samedi 14 mai 2016

Loi travail, Macron : les calculs de l’artificier de Tulle

Loi travail, Macron : les calculs de l'artificier de Tulle




Une chorégraphie osée de la synthèse ?

Bien sûr, le pari semble assez fou, et il peut sembler très aventureux que François Hollande maîtrise tout ce qui se passe depuis quelques mois. Les soubresauts du projet de déchéance de la nationalité, puis de la loi travail, ainsi que tout ce qui se passe autour d'Emmanuel Macron, donnent l'impression d'un capitaine de pédalo perdu au milieu d'une mer déchainée, et condamné à l'échec. Mais, pour dépasser l'analyse du Figaro, on peut se demander si Hollande est cerné et aux abois, ou alors, au centre de sa majorité, avec des frondeurs chargés de contenir Mélenchon, et un Macron en charge de pécher au centre et à droite ? Les rebelles et son ministre de l'économie sont-ils des cailloux dans sa chaussure qui vont le faire trébucher en 2017 ou, au contraire, des soldats qui défendent ses deux flans ?

En effet, il est tout de même frappant de constater que la motion de censure fatale, portée par la gauche, n'a échoué qu'à deux voix près, ce qui amène à se demander s'il ne s'agissait pas d'un énième coup de bluff, d'autant plus que l'on peut questionner plus généralement la sincérité de cette aile gauche qui ne se pose jamais la question du départ malgré la droitisation continue du PS. Ne se sert-elle pas par ses postures tout en servant également un président qui pourrait ratisser plus large ? Et la trajectoire de Macron peut aussi faire penser qu'il sert le président en poussant la droite plus à droite et en cherchant à faire venir au PS une frange des électeurs du centre et de la droite. On en vient à se demander si tout ceci n'est pas un dispositif machiavélique pour permettre à Hollande d'accéder au second tour.

Bien sûr, aujourd'hui, étant donnés les sondages, ces paris peuvent sembler perdants. Cependant, ne sous-estimons pas trop cet occupant de l'Elysée presque toujours surestimé. Bien sûr, tout ceci est loin d'être gagné, mais subit-il vraiment ce qui se passe ou l'orchestre-t-il ?

Pour Martine Aubry, recourir au 49.3 est « inacceptable »

Pour Martine Aubry, recourir au 49.3 est « inacceptable »

Après l'échec de la motion de censure contre le gouvernement Valls, la loi Travail adoptée en première lecture

Martine Aubry. Crédits photo : FRANCOIS LO PRESTI/AFP 

La maire de Lille a critiqué dans un courrier adressé aux militants PS le recours au 49.3 par le gouvernement. Il prive, selon elle, les Français du «nécessaire débat démocratique».

Martine Aubry enfonce le clou contre l'usage du 49.3. Dans un courrier adressé vendredi aux militants PS de la fédération du Nord, la maire de Lille a jugé que le choix du gouvernement d'utiliser la procédure du 49.3 pour faire adopter le projet de loi Travail en première lecture n'était «pas acceptable».

Pour l'ex-ministre du Travail, il était possible de parvenir à un «accord collectif pendant le débat à l'Assemblée» nationale. «C'est pour ce faire que plusieurs parlementaires ont fait des propositions d'amendements, pour permettre de rétablir la hiérarchie des normes, comme le prévoyait explicitement la motion majoritaire au dernier congrès» du Parti socialiste, souligne-t-elle dans son courrier.

« Privé du débat démocratique »

«Ces propositions, ils les ont faites jusqu'au dernier moment. Il était donc possible de trouver une majorité parlementaire de gauche. Le choix d'utiliser l'article 49.3 n'est pas, dans ce contexte, acceptable. Il prive le Parlement du nécessaire débat démocratique auquel les Français avaient droit», écrit la maire de Lille.

Celle-ci justifie aussi la décision de ses troupes, dont Jean-Marc Germain et François Lamy qui lui sont proches, de ne pas signer la motion de censure de gauche déposée par les communistes ainsi que certains écologistes et des frondeurs. «Elle n'aurait pas empêché l'adoption de la loi, chacun le sait. En revanche, elle aurait renforcé la droite et, surtout, elle aurait sans doute provoqué une scission de notre parti», plaide-t-elle, alors que les frondeurs n'ont pas manqué de railler le manque de courage des Aubrystes.

Seule solution pour Martine Aubry : «rester dans notre parti, y travailler et débattre pour faire renaître l'espoir à gauche». «Nous sommes nombreux à la souhaiter. Il faut s'y atteler. Ce combat est aussi le vôtre», conclut-elle.

 

Source(s) : Le Figaro.fr avec afp

Informations complémentaires :

 

 

 

 

Barack Obama : En tant qu’ami, laissez-moi vous dire que l’Union européenne rend la Grande-Bretagne encore plus grande

Barack Obama : En tant qu'ami, laissez-moi vous dire que l'Union européenne rend la Grande-Bretagne encore plus grande

Source : The Telegraph, le 21/04/2016

BARACK OBAMA

PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS

Le 23 avril 2016

En 1939, le président Franklin D. Roosevelt a porté un toast au roi George VI à la Maison-Blanche. “Je suis convaincu que la plus grande contribution de nos deux pays à la civilisation et au bien-être des peuples à travers le monde,” a-t-il dit “est le modèle que nous avons mis en place conjointement par notre manière de conduire les relations entre nos deux nations.”

Près de 80 ans plus tard, le Royaume-Uni reste un ami et un allié des États-Unis comme aucun autre. Notre relation particulière a été forgée par le sang versé ensemble sur les champs de bataille. Elle a été consolidée pendant la construction et le renforcement d’une structure pour faire progresser la prospérité et la stabilité en Europe, ainsi que notre vision démocratique autour du globe. Ceux qui, des cendres de la guerre, sont venus vers nous, ont eu la clairvoyance de créer des institutions et des mesures internationales afin d’assurer une paix durable : Nations Unies, OTAN, Bretton Woods, plan Marshall, Union européenne. Leurs efforts assurent une base à la démocratie, au libre marché, à l’État de droit, en offrant à l’Europe plus de 70 ans de relative paix et prospérité.

Aujourd’hui, nous faisons face à des épreuves – telles que terrorisme et agression, migrations et turbulences économiques. Ces défis, nous ne pouvons les relever que si les États-Unis et la Grande-Bretagne peuvent compter l’un sur l’autre, sur notre relation particulière, et sur les partenariats qui nous permettent de progresser.

Pendant ma visite à Londres, le Premier ministre Cameron et moi-même allons traiter toute la gamme de ces défis. Nous devons être résolus et adapter nos efforts à la prévention des attaques terroristes contre nos peuples, et continuer à avancer pour faire reculer la menace posée par l’État Islamique jusqu’à sa destruction. Nous devons travailler à résoudre les conflits politiques au Moyen-Orient – au Yémen, en Syrie et en Libye – pour ouvrir la perspective d’une plus grande stabilité. Nous devons continuer à nous investir dans l’Otan – pour être en mesure de répondre à nos engagements de l’Afghanistan à la mer Egée, et rassurer nos alliés qui ont raison d’être inquiets de l’agression russe. Et nous devons continuer à promouvoir une croissance globale, pour que nos jeunes puissent parvenir à plus d’opportunités et de prospérité.

Je me rends compte qu’il y a eu une quantité d’hypothèses – et un peu de polémiques – au sujet de l’opportunité de ma visite. Et je le confesse : je désire vraiment souhaiter en personne un bon anniversaire à la reine.

Mais je sais aussi que la campagne en cours est très animée. Mon pays traverse aussi la même chose. Et finalement, la question de savoir si le Royaume-Uni reste dans l’Europe est une question que les citoyens britanniques doivent décider par eux-mêmes.

Ceci dit, quand le président Roosevelt a porté un toast à notre relation particulière cette nuit-là, il a aussi fait la remarque que nous étions des amis sans crainte les uns envers les autres. Je dirai donc, avec la franchise d’un ami, que votre décision est d’un grand intérêt pour les États-Unis. Les dizaines de milliers d’Américains qui reposent dans les cimetières européens sont un témoignage silencieux de la manière dont notre prospérité et notre sécurité sont véritablement entremêlées. Et le chemin que vous déciderez de prendre fera écho chez la génération actuelle d’Américains aussi.

Tandis que les citoyens du Royaume-Uni se penchent sur leur relation avec l’Union européenne, vous devriez être fiers que l’Union européenne ait aidé à la diffusion des valeurs et des pratiques de la Grande-Bretagne – la démocratie, l’État de droit, l’ouverture des marchés – à travers le continent et à sa périphérie. L’Union européenne ne modère pas l’influence britannique – elle l’amplifie. Une Europe forte n’est pas une menace pour le leadership mondial britannique ; elle l’améliore. Les États-Unis voient comment votre voix puissante en Europe assure à l’Europe sa position forte dans le monde et maintient son ouverture vers l’extérieur et étroitement liée à ses alliés de l’autre côté de l’Atlantique. Donc les États-Unis et le monde ont besoin de votre énorme influence pour poursuivre leur marche – y compris en Europe.

Dans ce monde compliqué et connecté, les défis auxquels fait face l’Union européenne – migration, inégalité économique, menaces de terrorisme et changement climatique – sont les mêmes auxquels font face les États-Unis et d’autres nations. Et dans le monde d’aujourd’hui, au moment où nous chérissons tous notre souveraineté, les nations qui exercent leur influence le plus efficacement sont celles qui le font par l’action collective qu’exigent les défis d’aujourd’hui.

Quand nous avons négocié l’accord historique pour empêcher de manière vérifiable l’Iran d’élaborer l’arme nucléaire, c’était une action collective, un travail collectif, avec les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU et de l’Allemagne, qui a été mené à bien. Et le siège de l’Union européenne à la table des négociations a amplifié la voix du Royaume-Uni.

Quand l’accord climatique à Paris a eu besoin d’une impulsion, c’est l’Union européenne, épaulée par le Royaume-Uni, qui a en fin de compte aidé à rendre cet accord possible.

Lorsqu’il s’agit de créer des emplois, une croissance commerciale et économique conforme à nos valeurs, le Royaume-Uni bénéficie de son adhésion à l’Union européenne – à l’intérieur d’un marché unique qui fournit d’énormes opportunités aux Britanniques. Et le Partenariat Transatlantique Commercial et d’Investissement avec l’Union européenne fera avancer nos valeurs et nos intérêts, et établira les normes élevées pour les travailleurs dans les échanges et le commerce de l’économie du XXIe siècle.

Cette forme de coopération – du partage du renseignement et du contre-terrorisme à la construction d’accords pour la création d’emplois et la croissance économique – sera plus efficace si elle s’étend à travers l’Europe. C’est le moment à présent pour les amis et alliés de se serrer les coudes.

Ensemble, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont fait prendre le virage des siècles de guerre en Europe vers les décennies de paix, et ont marché d’un même pas pour rendre ce monde plus sûr et meilleur. Quel héritage remarquable ! Et quel héritage remarquable nous laisserons aussi lorsque, ensemble, nous relèverons les défis de ce jeune siècle.

Référendum sur l’Union européenne : soixante années de relations tendues

 

LA GRANDE-BRETAGNE A UNE RELATION ORAGEUSE AVEC L'EUROPE DEPUIS PLUS D'UN DEMI-SIÈCLE. ALAMY

LA GRANDE-BRETAGNE A UNE RELATION ORAGEUSE AVEC L’EUROPE DEPUIS PLUS D’UN DEMI-SIÈCLE. ALAMY

De la résistance à sa participation et des querelles sur sa contribution jusqu’aux différends sur la politique monétaire et ses menaces de départ, la Grande-Bretagne a eu un parcours difficile dans l’Union européenne

1957

Signature du Traité de Rome

La France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, les six membres fondateurs de la Communauté Économique Européenne, signent le Traité de Rome, mais la Grande-Bretagne se retire des premiers pourparlers.

1963

Veto français sur l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun

LE PRÉSIDENT FRANÇAIS CHARLES de GAULLE A MIS SON VETO À L'ENTRÉE BRITANNIQUE EN 1963

LE PRÉSIDENT FRANÇAIS CHARLES de GAULLE A MIS SON VETO À L’ENTRÉE BRITANNIQUE EN 1963

Avec son économie anémique, la Grande-Bretagne fait sa première tentative pour rejoindre le Marché commun, mais le président français Charles de Gaulle met son veto, accusant la Grande-Bretagne « d’une hostilité profonde » envers l’initiative européenne.

1973

La Grande-Bretagne rejoint la CEE

De Gaulle ayant quitté le gouvernement, la Grande-Bretagne est enfin autorisée à entrer dans la Communauté Économique Européenne, mais en moins d’une année appelle à une réforme majeure de la Politique agricole commune, tout comme au changement des méthodes de financement du budget.

1975

Référendum sur la CEE

HAROLD WILSON A TENU UN RÉFÉRENDUM À PROPOS DE L'ADHÉSION

HAROLD WILSON A TENU UN RÉFÉRENDUM À PROPOS DE L’ADHÉSION

Le gouvernement travailliste de Harold Wilson tient un référendum sur l’adhésion à la CEE, qui divise le parti, mais dont le résultat est que deux tiers des électeurs britanniques veulent y rester.

1983

Michael Foot est battu

Le dirigeant travailliste Michael Foot promet le retrait de la CEE dans son programme électoral, mais son parti est largement battu par les conservateurs de Margaret Thatcher.

1984

Thatcher obtient un rabais de Bruxelles

BAGARRE SUR LA CONTRIBUTION : THATCHER OBTIENT UN RABAIS SUR LES CONTRIBUTIONS

BAGARRE SUR LA CONTRIBUTION : THATCHER OBTIENT UN RABAIS SUR LES CONTRIBUTIONS

Une victoire significative pour Mme Thatcher qui arrache un “rabais” par Bruxelles, après avoir menacé d’interrompre toute contribution parce que la Grande-Bretagne bénéficiait de bien moins de subventions agricoles que d’autres membres, particulièrement la France.

1990

Le Royaume-Uni rejoint le Mécanisme de taux de change

Le Royaume-Uni rejoint le Mécanisme de taux de change, 11 ans après son application pour harmoniser les systèmes financiers avant la création de la monnaie unique.

1992

Mercredi noir

Lors de ce qui est connu comme le Mercredi noir, la Grande-Bretagne est forcée de se retirer du mécanisme de taux de change européen, après avoir échoué à endiguer la spéculation acharnée sur les devises.

1997

Monnaie unique européenne

La Grande-Bretagne a déclaré qu’elle ne rejoindrait pas la monnaie unique pour la durée de cette législature, après son échec aux cinq tests de Gordon Brown.

1999

Le conflit sur le bœuf anglais

LA RÉACTION DE LA FRANCE À LA « VACHE FOLLE » ANGLAISE FAIT ECLATER DES RAPPORTS TENDUS DEPUIS LONGTEMPS

LA RÉACTION DE LA FRANCE À LA « VACHE FOLLE » ANGLAISE FAIT ECLATER DES RAPPORTS TENDUS DEPUIS LONGTEMPS

La tension monte à propos du boycott par la France du bœuf anglais pendant l’éruption de la maladie de « la vache folle ». Bruxelles pose un ultimatum à la France, mais le boycott ne sera pas levé avant plusieurs années.

2007

Le Traité de Lisbonne

Gordon Brown manque la cérémonie télévisée des dirigeants signant le Traité de Lisbonne, ce qui donne de plus grands pouvoirs à Bruxelles. Les pourparlers sur ce traité controversé ont pris deux ans, après l’abandon des projets de constitution officielle.

2011

Affrontement sur la taxation des banques

David Cameron se heurte à l’Europe sur des projets d’imposition des banques et de restrictions du secteur financier de Londres. Le Premier ministre promet de rapatrier des pouvoirs de Bruxelles.

2013

Cameron s’engage à un référendum

David Cameron promet un référendum « maintien ou sortie » de l’Europe, s’il gagne les élections législatives de 2015, ce qu’il a fait, et réaffirme son engagement d’un référendum avant la fin de 2017.

Février 2016

L’accord de référendum sur l’Union européenne

DAVID CAMERON A NÉGOCIÉ UN NOUVEL ACCORD POUR LE ROYAUME-UNI ET LAISSERA MAINTENANT LA PAROLE AUX CITOYENS

DAVID CAMERON A NÉGOCIÉ UN NOUVEL ACCORD POUR LE ROYAUME-UNI ET LAISSERA MAINTENANT LA PAROLE AUX CITOYENS

Source : The Telegraph, le 21/04/2016

Obama, le Brexit et l’Union européenne, par Jacques Sapir

Obama, le Brexit et l'Union européenne, par Jacques Sapir

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 25-04-2016

 Le vendredi 22 avril, parlant à Londres, le Président des Etats-Unis, M. Barack Obama, a lancé un vibrant appel aux électeurs du Royaume-Uni pour qu'ils rejettent la sortie de l'Union européenne, ce que l'on appelle le « Brexit », au référendum qui doit se tenir au mois de juin. Il a assorti son appel de menaces à peine voilées au cas où les électeurs britanniques choisiraient l'option de la sortie.

Cette intervention est étonnante, mais elle est aussi extrêmement révélatrice. On ne peut en effet être qu'étonné du fait qu'un Président des Etats-Unis vole ainsi au secours des institutions européennes. Notons, en passant, que cela dément à l'évidence toutes les fariboles et les niaiseries que l'on a pu entendre sur le fait que la constitution de l'UE permettrait de faire naître un rival global aux Etats-Unis. Mais, cette intervention est aussi très révélatrice. Elle montre de manière spectaculaire que les Etats-Unis ont un intérêt évident et majeur dans l'existence de l'UE, et ce pour une bonne raison : l'UE est leur créature. Non seulement l'UE, mais aussi dans une large mesure la construction européennes dans son ensemble, résulte des pressions et des initiatives des Etats-Unis, mais elle joue aujourd'hui un rôle essentiel dans la politique étrangère de ce pays assurant dans le même temps la garantie d'une domination sur le continent européen au moindre coût, car depuis maintenant plusieurs décennies l'UE joue le rôle de relais de cette politique ET la garantie que les européens ne pourront agir de manière indépendante ou s'organiser d'eux-mêmes et créer ce qui est le pire cauchemar pour la politique européenne : la « forteresse Europe ». Cette domination de fait de l'UE par les Etats-Unis, domination que l'on retrouve à la fois dans les ordres du jour de la Commission, dans la politique étrangère européenne « commune » comme dans le cas de la crise ukrainienne, ou dans les projets de traités asservissant les pays européens aux conceptions des Etats-Unis comme le TAFTA (ou TTIP) est mise à nue par le discours d'Obama. Cette situation de fait est l'une des causes du désenchantement, désormais massif, des peuples européens pour la construction européenne. Il constitue la pire menace pour cette dernière.

Les Etats-Unis et les origines de la construction européenne

Il est souvent affirmé que la construction européenne résulterait du double traumatisme de la Première et de la Deuxième guerre mondiale. Que ces événements tragiques, et surtout la guerre de 1914-1918, aient fait prendre aux contemporains conscience de la nécessité d'organiser la coopération entre les Etats européens est une évidence. Mais d'une part l'idée de la construction européenne était antérieure à 1914, dès 1870 Victor Hugo et d'autres intellectuels faisaient campagne pour ce qu'ils appelaient les « Etats-Unis d'Europe » et d'autre part rien n'impliquait, dans cette prise de conscience, la construction d'institutions telles que celles qui furent construites dans le cadre de la Communauté Economique Européenne (le « marché commun ») puis dans le cadre de l'Union européenne.

En fait, ceux que l'on considère comme les « pères fondateurs » du projet européen, et en particulier Jean Monnet professaient une vision très pessimiste de l'avenir des Etats. Ils étaient, que l'on pardonne cet anachronisme, des « déclinistes » avant l'heure. Ainsi Jean Monnet écrivait dans ses mémoires : « Les nations souveraines du passé ne peuvent plus résoudre les problèmes du présent : elles sont incapables d'organiser leur propre développement ou de contrôler leur propre futur. ET la Communauté elle-même n'est qu'une étape sur la route de l'organisation qui prévaudra pour le monde de demain ». Mais un autre de ces « pères fondateurs », certes moins connu mais non moins important, l'intellectuel et antifasciste italien Altiero Spinelli écrivait aussi depuis sa prison : « Le problème qui doit être résolu est l'abolition finale de la division de l'Europe en Etats nations souverains. Si cette condition n'est pas remplie, toute apparence de progrès demeurera illusoire »[1].

Cette méfiance profonde envers les Etats, et pour certains (et Monnet en particulier) envers la démocratie allait imprégner la construction européenne. Mais, celle-ci n'aurait sans doute pas pu se mettre en marche sans l'aide décisive que lui apportèrent les Etats-Unis à partir de 1946-1947. Pour ce dernier pays, la question essentielle était celle de l'hégémonie mondiale et de son rapport avec l'URSS. Dans ce cadre, il fallait trouver une solution qui lui permette à la fois d'être rassuré quant à l'avenir du continent européen, mais qui assure aussi l'ouverture de ce continent, ou du moins d'une large partie de ce dernier, aux produits de son industrie et de son agriculture.

L'intérêt des Etats-Unis provint initialement de la crainte de la prise de contrôle par les communistes de l'Italie et de la France. Dans ces deux pays les communistes étaient devenus brièvement le parti le plus puissant. Ce risque provenait de la dislocation économique causée par l'hiver inhabituellement rigoureux de 1946-1947, un hiver qui sapa l'optimisme initial d'Après-Guerre quant au potentiel de remise en état des économiques d'Europe de l'Ouest. Le Secrétaire d'Etat américain George Marshall organisa au début de l'année 1947 une équipe de hauts fonctionnaires, dirigée par l'un de ses conseillers les plus chevronnés, George Kennan (qui avait été en poste à Moscou pendant la Guerre et avait été l'auteur – sous pseudonyme – d'un article important prenant acte du début de la guerre froide en 1946 dans le revue Foreign Affairs). Son but était de concevoir une nouvelle stratégie pour soutenir l'économie européenne. Les trois des figures clefs qui y travaillèrent étaient Dean Acheson, Will Clayton et George Kennan[2].

Clayton et Kennan eurent notamment des consultations extrêmement poussées avec Jean Monnet. Le Plan de Renaissance Européenne naquit de leurs efforts combinés, même s'il rentra dans la postérité sous le nom de « Plan Marshall » et fut annoncé par Marshall le 5 juin 1947, lors d'un discours à l'université d'Harvard resté fameux[3]. Le Plan Marshall est généralement considéré comme un acte altruiste des Etats-Unis afin d'aider ses alliés occidentaux appauvris au moment où ils en avaient le plus besoin. Néanmoins des intérêts commerciaux puissants le sous-tendaient. L'Europe représentait pour l'Amérique un « marché énorme de plusieurs centaines de millions de personnes » que les Etats-Unis ne pouvaient se permettre de perdre »[4]. En réponse au discours de Marshall, 16 nations européennes se mirent d'accord pour participer à une conférence à Paris le 12 juillet 1947 afin de constituer ce qui est connu sous le nom de Comité Européen pour la Coopération Economique (CECE). Mais, l'instrument principal retenu par Washington pour promouvoir la politique d'intégration européenne fut une nouvelle organisation, fondée le 16 avril 1948, pour gérer la distribution des fonds du plan Marshall. Il s'agissait de l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE), ancêtre de l'OCDE. Le gouvernement français, fortement influencé par Monnet, poussa afin que cette nouvelle institution soit dotée d'un conseil exécutif disposant de pouvoirs supranationaux et d'un secrétariat permanent. L'intégrationniste fervent Paul-Henri Spaak, qui était à nouveau le Premier Ministre de la Belgique en fut nommé le directeur général.

Dans le même temps, une nouvelle organisation fut mise en place, Le Comité Américain pour l'Europe Unie (ACUE) résultant des contacts entre des politiciens européens partisan de l'intégration et de deux figures clefs du renseignement américain, William J. « Wild Bill » Donovan, ancien responsable de l'OSS[5] durant la guerre et l'un des fondateurs en 1947 de la CIA et son collègue Allen Dulles qui devait devenir plus tard le chef de la CIA sous le président Eisenhower. A partir de ce moment, comme les recherches universitaires récentes l'ont prouvé[6] , l'ACUE fut utilisée comme couverture pour transférer des fonds de la CIA, qui étaient augmentées par les contributions de fondations privées telles la fondation Ford ou l'institut Rockefeller afin de promouvoir l'obsession du Département d'Etat d'en arriver à une Europe unie, ce qu'un historien devait appeler la « conspiration libérale »[7].

Dans le même temps fut signé à Washington le 4 avril 1949 du Traité de l'Atlantique Nord, engageant les Etats-Unis, le Canda, l'Angleterre, la France, l'Italie, les pays du Benelux et quatre autre nations européennes occidentales (la Norvège, le Danemark, le Portugal et l'Islande) à mettre en place une organisation militaire intégrée pour la défense de l'Europe non-communiste. La construction de l'intégration économique, politique et militaire de l'Europe a donc toujours été un projet intégré, et un projet largement soutenu, et même souvent inspiré, par les Etats-Unis en relation avec les « déclinistes » européens.

La politique étrangère des Etats-Unis entre agression et colonialisme humanitaire

Les Etats-Unis, qu'ils en soient conscients ou non, sont en train de gérer leur déclin. Ils ne sont plus l'hyperpuissance qu'ils étaient à la fin des années 1980 et dans les années 1990. Cela permet de comprendre la virulence de l'engagement de Barack Obama pour le maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Il faut donc ici revenir sur l'évolution de la politique étrangère des Etats-Unis

Pendant le laps de temps, délimité pour son origine par la conjugaison de l'opération « Tempête du désert » contre l'Irak et de la fin de l'Union soviétique en 1991, et qui se conclut avec l'invasion américaine de l'Irak en 2003 et l'échec des Etats-Unis de rééditer l'opération politique de 1991, on a pu penser, pour de nombreuses raisons, que le xxie siècle serait celui de l'Empire américain. En effet, si les deux premiers événements nous annoncent bien la clôture du xxe siècle, ils n'entraînent pas de verrouillage du futur, contrairement à ce que l'on aurait pu penser. Il faudra attendre la crise financière de 1997-1999 et la réaction des États-Unis face à la contestation de leur hégémonie pour que la dynamique du xxie siècle prenne réellement forme.

La dynamique qui s'enclenche alors conduit à un processus où, chaque fois que Washington essaie de réaffirmer son hégémonie, il en détruit un peu plus les fondements réels. Cette dynamique permet l'émergence de nouveaux centres de puissance (la Chine et l'Inde), tout comme elle permet la réémergence de la Russie en tant qu'acteur majeur après son effacement des années 1992-2001. Mais cette émergence ou réémergence de puissances capables de contester un projet impérial global ne se fait pas sans conséquences sur la puissance dominante. Une dynamique perverse s'est installée au cœur même de la politique américaine, conduisant à favoriser les formes d'expression de la puissance qui se révèlent les plus délétères, à terme, pour cette dernière.

Le processus de contestation et de réaction du dominant contesté a conduit à une radicalisation initiale de la politique étrangère. Mais, cette radicalisation a conduit à un échec qu'il a bien fallu constater. Après le premier tournant de l'élection de George W. Bush, c'est le tournant de l'élection de Barack Obama. Mais, cette élection, qui prend place dans un temps de doute profond sur les capacités des Etats-Unis tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, a aussi pour enjeu le développement d'une nouvelle stratégie cherchant à atteindre les objectifs qui étaient ceux de l'administration précédente, mais par d'autres moyens. De ce point de vue, s'il y a une rupture (partielle) avec le vocabulaire des neocons il n'y a pas de rupture avec la représentation biaisée du monde qu'ils produisent[8].

Cela se traduit par une instrumentalisation croissante des institutions internationales. Cette instrumentalisation peut déboucher sur un « impérialisme humanitaire » ou les ONG sont largement mobilisées (parfois consentantes et parfois à leur corps défendant). Dans ce raisonnement, les désordres susceptibles de mettre en cause la sécurité internationale ne sont pas issus de troubles sociaux et économiques, mais de la combinaison de ces derniers avec de « mauvaises » institutions, qui conduisent à l'existence de « dictature » ou d'Etats corrompus. La lutte contre la corruption, lutte dont personne ne conteste la nécessité, devient alors un instrument servant aux fins politiques de Washington[9]. On l'a vu avec le détournement de sa fonction du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) qui incrimine tout acte ou tentative de corruption d'un agent public étranger de la part de citoyens ou d'entreprises, quelles que soient leur nationalité, en vue d'obtenir des marchés[10]. Il suffit en effet au FCPA d'avoir, via les agences de sécurité américaines ou via des dénonciations, la connaissance d'une forte probabilitéd'une fraude pour qu'une enquête soit déclenchée[11].

De même, la lutte contre la « dictature », si elle s'appuie sur l'existence évidente de pouvoirs tyranniques, n'a nulle fonction à rétablir la démocratie mais à faire avancer les intérêts de la politique des Etats-Unis. Ceci peut conduit à l'existence d'États faibles, voire « faillis »[12]. On en a un exemple avec la Libye actuelle. Il revient donc à l'empire bienveillant (c'est-à-dire les États-Unis) d'imposer par la force directe ou indirecte la mise en place des « bonnes » institutions. Une variante du raisonnement consiste à voir dans les États-Unis, non plus un « empire bienveillant », mais un délégué des pays civilisés qui se chargerait de la sale besogne pour le plus grand profit de tous.

Ce raisonnement est en réalité d'une extrême faiblesse. Tout d'abord, il postule l'existence d'institutions en dehors des contextes qui font qu'elles sont acceptables (et acceptées). De plus, nous sommes en présence d'une vision purement instrumentale des institutions qui montre que ces dernières n'ont pas été comprises dans leur essence[13]. Cette démarche tombe entièrement sous le feu de la critique formulée par Joseph Stiglitz contre la functionalist fallacy. Ensuite, si l'institution peut exister « en soi », sans référence au processus qui permet son émergence, nous sommes dans un raisonnement qui n'est qu'une variante de celui dit de la poule et de l'œuf, mais où l'on a postulé qu'une main extérieure (et il n'est pas difficile de deviner laquelle) a créé l'œuf de toutes pièces… Au contraire, une approche des institutions à partir des conflits qui leur ont donné naissance, du fait social global qu'elles constituent et non pas d'une pseudo-rationalité individuelle préexistant à la société[14], permet de sortir de cette métaphysique de la Sainte Poule et du Divin Œuf. Telle fut, en réalité, la méthode de l'école institutionnaliste historique américaine[15]. Et cette méthode est bien différente et bien plus riche que le néo-institutionnalisme instrumental de la pensée standard. C'est aussi celle des travaux sur l'enchâssement social et historique des institutions démocratiques[16]. C'est enfin celle qui va, à la suite de Durkheim, insister sur l'importance de la densité sociale dans une société déterminée[17]. Ces approches, bien évidemment, ne peuvent que souligner les dangers qu'il y a à vouloir imposer de l'extérieur et par la force des institutions.

On peut alors parler d'un véritable « colonialisme humanitaire », que l'on a vue se déployer, avec l'assistance de la France et du Royaume-Uni en Lybie, mais qui est aussi présent dans le cas de l'Ukraine et de bien d'autres pays. Il se révèle une contradiction dans les termes. Il est incapable, on le voit partout, de produire les institutions dont il se réclame et qui lui ont servi de prétexte. Le protectorat onusien sur le Kosovo, pour prendre ce seul exemple, a abouti à pérenniser un nettoyage ethnique, et l'intervention américaine en Irak a plongé le pays dans une guerre civile, puis a été à l'origine de la création de l'organisation dite « Etat Islamique » qui est aujourd'hui une menace à l'échelle mondiale.

La « guerre humanitaire », apparaît alors comme la conséquence logique du « droit d'ingérence » qui découle des idées et de la représentation du monde véhiculée par les Etats-Unis et leurs alliés. Elle est alors moment inévitable du « colonialisme humanitaire ». Mais, elle engendre aussi un double problème dans les relations internationales[18]. D'une part, elle introduit une division immédiate au sein des nations entre celles dont les moyens de défense les protègent de toute tentative d'ingérence et celles dont les moyens de défense sont suffisamment faibles pour qu'elles puissent devenir, le cas échéant, des cibles dans une « guerre humanitaire ». Construite au départ pour valider l'idée d'une « communauté internationale » d'acteurs égaux, unis par des objectifs communs comme la sécurité, la guerre humanitaire valide au contraire la représentation des relations internationales comme l'affrontement d'acteurs inégaux aux intérêts irrémédiablement opposés. D'autre part, elle incite tout pays pouvant penser qu'il risque, à terme, d'être la cible d'une telle intervention à monter en puissance dans ses moyens de défense. L'échelon ultime susceptible d'assurer la sanctuarisation du pays étant, bien évidemment, la possession d'armes de destruction massive. Il faut reconnaître que l'agression américaine contre l'Irak de 2003 a donné aux aspirations de l'Iran de se doter de telles armes une justification réelle.

Les Etats-Unis et l'Union européenne

Telles sont donc les éléments de contexte qui permettent de mieux saisir la stratégie d'instrumentalisation par les Etats-Unis des institutions européennes, institutions dont ils ont été largement à l'origine. Cette stratégie vise à deux objectifs. Le premier est de transformer l'Union européenne en relais de la politique des Etats-Unis en s'assurant que l'Union européenne, et de manière générale les institutions européennes, non seulement partageront les mêmes intérêts que les Etats-Unis mais surtout ne verront pas de différences entre ces intérêts des Etats-Unis et les leurs. Il convient, alors, de faire disparaître la notion d'intérêts nationaux au sein des pays d'Europe pour être sûr que seuls les Etats-Unis pourront déployer leurs propres intérêts nationaux. Et l'on constate immédiatement à quel point cette idéologie, car il s'agit bien ici d'une idéologie au sens d'une « représentation du monde » que les Etats-Unis cherchent à propager chez leurs alliés est incompatible avec la notion de souveraineté. En d'autres termes il s'agit ici de coloniser les âmes et les cœurs afin de s'assurer que les actes seront non seulement parfaitement compatibles avec ce que souhaite la politique des Etats-Unis, mais iront même au devant de ses désirs.

L'alignement progressif des institutions de l'Union européenne sur les « normes » édictées aux Etats-Unis connaîtra bien entendu un nouveau stade si le traité TAFTA (ou TTIP) devait être ratifié. Mais, et on l'a vu avec l'intervention franco-britannique en Lybie, il est clair qu'une large partie des responsables de ces deux pays européens ont été « colonisés » par la pensée des neocons. Mais, cet alignement a déjà commencé dans de nombreux domaines. Il explique, outre les contradictions internes que l'on connaît, le fait que l'Euro n'ait pu se développer comme une alternative au Dollar des Etats-Unis. Une note du CEPII le reconnaît aujourd'hui[19]. Et il en sera ainsi tant que l'Euro sera porté par des institutions qui sont et restent largement inféodées à la politique américaine.

Dans ce contexte, la place de la Grande-Bretagne est absolument centrale pour la politique des Etats-Unis. Même si la Grande-Bretagne n'est pas membre de l'Union Economique et Monétaire, c'est à dire de la zone Euro, elle joue le rôle d'une ancre pour la politique des Etats-Unis dans l'Union européenne. Il est clair qu'elle n'est pas la seule. Ceux qui pensent que le départ de la Grande-Bretagne de l'Union européenne « libérerait » cette dernière de l'influence américaine se trompent lourdement. Mais, la présence de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne est essentielle pour la politique des Etats-Unis.

C'est une des garanties que l'Union européenne ne s'opposera jamais aux Etats-Unis. Tant que la Grande-Bretagne est membre de l'UE, les responsables des Etats-Unis savent pertinemment que le marché de l'UE leur sera grand ouvert, et ceci quelque soit la non réciprocité en ce qui concerne le marché des Etats-Unis pour les produits de l'UE. Ils savent aussi qu'ils peuvent compter, avec la Grande-Bretagne, sur un important relais pour leurs visées politiques, comme on l'a vu tout d'abord au sujet de l'Irak en 2003, où Tony Blair a repris les mensonges de l'administration de Georges W. Bush ou que ce soit sur la Lybie, sur la Syrie et sur l'Ukraine.

C'est pourquoi il n'est pas question, pour les Etats-Unis, de laisser se produire le « Brexit ». Il est clair que la position des autorités américaines n'est nullement déterminée par l'intérêt des britanniques. C'est le seul intérêt américain qui compte. Mais, il n'est pas sur que Barack Obama se rende compte de cela. Pour lui, et plus généralement pour l'élite politique des Etats-Unis, un pays alliés ne saurait avoir des intérêts divergents de ceux des Etats-Unis. On est ici en présence d'une représentation typique d'une puissance sur le déclin. Car, du temps où ils étaient dans la hase ascendante de leur puissance, les Etats-Unis concevaient parfaitement que les autres pays aient des « intérêts nationaux ». Simplement, ils cherchaient délibérément à écraser ces intérêts à chaque fois qu'ils s'avéraient contradictoires avec les leurs.

Le gouvernement de Washington va donc multiplier les pressions, explicites comme avec ce discours du 22 avril, ou implicites, pour « ramener à la raison » l'élite politique britannique qui, et c'est l'un des enseignements les plus importants de la campagne du « Brexit » s'avère être profondément divisée sur cette question. Cela traduit probablement le fait cette élite politique, qui est l'héritière de la « culture impériale » britannique, a bien du mal à abandonner la notion de souveraineté ainsi que celle d'intérêt national. La question du « Brexit » ne se limite donc pas à savoir si la Grande-Bretagne restera ou non dans l'Union européenne. Elle pose de manière plus générale la question de savoir si la notion d'intérêt national, et donc celle de diplomatie, au sens des compromis nécessaires pour que puissent cohabiter des intérêts divergents, a encore un sens en Europe.

 

C'est l'une des raisons pour lesquelles le débat en Grande-Bretagne, et son issue, est d'une telle importance pour les autres peuples d'Europe. Et il n'est pas innocent que ce soit justement dans un des pays de la « vieille Europe », un pays dont l'histoire remonte au plus profonde de l'Histoire et qui de ce point de vue est très similaire à notre pays, que ce débat ait aujourd'hui lieu.

 

Notes

[1] Spinelli A., Ventotene Manifesto, 1941.

[2] Bundy, William P. , www.foreignaffaires.org/general/Info/history.html

[3]www.marshallfoundation.org/about_gem/marshall_plan.htm

[4] Brugmans, Henri, Fundamentals of European Federalisme, préface de Lord Layton, Londres, The Federal Union, 1948, p 4.

[5] L'Office of Strategic Services fut le premier service de renseignement des Etats-Unis, créé en 1942. Jusque là le renseignement était du domaine du FBI (contre-espionnage) et de l'ONI ou Office of National Intelligence.

[6]Cf Joshua Paul de Georgetown University, Washington, cité dans le Daily Telegraph, 19 septembre 2000 et Aldrich, Richard L (2001), The Hidden Hand-Britain, America and Cold War Secret Intelligence, Londres, John Murray Ltd.

[7]Voir Coleman, Peter (1989), The Liberal Conspiracy : The Congress For Cultural Freedom And The Struggle For The Mind of Europe, New York, The Free Press.

[8] Fukuyama F., After the Neocons :State-Building, Governance and World Order in the Twenty-First Century, Ithaca, NY., Cornell University Press, 2004 ; trad. fr. de Denis-Armand Canal, Gouvernance et ordre du monde au xxie siècle, Paris, La Table ronde, 2005

[9] Charles F. Smith & Brittany D. Parling, "'American Imperialism': A Practitioner's Experience with Extraterritorial Enforcement of the FCPA," UNIV. OF CHICAGO LEGAL FORUM 237, at 239 (2012); 15 U.S.C. §§78dd-1, 78dd-3.

[10] « Specifically, the anti-bribery provisions of the FCPA prohibit the willful use of the mails or any means of instrumentality of interstate commerce corruptly in furtherance of any offer, payment, promise to pay, or authorization of the payment of money or anything of value to any person, while knowing that all or a portion of such money or thing of value will be offered, given or promised, directly or indirectly, to a foreign official to influence the foreign official in his or her official capacity, induce the foreign official to do or omit to do an act in violation of his or her lawful duty, or to secure any improper advantage in order to assist in obtaining or retaining business for or with, or directing business to, any person." Source : Department of Justice, US Government. Voir Christopher J. Duncan, « The 1998 Foreign Corrupt Practices Act Amendments: Moral Empiricism or Moral Imperialism? », 1 Asian-Pacific. L.& Policy J. vol. 16, n° 38 (2000)

[11] Irina Sivachenko, Corporate Victims of « Victimless Crime »: How the FCPA's Statutory Ambiguity, Coupled with Strict Liability, Hurts Businesses and Discourages Compliance, 54 B.C.L. Rev. 393 (2013), http://lawdigitalcommons.bc.edu/bclr/vol54/iss1/10

[12].Ou failed states, dans la terminologie américaine.

[13] Sapir J., « Diversité des trajectoires et effet de sentier : les transitions post-soviétiques », Revue d'études comparatives Est-Ouest, vol. 36, n° 2, p. 177-208.

[14] Sapir J., « Théorie de la régulation, conventions, institutions et approches hétérodoxes de l'interdépendance des niveaux de décision », in Annie Vinokur (éd.), Décisions économiques, Paris, Economica, 1998, p. 169-215.

[15] Commons J.R., Institutional Economics : Its Place in Political Economy, New York, Macmillan, 1934, mais aussi Bentley A., The Process of Governmentop. cit., et David B. Truman, The Governmental Process, New York, A. Knopf, 1958.

[16] Putnam R., Robert Leonardi et Raffaella Y. Nanetti, Making Democracy Work : Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press, 1993.

[17] Durkheim E., De la division du travail social [1893], Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1991.

[18] Sapir J., Le Nouveau XXI siècle, Paris, Le Seuil, 2008.

[19]http://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=457

 

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 25-04-2016

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