mercredi 20 avril 2016

Le discours totalitaire des bureaucrates qui nous dirigent

Le discours totalitaire des bureaucrates qui nous dirigent




Le Fonds monétaire international a publié le 12 avril un rapport semestriel expliquant qu'une sortie de l'UE du Royaume-Uni après le 23 juin prochain provoquerait « des dommages sévères au niveau régional comme au niveau mondial », et que le référendum en lui-même « est déjà source d'incertitude pour les investisseurs. » Les prévisions du FMI sont-elles fiables ou faut-il y voir une opposition idéologique ?

LH : avant même de rentrer sur le fond, le rapport du FMI pose de nombreux problèmes. Il est tout de même délicat que des bureaucrates prennent une telle position, éminemment politique, et soutiennent de facto un camp contre l'autre. Au moins, les britanniques savent comment voter pour déplaire à ces bureaucrates qui nous gouvernent… Ensuite, faire du premier argument « l'incertitude pour les investisseurs » montre bien le centre de gravité du monde que contribue à construire le FMI depuis des décennies. Pour que cela tourne rond, il faut faire ce que les investisseurs souhaitent. Quel terrible aveu !

Ensuite il est tout de même culotté de faire du Brexit une des raisons de la mollesse de la croissance, alors même que ce constat est fait depuis la sortie de la grande crise financière de 2008-2009. Ce n'est pas le Brexit qui a fait que la croissance a été décevante de 2010 à 2015 ! Cet argument est d'autant plus absurde que justement, en 2016, les perspectives de croissance dans l'UE sont les meilleures depuis 2010. Et puis, il faut aller page 27 du rapport du FMI pour avoir un peu plus d'explication, un petit paragraphe dérisoire guère argumenté, et sans la moindre justification factuelle.

Bien sûr, les négociations seraient délicates, mais l'UE a des relations économiques avec des pays non membres depuis longtemps. Si l'entrée dans l'UE est complexe, la sortie n'est-elle pas simple ? Après tout, la déconstruction des contraintes européennes a toutes les chances d'être progressives et assez lente car Londres a vécu, et accepté, la plupart des contraintes avec lesquelles elle vit aujourd'hui. Bien sûr, il y aurait des incertitudes, mais le FMI n'apporte pas la moindre preuve selon laquelle la sortie d'une telle alliance aurait des conséquences néfastes. Bref, il faut surtout y voir une opposition idéologique.

Le 12 avril, le président du Parlement européen, Martin Schulz, s'est exprimé sur LCI au sujet du référendum aux Pays-Bas, estimant que « les gens votent sur n'importe quoi, mais très rarement sur le sujet du référendum ». Cette analyse reprend-t-elle celles qui avaient cours en 2005 au sujet du Traité constitutionnel européen ? Est-ce à dire qu'en 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, les électeurs ont voté oui sans comprendre qu'ils acceptaient l'euro et un certain nombre de transferts de compétence vers l'UE ?

Les eurocrates expriment trop souvent un snobisme aux relents totalitaires contre la démocratie. Si les électeurs ne suivent pas leurs souhaits, ce serait toujours pour de mauvaises raisons. D'abord, je suis convaincu que le vote des citoyens lors des référendums est au contraire plein de bon sens. En 1992, ce sont les Français se déclarant de droite qui ont voté « non » à Maastricht, dans un débat dominé par la question de la souveraineté nationale, leg du gaullisme. En 2005, c'est plutôt la gauche qui a voté « non » dans un débat dominé par le caractère antisocial de cette Europe.

En Hollande, les électeurs ont sanctionné un accord, qui, s'il n'était qu'un petit pas vers l'intégration de l'Ukraine, n'en était pas moins un petit pas. Et quand on connaît cette Europe qui fonctionne justement par petit pas, il n'était pas surprenant que les néerlandais refusent le tout premier. Les Européens veulent arrêter l'élargissement. En fait, les eurocrates ont un comportement et un discours très totalitaires puisqu'ils refusent d'écouter les opinions différentes des leurs, puisque tout vote qui va à l'encontre de leurs idées est forcément un vote pour de mauvaises raisons.

Aux Pays-Bas, 64% des votants ont rejeté l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine. Au Royaume-Uni, malgré une importante campagne gouvernementale à l'encontre du Brexit, 46% des Britanniques y seraient favorables (contre 43% qui y sont opposés). Comment analyser le décalage qui existe entre les élites au pouvoir et la volonté des peuples ?

On peut voir trois raisons principales au décalage grandissant entre les élites et le peuple. D'abord, le manque de considréation, pour ne pas dire le mépris, d'une partie des élites vis-à-vis du peuple. Ses déclarations ne font qu'entretenir cela d'ailleurs. Le mépris maintes fois exprimé par les eurocrates contre les référendums ne fait sans doute que renforcer l'hostilité des peuples contre le machin européen.

Et cela s'explique également par le bilan de cette tour de Babel européenne. Tout nouvel accord est l'occasion de nouvelles promesses de lendemains qui chantent suivies d'une déception. Avec le bilan qui est le sien depuis trois décennies, comment s'étonner que l'UE suscite le rejet des électeurs ? Elle n'a rien apporté de positif à l'immense majorité des peuples européens. En revanche, elle leur impose de très nombreuses contraintes, l'austérité, des contributions à des plans qui ne marchent pas, l'imposition de quotas de migrants, sans prendre en compte les spécificités nationales, et aucune protection contre les dommages de la globalisation, des délocalisations à la désertion fiscale des multinationales.


Dernière raison : le décalage grandissant entre les élites et les classes populaires, la montée des inégalités et le fait qu'élites et classes populaires vivent des vies de plus en plus séparées : le divorce politique est en partie la conséquence d'un divorce social et d'un divorce dans la vie de tous les jours.

Mobilisation pour Antoine Deltour et les lanceurs d’alerte !

Mobilisation pour Antoine Deltour et les lanceurs d'alerte !

Ces gens qui se sont comportés comme des citoyens EXEMPLAIRES, faisant fi de tous les dangers pour dénoncer la corruption et l'évasion fiscale industrielle proposé au Luxembourg, ce qui a par ailleurs rapporté des milliards à l'état (quoique, ils sont pas aller les chercher), quel est leur remerciement ? D'être jeté en pâture, à la justice d'un état scélérat qui nous bouffe la laine sur le dos ?

Moi ça me met hors de moi, aussi même si vous ne pouvez vous rendre au procès faites tourner l'information... Et à l'heure où vous remplissez votre feuille d'impôts... Pensez à remercier Jean Claude Junker, actuel président de l'Union Européenne qui a organisé toute l'évasion fiscale présente au Luxembourg. (la poupée vaudou est aussi une option... ; )

L'évasion fiscale c'est au total 600 milliards de manque à gagner pour la France, soit de 60 à 80 milliards d'€uros par an !, plus que les 77,2 milliards d'€uros récoltés par l'imposition directe de quasi tout les Français(es)...

f.

Delcour/Perrin

Avec les organisations de la Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires, venez dénoncer l'opacité financière et soutenir Antoine Deltour, lanceur d'alerte du LuxLeaks et prix éthique d'Anticor, à l'ouverture de son procès le 26 avril au Luxembourg

Le procès d'Antoine Deltour et des deux autres accusés dans le cadre de l'affaire LuxLeaks, dont le journaliste Édouard Perrin [1], se déroulera au Luxembourg du 26 avril au 4 mai 2016.

Poursuivi pour cinq chefs d'inculpation, « vol domestique, d'accès ou de maintien frauduleux dans un système informatique, de divulgation de secrets d'affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment-détention des documents soustraits », Antoine risque jusqu'à 5 ans de prison et plus d'1 million d'euros d'amende. Edouard Perrin est poursuivi pour les mêmes chefs d'accusation.

Les citoyens et citoyennes européens leur doivent pourtant beaucoup : en faisant fuiter des accords secrets passés entre de grandes entreprises (par l'intermédiaire d'un grand cabinet de conseil) et l'administration fiscale luxembourgeoise, Antoine Deltour a révélé comment des centaines de multinationales ont pu faire échapper leurs bénéfices à l'impôt dans les pays où elles exercent réellement leurs activités.

Le scandale des Panama Papers montre une nouvelle fois que le rôle des lanceurs d'alerte est essentiel pour notre démocratie, et que les mesures prises jusqu'ici pour lutter contre l'opacité fiscale sont insuffisantes. Les dernières en date, annoncées par la Commission européenne le 12 avril, montrent que la bataille pour la transparence est très loin d'être gagnée. Nos organisations appellent donc à venir soutenir les lanceurs d'alerte et réclamer plus de transparence financière, le 26 avril à Luxembourg, lors de l'ouverture du procès d'Antoine Deltour et ses co-accusés.

Rendez-nous la lumière, pour la fin de l'opacité financière !

Transports :

un transport en minibus est prévu au départ de Paris :

– 30€/personne pour un AR dans la journée (départ le 26 à 5h du matin, retour le soir)

– 55€/personne pour un AR sur deux jours (départ le 25 en début de soirée, nuit en auberge de jeunesse, retour le 26 en fin d'après-midi. Repas non compris)

Merci d'envoyer un mail à deltour-bus @ attac.org en indiquant vos noms, prénoms et numéros de téléphone et quelle option vous intéresse.

Réservation obligatoire !

Et aussi :

Le comité de soutien à Antoine Deltour organise de son côté un bus pour Luxembourg depuis Épinal, Nancy et Metz. Plus d'infos et contact sur https://support-antoine.org/

(Communiqué commun des organisations membres de la Plate-forme contre les paradis fiscaux et judiciaires).

 

Source(s) : Anticor.org via Chalouette

Informations complémentaires :

 

Revenus 2014 des Clinton : 28 millions de dollars – la “gauche” américaine évite la paupérisation…

Revenus 2014 des Clinton : 28 millions de dollars – la "gauche" américaine évite la paupérisation…

I. Les Résultats de la primaire Démocrate de New-York hier

Sainte Hillary a donc réalisé un bon score chez elle New-York, avec 57 % des voix face à Sanders, qui a désormais bien peu de chances de l'emporter…

Dommage, la remontée de ce dernier au niveau national était assez impressionnante, mais il manquera de temps, et il garde les minorités contre lui :

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Cela présage cependant pas mal de rancoeurs de ses électeurs électrisés…

II. Money, money, money

Je signale au passage que les candidats ont publié leurs déclarations d’impôt 2014, et que la “gauche” américaine peut-être fière de sa réussite :

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Le couple Clinton a ainsi empoché plus de 28 millions de dollars de revenus (oui, on parle de revenus annuels, pas de patrimoines, hein) en 2014, contre 200 000 $ au couple Sanders…

Et on parle bien de l’argent personnel, pas de celui pour les campagnes politiques…

Comme on parle d’argent, voici un graphe intéressant sur la proportion de donc pour la campagne présidentielle venant de donneurs de plus de 5 000 $ et 100 000 $ (le total des sommes est sous le nom – Source) :

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On constate donc l’absence de gros donateurs chez Sanders et Trump, et le poids des très gros donateurs… chez tous les autres !

Le record revenait en fait au frère Bush, qui a abandonné (données plus anciennes d’il y a 1 mois)

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Mention enfin pour les 225 millions de dollars de budget d’Hillary Clinton, presque le double de Sanders (qui a obtenu un total incroyable avec seulement des petits dons…).

C’est qu’il a fallu aider Sainte Hillary en difficultés (Source) :

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Merci George Soros pour ces 7 millions… ! Et comme il est à fooooooond(s) pour la Démocratie sur la planète, il file 7 millions à la candidate qu’il aime bien, et rien au candidat des pauvres, normal quoi….

Au passage, rions avec Cruz : – il a des amis vraiment sympas :

donateurs-clinton

Quant à Trump :

donateurs-clinton

Euh non, milliardaire, il a dit qu’il finançait tout seul sa campagne, et ne voulait pas d’argent, afin de rester libre…

III. Les Résultats de la primaire Républicaine de New-York hier

Sinon, au niveau des résultats, il y a plus de suspens pour les Républicains, où Trump a triomphé sur ses 2 adversaires, avec 60 % des voix :

primaires-2016-04-20

Trump dispose de 846 délégués, il lui en faut 1237 pour être sûr d’être désigné ; il lui manque donc 391 délégués, et il en reste 674 à distribuer. Ce n’est pas gagné, mais ce n’est pas perdu non plus…

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Trump est donné gagnant dans les sondages dans les les grands États restants. Mais on n’aura le résultat que le dernier jour… donc le 7 juin.

On voit que sa côte nationale ne cesse de s’améliorer :

republicains

Celle de Cruz (l’évangéliste ultraconservateur moralisateur) palissant, un peu beaucoup à cause du scandale faisant que le Voici local l’accuse d’avoir 5 maîtresses (on a oublié de vous le dire ? :) ):

Scandale-sexuel-de-Cruz

C’est vraiment à se demander pourquoi les gens sont énervés et votent Trump…

À suivre…

Après les Panama Papers, « à quand les London Papers » ?

Après les Panama Papers, « à quand les London Papers » ?

Sur son blog sur le site de l'Express, l'ancien sherpa de François Mitterrand Jacques Attali indique clairement qu'une partie des élites européennes ne se laisse pas aveugler par le feu d'artifice provoqué par les Panama Papers.
Dans son article « A quand les London Papers », dont nous produisons un extrait ci-dessous, Attali souligne que, lorsque tous les projecteurs attirent nos regards vers le Panama, on finit par oublier de regarder ailleurs, notamment vers « la mère » du système actuel, (...)

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Obama et l'OTAN prévoient un rapprochement avec les pays du Golfe

Obama et l'OTAN prévoient un rapprochement avec les pays du Golfe

Le président Obama arrive à Riyad aujourd'hui pour des entretiens avec les dirigeants saoudiens ainsi qu'avec les dirigeants des six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar). Selon Middle East Briefing, une lettre de renseignements produite à Dubaï, le projet d'alliance formelle entre l'OTAN et le CCG sera au centre de la rencontre.
Parmi les éléments de l'accord, la présence permanente de l'OTAN dans les pays du Golfe ainsi que (...)

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L'enfer d'un militant pacifiste traqué par les drones tueurs d'Obama

L'enfer d'un militant pacifiste traqué par les drones tueurs d'Obama

Qu'est ce que cela vous ferait de savoir que vous êtes une cible désignée par Obama et visée par des drones tueurs, commandés à distance ?
Dans l'édition du 12 avril du journal anglais The Independent, Malik Jalal, un habitant de la région de Waziristan, au nord du Pakistan, apporte un témoignage terrifiant, en tant que cible humaine.
Je me retrouve dans une étrange position car je sais que je suis sur la 'liste des gens à tuer' (Kill List). Je le sais car on me l'a dit, et aussi parce que j'ai été (...)

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Donald Trump va l’emporter haut la main. Le créateur de ‘Dilbert’ explique pourquoi, par Michael Cavna

Donald Trump va l'emporter haut la main. Le créateur de 'Dilbert' explique pourquoi, par Michael Cavna

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Par Michael Cavna

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Une planche de « Dilbert. » (Scott Adams / Universal Uclick 1991)

SCOTT ADAMS se souvient du tournant de la partie. Il était jeune et s’améliorait aux échecs, mais le gamin qui menait l’échiquier déjouerait les tactiques d’Adams jusqu’à ce que le jeu tourne en débâcle. À présent, ce gamin ne voulait pas simplement battre Adams ; il voulait l’embarrasser. « Ainsi, après qu’il eut pris les trois quarts de mes pièces et que j’étais découragé, » raconte Adams, « il m’a proposé de tourner la planche et de jouer avec mes pièces. » Et puis effectivement il « gagna » encore.

À ces occasions, Scott Adams, le créateur de « Dilbert, » a perçu le type de personnalité qui aime non seulement le défi de la stratégie de jeu, mais aussi le frisson d’écraser la compétition. C’est le sport de la domination méticuleusement préméditée.

Et cela fait partie des raisons pour lesquelles Adams croit que Donald Trump va gagner la présidence. D’une victoire écrasante.

Adams, en d’autres termes, estime que Trump lui-même a renversé le jeu de la campagne. Dans sa campagne électorale, le magnat de l’immobilier ne fonctionne pas sur la connaissance des chiffres ou l’analyse des données. Il navigue sur nos émotions, dit Adams, et l’attrait sournois pour notre propre irrationalité humaine. Depuis août dernier, en effet, alors que beaucoup qualifiaient l’entrée de Trump de candidature clownesque, le caricaturiste de « Dilbert » avait déjà déclaré que « Le » Donald était un maître des pouvoirs de persuasion, qui allait sans aucun doute monter dans les sondages. Et la semaine dernière, Adams a commencé à bloguer sur la façon dont Trump peut par sa parole démanteler la prochaine candidature de Clinton.

Adams, bien entendu, ne cautionne pas Trump ni ne soutient sa politique. (« Je ne pense pas que mes opinions politiques plaisent à personne, » dit-il à la rubrique Comic Riffs du Post, « pas même à un autre être humain. ») Et il ne dit pas que Trump serait le meilleur président. Ce que le dessinateur installé dans la baie de San Francisco reconnaît, dit-il, c’est l’art méticuleux derrière les techniques d’expression de Trump. Et Donald, dit-il, joue avec ses concurrents comme avec un violon – avant de les battre comme un tambour.

Dit plus simplement : Adams croit que Trump va gagner parce qu’il est « un maître de la persuasion. »

Le magnat de Manhattan est si habile dans sa force de persuasion, qu’Adams croit que le candidat aurait pu fonctionner en tant que démocrate et, en choisissant d’autres sujets brûlants, encore remporter cette présidence. En d’autres termes : Trump est un tel maître en stratégie linguistique qu’il aurait pu retourner l’échiquier politique et encore occuper le terrain.

Adams ne prétend pas être un analyste politique expérimenté. Ses références exposées dans cette arène, dit Adams – qui ne possède qu’un Master en administration des entreprises de l’université de Californie à Berkeley – attestent largement sa qualification d’hypnotiseur et, en tant qu’écrivain, d’auteur de livres de gestion, un éternel étudiant des techniques de rhétorique persuasive. (Son ouvrage de développement personnel est intitulé « Comment échouer à presque tout et toujours gagner gros : un peu l’histoire de ma vie. »)

« Le plus important quand vous étudiez l’hypnose, c’est que vous apprenez que les humains sont irrationnels, » dit Adams à Comic Riffs. « Jusqu’à ce que vous compreniez cela, l’hypnose est difficile à appliquer. […] Pour moi, ce fut ce grand réveil de comprendre que les humains sont profondément irrationnels, et ça a eu probablement la plus grande influence sur moi en terme d’écriture. »

« C’est un truc que j’ai appris de Bil Keane, » le défunt créateur de « Family Circus », explique Adams à Comic Riffs. « Il m’a essentiellement appris à cesser d’écrire pour moi-même, ce que j’ai compris que je faisais – en écrivant une bande dessinée que je voulais lire. »

Donc Adams a pris une nouvelle orientation pour écrire davantage sur les lieux de travail, et le « Dilbert » qui a éclos au début des années 90 s’est intéressé « à cette grande partie de la vie des gens invisible au reste du monde et à la centaine de façons différentes de souffrir. »

« En mentionnant simplement cet univers, » dit Adams, la bande dessinée s’est connectée avec les lecteurs « à un niveau émotionnel. »

Et n’est-ce pas ce que fait Trump essentiellement, à son tour ? Il reconnaît la souffrance de certains, dit Adams, et ensuite joue de l’émotion qu’elle produit.

Et il améliore cette approche, dit Adams, en « exploitant le business model » comme un entrepreneur. Dans ce modèle, dans lequel « l’industrie de l’information n’a pas la possibilité de changer […] les médias n’ont pas vraiment le choix d’ignorer les sujets les plus intéressants », dit Adams, affirmant que Trump « peut toujours être le sujet le plus intéressant, s’il n’a rien à craindre et rien à perdre. »

Le fait de n’avoir rien d’essentiel à perdre augmente alors ses chances de gagner, parce cela élargit son domaine de jeu rhétorique. « La psychologie est la seule compétence nécessaire pour être candidat à la présidentielle, » écrit Adams, en ajoutant : « Trump connaît la psychologie. »

Dans ce contexte, voici ce que ce candidat Trump fait pour gagner les cœurs et les esprits de la campagne, selon Scott Adams :

images.washingtonpost.com

– Avant de faire notre business plan pour l’année prochaine, regardons si nous nous y sommes tenus l’an dernier.

– On a fini par ne rien faire de ce qui était dans notre plan, comme tous les ans.

– Pourquoi ne pas faire l’impasse cette année ?

– Ce serait irrationnel de ne pas avoir de plan.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Trump sait que les gens sont fondamentalement irrationnels.

« Si vous considérez les électeurs comme rationnels, vous serez un homme politique épouvantable, » écrit Adams dans son blog. « Les gens ne sont pas programmés pour être rationnels. Nos cerveaux ont évolué simplement pour nous garder en vie. Les cerveaux n’ont pas évolué pour nous offrir la vérité. Les cerveaux nous projettent simplement des films dans nos esprits pour nous maintenir sains et motivés. Mais rien de tout cela n’est rationnel ou vrai, sauf peut-être parfois par hasard. »

  1. Sachant que les gens sont irrationnels, Trump a pour but de séduire à un niveau émotionnel.

« La preuve est que Trump ignore complètement la réalité et la pensée rationnelle en faveur de la séduction émotionnelle, » écrit Adams. « Bien sûr, une grande partie de ce que dit Trump fait sens pour ses partisans, mais je vous assure que c’est une coïncidence. Trump dit tout ce qui lui donne le résultat qu’il veut. Il a compris que les hommes sont à 90 % irrationnels et agit en conséquence. »

Adams ajoute : « Le vote des gens est fondé sur l’émotion. Un point c’est tout. »

images.washingtonpost.com 2

– Quelles chances y a-t-il pour que tu aies fait cette feuille de calcul sans erreur critique ?

– Quelle importance, du moment que ça me donne le résultat que je veux ?

– Ça devrait avoir de l’importance.

– Mais demande-toi si ça en a.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. En agissant selon l’émotion, les faits ne comptent pas.

« Alors que ses adversaires perdent le sommeil à essayer de mémoriser les noms des dirigeants étrangers – au cas où quelqu’un le demande – Trump sait que c’est une perte de temps…, » écrit Adams. « Il y a beaucoup de faits importants que Trump ne connaît pas. Mais la raison pour laquelle il ne connaît pas ces faits est – en partie – qu’il sait que les faits ne comptent pas. Ils n’ont jamais compté et ne compteront jamais. Alors, il les ignore.

« Juste en face de vous. »

Et citer des chiffres qui pourraient ne pas exactement correspondre aux faits réels peut cependant ancrer ces chiffres, et ces faits, dans votre esprit.

  1. Si les faits ne comptent pas, vous ne pouvez pas vraiment avoir « tort ».

Trump « ne s’excuse pas ni ne se corrige. Si vous n’êtes pas formé à la persuasion, Trump semble stupide, mauvais, et peut-être fou, » écrit Adams. « Si vous comprenez la persuasion, Trump est parfaitement à la hauteur la plupart du temps. Il ignore la pensée rationnelle inutile et les données objectives et martèle sans cesse ce qui compte (les émotions). »

« Est-ce que l’engagement de Trump dans la citoyenneté par la naissance vous perturbe ? » continue à demander Adams. « Vous demandez-vous comment Trump pouvait croire qu’Obama n’était pas un citoyen ? La réponse est que Trump n’a jamais cru quoi que ce soit sur le lieu de naissance d’Obama. Les faits ne sont pas pertinents, il les ignore tout en trouvant une place dans le cœur des conservateurs. Pour plus tard.

« C’est pour plus tard. Il s’y prend à l’avance. »

images.washingtonpost.com 3

– Est-ce que tu préfères me préparer et me servir ma nourriture préférée maintenant ou dans une minute ?

– Pourquoi est-ce que tu utilises toujours cette technique manipulatrice de me faire penser après la vente ?

– Parce que ça marche.

– Dans une minute ! Pas une seconde avant !

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Avec moins de faits en jeu, il est plus facile de tordre la réalité.

Steve Jobs est célèbre pour avoir cherché à créer des « champs de distorsion de la réalité » afin de répondre à ses besoins et atteindre ses fins. Trump emploie des techniques similaires, et apparemment peut être aussi susceptible quand sa « réalité » est contestée. « Le Maître de la persuasion déformera la réalité jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut, » écrit Adams, notant que Trump en est déjà « presque à la moitié ».

(Parmi les techniques de persuasion que Trump utilise pour aider à tordre la réalité, dit Adams, figure la répétition de phrases ; « penser après la vente » [faire penser à une conséquence de la vente, comme si la vente était déjà faite et devenue une donnée de base du raisonnement, NdT] de sorte que la première partie de sa prémisse est indiquée comme une donnée, et sachant l’attrait de la réponse la plus simple, en liaison avec le concept du rasoir d’Ockham.)

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– Il paraît que vous traversez une transition de l’identité.

– Non, j’ai juste une mauvaise position à force de regarder un écran toute la journée. Je ne me transforme pas littéralement en Quasimodo.

– Dommage, parce que nous avons besoin d’une nouvelle mascotte dans l’entreprise et vous seriez parfait.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Pour tordre la réalité, Trump est un maître des politiques identitaires – et l’identité est la plus forte persuasion.

Pensez-vous que ce soit une coïncidence si Trump a appelé Megyn Kelly une bimbo, puis qu’elle s’est faite faire une coupe de cheveux qui n’est pas du style bimbo, mais plutôt… eh bien, Trumpienne ?» écrit Adams. « Cela ne semble pas une coïncidence à ce manipulateur expérimenté. »

Une façon d’y parvenir est par le déploiement de « coups linguistiques mortels » qui touchent au vif, et modifient la perception de deux manières.

« Les meilleurs coups linguistiques mortels de Trump, » écrit Adams, « ont les qualités suivantes : 1. un mot dans l’air du temps généralement pas utilisé dans la politique ; 2. qui concerne l’aspect concret du sujet (de sorte qu’on s’en souvient toujours). »

Adams ajoute : « L’identité est toujours le plus fort niveau de persuasion. La seule façon de le battre est avec des trucs sales ou un scénario d’identité plus fort. […] [Et] Trump est en bonne voie pour s’approprier l’identité des Américains, mâles alpha, et les femmes qui aiment les mâles alpha. Clinton est en bonne voie pour s’approprier l’identité des femmes en colère, des hommes bêta, des immigrants et des minorités marginalisées.

« Si c’était du poker, quelle main vous semblerait la plus forte pour une élection nationale ? »

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– Est-ce que je peux vous poser des questions sur votre voyage vers le succès ?

– Je crains le pire.

– J’essaie de déterminer quel pourcentage du succès d’une personne est de la pure chance.

– Par exemple qui vous a embauché pour votre premier vrai emploi ?

– Mon père. Mais pour ma défense, je suis bon en entretien.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick 2016)

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Une coalition de parlementaires corrompus fait tomber Dilma Rousseff

Une coalition de parlementaires corrompus fait tomber Dilma Rousseff

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

Une coalition de parlementaires corrompus proche de faire tomber Dilma Rousseff

Sauf coup de théâtre, la Chambre des députés brésilienne devrait massivement approuver dans la nuit de dimanche à lundi la destitution de Dilma Rousseff. Analyse de la chute d'une présidente réélue il y a deux ans à peine.

Un peu plus d'un an après les premières manifestations demandant la destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, en mars 2015, l'opposition est en train de voir son rêve se réaliser. Dimanche 17 avril, à partir de 18 h GMT, la Chambre des députés se prononcera, deux tiers des voix étant nécessaires pour que la procédure de destitution soit transmise au Sénat.

Lâchée par ses alliés de centre droit, Dilma Rousseff ne peut plus compter que sur le soutien de son parti, le Parti des travailleurs (PT), au pouvoir depuis 2002, et de quelques autres partis de gauche. Depuis les défections de trois partis de sa coalition intervenues en début de semaine, toutes les estimations sont formelles : pour Dilma Rousseff, les carottes sont cuites. Quelles sont les raisons de l'ubuesque descente aux enfers d'une présidente réélue avec 51,5 % des voix en octobre 2014 ?

De quoi est accusée Dilma Rousseff ?

L'acte de destitution lui reproche son “irresponsabilité” en matière budgétaire. En 2015, son gouvernement aurait maquillé des déficits publics en prêts contractés auprès de banques publiques, ce que la présidente brésilienne nie. Ce tripatouillage de comptes publics est connu au Brésil sous l'appellation intraduisible mais imagée de “pedaladas”.

Ce n'est donc pas son rôle dans le méga scandale de corruption Petrobras qui est en jeu. Ni la nomination de Lula au gouvernement, le mois dernier, qui avait déclenché de violentes réactions parmi les Brésiliens.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis sa réélection, Dilma Rousseff fait face à l'opération “Lava Jato”, une enquête judiciaire de grande envergure qui révèle jours après jours les liens de corruption entre personnages politiques et grandes entreprises (principalement du BTP et du secteur de l'énergie), sans épargner les membres de son parti.

En plus de cette opération “Mains propres” à la brésilienne qui secoue l'establishment du pays, le Brésil s'enfonce dans une violente récession économique. L'incapacité de Dilma à contenir la crise l'a mise sous le feu des critiques des milieux d'affaires, mais aussi de ses soutiens politiques, qui lui reprochent de sacrifier les classes populaires.

Depuis des mois, la présidente parvient difficilement à gouverner en raison de son impopularité. Les dirigeants de l'opposition veulent écourter son mandat pour que le pays puisse “prendre un nouveau départ”.

Selon Luis Almagro, le secrétaire général uruguayen de l'OEA (Organisation des États américains), “pour nous, il s'agit d'une procédure de destitution contre une présidente qui n'est pas accusée d'avoir commis des actes illégaux. C'est d'autant plus préoccupant que ceux qui ont actionné le mécanisme de destitution sont des parlementaires qui sont eux-mêmes sous le coup d'accusations, ou qui ont été condamnés. C'est le monde à l'envers.”

La destitution de Dilma Rousseff est-elle légitime ?

Si la procédure a suivi toutes les étapes constitutionnelles et légales, la destitution de Dilma Rousseff obéit avant tout à une logique politique.

Le combat pour sa destitution voit s'affronter les défenseurs des acquis du Lulisme et l'establishment conservateur brésilien qui, après avoir perdu quatre élections présidentielles successives, veut récupérer le pouvoir à tout prix.

Pour Mario Conti, éditorialiste du journal Folha de Sao Paulo et de la chaine GloboNews, “rien, jusqu'à présent, ne prouve un enrichissement personnel de la présidente. C'est évident qu'elle a contribué à l'état de récession dans lequel est plongé le pays, qu'elle a menti pendant la campagne électorale, qu'elle est irrascible. Mais tout cela ne constitue pas un crime de ‘responsabilité’ et ne justifie pas une destitution”, ajoutant : “Elle n'a pas volé, et c'est une bande de voleurs qui la juge. L'élite brésilienne veut mettre un terme au cycle politique du Parti des Travailleurs quel qu'en soit le prix.”

S’agit-il d’un coup d’État constitutionnel ?

C'est ce que Dilma, Lula et les dirigeants du PT affirment depuis des mois. Une opinion partagée par beaucoup de Brésiliens, militants ou sympathisants de gauche qui défilent depuis des mois derrière le slogan “Nao vai ter golpe” (“Il n'y aura pas de coup d'État”).

Pour beaucoup, c'est la démocratie qui est en jeu. On ne peut démettre une présidente démocratiquement élue parce que l'opposition et l'opinion publique jugent négativement sa gestion de l'économie et de l'État.

Ceux qui affirment que c'est un coup d'État s'appuient sur les sombres réalités de la classe politique brésilienne. L'ultra conservateur évangéliste Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, est accusé de blanchiment d'argent pour des montants astronomiques (de 5 à 40 millions de dollars selon les sources). Et c'est lui qui, en décembre, avait jugé recevable la demande de destitution au moment où la commission d'éthique du Parlement souhaitait le suspendre de ses fonctions.

Selon Transparency Intenational, 36 des 65 députés qui formaient la commission parlementaire qui a autorisé la mise au vote de la motion de destitution le 11 avril ont déjà été condamnés ou sont inculpés pour des faits allant de malversations électorales au blanchiment d'argent. Selon l'ONG, 60 % des parlementaires brésiliens ont (ou ont eu) affaire à la justice pour des affaires de corruption mais aussi de meurtre, d'enlèvement et séquestration ou encore de déforestation illégale.

De fait, on peut reprocher à Dilma Rousseff une mauvaise gestion économique et un certain autisme politique, mais elle n'est personnellement liée à aucune accusation de corruption ou de détournements de fonds publics. Alors qu'on ne peut en dire autant de nombreux élus brésiliens qui réclament sur tous les tons la destitution de la présidente depuis des mois.

Qui peut succéder à Dilma Rousseff ?

À Brasilia, le vice-président Michel Temer se comporte déjà en nouveau président et consulte en vue de la formation de son prochain gouvernement. “Le traître en chef”, dixit Dilma Rousseff, a même fait fuiter son discours d'investiture à la presse et explique déjà quelle politique il entendrait mener en tant que président. Selon le Jornal do Brasil, il pourrait prêter serment le 10 mai si le Sénat ratifiait la décision des députés. Si une majorité simple des sénateurs vote en faveur de la destitution, Dilma Rousseff sera suspendue 180 jours. En cas de majorité qualifiée des deux tiers, Michel Temer pourra assumer la présidence jusqu'au terme du mandat présidentiel, en 2018.

Cet avocat constitutionaliste de 75 ans a été le colistier de Dilma lors de la campagne de 2010 et de 2014. Sa place sur le ticket présidentiel, il la doit à sa fonction de chef du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), l'un des trois grands partis du pays, avec qui tous les présidents ont fait alliance depuis le retour à la démocratie en 1985, afin d'avoir une majorité au Parlement et pouvoir ainsi gouverner.

Chef d'un parti centriste “attrape-tout” sans colonne vertébrale ni idéologie, roi des marchandages et des intrigues, il pourrait cependant voir ses ambitions sapées par une procédure de destitution concernant des irrégularités commises dans le cadre du financement de sa campagne électorale de 2014.

En cas de destitution du vice-président, peuvent lui succéder, dans l'ordre, Eduardo Cunha, le président de la Chambre des députés, puis Renan Calheiros, le président du Sénat, tous deux impliqués dans des affaires de corruption. Vient ensuite Ricardo Lewandowski, le président de la Cour suprême. Tous trois sont sommés par la Constitution d'organiser de nouvelles élections présidentielles dans les 90 jours qui suivent leur prise de fonction.

Ainsi, plutôt que de mettre un terme à une longue crise politique, la destitution de Dilma Rousseff ouvrirait très certainement une longue période de batailles politiques et judiciaires.

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

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Rousseff: «Ils veulent sauver des corrompus»

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

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Les tours de passe-passe budgétaires qui sont reprochés à Dilma Rousseff «ont été pratiqués par tous les présidents avant moi et ont été considérés légaux», s’est défendue la présidente au lendemain du vote de la Chambre des députés en faveur de sa destitution. Elle s’est exprimée lors d’une conférence de presse. (Image – 18 avril 2016)

Dilma Rousseff et son mentor Lula ont déclenché samedi la contre-offensive de la dernière chance pour faire avorter la procédure de destitution de la présidente brésilienne. Les députés décideront dimanche du sort de la dirigeante de gauche.

Le camp présidentiel a attaqué ses adversaires et menait parallèlement en coulisses de fiévreuses négociations auprès des députés encore hésitants. Cette situation sème l’inquiétude dans les rangs de l’opposition de droite.

Mme Rousseff s’en est prise au vice-président Michel Temer, qui brigue ouvertement son mandat, et à son allié le président du Congrès des députés Eduardo Cunha, dans une tribune publiée par le quotidien de Sao Paulo. «Ils veulent condamner une innocente et sauvent des corrompus. Quelle est leur légitimité ?», s’est-elle interrogée.

M. Temer, à la tête du grand parti centriste PMDB qui a quitté fin mars la coalition de Mme Rousseff, est presque tout aussi impopulaire qu’elle. Et, il n’obtiendrait qu’1% des voix à une élection à la régulière, selon un récent sondage.

Son nom a en outre été cité par plusieurs personnes poursuivies dans le cadre de l’enquête sur le réseau de corruption monté au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras. M. Cunha, représentant de l’aile dure du PMDB, est quant à lui inculpé de «corruption et blanchiment d’argent» dans ce dossier.

Lula actif

«L’élite brésilienne n’aime pas la démocratie», s’est exclamé à Brasilia l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, acclamé par plus de mille paysans sans terre, syndicalistes et militants du Parti des Travailleurs (PT-gauche) qui campent près du stade Mané Garrincha. Mais Lula ne s’est pas attardé. «Je dois rentrer (négocier). Nous ne devons pas les laisser remporter les 342 voix», a-t-il expliqué.

Pour faire échouer la tentative de destituer Mme Rousseff dès dimanche, le camp présidentiel devra en effet absolument empêcher l’opposition d’atteindre ce score des deux tiers des députés (342 sur 513) requis pour que la procédure soit renvoyée au Sénat.

Dilma Rousseff serait alors dans une position extrêmement délicate. Au Sénat, il suffirait d’un vote à la majorité simple pour qu’elle soit mise en accusation et écartée du pouvoir pendant un maximum de six mois en attendant le verdict final. Michel Temer assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Camp présidentiel efficace

«C’est une guerre de chiffres qui montent et qui descendent comme à la Bourse des valeurs», a expliqué Lula à ses partisans. «A un moment, le type dit qu’il est pour nous et après, il ne l’est plus et il faut négocier 24 heures par jour».

Le camp présidentiel semble avoir marqué quelques points ces dernières heures. Ce qui a contraint Michel Temer, qui était rentré chez lui à Sao Paulo, à rentrer d’urgence à Brasilia, selon les médias brésiliens.

Le chef du comité informel militant pour la destitution, le député du DEM (droite) Mendonca Filho, se voulait néanmoins confiant. «Nous avons dépassé la barre des 342 votes. Notre position est consolidée, mais nous ne devons pas céder à la facilité. Il nous faut rester vigilants», a-t-il déclaré.

Dilma Rousseff, un ex-membre de la guérillera sous la dictature (1964-85), est accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et début 2015, mais pas de corruption. Elle se dit victime d’une tentative de «coup d’Etat» institutionnel, alléguant que tous ses prédécesseurs ont eu recours sans être inquiétés aux mêmes tours de passe-passe budgétaires.

Manifestations dimanche

Le suspens du vote de dimanche promet de durer jusqu’à la dernière minute. Les députés ont repris samedi matin leur session extraordinaire à Brasilia. Chacun disposait de trois minutes pour s’exprimer à la tribune.

De grandes manifestations de chaque camp sont prévues pour dimanche à Rio de Janeiro (sud-est), le long de la célèbre plage de Copacabana, à des horaires différents. A Sao Paulo (sud-est), poumon industriel du Brésil et fief de l’opposition, les autorités prévoient une affluence d’un million de manifestants.

(nxp/afp)

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

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Brésil : les députés votent en faveur d’une destitution de Dilma Rousseff

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

Si le Sénat approuve aussi la destitution, la présidente du Brésil sera écartée du pouvoir.

Les députés brésiliens ont ouvert dimanche la voie d’une destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff à une écrasante majorité. Le camp de la destitution l’a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (2/3) pour autoriser le sénat à mettre la présidente en accusation.

Seuls 137 députés (de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel) ont voté contre la destitution. Sept députés se sont abstenus et trois étaient absents. José Guimaraes, le leader du Parti des Travailleurs (gauche) au Congrès, a réagi :

“Les putschistes ont gagné ici à la chambre [mais ] cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue.”

Vote du sénat avant le 11 mai

Dilma Rousseff est accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour masquer l’ampleur de la crise économique. Mais elle nie avoir commis un crime dit “de responsabilité” et dénonce une tentative de “coup d’Etat” institutionnel.

Depuis sa réélection, elle est embourbée dans une crise politique qui s’est embrasée au mois de mars, avec d’immenses manifestations pour son départ et l’entrée frustrée au gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption par la justice.

Plus de 60% des Brésiliens souhaitent désormais son départ. Et son mandat ne tient plus qu’à un fil : d’ici le 11 mai, les sénateurs vont se prononcer. S’ils sont une majorité à se prononcer en faveur de cette destitution, la présidente sera formellement mise en accusation pour “crime de responsabilité” et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum en attendant un verdict final.

Le vice-président Michel Temer, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

“Traître conspirateur”

Cette session extraordinaire du Parlement s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente. Il est lui-même inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras.

A Brasilia, environ 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée.

Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro. Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré le plus éloquent. A l’adresse d’Eduardo Cunha et de Michel Temer, il a lancé :

“Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur.”

“Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce Coup d’État”, a-t-il martelé.

(Avec AFP)

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

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Nous sommes tous l’État islamique, par Chris Hedges

Nous sommes tous l'État islamique, par Chris Hedges

Source : Le Partage, Chris Hedges, 11-04-2016

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chris_hedges-300x300Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 27 mars 2016.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d'un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d'analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper's, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


La vengeance est le moteur psychologique de la guerre. Les victimes en sont la monnaie de sang. Leurs corps servent à sanctifier des actes de meurtre indiscriminés. Ceux définis comme l'ennemi et ciblés pour être massacrés sont déshumanisés. Ils ne sont pas dignes d'empathie ou de justice. La pitié et la peine sont l'apanage des nôtres. Nous faisons vœu d'éradiquer une masse déshumanisée incarnant le mal absolu. Les estropiés et les morts de Bruxelles ou de Paris et les estropiés et les morts de Raqqa ou de Syrte perpétuent les mêmes convoitises sinistres. Nous sommes tous l'État islamique.

"La violence n'engendre que de la violence", écrit Primo Levi, « dans un mouvement pendulaire qui grandit avec le temps au lieu de s'amortir ».

Le jeu du je-te-tue-tu-me-tues ne cessera qu'après épuisement, lorsque cette culture de mort nous aura brisés émotionnellement et physiquement. Nous utilisons nos drones, nos avions de chasse, nos missiles et notre artillerie pour éventrer des murs et des plafonds, exploser des fenêtres et tuer ou blesser ceux qu'ils abritent. Nos ennemis portent des explosifs au peroxyde dans des valises ou des gilets explosifs et pénètrent dans des terminaux d'aéroports, des salles de concert, des cafés ou des stations de métro pour nous faire exploser, et bien souvent eux avec. S'ils possédaient notre niveau de technologie de mort, ils seraient bien plus efficaces. Mais ce n'est pas le cas. Leurs tactiques sont plus brutes, mais nous ne sommes pas moralement différents. T.E. Lawrence a appelé ce cycle de violence : « les anneaux de la tristesse ».

La religion chrétienne épouse la notion de "guerre sainte", avec autant de fanatisme que l'Islam. Nos croisades valent le concept du jihad. Lorsque la religion sert à sanctifier le meurtre, il n'y a aucune règle. C'est une lutte entre la lumière et l'obscurité, le bien et le mal, Satan et Dieu. Le discours rationnel est banni. Et « le sommeil de la raison », comme dit Goya, « engendre des monstres ».

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa (tir Licorne, 1 MT). Parce que « la France » c'est, entre autres : plus de 200 essais nucléaires depuis 1966, avec les conséquences environnementales et sanitaires que l'on sait (ou que l'on devrait savoir). (Coup de pouce : http://www.bastamag.net/Essais-nucleaires-en-Polynesie-la-France-meprise-les-consequences).

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa (tir Licorne, 1 MT). Parce que « la France » c'est, entre autres : plus de 200 essais nucléaires depuis 1966, avec les conséquences environnementales et sanitaires que l'on sait (ou que l'on devrait savoir). (Coup de pouce : http://www.bastamag.net/Essais-nucleaires-en-Polynesie-la-France-meprise-les-consequences).

Les drapeaux, les chants patriotiques, la déification du guerrier et les balivernes sentimentales noient la réalité. Nous communiquons à l'aide de clichés creux et insensés, d'absurdités patriotiques. La culture de masse sert à renforcer le mensonge selon lequel nous sommes les vraies victimes. Elle travestit le passé pour le faire se conformer au mythe héroïque national. Nous sommes censés être les seuls à posséder la vertu et le courage. Nous sommes les seuls à avoir le droit de vengeance. Nous sommes hypnotisés et plongés dans une somnolence commune, un aveuglement orchestré par l'État.

Ceux que nous combattons, n'ayant pas accès à nos machines industrielles de mort, tuent de près. Mais tuer à distance ne nous rend pas moins moralement déformés. Les tueries à longue distance, incarnées par les opérateurs de drones des bases militaires aériennes US, qui rentrent diner chez eux, sont tout aussi dépravées. Ces techniciens opèrent la vaste machinerie de la mort avec une terrifiante stérilité clinique. Ils dépersonnalisent la guerre industrielle. Ils sont les « petits Eichmann ». Cette bureaucratie organisée de la mort est l'héritage le plus marquant de l'Holocauste.

La France, c'est aussi l'invasion coloniale d'Anguilla, d'Antigua, de la Dominique, de Grenade, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Montserrat, de Saint-Martin (seulement partie nord), de Saint-Barthélemy, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de Saint-Eustache, de Tobago, de Sainte-Croix, de Saint Domingue (Aujourd'hui Haïti et République dominicaine), de la Guyane, du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de la République Centrafricaine, du Tchad, du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Côte d'Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Togo, du Cameroun, du Liban, de la Syrie, du Cambodge, du Laos, du Vietnam… c'est aussi la mise en place, le soutien à une grande majorité de présidents et dictateurs africains des anciennes colonies françaises (comme Omar Bongo (Gabon), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), ou Idriss Déby (Tchad)). La participation, le soutien, le financement ou l'envoi d'armes lors de nombreuses guerres (comme, par exemple, la guerre civile angolaise, entre 1993 et 1995, qui aurait fait entre 500 000 et 1 000 000 de morts, avec une majorité de civils). D'innombrables guerres (Algérie, Corée, Vietnam, Guerre du Golfe, Afghanistan, Lybie, Mali, Centrafrique, Syrie…) et leurs corollaires : des millions de morts civils, aussi appelés « dommages collatéraux », ainsi que d'innombrables destructions environnementales.

La France, c'est aussi l'invasion coloniale d'Anguilla, d'Antigua, de la Dominique, de Grenade, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Montserrat, de Saint-Martin (seulement partie nord), de Saint-Barthélemy, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de Saint-Eustache, de Tobago, de Sainte-Croix, de Saint Domingue (Aujourd'hui Haïti et République dominicaine), de la Guyane, du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de la République Centrafricaine, du Tchad, du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Côte d'Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Togo, du Cameroun, du Liban, de la Syrie, du Cambodge, du Laos, du Vietnam… c'est aussi la mise en place, le soutien à une grande majorité de présidents et dictateurs africains des anciennes colonies françaises (comme Omar Bongo (Gabon), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), ou Idriss Déby (Tchad)). La participation, le soutien, le financement ou l'envoi d'armes lors de nombreuses guerres (comme, par exemple, la guerre civile angolaise, entre 1993 et 1995, qui aurait fait entre 500 000 et 1 000 000 de morts, avec une majorité de civils). D'innombrables guerres (Algérie, Corée, Vietnam, Guerre du Golfe, Afghanistan, Lybie, Mali, Centrafrique, Syrie…) et leurs corollaires : des millions de morts civils, aussi appelés « dommages collatéraux », ainsi que d'innombrables destructions environnementales.

"La destruction massive d'êtres humains, mécanisée, rationnelle, impersonnelle et soutenue, organisée et administrée par les États, légitimée et mis en marche par des scientifiques et des juristes, approuvée et popularisée par des universitaires et des intellectuels, est devenue une base de notre civilisation, le dernier héritage, périlleux et souvent réprimé, du millénaire », a écrit Omer Bartov dans « Murder in Our Midst: The Holocaust, Industrial Killing and Representation ( Le meurtre parmi nous : l'holocauste, la tuerie industrielle et la représentation) ».

Nous torturons des prisonniers kidnappés, beaucoup captifs depuis des années, dans des sites secrets. Nous entreprenons des « assassinats ciblés » de soi-disant cibles de haute valeur. Nous abolissons les libertés civiles. Nous causons le déplacement de millions de familles. Ceux qui nous combattent font pareil. Ils torturent et décapitent — reproduisant ainsi le style d'exécution des croisés chrétiens — avec leur propre marque de sauvagerie. Ils règnent en despotes. Douleur pour douleur. Coup pour coup. Horreur pour horreur. Cette folie présente une symétrie redoutable. Elle se justifie par la même perversion religieuse. Il s'agit du même abandon de ce que signifie être humain et juste.

Comme l'a écrit le psychologue Rollo May:

« Au début de chaque guerre… nous transformons rapidement notre ennemi à l'image du démon; puis, puisque c'est le diable que nous combattons, nous pouvons nous mettre sur le pied de guerre sans nous poser les questions gênantes et spirituelles que la guerre soulève. Nous n'avons plus à faire face à la réalisation que ceux que nous tuons sont des personnes comme nous. »

Les tueries et les tortures, plus elles durent et plus elles contaminent leurs auteurs et la société qui avalise leurs actes. Elles privent les inquisiteurs professionnels et les tueurs de la capacité de ressentir. Elles nourrissent l'instinct de mort. Elles propagent la blessure morale de la guerre.

armée

22 vétérans de l'armée US se suicident chaque jour. Ils le font sans ceinture explosive. Mais ils ont en commun, avec les kamikazes, le besoin urgent de quitter le monde et le rôle sordide qu'ils y ont joué.

"Il vaut mieux souffrir certaines injustices que les commettre", comme l'avaient compris Albert Camus et Emmanuel Kant. Mais les politiciens, les experts et la culture de masse considèrent cette sagesse comme une faiblesse. Ceux qui parlent sainement, comme Euripide avec son chef d'œuvre anti-guerre « les Femmes de Troie », sont vilipendés et bannis.

Qui sommes-nous pour condamner les meurtres indiscriminés de civils? Avons-nous oublié nos bombardements des villes allemandes et japonaises lors de la seconde guerre mondiale, qui tuèrent 800 000 civils, femmes, enfants et hommes ? Et ces familles oblitérées à Dresde (135 000 morts), à Tokyo (97 000 morts), Hiroshima (80 000 morts) et Nagasaki (66 000 morts) ? Et ces trois millions de civils morts après notre passage au Vietnam ?

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Nous avons largué 32 tonnes de bombes par heure sur le Nord-Vietnam entre 1965 et 1968 — des centaines d'Hiroshima. Et, comme Nick Turse l'écrit dans son livre "Kill Anything That Moves: The Real American War in Vietnam (Tuez tout ce qui bouge : la véritable guerre US au Vietnam)"" ce tonnage ne tient pas compte des « millions de litres de défoliants chimiques, des millions de kilos de gaz chimiques, et des innombrables bidons de napalm, bombes en grappe, balles explosives, bombes coupe-marguerites qui effaçaient tout sur une surface de 10 terrains de football, des missiles anti-personnel, explosifs, incendiaires, des millions de grenades, et de la myriade de mines différentes".

Avons-nous oublié les millions qui sont morts dans nos guerres directes et par procuration aux Philippines, au Congo, au Laos, au Cambodge, au Guatemala, en Indonésie, au Salvador et au Nicaragua? Avons-nous oublié le million de morts en Irak et les 92 000 morts en Afghanistan ? Avons-nous oublié les presque 8 millions que nous avons chassés de leur foyers en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et en Syrie ?

Il y a eu 87 000 sorties ariennes de la coalition au-dessus de l'Irak et de la Syrie depuis le début de la campagne aérienne contre l'État islamique. Il s'agit du tout dernier chapitre de notre guerre perpétuelle contre les damnés de la terre.

La France c'est aussi le deuxième exportateur mondial d'armement en 2015! (avec l'Arabie Saoudite en premier acheteur, pour 10,3 milliards d'euros de contrats en 2015)

La France c'est aussi le deuxième exportateur mondial d'armement en 2015! (avec l'Arabie Saoudite en premier acheteur, pour 10,3 milliards d'euros de contrats en 2015)

Comment pouvons-nous nous indigner vis-à-vis de la destruction de monuments culturels comme Palmyre par l'État islamique alors que nous avons nous-mêmes laissé tant de ruines ? Comme Frederick Taylor le souligne dans son livre « Dresden », durant la seconde Guerre Mondiale et le bombardement de l'Allemagne nous avons détruit d'innombrables « églises, palais, bâtiments historiques, bibliothèques, musées », y compris « la maison de Goethe à Francfort » et les « os de Charlemagne de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle », ainsi que « l'irremplaçable contenu de la bibliothèque d'État vieille de 400 ans de Munich ». Se rappelle-t-on qu'en une seule semaine de bombardement durant la guerre du Vietnam, nous avons oblitéré la majeure partie du complexe de temples historique de My Son ? Avons-nous oublié que notre invasion de l'Irak a causé l'incendie de la Bibliothèque nationale, le pillage du Musée national et la construction d'une base militaire sur le site de l'ancienne Babylone ? Des milliers de sites archéologiques ont été détruits en raison de nos guerres en Irak, en Syrie, en Afghanistan et en Libye.

Nous avons perfectionné la technique du meurtre de masse aérien et de la destruction massive que nous appelons "tapis de bombes"« bombardement à saturation »« bombardement de zone »« bombardement d'oblitération »« bombardement massif », ou dans sa dernière version « terreur et effroi » [« Shock and Awe » en anglais, le nom de la campagne de terreur mise en place contre l'Irak lors de son invasion en 2003]. Nous avons créé, à travers notre richesse nationale, les systèmes de gestion et de technologie que le sociologue James William Gibson appelle « technoguerre ». Que furent les attaques du 11 septembre sinon une réponse aux explosions et aux morts que nous avons semés sur la planète ? Nos assaillants se sont exprimés à l'aide du langage dément que nous leur avons enseigné. Et, comme les assaillants de Paris et Bruxelles, ils savaient parfaitement comment nous communiquons.

Les marchands de mort et les fabricants d'armes font partie de la poignée d'individus qui en profite. Nous sommes, pour la plupart, pris dans un cycle de violence qui ne cessera pas tant que l'occupation US du Moyen-Orient perdurera, qui ne cessera pas avant que nous ayons appris à parler dans une langue autre que le cri de guerre, de meurtre et d'annihilation primitif. Nous recouvrerons un langage humain lorsque nous en aurons eu assez, lorsque trop des nôtres seront morts pour le maintien de ce jeu. Les victimes continueront à être principalement des innocents, piégés entre des tueurs sortis de la même matrice.

Chris Hedges


Traduction: Nicolas Casaux

Source : Le Partage, Chris Hedges, 11-04-2016