vendredi 22 avril 2016

Hillary Clinton parlant au personnel des banques de Wall Street ? « On croyait entendre le patron de Goldman Sachs »

Hillary Clinton parlant au personnel des banques de Wall Street ? « On croyait entendre le patron de Goldman Sachs »

Un article du Huffington Post du 15 avril jette une lumière particulièrement intéressante sur les discours de Hillary Clinton en 2013, payés 250 000 dollars chacun, devant les employés et les cadres de la banque d'affaires new-yorkaise Goldman Sachs.
Les citations des membres de l'assistance donnent une idée très claire des raisons pour lesquelles Hillary Clinton s'est autant battue pour ne pas avoir à révéler leur contenu.
Employé n°1 de Goldman Sachs : « [Son intervention] cirait clairement les (...)

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Marchons dans les pas de Louis Pasteur

Marchons dans les pas de Louis Pasteur

Voici un résumé des interventions de Sébastien Drochon et d'Agnès Farkas, lors des journées de formation de Solidarité & Progrès, les 19 et 20 mars 2016 à Paris.
Pour accéder aux autres présentations ici.
Pourquoi revenir sur Louis Pasteur ? Avec les vaccins et l'asepsie, la microbiologie en général, il a contribué à une croissance extraordinaire de l'humanité. Il faut le réaffirmer, car face à l'éclosion récente des idéologies anti-progrès, la polio, la rougeole, la diphtérie reviennent. Mais c'est (...)

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Enthoven, Schulz : les contradictions des ayatollahs eurolibéraux sur les migrants

Enthoven, Schulz : les contradictions des ayatollahs eurolibéraux sur les migrants

La crise des migrants révèle l'impasse de cette Union Européenne, aussi complexe qu'autoritaire. Mais elle est aussi l'occasion de révéler les contradictions de leurs soutiens, toujours prompts à défendre ces pauvres migrants, du président du parlement européen, Martin Schulz, à Raphaël Enthoven.



De la démocratie et de l'égoïsme

Dans un Petit Journal aux relents d'une Pravda interrogeant un hiérarque soviétique, ou de média publics Chinois recevant leurs dirigeants, Yann Barthès a laissé Martin Schulz dire à la fois que l'UE est bien sûr démocratique, tout en soutenant, que sur les migrants, la volonté de 6 pays doit pouvoir s'imposer aux 22 autres, sans que le tenancier de Canal Plus ne souligne la contradiction, ou ne l'interroge sur les raisons pour lesquelles il faudrait qu'une politique migratoire unique s'imposer à des pays aussi différents. Encore plus fort, Raphaël Enthoven a consacré une chronique récente à la défense des migrants, soutenant que « le refus de l'autre est une haine de soi ». Mais derrière la formule, le discours de l'éditorialiste libertaire d'Europe 1 révèle des failles colossales et des contradictions.

D'abord, il a le culot de nommer « nantis (ceux) qui habitent quelque part et qui ferment leur porte » : quelle indécence d'utiliser le terme de nanti pour qualifier, en partie, les chômeurs ou les personnes en difficulté qui s'interrogent sur le traitement réservé aux migrants illégaux quand l'Etat est toujours plus dur pour eux. Il dit aussi que « cette altérité nous terrifie et alors on interpose l'artifice de l'égoïsme, ou du nationalisame, qui n'est qu'un égoïsme élargi ». Pourtant, il y a quelques mois, en bon ultralibéral, il faisait de l'égoïsme la condition de la prospérité. Il faudrait savoir ! Il ne peut pas prêcher l'égoïsme dans les relations économiques pour après le critiquer quand il concerne les migrants illégaux ! Quelle drôle de conception de la société que de vouloir être égoïste avec les siens et pas avec les étrangers…

Les migrants illégaux occupent une place étrange dans le débat public, sanctifiés par les élites globalisées, et une grande partie de la gauche en communion avec le patronat. Au moins, ils révèlent les contradictions et l'indécence d'une partie de nos élites. 

17 organisations de la société civile lancent une pétition pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte en France

17 organisations de la société civile lancent une pétition pour renforcer la protection des lanceurs d'alerte en France

 

Scandale des Panama Papers, choc de l'adoption par le Parlement européen de la directive « secret des affaires », procès d'Antoine Deltour, le lanceur d'alerte à l'origine des LuxLeaks : l'actualité nous démontre une fois encore l'urgence qu'il y a à protéger ceux qui prennent des risques pour renforcer nos démocraties. Il ne faut pas laisser le secret devenir la norme et la liberté l'exception.

Le projet de loi Sapin 2, une opportunité unique de protéger enfin les lanceurs d'alerte

Annoncé depuis 2015 par François Hollande, le projet de loi relatif à la transparence, la prévention de la corruption et la modernisation de la vie politique (dite « Loi Sapin 2 ») devait enfin doter la France d'une législation ambitieuse pour protéger les lanceurs d'alerte. Si le texte offre une véritable opportunité d'adopter les meilleurs standards internationaux pour lutter contre la corruption, il ne saisit pas, en l'état, l'occasion de protéger véritablement tous les lanceurs d'alerte. Au contraire, il ajoute au mille-feuille législatif français, à l'inégalité de traitement des salariés, à l'insécurité juridique et perpétue l'impunité des auteurs de représailles. Encore trop nombreux sont ceux qui se retrouvent isolés et dépourvus de soutien alors qu'ils agissent dans l'intérêt de tous en dévoilant les failles de nos sociétés.

Toutes les organisations signataires appellent les parlementaires à se saisir de l'examen de cette prochaine loi anti-corruption pour accorder enfin un statut global et une protection effective aux lanceurs d'alerte en France. Elles ne manqueront pas de mobiliser le plus grand nombre à travers leur pétition nationale.

Pétition lancée à l'initiative de Powerfoule et Transparency International France, avec le soutien des organisations suivantes :

- Anticor
- Attac
- Bloom
- CCFD Terre Solidaire
- CFDT
- CFDT Cadres
- Collectif Roosevelt
- Greenpeace
- Ligue des droits de l'Homme
- Pacte civique
- Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires
- Pugwash - France
- Réseau Environnement Santé
- Sherpa
- Survie
- UGICT - CGT

 

 

Source : Humanite.fr 

Informations complémentaires :

 

Edward Snowden : « Nous devons contrôler les moyens de communication » pour protéger les libertés fondamentales

Edward Snowden : « Nous devons contrôler les moyens de communication » pour protéger les libertés fondamentales

Source : Nafeez Ahmed, Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Le célèbre lanceur d’alerte de la NSA appelle à une action populaire radicale pour prendre le contrôle des technologies de l’information

Intervention publique d'Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Intervention publique d’Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Un parterre de journalistes, de hackers et de lanceurs d’alerte ont pu entendre ce week-end à Berlin l’ancien agent de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden, appeler les citoyens à trouver les moyens de prendre le contrôle des technologies de l’information qu’ils utilisent au quotidien.

Le Logan Symposium, organisé par le “Center for Investigative Journalism (CIJ)” à l’université Goldsmiths de Londres, a aussi été suivi par Julian Assange, l’éditeur des Wikileaks, et les lanceurs d’alerte de la NSA Thomas Drake et William Binney.

Cette conférence sur deux jours était soutenue par de nombreuses organisations de défense de la liberté de presse, des groupes de journalistes indépendants, et des médias traditionnels comme le magazine d’actualités allemand Der Spiegel.

J’ai participé à ce colloque en tant que conférencier, où moi et mes autres panélistes, y compris le journaliste d’investigation Jacob Appelbaum – qui a travaillé à la fois avec Assange et Snowden, et indépendamment révélé l’espionnage de la chancelière allemande Angela Merkel par la NSA – avons témoigné de nos expériences de reportages en première ligne.

Eveline Lubbers faisait partie de mon panel, elle a été la première à enquêter sur les opérations de police du Royaume-Uni visant à infiltrer les groupes d’activistes ; Martin Welz, rédacteur en chef du Noseweek, le seul magazine de journalisme d’investigation en Afrique du Sud ; Natalia Viana, co-directeur du principal journal d’investigation à but non lucratif au Brésil, Agencia Publica ; et Anas Aremeyaw, journaliste d’investigation de premier plan en Afrique.

Au cours de son allocution vidéo exclusive le samedi soir, Snowden a alerté sur la primauté donnée aux nouveaux développements en matière de cryptage comme moyen de déjouer la surveillance de masse, et a plutôt insisté sur l’urgence de réformes politiques et juridiques globales.

Le lanceur d’alerte a également critiqué l’attitude du président Barack Obama sur le différend entre Apple et le FBI concernant l’accès à l’iPhone utilisé dans la fusillade de San Bernardino.

“Il y a beaucoup à dire sur comment lancer nos défis avec des moyens techniques,” disait Edward Snowden lors de la conférence vidéo de Berlin transmise en direct.

“Nous devons réfléchir à comment nous en sommes arrivés là. Nous parlons de réformer légalement, mais ce ne sera pas accepté en premier lieu… Réformer les choses à l’intérieur du système c’est un idéal, au sein du système. C’est de cette façon que cela devrait fonctionner, la façon dont nos sociétés sont conçues pour fonctionner.

Mais que se passe-t-il lorsque le système ne fonctionne plus ?

Nous avons une tendance naturelle à croire que ce sont des déviations par rapport à l’ordre naturel des choses, que tout s’arrangera à nouveau, et que nous pourrons une fois de plus faire confiance au système.

Mais il se trouve que l’abus est inhérent au pouvoir… Quand des groupes de plus en plus restreints ont le pouvoir, on constate de plus en plus d’abus de pouvoir. Ce mécanisme est aujourd’hui technologique…

Il y a un croisement entre technologie et accès à l’information dans la société. L’Internet en est le raccourci… Il a de plus en plus d’impact sur nous tous, mais nous avons de moins en moins de contrôle sur lui.”

Vendredi, l’éditeur fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a exprimé des préoccupations similaires dans son discours diffusé en direct en vidéo depuis l’ambassade équatorienne à Londres, où un comité spécial de l’ONU a récemment conclu qu’il est effectivement détenu arbitrairement. L’ONU est parvenue à cette conclusion, a dit Assange, “en dépit des pressions illégitimes des gouvernements américain et britannique.”

Assange a averti de connivences de plus en plus marquées entre Google, aujourd’hui la plus grande entreprise de médias du monde, et le complexe militaro-industriel des États-Unis, et il a souligné en particulier l’escalade des investissements de Google dans l’intelligence artificielle (IA) et dans la robotique, en grande partie pour des applications de « sécurité nationale » pour l’armée américaine et la communauté du renseignement.

“Google intègre des systèmes d’intelligence artificielle au système de sécurité nationale,” a déclaré Assange. “C’est une menace pour l’humanité. Nous devons cesser d’alimenter Google.”

Il a exhorté le public à trouver des services en ligne alternatifs pour atténuer la capacité de Google à collecter de grandes quantités de données personnelles dans les systèmes d’IA cooptés par le Pentagone.

La démocratie menacée

Assange et Snowden ont tous deux fait valoir que la rapide centralisation du contrôle des technologies de communication de l’information au sein d’entreprises du secteur privé de plus en plus étroitement liées à la sécurité de l’État représente une menace fondamentale pour le fonctionnement démocratique, et plus spécifiquement la liberté de la presse.

“Nous devons accepter que la seule façon de garantir les droits de certains est de protéger les droits de tous,” a dit Snowden. “C’est de plus en plus perçu comme une menace pour le gouvernement car cela représente un domaine dans lequel ils ne pourront bientôt plus intervenir.”

Décrivant la position du président Obama sur le différend entre Apple et le FBI comme une “fausse séparation entre confidentialité et sécurité,” il en conclut “Vous avez besoin des deux”, et ne pouvez avoir l’une sans l’autre.

Snowden ajoute que l’utilisation des métadonnées pour cibler les personnes considérées comme des menaces pour la sécurité nationale crée un dangereux précédent, avec un large champ propice aux erreurs judiciaires à l’encontre des citoyens. Une personne qui communique avec un journaliste qui sort un sujet fondé sur des révélations d’un lanceur d’alerte du gouvernement, par exemple, peut être condamnée comme la source – même si elle n’est pas la source  – à partir des liens établis par les métadonnées qui la lient au journaliste.

“Que vous soyez la source ou pas, si vous avez simplement communiqué avec le journaliste, vous pourriez être condamné,” a déclaré Snowden.

En Angleterre, le gouvernement conservateur essaie d’imposer un texte législatif particulièrement contraignant, le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation (IP Bill), qui offrirait à l’État des pouvoirs énormes pour entraver le journalisme. Le projet de loi qui, s’il est voté, pourrait servir de précédent aux pays occidentaux, devra être examiné en seconde lecture le mardi 15 mars au parlement.

Selon l’Union nationale des journalistes (National Union of Journalists), le projet de loi donnera au gouvernement le droit d’accéder aux communications des journalistes et de pirater leur équipement électronique, y compris d’intercepter le contenu et les métadonnées de leurs communications, sans les prévenir.

Malgré une opposition non négligeable de diverses commissions parlementaires, dont le comité mixte sur le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation, les amendements gouvernementaux n’ont fait que renforcer ces mesures.

Selon Michelle Stanistreet, secrétaire générale du NUJ, le projet de loi :

“… est une menace sur la capacité des journalistes à faire leur boulot, à vérifier leurs informations et à protéger leurs sources. Sans cette protection, nous n’avons tout simplement plus de presse libre opérationnelle… Ce manque de protections pour tous les journalistes aura de profondes conséquences sur le droit du peuple à savoir, au Royaume-Uni.”

Les métadonnées sont, bien sûr, déjà utilisées dans un large champ de contextes par la communauté du renseignement pour identifier non seulement les personnes suspectées de terrorisme, mais aussi les militants, les groupes de défense des droits de l’homme et d’autres opposants à la politique gouvernementale.

De plus en plus, des attaques de drones [dites “signature drone strikes”] contre des groupes non identifiés de présumés terroristes ciblés sur les théâtres de conflit de la Syrie, du Yémen, du Pakistan et de l’Afghanistan se fondent seulement sur les métadonnées collectées à travers la surveillance de téléphones mobiles, de profils sur les réseaux sociaux ou d’autres répertoires d’informations électroniques. Cela a conduit à faire d’innombrables victimes civiles.

Les métadonnées de nombreuses sources électroniques, y compris les médias sociaux, sont de plus en plus considérées par le Pentagone, ainsi que par les agences de sécurité du Royaume-Uni et de l’Union européenne, comme un vaste dépôt d’informations “open source” facilement accessible pour tenter de prévoir et contrôler le comportement des populations.

Comme je l’ai signalé en février, les documents officiels déclassifiés de l’Office américain de la recherche navale, entre autres programmes de recherche du Pentagone, mettent en lumière les intentions alarmantes (de type “minority report”) des fonctionnaires du gouvernement américain en termes de volonté d’anticiper et prédire précisément le prochain activisme, les manifestations, la criminalité, le terrorisme, les conflits et les renversements de pouvoir. Pourtant, les experts indépendants notent que ces technologies sont plus susceptibles de générer des faux positifs et des fausses pistes, plutôt que des prévisions fiables.

Cryptage ?

Edward Snowden a préconisé l’utilisation méthodique et l’amélioration des technologies de chiffrement par les journalistes pour les aider à protéger leurs sources, mais il a noté que la technologie seule n’est pas la réponse correcte.

Une nouvelle technologie très puissante, un système d’exploitation complet connu sous le nom de SubGraph OS qui peut être installé sur un PC ou un Mac pour fournir une gamme complète d’outils de communication cryptés, a été lancé lors de la conférence. SubGraph est le dernier d’une famille d’outils différents, mais similaires, tels que Tails – un système d’exploitation qui peut être lancé sur un ordinateur via une clé USB – ou Qubes, un autre système que l’on ne peut installer que sur des ordinateurs adaptés, munis d’une sécurité renforcée.

Les concepteurs de ces projets ont cependant alerté durant la conférence que si ces outils étaient très puissants, ils n’apportaient aucune garantie contre la surveillance gouvernementale, notamment contre l’éventuelle possibilité de placer des “backdoors” (portes dérobées) dans les logiciels grand public et dans le matériel.

“Ce sont vraiment des projets géniaux,” a dit Snowden, désignant SubGraph OS en particulier : “J’ai l’intention de l’utiliser moi-même. Mais nous devons reconnaître qu’ils ne sont pas accessibles à la majorité des utilisateurs, aux journalistes, qui ne sont pas des spécialistes.”

Le défi pour ces technologues est de développer pour les utilisateurs des interfaces plus accessibles, qui peuvent être apprises par les profanes au cours de l’utilisation. Snowden a suggéré d’étudier la “ludification” de la courbe d’apprentissage de ces outils et d’accumuler l’expérience pour une prise en main plus facile.

“Nous pouvons fournir aux gens les compétences de base, la compréhension, en leur enseignant dans le contexte – une ludification de l’interface, qui enseigne aux gens au fur et à mesure de l’utilisation, de façon amusante, pas ennuyeuse. Nous devons beaucoup travailler là-dessus.”

Snowden a également encouragé les technologues à « concurrencer directement les intérêts des entreprises aux milliards de dollars » comme Google, Facebook et Apple. Il y a une chance, dit-il, que l’esprit d’entreprise citoyenne puisse être plus fructueux, créant des produits plus attrayants, plus faciles à utiliser, mais pas aussi dangereux pour les libertés individuelles et d’association, en toute sécurité.”

Transformation radicale

Edward Snowden a également mis en garde contre l’hypothèse que tenter de contrer la surveillance de l’État par le seul cryptage serait une panacée, en préconisant une profonde remise en cause de la centralisation du pouvoir dans un contexte où les technologies de l’information sont aux mains d’entreprises et de l’État.

“Nous sommes dépendants des groupes de sociétés à but lucratif comme Apple pour la défense de nos droits. Nous devons sécuriser les protocoles et les systèmes qui transportent nos communications.

Nous devons devenir des technologues et des journalistes plus radicaux…

Il y a eu des déséquilibres de pouvoir extraordinaires à travers l’histoire. Je ne suis pas communiste, mais il y eu des gens qui prônaient la saisie des moyens de production. Nous approchons rapidement du moment où nous devons saisir les moyens de notre communication.”

La raison ?

Nous constatons beaucoup trop de contrôle des institutions auxquelles nous sommes censés faire confiance, mais nous ne pouvons pas leur faire confiance,” a-t-il dit. “Dans le même temps, nous voyons que des sociétés ont accès à notre vie privée, d’une manière que nous ne pouvions pas prévoir, et nous ne savons pas quelle utilisation elles en font.”

Confidentialité ou sécurité ?

Snowden a rejeté l’idée que la vie privée ou la liberté étaient antinomiques en quelque sorte d’une véritable sécurité.

“Les politiciens sont taraudés par la crainte spontanée concernant les messageries. Dire que « cela va sauver des vies,» c’est convaincant pour l’électeur. Les gens sont enclins à les croire… Regardons les faits réels, dans le cas [des attentats] du 11-Septembre. Nous avons eu une enquête du Congrès – qui a conclu que ce n’était pas la faute d’une insuffisance de collecte de renseignement. Le problème était que notre objectif était trop dispersé ; de si nombreux programmes collectaient un si grand nombre de messages, que nous ne les partagions pas suffisamment. Et à cause de cela, 3000 personnes sont mortes. Les politiciens d’aujourd’hui disent que nous devons collecter plus  –  mais ils nous rendent plus vulnérables, et mettent nos vies en danger.”

Les attentats du marathon de Boston, dit-il, ont fourni un exemple clair de la faillite du mantra de plus-de-surveillance-pour-plus-de-sécurité : les auteurs, bien qu’opérant sous le “plus grand programme de quadrillage dans l’histoire de mon pays” n’ont pas été détectés.

“En fin de compte, nous devons décider. Souhaitons-nous une société sous contrôle ? Ou voulons-nous vivre dans une société libre ? Car nous ne pouvons pas avoir les deux.”

Lors d’une étude le vendredi, Thomas Drake – l’ancien cadre supérieur de la NSA qui a inspiré à Snowden de lancer l’alerte sur les défauts du projet à un milliard de dollars Trailblazer de surveillance de masse de cette agence – a rappelé comment ses patrons de la NSA ont cyniquement vu l’échec du renseignement le 9/11 comme l’occasion d’augmenter le budget de l’agence de façon spectaculaire.

“Je ne pouvais le croire, lorsque mes supérieurs ont décrit le 9/11 comme un “cadeau fait à la NSA”.”

L’idée que la surveillance de masse a pour objet principal de véritablement nous protéger est donc profondément discutable. Le problème fondamental de l’insistance sur l’élimination de la vie privée au nom de la sécurité est son impact totalitaire qui touche toutes nos sociétés.

“Nous devons réfléchir à la finalité de nos droits. D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? A quoi sert la vie privée, vraiment ?” dit Snowden au public lors de la rencontre CIJ.

“La vie privée est le droit dont tous les autres découlent. Sans la vie privée il n’y a que la société, que le collectif, ce qui suppose que nos comportements et nos pensées sont les mêmes. Vous ne pouvez rien avoir seul, vous ne pouvez pas avoir vos propres opinions, sauf si vous avez un espace qui n’appartient qu’à vous seul.

En prétendant que vous ne vous souciez pas de la vie privée parce que vous n’avez rien à cacher, c’est comme dire que vous ne vous souciez pas de la liberté de parole parce que vous n’avez rien à dire…”

Dissidence politique

Si la surveillance de masse avait pour seul but de contrer le terrorisme, ses cibles ne pourraient pas être des dissidents politiques, a fait valoir Snowden, évoquant le fameux discours “I have a dream” de Martin Luther King Jr – décrit par Snowden comme “le plus grand leader des droits civiques que mon pays ait jamais connu.”

Deux jours après ce discours, a dit Snowden, le FBI a considéré King comme « la plus grande menace pour la sécurité nationale » de l’époque.

Peu de choses ont changé depuis ce temps-là.

L’ancien agent du renseignement a souligné que l’agence de renseignement de la Grande-Bretagne, Le GCHQ, a illégalement espionné des groupes de défense des droits de l’homme comme Amnesty International, des journalistes, des personnalités des médias et d’autres ONG, “grâce aux pouvoirs publiquement alloués à la lutte contre le terrorisme.”

Citant les documents top secret qu’il a dévoilés, il a noté que la justification interne pour maintenir ces programmes secrets ne fait aucune référence aux questions de sécurité nationale. Au lieu de cela, les documents mentionnent que « les révéler nous conduirait à un “débat public dommageable” parce que nous [le public] voudrions protester contre ces activités. »

La conséquence est que l’État de sécurité nationale voit les fondements mêmes des démocraties saines – une presse vraiment libre, des débats publics contradictoires, le contrôle des politiques de renseignement hautement classifiées – comme l’ennemi.

La négation de l’importance des droits de la vie privée, a dit Snowden, est fonction du rapport des forces. Le lanceur d’alerte a incité ses auditeurs à considérer que la demande d’éliminer la vie privée provient de gens puissants “dans une position privilégiée… Si vous êtes un vieux type blanc au sommet de la pyramide, la société a ordre de protéger vos intérêts. Vous avez conçu le système pour protéger vos intérêts.”

Cette inégalité du pouvoir, dit Snowden, signifie que « ce sont les minorités qui sont les plus touchées » par l’impact de la surveillance de masse.

« Il ne suffit pas d’y réfléchir, il ne suffit pas d’avoir des convictions, » a conclu Snowden sous des applaudissements nourris. « Vous devez vraiment vous battre pour quelque chose, vous exprimer, courir un risque, si vous voulez que cela aille mieux. »

Source : Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

[1/2] Une nouvelle guerre mondiale a commencé – Brisons le silence ! Par John Pilger

[1/2] Une nouvelle guerre mondiale a commencé – Brisons le silence ! Par John Pilger

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger, 22 mars 2016

La propagande à propos de « l’agression » russe et chinoise camoufle la réalité d’un mouvement agressif des États-Unis et de l’Occident pour encercler ces deux pays, le début d’une guerre mondiale, selon John Pilger.

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22J’ai filmé les îles Marshall, qui se situent au nord de l’Australie, au milieu de l’océan Pacifique. A chaque fois que je dis aux gens où je suis allé, ils demandent « Où est-ce ? » Si je donne un indice en parlant de « Bikini », ils répondent « Tu veux dire le maillot de bain. »

Certains semblent au courant que le maillot de bain “bikini” a été nommé en hommage aux explosions nucléaires qui ont détruit l’île de Bikini. Les États-Unis ont fait exploser soixante-six engins nucléaires dans les îles Marshall entre 1946 et 1958 – l’équivalent de 1,6 bombe Hiroshima chaque jour pendant 12 ans.

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Le président Barack Obama accepte inconfortablement le prix Nobel de la paix de la part du président du comité Thorbjorn Jagland à Oslo, Norvège, le 10 décembre 2009. (White House photo)

Bikini est silencieuse aujourd’hui, mutée et contaminée. Les palmiers poussent avec une étrange forme de grille. Rien ne bouge. Il n’y a pas d’oiseaux. Les pierres tombales du vieux cimetière sont vivantes avec les radiations. Mes chaussures affichent « dangereux » sur le compteur Geiger.

Debout sur la plage, je regardais le vert émeraude du Pacifique tomber dans un vaste trou noir. C’était le cratère laissé par la bombe à hydrogène qu’ils ont appelée « Bravo ». L’explosion a empoisonné les gens et leur environnement sur des centaines de kilomètres à la ronde, peut-être pour toujours.

Le jour de mon retour, je me suis arrêté à l’aéroport d’Honolulu et j’ai remarqué un magazine américain appelé Women’s Health. Sur la couverture il y avait une femme souriante en bikini avec le titre : « Vous aussi vous pouvez avoir un corps à bikini. » Quelques jours plus tôt, sur les îles Marshall, j’avais interviewé des femmes qui avaient des “corps à bikini” très différents ; chacune avait souffert d’un cancer de la thyroïde et d’autres cancers mortels.

Contrairement à la femme souriante du magazine, toutes étaient pauvres : les victimes et cobayes d’une superpuissance avide qui est aujourd’hui plus dangereuse que jamais.

J’ai relaté cette expérience comme un avertissement et pour interrompre une diversion qui a consumé tant d’entre nous. Le fondateur de la propagande moderne, Edward Bernays, décrivait ce phénomène comme “la manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions” des sociétés démocratiques. Il appelait cela un “gouvernement invisible”.

Combien de personnes sont-elles au courant qu’une guerre mondiale a commencé ? Pour l’instant, c’est une guerre de propagande, de mensonges et de diversions, mais cela peut changer instantanément avec la première erreur de commandement, le premier missile.

En 2009, le président Obama se tenait devant une foule en adoration dans le centre de Prague, au cœur de l’Europe. Il s’est engagé à faire “un monde sans armes nucléaires.” Les gens l’ont applaudi et certains ont pleuré. Un torrent de platitudes fleurirent dans les médias. Obama était consécutivement nommé prix Nobel de la paix. Tout était faux. Il mentait.

L’administration d’Obama a fabriqué plus d’armes nucléaires, plus d’ogives nucléaires, plus de systèmes de vecteurs nucléaires, plus d’usines nucléaires. Les ogives nucléaires ont coûté à elles seules plus sous Obama que sous tous les présidents américains. Le coût sur 30 ans est de plus de 1000 milliards de dollars.

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Test d’une explosion nucléaire mené dans le Nevada le 18 avril 1953.

Une mini bombe nucléaire est prévue. Elle est connue sous le nom de B61 Modèle 12. Il n’y a rien eu de tel jusqu’ici. Le général James Cartwright, un ancien vice-président du comité des chefs d’état-major interarmées, a dit : “Faire plus petit rend l’usage de l’arme nucléaire plus concevable.”

Durant les derniers 18 mois, la plus importante accumulation de forces armées depuis la Seconde Guerre mondiale – menée par les États-Unis – est installée le long de la frontière occidentale de la Russie. Aucune troupe étrangère, depuis l’invasion d’Hitler de l’Union soviétique, n’a représenté une telle menace concrète pour la Russie.

L’Ukraine – autrefois partie de l’Union soviétique – est devenue un parc d’attraction de la CIA. Ayant orchestré un coup d’État à Kiev, Washington contrôle effectivement le régime qui est à la porte de la Russie et très hostile : un régime littéralement pourri de nazis. Les principales figures parlementaires sont les descendants politiques des célèbres groupes fascistes OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne). Ils glorifient ouvertement Hitler et appellent à la persécution et à l’expulsion des minorités russophones.

Ce sont des informations rarement données en Occident, ou elles sont inversées pour dissimuler la vérité.

En Lettonie, Lituanie et Estonie – voisines de la Russie – l’armée américaine déploie des troupes de combat, des tanks, des armes lourdes. Cette provocation extrême de la deuxième plus grande puissance nucléaire ne suscite pas l’intérêt en Occident.

Ce qui rend la perspective d’une guerre nucléaire encore plus dangereuse est la campagne parallèle contre la Chine. Rares sont les jours où la Chine n’est pas élevée au statut de “menace”. Selon l’amiral Harry Harris, le commandant de la région Pacifique américain, la Chine “construit un grand mur de sable dans la mer de Chine méridionale.”

Ce à quoi il se réfère sont les pistes d’atterrissage que la Chine construit sur les îles Spratly, qui font l’objet d’un conflit avec les Philippines – un conflit de peu d’ampleur avant que Washington ne mette la pression et soudoie le gouvernement de Manille et que le Pentagone ne mène une campagne de propagande appelée “liberté de navigation”.

Que cela signifie-t-il réellement ? Cela signifie liberté pour les vaisseaux américains de patrouiller et d’avoir la mainmise sur les eaux côtières chinoises. Essayez d’imaginer la réaction américaine si les vaisseaux chinois faisaient la même chose le long des côtes californiennes.

J’ai fait un film appelé The war you don’t see (La guerre que vous ne voyez pas), dans lequel j’interviewais d’éminents journalistes en Amérique et en Grande-Bretagne : des reporters tels que Dan Rather de CBS, Rageh Omar de la BBC, David Rose de The Observer.

Tous me dirent que si les journalistes et les chaînes avaient fait leur job et remis en question la propagande sur la possession d’armes de destruction massive par Saddam Hussein ; si les journalistes n’avaient pas fait écho et amplifié les mensonges de George W. Bush et de Tony Blair, l’invasion de 2003 en Irak aurait pu ne pas survenir et des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants seraient en vie aujourd’hui.

La propagande qui est en train de paver le chemin pour une guerre contre la Russie et/ou la Chine n’est pas différente dans son principe. A ma connaissance, aucun journaliste “grand public” en Occident – l’équivalent d’un Dan Rather, disons – ne demande pourquoi la Chine construit des pistes d’atterrissage en mer de Chine méridionale.

La réponse devrait être absolument flagrante. Les États-Unis encerclent la Chine avec un réseau de bases, avec des missiles balistiques, des groupes de combat, des bombardiers avec des armes nucléaires.

Cet arc létal qui s’étend de l’Australie aux îles du Pacifique, les Mariannes, Marshall et Guam jusqu’aux Philippines, en Thaïlande, Okinawa, en Corée et à travers l’Eurasie jusqu’en Afghanistan et en Inde. L’Amérique a accroché un nœud coulant autour du cou de la Chine. Ce n’est pas nouveau. Silence dans les médias ; guerre par les médias.

En 2015, en grand secret les États-Unis et l’Australie ont organisé le plus grand exercice militaire aérien et naval de l’histoire récente, connu sous le nom de Talisman Sabre. Son objectif était de répéter le Plan de bataille air-mer pour bloquer des voies maritimes comme le Détroit de Malacca et le détroit de Lombrok, qui coupent l’accès de la Chine au pétrole, gaz et autres matériaux naturels vitaux en provenance du Moyen-Orient ou de l’Afrique.

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Le candidat à la présidence, le milliardaire et Républicain Donald Trump.

Dans le cirque connu sous le nom de campagne présidentielle américaine, Donald Trump est présenté comme un aliéné, un fasciste. Il est certainement odieux ; mais il est aussi une figure détestée des médias. Ce seul point devrait éveiller notre scepticisme. Les points de vue de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus grotesques que ceux du Premier ministre David Cameron. Ce n’est pas Trump le Grand Déporteur des États-Unis, mais le gagnant du prix Nobel, Barack Obama.

Selon un chroniqueur libéral prodigieux, Trump est “en train de déchaîner les sombres forces de la violence” aux États-Unis. Les déchaîner ?

C’est le pays où les nourrissons tirent sur leur mère et la police mène une guerre meurtrière contre les Afro-Américains. C’est le pays qui a attaqué et cherché à renverser plus de 50 gouvernements, pour la plupart des démocraties, et bombardé de l’Asie au Moyen-Orient, causant la mort et la spoliation de millions de personnes.

Aucun pays ne peut égaler ce record systémique de violence. La plupart des guerres de l’Amérique (presque toutes contre des pays sans défense) ont été menées non par des présidents républicains mais par des démocrates libéraux : Truman, Kennedy, Johnson, Carter, Clinton, Obama.

En 1947, une série de directives du Conseil pour la sécurité nationale décrivait le but ultime de la politique étrangère américaine comme “un monde essentiellement façonné selon sa propre image (américaine).” L’idéologie était un américanisme messianique. Nous étions tous américains. Ou autre. Les hérétiques seraient convertis, renversés, soudoyés, calomniés, écrasés.

Donald Trump en est un symptôme, mais il est aussi franc-tireur. Il dit que l’invasion de l’Irak était un crime ; il ne veut pas faire la guerre avec la Russie et la Chine. Le danger pour nous n’est pas Trump mais Clinton. Elle n’est pas un franc-tireur. Elle incarne la résistance et la violence d’un système dont le tant vanté “exceptionnalisme” est un totalitarisme avec un apparent visage libéral.

Alors que le jour de l’élection présidentielle approche, Clinton sera saluée comme la première femme présidente, malgré ses crimes et mensonges – tout comme Barack Obama a été encensé en tant que premier président noir et les libéraux ont avalé son absurdité de “hope” (“espoir”). Et le cirque continue.

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Le sénateur Bernie Sanders et l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, lors d’un débat du Parti démocrate sur les élections présidentielles, parrainé par CNN.

Décrit par le chroniqueur du Guardian, Owen Jones, comme “marrant, charmant, avec une attitude cool qui manque quasiment à tout autre politicien,” Obama l’autre jour a envoyé des drones tuer 150 personnes en Somalie. Il tue des gens généralement les mardis, selon le New York Times, lorsqu’on lui donne une liste de candidats à la mort par drone. Vraiment cool.

Durant la campagne présidentielle de 2008, Hillary Clinton a menacé de “totalement anéantir” l’Iran avec des armes nucléaires. En tant que secrétaire d’État d’Obama, elle a participé au renversement du gouvernement démocratique du Honduras. Sa contribution à la destruction de la Libye en 2011 était presque jubilatoire. Lorsque le dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, a été publiquement sodomisé avec un couteau – un meurtre rendu possible par les logistiques américaines – Clinton s’est vantée de sa mort : “Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort.”

L’une des alliées les plus proches de Clinton est Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État, qui a attaqué des jeunes femmes parce qu’elles ne supportaient pas “Hillary”. C’est la même Madeleine Albright tristement célèbre pour avoir célébré à la télévision la mort d’un demi-million d’enfants irakiens comme “valant le coup”.

Parmi les plus grands soutiens de Clinton, il y a le lobby israélien et les compagnies d’armement qui alimentent la violence au Moyen-Orient. Elle et son mari ont reçu une fortune de Wall Street. Et pourtant, elle est sur le point d’être décrétée la candidate des femmes, pour voir échouer le maléfique Trump, démon officiel. Ses supporters comprennent des féministes de renom telles que Gloria Steinem aux États-Unis et Anne Summer en Australie.

Il y a une génération, un culte post-moderne maintenant connu comme “la politique identitaire” a empêché beaucoup de gens ouverts d’esprit et intelligents d’examiner les causes et les personnes qu’ils soutenaient – tout comme les impostures d’Obama et de Clinton ; comme les mouvements progressistes tel Syriza en Grèce, qui a trahi le peuple de ce pays et s’est allié avec ses ennemis.

Le repli sur soi, une sorte de moi-isme, est devenu le nouvel esprit du temps (Zeitgeist) des sociétés privilégiées de l’Occident et signale la disparition des grands mouvements contre la guerre, l’injustice sociale, l’inégalité, le racisme et le sexisme.

Aujourd’hui, le long sommeil est peut-être terminé. La jeunesse s’agite à nouveau. Petit à petit. Les milliers en Grande-Bretagne qui soutiennent Jeremy Corbyn comme leader du parti Travailliste font partie de ce réveil – comme ceux qui se sont ralliés au sénateur Bernie Sanders.

En Grande-Bretagne la semaine dernière, le plus proche allié de Jeremy Corbyn, son trésorier John McDonnell, a engagé un gouvernement travailliste à acquitter les dettes des banques pirates et, de continuer la prétendue austérité.

Aux États-Unis, Bernie Sanders a promis de soutenir Clinton si elle est nominée ou lorsqu’elle le sera. Lui aussi a voté l’usage de la violence en Amérique contre des pays, lorsqu’il pensait que c’était “juste”. Il dit qu’Obama a fait “du bon boulot”.

En Australie, il y a une sorte de politique mortuaire, où des jeux parlementaires assommants sont joués dans les médias, alors que les réfugiés et les indigènes sont persécutés et que l’inégalité grandit, de même que le danger de guerre. Le gouvernement de Malcom Turnbull vient d’annoncer un prétendu budget de défense de 195 milliards de dollars qui est le chemin vers la guerre. Il n’y a pas eu de débat. Silence.

Qu’est-il arrivé à la grande tradition d’action populaire directe, non affiliée à des partis ? Où sont le courage, l’imagination et l’engagement nécessaires pour débuter une longue journée vers un monde meilleur, juste et pacifique ? Où sont les dissidents dans l’art, le cinéma, le théâtre, la littérature ?

Où sont ceux qui briseront le silence ? Ou attendons-nous que le premier missile nucléaire soit lancé ?

Ceci est une retranscription d’un discours de John Pilger à l’Université de Sydney, intitulé “Une guerre mondiale a commencé”. JohnPilger.com – the films and journalism of John Pilger.

Source : Consortiumnews.com, le 22/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

[2/2] Trump et Clinton : censurer ce qui dérange, par John Pilger

[2/2] Trump et Clinton : censurer ce qui dérange, par John Pilger

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger le 29 mars 2016

Tandis que Donald Trump, le bateleur milliardaire, fait l’objet d’une opération de diabolisation à grande échelle, l’establishment de la politique et des médias fait d’Hillary Clinton l’héroïne de la pièce « Il faut arrêter Trump ! », mais qui est vraiment le plu22s dangereux des deux, demande John Pilger.

Une censure certes habituelle, mais violente, s’abat sur la campagne électorale aux États-Unis. Alors que la grosse brute de bande dessinée, Donald Trump, va probablement gagner la nomination du Parti républicain, Hillary Clinton, décrète-t-on, est à la fois « la candidate des femmes » et la championne du libéralisme américain dans sa lutte héroïque contre le Mal incarné.

Des sornettes, bien sûr. Hillary Clinton laisse derrière elle un cortège de massacres et de souffrances tout autour du monde, sans parler de son rôle évident d’exploiteuse cupide dans son propre pays. Cependant, au pays de la liberté d’expression, il devient impossible de le dire.

L'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton.

L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.

La campagne présidentielle d’Obama en 2008 aurait néanmoins dû alerter même les plus naïfs. Il avait fondé sa campagne « hope » presque entièrement sur le fait que, d’origine afro-américaine, il aspirait à diriger la terre de l’esclavage. Il était aussi opposé à la guerre.

Obama, cependant, n’a jamais été opposé à la guerre. Au contraire, comme tous les présidents américains, il y était favorable. Il avait voté en faveur des subventions pour George W. Bush, destinées au massacre en Irak, et il projetait d’intensifier les combats en Afghanistan. Dans les semaines qui ont précédé son serment d’entrée en fonctions, il a secrètement approuvé une attaque israélienne contre Gaza, le massacre connu sous le nom d’Operation Cast Lead (Opération plomb durci). Il a promis de fermer le camp de concentration de Guantanamo et il ne l’a pas fait. Il s’est engagé à contribuer à débarrasser le monde des armes nucléaires et il a fait le contraire.

Choisir le mielleux Obama comme directeur du marketing du statu quo d’un nouveau genre, quelle excellente décision ! Même à la fin de sa présidence éclaboussée de sang, avec ses drones qui répandent bien plus de terreur et provoquent bien plus de morts dans le monde que les djihadistes à Paris et à Bruxelles, Obama continue à être encensé pour son attitude « cool » (cf. le quotidien britannique, The Guardian).

Mon article « Début d’une nouvelle guerre froide » a été publié sur le web (y compris sur Consortiumnews.com) à partir du 22 mars.

Comme je le fais depuis des années, je l’ai distribué à un réseau international, qui comprenait Truthout.com, le site libéral américain. Truthout publie des articles d’une haute tenue, en particulier les remarquables dénonciations du monde des affaires de Dahr Jamail. Mais Truthout a refusé mon article : selon un rédacteur, il violait la ligne directrice et avait été publié dans Counterpunch ; j’ai répondu que cela n’avait jamais été un problème au cours des années et que je ne connaissais pas cette ligne directrice.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Mon obstination m’a apporté une nouvelle explication. Mon article était absous, si je le soumettais à une « relecture » et acceptais les changements et les suppressions effectués par « le comité éditorial » de Truthout. En conséquence, on a édulcoré et censuré ma critique de Hillary Clinton et on a veillé à bien la distinguer de Trump. Voici le passage coupé :

« Trump est, pour les médias, un personnage haïssable, cela seul devrait, d’ailleurs, nous inciter au scepticisme. Les opinions de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus que celles de David Cameron. Ce n’est pas Trump qui est champion des expulsions des États-Unis, mais le lauréat du prix Nobel de la paix, Barack Obama… Le danger pour le reste d’entre nous, ce n’est pas Trump, mais Hillary Clinton. Ce n’est pas une anticonformiste. Elle incarne la ténacité et la violence d’un système… À l’approche de l’élection présidentielle, elle va être saluée comme la première présidente femme, sans qu’on se soucie de ses crimes et de ses mensonges, de la même façon que Barack Obama a été célébré comme le premier président noir et que les libéraux ont gobé toutes ses bêtises à propos de “l’espoir”. »

Le « comité éditorial » voulait clairement que j’édulcore mon argumentation, que je cesse de soutenir que Clinton représentait un danger extrême pour le monde. Comme toutes les censures, celle-ci était inacceptable.

Maya Schenwar, qui dirige Truthout, m’a écrit que ma réticence à soumettre mon travail à un « processus de révision » la conduisait à enlever mon article du « registre des publications ». Ainsi s’exprime la gardienne du temple.

La façade Obama/Clinton

Au cœur de cet épisode se niche quelque chose d’inexprimable depuis déjà longtemps. C’est le besoin, la compulsion de beaucoup de libéraux aux États-Unis d’adouber un dirigeant issu de l’intérieur d’un système manifestement impérialiste et violent. Comme « l’espoir » d’Obama, le genre de Clinton n’est rien d’autre qu’une façade de convenance.

Cette irrépressible envie n’est pas neuve. Dans son essai de 1859 « De la liberté », auquel les libéraux ne cessent de rendre hommage, John Stuart Mill a décrit le pouvoir de l’empire. « Le despotisme est une façon légitime de gouverner quand on est en face de barbares, a-t-il écrit, pourvu qu’on ait pour fin de les faire progresser, et les moyens sont justifiés si l’on atteint effectivement cette fin. » Les « barbares » composaient une large part de l’humanité dont on exigeait une « soumission implicite ».

« Les libéraux sont des artisans de la paix et les conservateurs des bellicistes, voilà un charmant mythe bien pratique, » écrivait l’historien Hywel Williams en 2001, “mais l’impérialisme à la mode libérale est peut-être plus dangereux, à cause de sa nature illimitée. Il est, en effet, convaincu de représenter une forme supérieure de vie, [tout en refusant d’assumer son] vertueux fanatisme.”

Il avait à l’esprit un discours prononcé par Tony Blair après les attaques du 11-Septembre, dans lequel le Premier ministre promettait de « remettre de l’ordre dans le monde qui nous entoure » selon ses « valeurs morales » à lui. Il en est résulté le massacre d’un million de personnes en Irak.

Les crimes de Blair n’ont rien d’original. Depuis 1945, quelque 69 pays, plus d’un tiers des États membres des Nations Unies, ont souffert tout ou partie des agressions suivantes : leur pays a été envahi, leur gouvernement renversé, leurs mouvements de revendication populaire éradiqués et leur peuple bombardé. L’historien Mark Curtis évalue le nombre de victimes en millions.

Avec la disparition des empires européens, cela a été le projet du pays qui porte la flamme libérale, cette terre d’exception, les États-Unis, dont le président célébré comme progressiste, John F. Kennedy a, ainsi que l’indiquent de nouveaux travaux, autorisé le bombardement de Moscou pendant la crise cubaine de 1962. Les événements se sont, comme nous le savons, déroulés de telle sorte que ce bombardement est devenu inutile.

La nation indispensable

« Si nous devons utiliser la force, » dit Madeleine Albright, la secrétaire d’État de l’administration libérale de Bill Clinton, qui soutient maintenant farouchement la campagne de la femme de celui-ci, « c’est parce que nous sommes l’Amérique. Nous sommes la nation indispensable. Nous nous tenons la tête haute. Nous voyons plus loin vers l’avenir. »

L’un des crimes les plus abominables d’Hillary Clinton a été la destruction de la Libye en 2011. Sur ses instances pressantes, et avec le support logistique américain, l’OTAN a, selon ses propres archives, procédé à 9700 frappes contre la Libye, dont un tiers ciblait des civils. On a employé des missiles à l’uranium appauvri. Regardez donc les photographies de Misrata et de Syrte et les charniers identifiés par la Croix-Rouge. Lisez aussi le rapport de l’UNICEF au sujet des enfants tués « [dont] la plupart avait moins de dix ans. »

Dans les travaux universitaires anglo-américains que suivent servilement les médias libéraux des deux côtés de l’Atlantique, des théoriciens influents, appelés « libéraux réalistes » enseignent depuis longtemps que les impérialistes libéraux – expression qu’ils n’utilisent jamais – sont, dans le monde, des conciliateurs et des gérants de crise, plutôt que justement les fauteurs de ces crises. Ils ont enlevé l’élément humain de leur étude des nations et l’ont mis au congélateur, en employant un jargon au service des bellicistes. Ils écrasent des nations entières pour les autopsier, ils identifient des « États en échec », (ceux qui sont difficiles à exploiter) et des « États voyous » (ceux qui résistent à la domination occidentale).

Que le régime ciblé soit une démocratie ou une dictature n’a aucune importance. Au Moyen-Orient, les collaborateurs du libéralisme occidental sont depuis longtemps des extrémistes islamistes comme récemment al-Qaïda, tandis que des concepts cyniques de démocratie et de droits de l’homme sont employés pour servir de façade rhétorique à la conquête et à la destruction, comme en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, à Haïti et au Honduras. Consultez donc les archives publiques de ces bons libéraux, Bill et Hillary Clinton. Ils ont atteint un niveau auquel Trump ne peut qu’aspirer.

Source : Consortiumnews.com, le 29/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Pourquoi Jeremy Corbyn ne veut pas du Brexit, par Romaric Godin

Pourquoi Jeremy Corbyn ne veut pas du Brexit, par Romaric Godin

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016

Jeremy Corbyn veut rester dans l'UE... pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Jeremy Corbyn veut rester dans l’UE… pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Le choix était délicat pour le chef du parti travailliste, dont l’euroscepticisme est connu. Mais Jeremy Corbyn est parvenu à prendre une position originale en ménageant l’avenir.

Le moment était attendu et il était périlleux pour le chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn. Jeudi 14 avril, il a défendu devant un parterre de syndicaliste et d’étudiants, la position officielle de son parti pour le referendum du 23 juin : il a défendu le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Une position qui n’allait pas de soi pour Jeremy Corbyn. Longtemps représentant de la gauche du Labour, il s’était opposé à l’adhésion du pays à l’UE en 1975, puis au traité de Maastricht en 1992, puis au traité de Lisbonne, comme au projet de constitution européenne trois ans plus tôt, en 2008.

C’est dire si Jeremy Corbyn était attendu au tournant, en dehors du parti, comme en son sein où ses opposants ne manquent pas. On attendait une implication prudente qui aurait rendu le nouveau dirigeant travailliste responsable d’une éventuelle défaite du vote « Remain » (pour le maintien). Mais, comme souvent, ses adversaires ont sous-estimé le député d’Islington Nord qui a tenté de  contourner l’obstacle en se démarquant des arguments habituels des partisans du maintien du Royaume-Uni dans l’UE.

Pas de menace, mais un défi

A la différence de nombreux autres Travaillistes et de l’approche de David Cameron, Jeremy Corbyn n’a donc pas menacé l’électeur britannique d’une apocalypse économique et politique en cas de sortie du pays de l’UE (« Brexit »). Il y voit, en revanche, un défi pour le Labour : changer l’UE pour lui donner une nouvelle couleur, plus « sociale. » « Nous voulons former des alliances avec les partis socialistes du reste de l’Europe pour la changer », a-t-il indiqué. Le chef du Labour ne prétend donc pas aimer l’Union telle qu’elle existe, il prétend précisément la modifier. Mais pour la modifier, il faut être à l’intérieur, pas à l’extérieur. « Vous ne pouvez pas construire un monde meilleur si nous ne vous engagez pas dans ce monde », a-t-il résumé.

Quelqu’un a le 06 de Macron pour les négociations ?

Blague à part, ils sont pathétiques – mais bon, à leur décharge, la propagande est telle qu’ils savent aussi qu’ils ne peuvent tenir un autre discours, et beaucoup doivent attendre que tout se casse la figure naturellement…

Soutenir l’UE comme Jeremy Corbyn a jadis soutenu le Labour…

La démarche permet donc à Jeremy Corbyn de maintenir ses critiques vis-à-vis de l’UE, sans pour autant être partisan du Brexit. Son discours ne consiste donc pas, comme David Cameron, à prétendre que l’UE « réformée » par l’accord passé à Bruxelles le 18 février est une bonne chose pour le Royaume-Uni : il consiste à faire du vote « Remain » un vote de lutte, un début plutôt qu’une fin. Avec ce discours, Jeremy Corbyn sort du discours « négatif » pour entrer dans un discours constructif. Le chef du Labour appuyé son discours par une comparaison avec sa propre attitude vis-à-vis du parti où il a longtemps été dans une position très minoritaire. « J’ai eu quelques divergences avec la direction que le Labour a adopté les quelques dernières années, certains l’auront remarqué, mais je suis sûr que le bon choix pour moi a été de rester membre du parti », a-t-il ainsi indiqué. Un argument fort quand on se souvient de la distance entre le « socialiste » Jeremy Corbyn et des dirigeants comme Tony Blair ou Gordon Brown. Au moment de la guerre en Irak, par exemple, le député a voté contre la décision martiale de Tony Blair. Si le député isolé a pu devenir chef du parti, les Travaillistes britanniques peuvent espérer, s’ils restent dans l’UE, changer l’Europe…

Ne pas laisser le Royaume-Uni aux volontés des conservateurs

Car – et c’est la deuxième partie de l’argument de Jeremy Corbyn – le Royaume-Uni n’a guère d’alternative d’un point de vue de gauche. La sortie de l’UE ôterait en effet aux Conservateurs les dernières règles qui limitent leur action en matière de dérégulation du marché du travail et de privatisation. D’autant qu’un Brexit pourrait déclencher par contrecoup l’indépendance de l’Ecosse, territoire traditionnellement très ancré à gauche. Le Brexit renforcerait ainsi le poids de l’Angleterre conservatrice et ne placerait aucune limite aux volontés des Libertariennes conservateurs et de l’UKIP – les principaux défenseurs du Brexit. Jeremy Corbyn peut donc défendre l’UE comme un rempart. Rempart insuffisant, rempart réduit compte tenu de l’orientation conservatrice de l’UE, mais rempart néanmoins. « L’UE a aidé à soutenir l’investissement, l’emploi et les protections pour les travailleurs, les consommateurs et l’environnement », a déclaré le chef travailliste. Il faut comprendre cette phrase en négatif : il s’agit non pas de juger là encore l’UE comme un « paradis des travailleurs », mais comme un minimum dont la droite britannique se passerait bien. Et sur lequel il est possible de construire du mieux.

S’affirmer comme chef de l’opposition

Jeremy Corbyn adopte donc une position politique originale. Il soigne aussi son image de chef de l’opposition en défendant une position qui, faute d’être entièrement la sienne n’en est pas moins celle des militants et des électeurs du Labour. « C’est la position qui a été choisie à l’issue d’un grand débat par le parti. Et c’est le parti que je dirige », a-t-il martelé. Cette affirmation de son pouvoir basé sur le respect de la majorité du parti est un élément central car on a souvent reproché au député d’Islington Nord d’être « coupé » de la masse des électeurs travaillistes et de vouloir transformer le Labour en un parti « gauchiste. » En s’engageant pour le maintien dans l’UE, il rassure les électeurs qui voient en lui un dangereux bolchéviste et il affirme aux militants qu’il n’entend pas diviser le parti.

Maintenir le clivage droite-gauche

Parallèlement, cet engagement pour le « Vote Remain » n’est pas un ralliement à la position de David Cameron. A la différence de ce que l’on a pu observer lors du référendum du 18 septembre 2014 sur le référendum écossais, il a refusé toute unité de campagne avec les Conservateurs. C’est un élément essentiel, parce qu’il permet de distinguer le vote travailliste visant à rester dans l’UE pour la changer du vote conservateur, heureux de l’UE actuelle. En Ecosse, les Travaillistes avaient été les victimes de l’unité de la campagne pour le « non » à l’indépendance, malgré la victoire de ce dernier. Jeremy Corbyn lui, ne commet pas cette erreur et la campagne pour le 23 juin ne réduit pas ses attaques contre le gouvernement conservateur, bien au contraire. Jeudi, il a lancé une nouvelle fois l’offensive sur la question fiscale contre David Cameron, mais aussi contre l’incapacité de Downing Street à défendre les aciéries menacées de fermeture par le géant indienTata Steel.

Ne pas être pénalisé en cas de Brexit

Enfin, la stratégie d’une défense « critique » de l’UE lui permettra de se défendre, en cas de victoire du « Leave ». Si le Brexit est finalement décidé par les électeurs britanniques, ce qui n’est pas impossible car sa cote remonte dans les sondages, la faute en reviendra au premier ministre qui prétend avoir amélioré l’Europe, pas aux Travaillistes qui, conscients des insuffisances de l’Union voulait la changer. Jeremy Corbyn n’a pas, du reste, cherché à minimiser ses engagements passés. Il les a même assumés : « Est-ce que je me rétracte sur tout ce que j’ai dit ou fait ? Non. » Un vote en faveur du Brexit signifiera que les Britanniques partagent les critiques de Jeremy Corbyn, sans son espoir. Le leader travailliste ne saurait se démettre dans ce cas, à la différence du premier ministre qui aura alors bien du mal à rester au 10, Downing Street. Du reste, on remarque que les défenseurs du « Brexit » de gauche – minoritaires outre-Manche -, comme le quotidien Morning Star, critiquent certes, les arguments de Jeremy Corbyn, en pointant le déficit démocratique de l’UE, mais ne « regrettent » pas d’avoir soutenu le nouveau chef du Labour. Quant à ses adversaires centristes au sein du parti, ils ne pourront pas lui reprocher de s’être aligné sur leurs positions…

Popularité en progression

En adoptant cette position, Jeremy Corbyn donne encore une fois tort à ceux qui voyaient en lui un ridicule « arriéré » qui menait le Labour dans le mur. Certes, sa nomination, suivie d’une campagne de presse très défavorable et de quelques bourdes, comme le refus de chanter l’hymne national, avait plongé les Travaillistes au plus bas dans les sondages pendant quelques mois. Mais les électeurs ont appris à connaître le nouveau chef de l’opposition. Les erreurs et la division des Conservateurs l’ont fait revenir en grâce. La proposition de budget très austéritaire, prévoyant notamment la baisse des allocations pour les handicapés qui a conduit à la démission du ministre du Travail Ian Ducan Smith a ouvert un débat que Jeremy Corbyn a su utiliser. Mais les déboires fiscaux de David Cameron révélé par les « Panama Papers » ont donné un nouvel élan au parti travailliste.

Certes, le chemin est encore long pour le chef de l’opposition. Selon un sondage Yougov du 8 avril, sa côté de confiance n’est que de 30 %, ceux qui ne lui font pas confiance sont 52 % des personnes interrogés. Un déficit de 22 points qui est élevé, mais qui est loin des 40 points de janvier dernier. Et pour la première fois, la différence entre ceux qui lui font confiance et ceux qui ne lui font pas confiance est inférieure à celle de David Cameron (-23 points). Mieux même, sur le sujet de l’évasion fiscale et de l’UE, Jeremy Corbyn est largement jugé le plus compétent, loin devant le premier ministre. Enfin, le Labour est désormais en tête des intentions de vote, avec 34 %, en cas d’élections générales, devant les Conservateurs (31 %).

Les Cassandre contredits

Cette évolution contredit les Cassandre qui jugeait qu’en élisant Jeremy Corbyn, le Labour se « suicidait ». De plus en plus, il apparaît que c’est bien la voie centriste de la sociale-démocratie qui est en crise : en Irlande, le Labour a obtenu 6 % des voix après son alliance avec le centre-droit en février alors qu’en Espagne en décembre, le PSOE a obtenu son plus faible score de l’après-franquisme ; aux Pays-Bas, les Travaillistes de Jeroen Dijsselbloem sont donnés sous les 10 % d’intentions de vote et, en Allemagne, la SPD est à des niveaux historiquement faible, sous les 20 %. A l’inverse, au Portugal, où le premier ministre socialiste Antonio Costa a choisi de s’allier à la gauche radicale contre la politique austéritaire de la droite, le PS progresse de trois points dans les derniers sondages par rapport aux élections d’octobre. L’avenir de la Social-démocratie pourrait donc être, contre l’avis d’un Emmanuel Macron par exemple, dans le maintien d’un vrai clivage droite-gauche…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016