec les pleins pouvoirs aux militaires, de la torture et des méthodes de certains militaires comme BIGEARD (les crevettes BIGEARD).

Source : INA, 30-09-1991

Élever une statue à … Paul Teitgen

Source : LDH Toulon, 11-11-2011

Dans L'art français de la guerre qui lui a valu le prix Goncourt, Alexis Jenni écrit : « Je voudrais élever une statue. Une statue de bronze par exemple car elles sont solides et on reconnaît les traits du visage. »

Et il poursuit : « Cette statue serait celle d'un petit homme sans grâce physique qui porterait un costume démodé et d'énormes lunettes qui déforment son visage ; on le montrerait tenir une feuille et un stylo, tendre le stylo pour que l'on signe la feuille comme les sondeurs dans la rue, ou les militants qui veulent remplir leur pétition. Il ne paie pas de mine, son acte est modeste, mais je voudrais élever une statue à Paul Teitgen. » (Alexis Jenni, L'art français de la guerre) [1]

"Bigeard shrimp" (crevettes Bigeard) : Paul Teitgen rappelle le nom donné aux cadavres jetés à la mer par les autorités.

Paul Teitgen (1919-1991), résistant, torturé puis déporté pendant la Seconde Guerre mondiale, membre de la Première promotion de l’ENA “France combattante” (réservée aux résistants), fut secrétaire général de la préfecture d'Alger, chargé de la police, d'août 1956 à septembre 1957.

En 1957, les parachutistes avaient tous les pouvoirs à Alger. Refusant de cautionner et de couvrir des crimes commis par des militaires français, Paul Teitgen obtint que les parachutistes signent avec lui, pour chacun des hommes qu'ils arrêtaient, une assignation à résidence, dont il gardait copie.

Un colonel venait lui faire ses comptes. Quand il avait détaillé les relâchés, les internés, les évadés, Paul Teitgen pointait la différence entre ces chiffres-là et la liste nominative qu'il consultait en même temps. « Et ceux-là ? », demandait-il en donnant des noms ; et le colonel lui répondait « Eh bien ceux-là, ils ont disparu, voilà tout ».

Pierre Vidal-Naquet avec qui il s'était lié d'amitié écrivit à son propos en 2002 : « Quand il découvrit que les supplices infligés aux Algériens rappelaient de fort près ceux que pratiquaient la Gestapo et ses complices français, il s'indigna et démissionna, demeurant cependant à Alger pour occuper une direction au gouvernement général. [2] »

Le 29 mars 1957, Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie du 9 février 1956 au 14 mai 1958, reçut de Paul Teitgen la lettre suivante, datée du 24 mars 1957 [3].

Monsieur le ministre,

Le 20 août 1956, vous m'avez fait l'honneur d'agréer ma nomination au poste de secrétaire général de la préfecture d'Alger, chargé plus spécialement de la police générale.

Depuis cette date, je me suis efforcé avec conviction, et à mon poste, de vous servir – et quelquefois de vous défendre – c'est-à-dire de servir, avec la République, l'avenir de l'Algérie française.

Depuis trois mois, avec la même conviction, et sans m'être jamais offert la liberté, vis-à-vis de qui que ce soit d'irresponsable, de faire connaître mes appréhensions ou mes indignations, je me suis efforcé dans la limite de mes fonctions, et par-delà l'action policière nouvelle menée par l'armée, de conserver – chaque fois que cela a été possible – ce que je crois être encore et malgré tout indispensable et seul efficace à long terme : le respect de la personne humaine.

J'ai aujourd'hui la ferme conviction d'avoir échoué et j'ai acquis l'intime certitude que depuis trois mois nous sommes engagés non pas dans l'illégalité – ce qui, dans le combat mené actuellement, est sans importance – mais dans l'anonymat et l'irresponsabilité qui ne peuvent conduire qu'aux crimes de guerre.

Je ne me permettrais jamais une telle affirmation si, au cours de visites récentes effectuées aux centres d'hébergement de Paul-Cazelles et de Beni-Messous, je n'avais reconnu sur certains assignés les traces profondes des sévices ou, des tortures qu'il y a quatorze ans je subissais personnellement dans les caves de la Gestapo de Nancy.

Or ces deux centres d'hébergement, installés, à sa demande, par l'autorité militaire d'Alger, sont essentiellement pourvus par elle. Les assignés qui y sont conduits ont d'abord été interrogés dans les quartiers militaires après une arrestation dont l'autorité civile, qui est celle de l'État, n'est jamais informée. C'est ensuite, et souvent après quelques semaines de détention et d'interrogatoires sans contrôle, que les individus sont dirigés par l'autorité militaire au centre de Beni-Messous et de là, sans assignation préalable et par convoi de cent cin­quante à deux cents, au centre de Paul-Cazelles.

J'ai, pour mon compte personnel et sans chercher à échapper à cette responsabilité, accepté de signer et de revêtir de mon nom jusqu'à ce jour près de deux mille arrêtés d'assignation à résidence dans ces centres, arrêtés qui ne faisaient que régulariser une situation de fait. Je ne pouvais croire, ce faisant, que je régulariserais indirectement des interrogatoires indignes dont, au préalable, certains assignés avaient été les victimes.

Si je n'ignorais pas qu'au cours de certains interrogatoires des individus étaient morts sous la torture, j'ignorais cependant qu'à la villa Sesini, par exemple, ces interrogatoires scandaleux étaient menés, au nom de mon pays et de son armée, par le soldat de 1ère classe F…, sujet allemand engagé dans le 1er R.E.P., et que celui-ci osait avouer aux détenus qu'il se vengeait ainsi de la victoire de la France en 1945.

Rien de tout cela, bien sûr, ne condamne l'armée française, non plus que la lutte impitoyable qui doit être menée par elle dans ce pays, et qui devait l'être à Alger plus spécialement contre la rébellion, l'assassinat, le terrorisme et leurs complices de tous ordres.

Mais tout cela condamne la confusion des pouvoirs et l'arbitraire qui en découle. Ce n'est plus tel ou tel responsable connu qui mène les interrogatoires, ce sont des unités militaires. Les suspects ne sont plus retenus dans les enceintes de la justice civile ou militaire, ni même dans les lieux connus de l'autorité administrative. Ils sont partout et nulle part. Dans ce système, la justice – même la plus expéditive – perd ne serait-ce que l'exemplarité de ses décisions. Par ces méthodes improvisées et incontrôlées, l'arbitraire trouve toutes les justifications. La France risque, au surplus, de perdre son âme dans l'équivoque.

Je n'ai jamais eu le cynisme et je n'ai plus la force d'admettre ce qu'il est convenu d'appeler des « bavures », surtout lorsque ces bavures ne sont que le résultat d'un système dans lequel l'anonymat est seul responsable.

C'est parce que je crois encore que dans sa lutte la France peut être violente sans être injuste ou arbitrairement homicide, c'est parce que je crois encore aux lois de la guerre et à l'honneur de l'armée française que je ne crois pas au bénéfice à attendre de la torture ou simplement de témoins humiliés dans l'ombre.

Sur quelque 257 000 déportés, nous ne sommes, plus que 11 000 vivants. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, me demander de ne pas me souvenir de ce pour quoi tant ne sont pas revenus et de ce pour quoi les survivants, dont mon père et moi-même doivent encore porter témoignage.

Vous ne pouvez pas me le demander parce que telle est votre conviction et celle du gouvernement de mon pays.

C'est bien, au demeurant, ce qui m'autorise à vous adresser personnellement cette lettre, dont il va sans dire qu'il n'est pas dans mes intentions de me servir d'une quelconque manière. Dans l'affirmation de ma conviction comme de ma tristesse, je conserve le souci de ne pas indirectement justifier les partisans de l'abandon et les lâches qui ne se complaisent que dans la découverte de nos erreurs pour se sauver eux-mêmes de la peur. J'aimerais, en revanche, être assuré que vous voudrez bien, à titre personnel, prendre en considération le témoignage d'un des fonctionnaires installés en Algérie par votre confiance et qui trahirait cette confiance, s'il ne vous disait pas ce qu'il a vu et ce que personne n'est en droit de contester, s'il n'est allé lui-même vérifier.

J'ai, en tout état de cause, monsieur le ministre, perdu la confiance dans les moyens qui me sont actuellement impartis pour occuper honnêtement le poste que vous m'aviez assigné. Je vous demande, en conséquence, de bien vouloir prier M. le ministre de l'Intérieur de m'appeler rapidement à d'autres fonctions.

Je vous demande enfin, monsieur le ministre, d'agréer cette lettre comme l'hommage le plus sincère de mon très profond et fidèle respect.

Robert Lacoste demanda à Paul Teitgen de rester à son poste et de tenir secrète sa lettre de démission. Celui-ci céda mais il devait démissionner de ses fonctions quelques mois plus tard.

Il en était alors à plus de 3 000 disparitions, estimation confirmée pour l'essentiel par le colonel (maintenant général) Paul Aussaresses dans un entretien avec Florence Beaugé, en novembre 2000.

Paul Teitgen par Marie Bellando-Mitjans

Paul Teitgen par Marie Bellando-Mitjans

Notes

[1] Source de la photo de Paul Teitgen : http://www.darrelplant.com/blog_ite….

[2] Vidal-Naquet, préface de la réédition en 2002 de La raison d'Etat (Ed. de Minuit)

[3] Source : Yves Courrière, La guerre d'Algérie. Le temps des léopards, éd. Fayard, 1969, pages 515 – 517

Source : LDH Toulon, 11-11-2011

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Paul Teitgen, secrétaire général de la préfecture d'alger, a démissionné en 1957 – il a dénoncé la torture

Source : L’Est Républicain, Isabelle Gérard, 19/03/2012

Décédé en 1991, Paul Teitgen est enterré à Colombe-lès-Vesoul, en Haute-Saône (où il est né en 1919). Photo DR Décédé en 1991, Paul Teitgen est enterré à Colombe-lès-Vesoul, en Haute-Saône (où il est né en 1919). Photo DR

Décédé en 1991, Paul Teitgen est enterré à Colombe-lès-Vesoul, en Haute-Saône (où il est né en 1919). Photo DR Décédé en 1991, Paul Teitgen est enterré à Colombe-lès-Vesoul, en Haute-Saône (où il est né en 1919). Photo DR

« LA FRANCE risque de perdre son âme ». L'avertissement émane de Paul Teitgen, secrétaire général de la préfecture d'Alger chargé de la police, et figure dans sa lettre de démission (24/03/1957) adressée à Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie. En pleine bataille d'Alger.

Dans ce courrier, Paul Teitgen, natif de Haute-Saône, dénonce l'emploi de la torture par l'Armée française. Le résistant de la Seconde Guerre mondiale, déporté à Dachau, étaie : « Je ne me permettrais jamais une telle affirmation si je n'avais reconnu sur certains assignés les traces profondes des sévices qu'il y a 14 ans je subissais personnellement dans les caves de la Gestapo à Nancy ». Et Paul Teitgen de pointer cette « confusion des pouvoirs [entre le civil et le militaire] et l'arbitraire qui en découle ». Depuis janvier 1957, le général Massu s'est vu gratifier de pouvoirs renforcés pour démanteler le FLN (Front national de Libération). Récupérant ceux de la police à Alger.

La démission de Paul Teitgen (lorrain par son père et franc-comtois par sa mère) est rejetée. Il reste secrétaire général quelques mois encore. Les exactions se poursuivent. En septembre 1957, il refuse de cautionner plus longtemps ces pratiques et quitte son poste.

Il demeure cependant en Algérie et devient adjoint au directeur de l'action sociale. Emmanuelle Jourdan (sa petite-fille), professeure d'Histoire à l'Université de Lille, interroge : « Il avait conscience que la torture était érigée en système en 1957. Mais se rendait-il compte du degré de déliquescence du pouvoir civil de la 4e République et de sa complicité avec le pouvoir militaire ? ». Une semaine avant le putsch du 13 mai 1958, il gagne Paris pour alerter le gouvernement de la prise du pouvoir par l'Armée.

De retour sur le sol algérien, « il est menacé, se cache » et finit par être expulsé par les parachutistes le 19 mai 1958. Emmanuelle Jourdan estime : « Il était devenu un témoin gênant ».

Pendant son passage à la préfecture d'Alger, il « a joué son rôle de garde-fou, de rempart civil, et a contribué à établir la vérité sur l'ampleur des disparitions », insiste l'historienne. Il impose aux militaires l'assignation à résidence. Quand l'armée voulait interroger un suspect, elle devait demander à Paul Teitgen de parapher une assignation. Sa petite-fille décrypte : « Cela lui permettait d'être informé des arrestations. Il s'est aperçu que parmi les gens qu'il assignait certains disparaissaient ». A partir de là, l'ancien avocat de Lunéville, diplômé de la première promotion de l'ENA, tient les comptes. « Il faisait même des assignations antidatées quand une famille signalait une disparition suite à une arrestation par les militaires, dont il n'avait pas trace ». En quelques mois, Paul Teitgen recense plus de 3000 disparus. « C'était le moyen à ses yeux d'investir l'Armée de ses responsabilités et de lui imputer la disparition de ces personnes », avance l'enseignante.

A son retour en France, Paul Teitgen est expédié au Brésil pour six mois, « pour l'éloigner ». Sa fille Elisabeth Teitgen témoigne : « Il restera deux ans sans traitement, avec cinq enfants à charge ». Avant finalement d'intégrer en 1960 le conseil d'Etat, « son rêve ». « Là, il était tenu au devoir de réserve », lâche Emmanuelle Jourdan. Cela ne l'empêchera pas d'apporter son témoignage à charge dans des procès comme l'affaire Audin et Jeanson.

Isabelle GÉRARD

Source : L’Est Républicain, Isabelle Gérard, 19/03/2012

 

Pour cela, il n’hésite pas à défendre l’usage de la torture par l’armée française et la police, en déclarant par exemple le 7 juillet 1957 à Alger devant des anciens combattants :
sont responsables de la résurgence du terrorisme, qui a fait à Alger, ces jours derniers, vingt morts et cinquante blessés, les exhibitionnistes du cœur et de l’intelligence qui montèrent la campagne contre les tortures. Je les voue à votre mépris.4
(lien source https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Lacoste)

Biographie de Paul TEITGEN

teitgen

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André Gazut – Histoire

Source : Youtube

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André Gazut : Apprendre à dire non !

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[GEAB] L’émergence du monde multipolaire impose un changement de méthode

[GEAB] L'émergence du monde multipolaire impose un changement de méthode

Je vous propose une vision un peu décalée, pour ne pas s’endormir les méninges

Source : Global Europe Anticipation Bulletin Mai 2016, par Laboratoire Européeen d’Anticipation Politique, Mai 2016.

Depuis le lancement du GEAB en 2006, notre équipe place au cœur de la crise systémique globale l'émergence du monde multipolaire. Les effets du processus de relativisation de la puissance américaine ont constitué les premiers signes visibles d'une vaste reconfiguration globale. Dès 2009, avec la constitution du club des BRIC(S)[1], les nouveaux acteurs ont commencé à s'imposer de manière organisée sur la scène internationale, commençant en effet à donner corps à cette notion de monde multipolaire[2].

Cela dit, la stratégie des puissances émergentes a d'abord consisté à faire cause commune pour créer un front de réforme des institutions internationales existantes, via en particulier le G20[3]. Dans un premier temps, les nouvelles puissances ont donc surtout souhaité être reconnues et intégrées par/dans l'édifice international construit par l'Occident au XXe siècle.

Certains changements ont bel et bien résulté de ce travail de « lobbying » mais la relative perte de contrôle par les Occidentaux de leurs outils de pouvoir les a conduits à agir de manière croissante à l'extérieur des instances qu'ils avaient créées. C'est ainsi par exemple que les États-Unis sont sortis de plus en plus souvent du cadre de l'ONU[4] et même de celui de l'OTAN[5] pour mener leurs campagnes militaires. C'est ainsi également que les Occidentaux se sont éloignés de l'OMC[6]…

Mais ce retrait partiel des Occidentaux du système international n'a pas pour autant permis aux instances de la gouvernance internationale du XXe siècle une véritable prise en compte de la nouvelle diversité d'intérêts représentés. L'ADN puissamment occidental de ces institutions reste à l'œuvre. Et les nouvelles puissances voient surtout dans leur participation à ces instances un moyen de limiter les risques de polarisation entre eux et l'Occident.

En réalité, tout comme les Occidentaux, ils agissent sur la scène internationale via un large spectre de nouveaux instruments de gouvernance : BRICS, NDB[7], AIIB[8], OBOR[9], etc., comme nous l'avons vu maintes fois.

Approfondir le concept de multipolarité

Ce constat oblige à réfléchir plus attentivement au concept de monde multipolaire. En effet les nouveaux pôles mondiaux ne sont pas simplement de nouveaux membres importants du club international. Et la méthode consistant à intégrer des pays comme la Russie, l'Inde ou la Chine à un système de règles préétablies par les Occidentaux n'a aucune chance de parvenir à circonscrire le rôle et l'action de ces pays. Un monde multipolaire se compose d'acteurs éminemment différenciés : langues, cultures, systèmes de valeurs, intérêts stratégiques, modèles économiques, etc. Ce qui met d'accord ces acteurs, c'est la recherche de paix et de prospérité. Mais cette quête ne peut se faire sous une tutelle réglementaire préexistante, à l'élaboration de laquelle ces acteurs n'ont pas pris part.

De plus en plus visiblement, la méthode dite internationale émane en fait d'un club occidental invitant le reste du monde à se ranger sous son drapeau de valeurs et de principes pour que la paix règne. On voit à cet énoncé combien la méthode est sur le fond inacceptable pour des acteurs dont la puissance est au moins équivalente à celle des « maîtres » de ce jeu-là.

Pour une gouvernance mondiale garante de paix, en lieu en place d'une méthode « internationale », il est temps de penser une méthode « multipolaire » fondée sur une pluralité d'acteurs dominants : États-Unis, Europe, Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du Sud… Contrairement à la méthode internationale, la méthode multipolaire accepte les différences et les incompatibilités en se focalisant sur les objectifs communs de coexistence pacifique dans un monde globalisé. La méthode multipolaire n'enferme pas ses composantes dans un club aux règles strictes ; elle met autour de la même table des acteurs indépendants pour les faire échanger sur leurs contraintes respectives, les risques de chevauchement et leur nécessaire mise en compatibilité, projet par projet, thème par thème. Elle se fonde sur la reconnaissance de la légitimité de tous les agendas, tout en imposant la nécessité de trouver les moyens pour une articulation la plus harmonieuse possible.

Un précédent : le projet européen des années '50

Cette méthode est en réalité très proche de celle inaugurée par l'Europe de la CECA[10] puis des Communautés européennes à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale dans la gestion de son continent. C'est la méthode dite « communautaire », à l'équilibre entre fédéralisme et inter-étatisme, abandonnée en 1992 avec le traité de Maastricht qui est passé à la méthode « unioniste », beaucoup plus nivelante. Par conséquent, si l'UE a dans son histoire des caractéristiques fortes lui permettant de contribuer utilement à la mise en place de la méthode multipolaire au niveau mondial, ses errements plus récents lui font prendre du retard dans cette contribution. Mais indéniablement, la construction européenne enclenchée dans les années 50 pour mettre fin aux guerres européennes consistait bel à bien à gérer le caractère multipolaire d'un continent européen qui n'accepterait plus jamais de se soumettre aux lois de l'une ou de l'autre de ses nations.

Le bateau amiral des années 2010 : les BRICS

Les BRICS sont l'avatar le plus évident de cette méthode. Si les Occidentaux n'ont cessé de voir dans leur disparité un signe de leur non-pérennité, c'est que c'était à l'aune de la méthode internationale que la pérennité des BRICS était jugée. En réalité, les BRICS jouent sur les complémentarités et non sur les similarités. Une fois de plus on constate la communauté d'objectifs bien sûr comme ciment d'une alliance de circonstance sans vocation de pérennité. Les BRICS se sont agrégés en 2009-10 sur un objectif de réforme de la gouvernance mondiale allant dans le sens de la multipolarité. Ils se dissoudront dans l'avènement de cette gouvernance. Cette méthode présente l'avantage de ne pas laisser traîner sur la scène internationale de lourdes et onéreuses institutions devenues parfaitement inutiles…

Le multipolaire à l'œuvre dans la réorganisation des pays producteurs de pétrole

Plus récemment encore, nous avons vu se mettre en place un nouveau rapprochement multipolaire : celui des pays qui se sont retrouvés autour de la table de la réunion des pays producteurs de pétrole à Doha le mois dernier. Nous en avons parlé dans le dernier numéro : Russes, Saoudiens et Iraniens en particulier, prennent l'initiative de se réunir en dehors d'une OPEP de fait non inclusive et moribonde (peut-être dans le but à terme de la ressusciter d'ailleurs) pour acter de leurs divergences et trouver les terrains d'entente, a minima. Du point de vue de la pensée internationaliste, la réunion a été un échec parce que les participants ne se sont pas mis d'accord pour les siècles des siècles sur les taux de production. En réalité, la tenue même d'une telle réunion est un succès magistral ; la preuve en est la remontée des cours du pétrole, alors même que l'Iran augmente à toute vitesse sa production[11].

Un Moyen-Orient multi-tout

La méthode multipolaire est également à l'œuvre, comme nous l'avions d'ailleurs anticipé il y a trois ans[12], dans la réorganisation désormais en cours du Moyen-Orient. Les grands pôles de la région que sont la Turquie, l'Iran, l'Arabie saoudite et Israël, dont nous avions remarqué à l'époque que leur coexistence créait les conditions de résurrection d'un Moyen-Orient multi-confessionnel et multi-ethnique en phase avec la nature multi-millénaire de la région, suivent actuellement un double processus apparemment paradoxal de différentiation (ils affirment de plus en plus leurs spécificités) et de rapprochement (ils expriment de plus en plus clairement leur besoin de travailler ensemble) :

  • la Turquie, par l'éviction symbolique de Davutoglu[13], tourne résolument le dos à l'intégration européenne après avoir marqué également son éloignement de la Russie[14]. On pourrait croire qu'elle est désormais dans un processus de mise sous tutelle saoudienne. Il n'en est rien : la Turquie est proche de l'Arabie saoudite sur la question syrienne[15] ; mais elle est proche de l'Iran sur la question de Kurdistan[16] ; elle est proche d'Israël sur les questions énergétiques[17]. Ayant par ailleurs prouvé qu'elle était irréductible (elle est notamment un géant économique et militaire du Moyen-Orient), tout le monde doit compter avec elle. Le président Erdogan joue donc actuellement une carte de réorganisation de la région fondée sur une logique multipolaire et en interaction croissante avec tous les autres grands acteurs reconnus en tant que tels ;
  • l'Arabie saoudite fait son « coming out » et rentre officiellement sur la scène régionale et internationale, via notamment son projet d'économie post-pétrole à l'horizon 2030[18] qui met sur la table sa stratégie. Une stratégie qui peut faire froid dans le dos par certains aspects mais qui a le mérite d'être présentée aux yeux de tous et de pouvoir donc être prise en compte et articulée aux autres stratégies (nous reviendrons sur ce sujet plus loin dans ce numéro) ;
  • l'Iran est maintenant un acteur incontournable et central au Moyen-Orient, imposant également des stratégies de développement dont on est bien en mal de lui refuser la légitimité ;et Israël, face à ces axes de restructuration, n'a plus d'autre choix que de prendre en compte son nouvel environnement régional, qui n'a plus rien de confins d'empire (comme dans les années 70-80) ni du chaos des années 90-2000. Son rapprochement stratégique du grand allié régional des États-Unis, l'Arabie saoudite, ces dernières années, et l'ouverture de cet allié stratégique à l'ensemble de la région, est sur le point de contribuer à l'intégration de l'État juif dans un Moyen-Orient multiconfessionnel (chiites, sunnites, juifs, chrétiens…)[19].

À l'œuvre dans l'accélération de ces tendances restructurantes de la région, on trouve l'État Islamique dont nous avions anticipé qu'il constituait le nouvel ennemi commun régional (en lieu et place d'Israël) qui allait mettre tout le monde d'accord. Mais indéniablement, le catalyseur de transition aura été l'intervention russe en Syrie.

Nous avons listé quelques exemples de gestion des relations internationales sur la base de la méthode multipolaire dont le Moyen-Orient est actuellement l'exemple le plus frappant. Ailleurs, la méthode peine à s'imposer.

Expansionnisme européen : fin de non-recevoir

L'intégration européenne, qui s'est transformée en processus expansionniste suite à la chute du Mur, incapable de gérer son voisinage autrement qu'en tentant de l'intégrer, fournit aujourd'hui un bel exemple du modèle internationaliste et des limites qu'il a atteint. Ukraine, Turquie, Russie… n'avaient d'avenir que dans l'UE, un avenir de communion extatique autour des valeurs européennes du point de vue des institutions européennes, vecteur de mise à niveau économique du point de vue des candidats. Idéologies, agendas cachés, mensonges et manipulations tous azimuts se sont engouffrés dans la folle conquête européenne des années 90 et 2000. Aujourd'hui, l'intégration/expansion européenne se retrouve à l'arrêt alors que rien n'est fini, en particulier l'intégration politique du continent. Et il ne reste à l'Europe que l'indignation de voir les anciens candidats à son paradis demander une reconnaissance de leur droit à ne pas vouloir faire partie de son club :

  • la Russie bien sûr, à laquelle l'Europe refuse officiellement[20] de parler, drapée dans son indignation face à une Russie fondant sa politique étrangère sur la légitimité de ses intérêts nationaux ; une intransigeance qui, comme nous l'avons déjà mentionné, fait courir de grands risques de fracturation dans le zones tampons telles que les Balkans et l'Europe de l'Est. Non, la Russie ne souhaite pas être intégrée à une pan-Europe louchant sur ses richesses. Pour autant, doit-on cesser de lui parler alors que l'organisation de la zone des Balkans constitue un thème vital de dialogue euro-russe ?
  • et maintenant la Turquie, sur le point d'être jugée non fréquentable depuis qu'elle a entrepris de nier la légitimité des demandes européennes, comme exemple cette demande de modification des lois anti-terroristes turques en échange de la libéralisation des visas[21]… une demande qui est en réalité une pure ingérence du point de vue d'un pays qui a moins besoin de l'UE que l'UE a besoin d'elle (en particulier dans l'affaire des migrants). Non, la Turquie ne sera pas la dernière roue du carrosse européen alors qu'elle est la première puissance économique du Moyen-Orient. Mais va-t-on la bouder pour autant, au risque de renforcer la thèse du choc des civilisations entre islam et Occident si chère à Huntington et autres idéologues armagedonnistes[22] ?
  • et les États-Unis bientôt, eux-mêmes dans un processus de différentiation du « camp occidental », révélé par les succès de campagne d'un Donald Trump, anti-thèse de toutes les valeurs prônées par l'Occident. L'affaire des visas américains donne une indication de la dégradation des relations UE-US[23].

S'il est évidemment souhaitable que l'Europe finalise l'indépendance stratégique et politique de son continent, l'isolement est l'écueil qu'il va lui falloir désormais éviter. Et pour cela, il va lui falloir reconnaître la légitimité des choix politiques et stratégiques des grands acteurs de la planète et composer avec, en mettant un mouchoir sur sa vocation de juge, ce qui ne signifie pas se départir de sa vocation en matière de valeurs universelles. Mais des valeurs qui ne sont plus reconnues par tous ne sont de facto plus des valeurs universelles. Si l'Europe reconnaît cette réalité sans s'en offusquer, elle sera alors en mesure de mettre en route un grand chantier consistant à repenser un jeu, a minima, de principes universels indépassables dans lequel tout le monde se retrouve… pour quelque temps en tous cas…

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[1]     Lancement des BRIC en juin 2009 à Ekaterinbourg. Source : BRICS2015.ru
[2]     Le titre de ce livre résume bien le projet des BRICS : « 
The BRICS and coexistence, an alternative vision of global order », Cédric de Coning, Routledge 2014
[3]     Comme on le voit par exemple ici : « BRICS can give shape to G20 : Modi ». Source :
The Hindu, 15/11/2015
[4]     Avec le cas de la guerre en Irak de 2003 bien sûr, une terrible erreur d'après Hans Blix. Source :
CNN, 19/03/2013
[5]     Un chaos rendu visible par l'intervention en Libye. Source :
Deutsche Welle, 23/03/2011
[6]     Notamment lorsqu'ils ont laissé tomber le cycle de Doha. Source :
Delta Farm Press, 24/07/2006
[7]     Ou banque de développement des BRICS. Source :
Hindustan Times, 17/04/2016
[8]     Ou banque asiatique de développement, destinée à financer le projet de Route de la Soie. Source :
Financial Times, 29/06/2015
[9]     One Belt, One Road, soit le projet de Route de la Soie de la Chine. Source :
Xinhua Finance Agency

[10]    CECA inaugurée lors du Traité de Paris en 1951. Source :
Toute l'Europe, 26/08/2008
[11]    L'Iran juge d'ailleurs cette réunion une étape importante. Source :
CNBC, 23/04/2016
[12]    Article « Moyen-Orient : Une lumière apparaîtrait-elle enfin au bout du tunnel ? », GEAB N°92. Source :
GEAB, 15 février 2013
[13]    Le premier Ministre Ahmet Davutoglu, face pro-européenne du gouvernement turc, a donné sa démission. Source :
LSE, 10/05/2016
[14]    Lorsque la Turquie a abattu l'avion russe. Source :
CNN, 25/11/2015
[15]    La Turquie accueille le roi Salman le 11 avril. Source :
Hürriyet, 12/04/2016
[16]    Erdogan rencontre Rohani le 16 avril. Source :
Hürriyet, 16/04/2016
[17]    Le gaz et la Syrie rapprochent la Turquie d'Israël. Source :
Times of Israel, 17/02/2016
[18]    Saudi Vision 2030. Source :
Arab News

[19]   Très intéressant article sur les enjeux de la transformation de l'environnement géopolitique d'Israël. Source :
Value Walk, 12/05/2016
[20]   Les sanctions officielles sont en fait de plus en plus critiquées par les instances démocratiques telles que l'Assemblée Nationale française qui a voté pour la levée des sanctions contre la Russie le 28 avril dernier. Source :
Le Monde, 28/04/2016
[21]    Source :
The Guardian, 06/05/2016
[22]    Source :
Wikipedia
[23]    Où le Parlement européen demande la réintroduction temporaire de visas pour les Américains et les Canadiens venant en Europe, en représailles des demandes de visas imposées par les États-Unis et le Canada à certaines nationalités de l'UE. Source :
Politico, 20/04/2016

La mer, avenir de l'homme

La mer, avenir de l'homme

Les larmes de nos souverains ont le goût salé des océans qu'ils ont ignoré (formule attribuée à Richelieu).
Victime d'un tropisme des esprits ou, pire, d'une simple ignorance des atouts maritimes, la mer est depuis trop longtemps la grande oubliée du débat public. Pourtant, tous les experts le savent, l'avenir de l'humanité passera inexorablement par elle.
Jusqu'ici, l'homme n'a exploré que 5 % des fonds marins et moins de 1 % (!) de sa faune et de sa flore nous sont connue. Avec l'espace, la mer reste (...)

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