vendredi 8 avril 2016

Elizabeth Warren et des économistes européens plaident pour un Glass-Steagall

Elizabeth Warren et des économistes européens plaident pour un Glass-Steagall

Dans le contexte du danger de crise systémique, le débat sur la nécessité de fermer l'économie casino en coupant les banques en deux (loi Glass-Steagall) a été relancé la semaine dernière des deux côtés de l'Atlantique. Parmi les intervenants, citons une sénatrice américaine, deux professeurs, suisse et autrichien, et un écrivain britannique.
La sénatrice démocrate Elizabeth Warren, une progressiste n'ayant pris parti pour aucun candidat dans la course à la présidence américaine, mais qui compte peser de (...)

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Journées de formation S&P : Puissance de pensée et d'action

Journées de formation S&P : Puissance de pensée et d'action

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Les 19 et 20 mars 2016, S&P avait convié ses militants à deux journées de formation particulièrement enrichissantes. Le but ? Renforcer le pouvoir de pensée et d'action de chacun en puisant l'inspiration auprès des savants, éducateurs et artistes qui ont porté l'espèce humaine vers le progrès.
Nous installerons progressivement les transcriptions des différentes présentations, dans la liste ci-dessous.
Journée du samedi 19 mars
Le combat scientifique et culturel du XXème siècle - Albert (...)

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Apprendre de l'Inde

Apprendre de l'Inde

Voici la transcription de l'intervention de Pierre Bonnefoy, lors des journées de formation de Solidarité & Progrès, les 19 et 20 mars 2016 à Paris.
Pour accéder aux autres présentations ici.
Quelle est l'Inde d'aujourd'hui ?
La zone transatlantique agonise. Au-delà des effets bien connus de la crise économique, politique et stratégique que nous observons tous les jours, l'occident est frappé, plus généralement, par une crise de la pensée. Combien de fois entendons-nous des adultes déclarer, sans (...)

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L’effarant budget de parasite fiscal antisocial du Royaume Uni

L'effarant budget de parasite fiscal antisocial du Royaume Uni




Couper dans l'éducation pour donner aux multinationales et aux riches

Bien sûr, George Osborne, le chancelier de l'échiquier, affirme avoir conçu un budget « pour la prochaine génération ». Mais, dans les faits, l'addition des mesures annoncées donne une autre image, ce que même la bible des élites globalisées, The Economist, admet. C'est ainsi que de 2015 à 2020, le budget consacré par élève va baisser de 8%, chose d'autant plus inquiétante que ce n'est pas comme si les années qui ont précédé avaient été des années fastes pour le budget du pays, qui a connu des coupes très importantes. Avec d'autres mesures, cela permettra de réaliser 7,6 milliards de livres d'économie supplémentaires. Et dans le même temps, le taux d'imposition sur les sociétés, déjà passé de 28% en 2010 à 20% en 2015, va tomber à 17% en 2020, l'un des plus bas des pays dits développés.

Et ce n'est pas tout, le taux d'imposition sur les gains en capital passera de 28 à 20%, ce qui coûtera 670 millions de livres par an. Alors que le gouvernement multiplie les baisses d'impôts pour les multinationales et les plus riches, il coupe dans les investissements publics, divisés par deux en proportion du PIB entre 2010 et 2020. Enfin, le chancelier introduit la bagatelle de 86 nouvelles mesures fiscales dans ce seul budget, ce qui ferait passer les ministres successifs de notre pays pour des exemples de simplicité administrative. Ce faisant, cela montre que les ultralibéraux sont loin d'être aussi exemplaires que cela dans la simplification de l'Etat, et qu'ils peuvent être des acteurs majeurs de sa complexité en servant les intérêts privés. Et quoi de mieux pour eux que de multiplier les niches fiscales ?

Le budget britannique est sans doute un exemple extrême de la logique décrite par Thomas Piketty, de ce monde où les multinationales et les plus riches poussent leurs intérêts au détriment de ceux de 99% de la population : tailler dans les dépenses de service public pour baisser toujours plus leurs impôts alors même que les inégalités et les profits sont à des plus hauts historiques

« Nuit Debout » lance une radio et une télévision en ligne pour « réinvestir les médias traditionnels »

« Nuit Debout » lance une radio et une télévision en ligne pour « réinvestir les médias traditionnels »

Le mouvement «Nuit Debout» ne cesse de prendre de l'ampleur. Alors qu'il se développe dans la plupart des villes de France, une radio et une télévision «Nuit Debout» ont vu le jour à Paris avec l'objectif de «réinvestir les médias traditionnels».

Ce sont des journalistes de France Culture et de France Inter qui sont à l'initiative de «Radio Debout». «L'idée est venue d'Alex et Bastien, tous deux de Radio France. Ils ont apporté le matériel. Il a suffi un ordi, une clé 4G pour streamer en direct, des micros, une table de mixage et c'était parti. Tout s'est fait de façon spontanée, on ne s'est pas coordonnés avec la commission de communication du mouvement, mais on nous a prêté une table, des palettes et comme il s'est mis à pleuvoir, on nous a tendu une bâche», a expliqué Clément, une des personnes à l'origine du mouvement, peut-on lire sur Arrêt sur Image.

La radio, qui est audible sur internet, a émis pour la première fois ce jeudi 7 avril.

Une télévision a également été mise en place, parallèlement à un compte périscope.

 

Source : News360x.fr

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[XénoPhobie] Quand France 2 et Etienne Leenhardt cherchent à paniquer la population

[XénoPhobie] Quand France 2 et Etienne Leenhardt cherchent à paniquer la population

La propagande de guerre, c’est çale 6 avril 2016, l’ouverture du JT se fait sur cette annonce pressante :

En effet, comme c’était une petite journée calme au niveau du terrorisme, ils ont dû trouver autre chose :

Pujadas, ouverture : “Bonsoir à tous. Dans l’actualité ce soir, le réarmement de l’Europe face au réveil de la menace russe. Les dépenses militaires font un bond en Pologne, en Slovaquie ou dans les pays baltes. Ont-ils raison d’avoir peur ? – Etienne Leenhardt nous répondra“.

J’ai du mal à voir en quoi une augmentation des dépenses militaires au fin fond de l’Europe mérite la Une (que n’a pas eu ce soir-là le référendum sur l’UE aux Pays-Bas, en revanche…), mais passons.

Par chance, les “journalistes” n’ont pas non plus évoqué le fait que l’industrie d’armement est aussi une des plus corruptrices au monde – ce qui ne peut évidemment avoir le moindre lien avec ce fait…

Pujadas : “Bienvenue à tous. C’est un virage pour l’Europe, après des années de baisse continue de l’effort militaire, le réarmement est en cours. C’est le cas de la France ou du Royaume-Uni, dont les budgets repartent à la hausse. Mais c’est la cas, bien davantage encore, pour l'Europe Centrale. En cause, le réveil de la menace russe.”

Reportage : “En Pologne… : total : 40 milliards d’euros (!). En Estonie, on accueille à bras ouverts les navires de l’OTAN venus en renfort dans la région (sic.).

pologne

Ca, c’est de l’information utile qui nous aurait manqué…

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Belle fin de reportage

(Dommage, ils n’ont pas pu mettre ça vu que c’est un terroriste modéré syrien qui goûte le foie d’un soldat de l’armée syrienne (chuuuuut, on ne vous le montrera pas au JT), et pas un russe…)

Retour plateau :

Pujadas : “Bonsoir Etienne Leenhardt : ces pays d’Europe centrale ont-ils raison d’avoir peur ?

Etienne Leenhardt, directeur adjoint de l’information de France 2 : “Oui. cette inquiétude elle se comprend. Si vous êtes letton, estonien, polonais, et que vous entendez Vladmir Poutine dire “qu’il faut restaurer la puissance de la Russie dans sa zone historique d’influence”.

Je n’ai pas trouvé la source de cette déclaration – si quelqu’un peut chercher et l’indiquer en commentaire, merci.

J’ai trouvé cette interview de la BBC de décembre 2015 : Russia is not trying to bring back the USSR, but “nobody wants to believe it” […] I would like to think that there is not a person on the planet crazy enough to decide to use nuclear weapons," he said, adding that this would lead to a "planetary catastrophe

Effrayant en effet…

Que pour la seule année 2015 vous constatez que les dépenses militaires russes ont représenté plus de 20 % du budget de l’État, que vous voyez Vladimir Poutine subtiliser la Crimée à l’Ukraine il y a 2 ans sans aucune réaction de la communauté internationale.

1/ c’est amusant, il me semblait qu’on avait lancé des sanctions contre la Russie, j’ai rêvé ?

2/ mais sinon, c’est quoi alors une “réaction” : la guerre ? Qu’il n’hésite pas, ils embauchent dans l’armée ukrainienne (90 € par mois)

3/ elle avait réagi comment la “communauté internationale” (sic.) quand, en 1954, l’Ukraine avait subtilisé la Crimée à la Russie via le dictateur communiste Khrouchtchev ?

4/ il est au courant que le parlement de Crimée a voté pour, puis la population aussi ? Et que des sondages occidentaux disent que le résultat des votes est conforme à la volonté de la population ?

Eh bien OUI, il y a de quoi être inquiet !

C’est beau la subtilité quand même…

Pujadas : “on peut effectivement parler de menace russe ?”

Leenhardt : “2 opérations militaires l’Ukraine et la Syrie, à la fois limitées mais efficaces.

Sérieusement ?

Il a vu l’armée russe opérer en Ukraine ? C’est dommage qu’en 2014, on n’arrive pas à avoir d’mages quand même… Et ils ne sont pas allés jusqu’à Kiev du coup ?

Quand au rapport avec la Syrie… Après, c’est sûr que ce n’est pas comme si on avait attaqué l’Irak ou la Libye sous de faux prétexte, ou soutenu en sous-main en Syrie les terroristes ayant abattu un avion russe…

“La Russie de Poutine a atteint un de ses objectifs : elle fait à nouveau peur.”

Tiens, celle-là je la mets direct dans mon Best-of des saloperies de “journalistes”, elle est vraiment belle.

Il aurait fait merveille dans les médias il y a un siècle, pour parler du boche. Ou en Allemagne un peu plus tard…

Et même si très peu d’observateurs pensent qu’elle ira au delà,

1. Ah, ben oui, peu se défoncent au crack, c’est sûr, et encore moins sont “journalistes” par chance…

2. ben alors, c’est quoi le micmac dont on parle depuis 3 minutes en terrorisant la population ?

notamment parce que les guerres, ça coûte cher, et que l’économie russe est au plus mal.

ah pardon, j’ai cru que c’était parce que les guerres ça tuait du monde, et que la prochaine risquera même d’anéantir l’espèce humaine – je suis bête…

Et ce n’est pas comme si la Russie avait perdu 20 millions d’habitants la dernière fois, hein… La guerre, ça les fait bien rire j’imagine…

 morts de la seconde guerre mondiale décès pertes deuxième

Donc prions pour que “Poutine” n’obtiennent pas un petit crédit Sofinco, sinon, boum, la guerre…

L’OTAN a annoncé que 4 000 seraient déployés à l’année en Europe de l’Est, pour parer à toute éventualité.

De quoi stopper net l’armée russe, c’est clair… Comme les 8 missiles Patriot polonais.

En tous cas, la Russie n’a en rien menacé la Pologne ou les pays Baltes, mais elle se retrouve avec plus de soldats juste à sa frontière – c'est subtil pour améliorer notre sécurité collective…

Une grande première depuis 30 ans. [Fin]

Ce genre de discours, il avaient en effet les mêmes en URSS durant la guerre froide…

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Eh bien voilà donc une jolie trace pour l’Histoire du niveau intellectuel du directeur adjoint de l’information d’une grande chaîne française en 2016 – je pense que ça aidera probablement les historiens à mieux comprendre ce qui s’est passé ensuite – s’il en reste évidemment…

C’est le moment où je vous renvoie au formidable discours de fin de mandat du Président Eisenhower :

“Nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d'acquérir une influence injustifiée dans les structures gouvernementales, qu'il l'ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l'avenir : qu'une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s'affermissant. Nous devons veiller à ne jamais laisser le poids de cette association de pouvoirs mettre en danger nos libertés ou nos procédures démocratiques. Nous ne devons jamais rien considérer comme acquis. Seul un peuple informé et vigilant réussira à obtenir que l'immense machine industrielle et militaire qu'est notre secteur de la défense nationale s'ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble.” [Dwight Eisenhower, Discours de fin de mandat resté connu sous le nom du Discours du Complexe Militaro-Industriel, 17/01/1961]

Je vous ai enfin préparé une série de graphiques, que ces pantins télévisuels auraient dû faire s’ils avaient encore un peu de professionnalisme, pour informer les téléspectateurs avec quelques faits tangibles :

ue-russie-1

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N.B. vous notez visuellement dans ce schéma que, par habitant, l’OTAN dépense donc en moyenne bien plus que la Russie… En fait, 980 $ contre 630 $/hbt, soit la bagatelle de 50 % de plus...

otan-russie-2

Eh oui, tu penses que les Russes rêvent d’un conflit avec une structure 7 fois plus peuplée et disposant d’un budget militaire 10 fois supérieur – qui ne ferait pas pareil ?

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On note qu’il n’y a que la Pologne parmi les pays cités qui augmente véritablement sur longue période ses dépenses – ce qui n’est ne rien rassurant…

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En conséquence, si tout ceci vous choque, je vous recommande vraiment de ne pas rester inactif et d’écrire (poliment…) :

Goering : "Bien sûr que les gens ne veulent pas la guerre. Pourquoi est-ce qu'un pauvre plouc dans une ferme voudrait risquer sa vie dans une guerre alors que le mieux qu'il puisse en espérer est de retourner dans sa ferme en un seul morceau ? Bien sûr que les gens normaux ne veulent pas la guerre : ni en Russie, ni en Angleterre, ni en Amérique, ni pour la même raison en Allemagne. C'est évident. Mais, après tout, ce sont les dirigeants d'un pays qui en déterminent la politique et il s'agit toujours d'une formalité que de canaliser les gens, que ce soit dans une démocratie, une dictature fasciste, un système parlementaire ou une dictature communiste".

Gilbert : "Il y a [tout de même] une différence. Dans une démocratie, les gens ont voix au chapitre en la matière au travers de leurs représentants élus et, aux États-Unis, seul le Congrès peut déclarer une guerre".

Goering : "Ah, tout cela est bel et bon mais, voix ou pas voix, les gens peuvent toujours être amenés à s'offrir à leurs dirigeants. C'est facile. Tout ce que vous avez à faire est de leur expliquer qu'ils sont attaqués ; de dénoncer les pacifistes pour leur manque de patriotisme ; puis d'exposer le pays à un danger. Ca marche de la même manière dans tous les pays". [Nuremberg, 1946.]

Les États-Unis sont sur le chemin d’une guerre mondiale, par Sergueï Glaziev

Les États-Unis sont sur le chemin d'une guerre mondiale, par Sergueï Glaziev

Sergueï Glaziev est un économiste russe, né à Zaporojié (Ukraine) en 1961. Il a commencé une carrière politique à partir de 1990, tantôt dans les cabinets ministériels, tantôt sur les bancs de la Douma, le parlement russe. Il est passé du camp ultra-libéral aux communistes. Allié de Vladimir Poutine qu’il conseille, il a été nommé coordinateur des agences travaillant à l'union douanière entre la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan. Barack Obama l'a placé dans la liste des sept premières personnes sous sanctions, en 2014.

Source : Russia-Insider d’après Lenta, 29/03/2016

M. Glaziev, y a-t-il la moindre raison de s’attendre à la levée des sanctions américaines ? 

Les sanctions constituent l'un des éléments de la guerre hybride que les États-Unis mènent contre nous. Ils le font, non pas parce qu’ils n’aiment pas «l’annexion» de la Crimée par la Russie , mais plutôt principalement en raison de la défense des seuls intérêts objectifs et subjectifs de l’oligarchie dirigeante américaine.

Les États-Unis sont en train de perdre leur hégémonie mondiale : ils fabriquent déjà moins de produits et exportent moins de technologies que la Chine. La Chine est également en train de rattraper l’Amérique pour le nombre de scientifiques et d’ingénieurs, et nombre de technologies innovantes chinoises sont en train de s'emparer des marchés mondiaux. Le taux de développement de la Chine est cinq fois supérieur à celui des États-Unis. Le système international des entités économiques récemment mis en place en Chine illustre bien le nouvel ordre économique mondial.

Les entités économiques qui dominent aux États-Unis, au seul service d’une oligarchie financière, ont complètement déstabilisé le système monétaire et financier américain, qui fait presque défaut deux fois par an. Les causes de la crise financière mondiale de 2008 n’ont en rien disparu et la bulle de la dette américaine – pyramides financières composées de dérivés et de dette nationale – ne cesse de croître davantage de jour en jour.

Selon la théorie des systèmes, ce processus ne peut pas continuer indéfiniment. L’oligarchie américaine est désespérée d'arriver à se débarrasser de son fardeau de la dette, et c’est la raison principale pour laquelle elle mène une guerre hybride, non seulement contre la Russie , mais contre l’Europe et le Moyen-Orient.

Comme il arrive toujours dans un ordre économique mondial en mutation, le pays qui est en train de perdre son leadership tente alors de déclencher une guerre mondiale pour le contrôle de la périphérie. Depuis que les Américains considèrent l’ancien espace soviétique comme étant leur périphérie financière et économique, ils tentent sans cesse d'en prendre le contrôle.

L’élite politique américain a été élevée selon des chimères de géopoliticiens du XIXième siècle. Les étudiants américains s'imprègnent encore dans les classes de sciences politiques des fondamentaux géopolitiques anglais et allemands de leur époque. La principale question qui revient sans cesse reste comment ruiner l’Empire Russe, et ils regardent encore le monde à travers les yeux des «faucons» du XIXième siècle, quand la Grande-Bretagne a tenté de sauver son hégémonie en déclenchant la Première Guerre mondiale, puis qu'elle a perdu son empire colonial après la seconde guerre mondiale.

Voilà ce qu'étudient toujours les géopoliticiens américains dans le Département d’État et la Maison Blanche , en continuant de regarder le monde à la fois à travers le prisme de la guerre froide, et des confrontations britanniques entre la Russie et l’Allemagne au XIXième siècle ; c'est donc maintenant le tour des États-Unis de vouloir déclencher une autre guerre mondiale.

La combinaison des problèmes objectifs de l’oligarchie financière américaine et de l’étrange état d’esprit des géopoliticiens américains fait peser la menace d'un conflit mondial. Cela n’a strictement rien à voir avec la Crimée. N'importe quel prétexte fera l'affaire.

Nous devons donc agir en fonction des contradictions qui amènent les États-Unis à toute attitude agressive à risque, avec le danger d’une guerre hybride avec le monde entier. Ils ont choisi la Russie comme étant leur objectif principal, et l’Ukraine, occupée par eux, comme étant leur principal moyen de destruction.

Pour survivre dans de telles conditions, arriver à maintenir notre souveraineté et développer notre économie, nous devons construire une large coalition antimilitaire, poursuivre notre stratégie de développement prioritaire, récupérer notre souveraineté financière et économique et continuer l’intégration eurasienne. Pour éviter la guerre, nous devons réaliser l’objectif du président Poutine d’une zone de développement commune de Lisbonne à Vladivostok. Il est très important de convaincre nos partenaires européens, ainsi que nos partenaires d’Extrême-Orient et dans le Sud, que nous avons besoin de coopérer, non pas par le chantage ou bien par des menaces, mais plutôt à travers des projets mutuellement bénéfiques, en combinant nos potentiels économiques tout en respectant la souveraineté de chaque État.

 

Peut-on améliorer les relations avec l’UE et comment ? 

Une condition nécessaire pour coopérer avec l’Union européenne est qu’elle ait rétabli sa souveraineté. Le fait que des politiciens européens soient aller tenir des discours devant la foule de l'euromaïdan comprenant des nazis déchaînés a montré à quel point s'est dégradée la culture politique européenne. Les dirigeants de l’UE ne sont plus indépendants : ils sont devenus de simples marionnettes des États-Unis.

Ceci est dû à une spécificité de l’espace politique de l’UE : il est dominé par les médias américains. Ils ont ancré dans l’esprit du public tout un tas de chimères antirusses, les affolant avec une soi-disant menace russe. Leurs politiciens se retrouvent donc obligés de suivre la ligne médiatique fournie par Washington afin de pouvoir gagner des voix. Cela a conduit à la catastrophe que nous contemplons aujourd’hui à Bruxelles et dans tant d’autres villes européennes, qui se retrouvent tout d'un coup envahies par la peur que leurs gouvernements ne réussissent pas à assurer leur sécurité.

Malheureusement, la souveraineté de l’Europe ne peut être restaurée uniquement par une clarification de l’esprit du public. Ces problèmes ne sont pas apparus d'un seul coup : ils sont le résultat d'une classe politique européenne qui a abandonné tout intérêt national. L’Europe se retrouve confrontée à une période de transition très difficile, au cours de laquelle elle ne peut pas encore devenir un partenaire, mais sera simplement l’ombre de Washington.

Les Européens ont perdu leur boussole. Ils vivent dans une mosaïque, un monde fragmentaire, qui a perdu de vue le système global de relations. Mais la vie va les forcer à revenir à la réalité, et je crois que les traditions démocratiques européennes et l’humanisme européen vont jouer un rôle important dans le retour du bon sens.”

Source : Russia-Insider d’après Lenta, 29/03/2016

Traduction librement adaptée par Didier Arnaud pour www.les-crises.fr, librement reproductible en indiquant la source.

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Allemagne : les moteurs de la baisse du chômage, par Romaric Godin

Allemagne : les moteurs de la baisse du chômage, par Romaric Godin

Source : La Tribune, Romaric Godin, 31/03/2016

Le taux de chômage au sens national est stable à 6,2 % en mars en Allemagne. (Crédits : © Thomas Peter / Reuters)

Le taux de chômage au sens national est stable à 6,2 % en mars en Allemagne. (Crédits : © Thomas Peter / Reuters)

Le nombre de demandeurs d’emplois a reculé de 87.000 personnes sur un an en mars, en données brutes. Le taux de chômage allemand est le plus bas de l’UE. Quels sont les ressorts qui expliquent cette performance ?

L’emploi allemand demeure le plus vigoureux d’Europe. En mars 2016, le nombre de chômeurs en données brutes et selon la définition de l’agence fédérale de l’Emploi (BA) a reculé de 86.614 personnes à 2,84 millions de demandeurs d’emplois. C’est un recul de 3 % par rapport à mars 2015. En données corrigées des variations saisonnières, le nombre de chômeurs est stable, ce qui met fin à une baisse de cinq mois. Le taux de chômage au sens national est resté stable à 6,2 %, mais au sens de l’Organisation internationale du Travail (OIT), il demeurait en février le plus faible de l’Union européenne avec 4,3 % de la population active.

Malgré les apparences du chiffre brut, le mois de mars n’a donc pas été un grand cru pour l’emploi allemand. Mais il n’en demeure pas moins que le marché du travail allemand reste celui qui a connu l’amélioration la plus spectaculaire de ces dix dernières années. Voici dix ans, en février 2006, le taux de chômage allemand était à 10,5 % au sens de l’OIT, il était même monté à 11,2 % à l’été 2005. La décru est donc spectaculaire. D’autant plus que, la population active a, parallèlement, stagné.

L’effet conjoncturel limité

A l’heure où la France s’interroge sur le fonctionnement de son marché du travail, il n’est pas inutile de rappeler quels ont été les moteurs de cette baisse du chômage outre-Rhin. On peut identifier trois éléments. Le premier est conjoncturel. La croissance allemande s’est montrée depuis 2005 plus vigoureuse en moyenne que celle de la zone euro, à l’exception de 2009. Cette croissance a été un pourvoyeur important d’emplois, notamment dans la construction et l’industrie. Mais, cet effet conjoncturel devient de plus en plus faible. « Depuis la grande récession de 2008 et 2009, les évolutions de la conjoncture et de l’emploi semblent être de plus en plus découplées », souligne la BA dans son bulletin mensuel de ce jeudi 31 mars. Une étude publiée en 2014 estimait que l’impact conjoncturel a été divisé par deux par rapport aux années 1990 et 1970. Ainsi, la force industrielle de l’Allemagne n’est pas le vrai moteur de l’emploi. En un an, en janvier 2016, l’industrie manufacturière a certes créé 89.400 emplois, mais ce n’est que 12,2 % du total des créations.

Le vieillissement de la population

Le deuxième élément expliquant la baisse du chômage allemand est donc structurel. Il s’explique d’abord par une évolution sectorielle liée au vieillissement de la population. Les besoins dans les secteurs des services à la personne, des aides aux personnes âgées et de la santé sont de forts pourvoyeurs d’emploi outre-Rhin. Sur un an, en janvier 2016, pas moins de 207.300 emplois ont été créés dans ces secteurs, soit 28,4 % des emplois créés. Les besoins continuent à être immenses dans ce domaine. Selon les prévisions de l’office fédéral des statistiques, Destatis, la population de plus de 65 ans devrait croître entre 2013 et 2020 de 1,5 million de personnes, puis, entre 2020 et 2030, de 3,5 millions de personnes. Cet élément est structurel, il s’accompagne du reste d’une tension sur le marché du travail du fait de la structure démographique qui soutient le marché du travail. Les sorties massives du marché du travail ont créé un appel d’air qu’il alimente précisément par les besoins qu’il crée. Ce phénomène est naturellement plus lent dans des pays à la démographie plus dynamique et à la protection sociale (publique ou privée) moins développée.

La faiblesse de la productivité dans les services

Un autre moteur des créations d’emplois outre-Rhin réside dans la faiblesse de la productivité du secteur des services. C’est un des apports des « réformes Schröder », mais surtout de la forte modération salariale qui les a accompagnées. Disposant d’une main d’œuvre bon marché et « flexible » en temps, les entreprises des services ont préféré embaucher que d’augmenter leur productivité. Entre 2005 et 2015, la productivité par tête de l’ensemble de l’économie allemande a progressé de 4,8 %. Mais tous les secteurs des services affichent une croissance de la productivité plus faible. Dans le commerce de détail, elle a progressé de 2,3 %, mais dans les services aux entreprises, elle a reculé de 15 % !

Même si la phase de modération salariale est terminée depuis 2013, cette situation de faible productivité perdure. Du coup, ce secteur a créé beaucoup d’emplois sur la période et encore 78.300 entre janvier 2015 et janvier 2016, soit quasi autant que l’industrie. Cette baisse de la productivité liée à une forte modération salariale a été le fer de lance de l’amélioration de la compétitivité allemande dans les années 2005-2010. Avec une conséquence néanmoins au niveau européen. En améliorant par la modération salariale des fournisseurs de services des entreprises la compétitivité externe de ses exportateurs, l’Allemagne a réduit celle de ses “partenaires” de l’union monétaire. Ce qui a conduit à la formation de bulles au sein de l’union monétaire qui ont débouché sur la crise de 2010 et sur une “adaptation” violente qui a créé un fort chômage dans certains pays. Dans une certaine mesure, l’Allemagne a donc « exporté » son chômage vers ces pays. Autre conséquence : la faible productivité dans ces secteurs pourrait conduire à une perte de compétitivité hors coût et à des difficultés d’embauches à terme compte tenu de l’évolution démographique.

Rééquilibrage de l’économie

Enfin, le rééquilibrage en cours de l’économie allemande autour de la consommation des ménages dope l’emploi dans les secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie-restauration. Ce jeudi 31 mars, on a appris la forte hausse de 5,4 % des ventes au détail en février sur un an, une hausse se concentrant précisément sur ces deux secteurs. S’il y a un aspect conjoncturel dans cette progression, on remarque que la fin de la modération salariale depuis 2013 et le quasi plein-emploi permet d’envisager cette forte consommation comme un nouveau « pilier » de l’économie allemande. Logiquement, le secteur de l’hôtellerie-restauration recrute donc aussi beaucoup : 50.000 personnes sur un an en janvier 2016.

Partage accru du temps de travail

Outre la conjoncture et les éléments sectoriels, le dernier élément d’explication de la croissance de l’emploi en Allemagne est le partage du temps de travail. Selon les statistiques publiées par l’institut de recherche de la BA, l’IAB,en mars dernier, le volume d’heures travaillées a progressé en Allemagne de 6,3 % entre 2005 et 2015, mais le nombre de salariés a progressé de 10,8 %. On a donc divisé l’activité pour créer davantage d’emplois. Le nombre d’heures travaillées en moyenne par chaque salarié, en prenant en compte les travaux secondaires, les heures supplémentaires et les arrêts maladies a ainsi, sur cette même période reculer de 2,3 % à 1.303,9 heures annuelles en 2015, soit 30,99 heures par semaine. En incluant tous les actifs, ce nombre d’heures travaillés recule même de 2,9 %.

Une baisse du chômage basée sur les emplois à temps partiel

Le « miracle allemand » de l’emploi est donc celui d’une division accrue du temps de travail. Les salariés travaillent davantage, mais moins longtemps. Le développement des minijobs est un exemple souvent cité pour illustrer ce phénomène, mais l’introduction du salaire minimum fédéral le 1er janvier 2015 a réduit son attrait et le nombre de personne sous ce régime décroît. En revanche, les emplois créés sont encore très majoritairement des emplois à temps partiels. En janvier 2016, 731.000 emplois avaient été créés sur un an et 414.000 d’entre eux, soit 57 % du total étaient des emplois à temps partiel. La tendance est, du reste, très favorable à ces emplois partiels : ils ont progressé entre janvier 2015 et janvier 2016 de 5,2 % contre une hausse de seulement 1,5 % pour les emplois à temps plein.

La baisse du chômage outre-Rhin est surtout fondée sur des emplois à temps partiel. Entre 2005 et 2015, selon l’IAB, le nombre salariés travaillant à temps partiel a progressé de 2,9 millions, tandis que le nombre de salariés travaillant à temps plein est en hausse d’un peu moins d’un million, soit trois fois moins ! Leur proportion sur le total des salariés est passée de 34,3 % à 38,3 %. On constate, du reste, que si le volume d’heures travaillées par des salariés à temps plein a reculé de 0,35 % en dix temps, tandis que le volume d’heures travaillées par des salariés à temps partiel a cru de 10,1 %. Bref, l’essentiel de l’activité nouvelle a été réalisée par des emplois à temps partiel. En Allemagne, les réformes et la flexibilité du marché du travail n’ont donc pas permis de réduire la dualité de ce marché, elle l’a au contraire accrue et ceci ne va pas sans poser de problèmes : plus de 3 millions de salariés souhaiteraient aujourd’hui travailler davantage, selon Destatis. En moyenne, un salarié à temps partiel travaille 19 heures outre-Rhin.

Quelle évolution dans les mois à venir ?

Malgré ces éléments structurels, la situation du marché du travail allemand pourrait se stabiliser, voire ensuite se dégrader tout en restant à un niveau de chômage très faible. Le sous-indice emploi de l’enquête IFO a montré une détérioration ces derniers mois. La situation actuelle de l’industrie allemande n’est pas claire, mais le ralentissement des pays émergents pourrait l’amener à créer moins d’emplois. La hausse des salaires devrait se poursuivre et inciter les chefs d’entreprise à jouer davantage sur les gains de productivité et moins sur les embauches. Enfin, comme le souligne le bulletin mensuel de la BA, l’entrée progressive sur le marché du travail des réfugiés arrivés en 2015 en Allemagne devrait « être progressivement de plus en plus visible. » En mars, on a compté outre-Rhin 54.000 étrangers non-européens au chômage, une hausse de 78,9 % sur un an… La BA assure cependant que les effets à terme de cette immigration pourraient être positifs sur un marché du travail où l’on identifie de plus en plus de manque de main d’œuvre.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 31/03/2016

La Doctrine Obama [5/5] : L’action directe ou l’inaction

La Doctrine Obama [5/5] : L'action directe ou l'inaction

Cette série de 5 billets est une traduction d’un article de Jeffrey Goldberg, qui a interviewé à de multiples reprises Obama pour le rédiger.

C’est une sorte de “Testament diplomatique”, où il fait le bilan des décisions les plus difficiles qu’il a dû prendre concernant le rôle de l’Amérique dans le monde.

Merci aux contributeurs qui ont traduit ce très long article.

Obama a fermement résisté aux demandes de Kerry, et semblait ressentir une impatience grandissante face à son lobbying. Récemment, lorsque Kerry tendit un résumé écrit des futures étapes pour mettre plus de pressions encore sur Assad, Obama dit : « Ho, une autre proposition ? » Des représentants de l’administration m’ont dit que le vice-président Biden également commençait à être irrité des demandes de Kerry pour plus d’action. Il a dit en privé au Secrétaire d’État : « John, tu te souviens du Vietnam ? Tu te souviens comment ça a commencé ? » Lors d’une réunion du Conseil sur la sécurité nationale se tenant au Pentagone en décembre, Obama annonça que personne, excepté le secrétaire à la Défense, ne devrait lui amener des propositions pour une action militaire. Les officiels du Pentagone comprirent que la déclaration d’Obama était une remarque directement adressée à Kerry.

Obama a fait le pari que le prix d’une action directe en Syrie serait supérieure à celui de l’inaction.

Un jour en janvier, dans le bureau de Kerry au Département d’État, j’exprimai l’évidence : Il avait plus qu’un parti pris à l’égard de l’action menée par le président.

« Probablement, » a reconnu Kerry. « Ecoutez, sur ces choses il a le dernier mot… Je dirais que je pense que nous avons eu une relation très symbiotique, synergique, ou peu importe comment vous appelez ça, qui fonctionne très efficacement. Parce que je viendrai avec un parti pris “Essayons de faire ceci, essayons de faire ça, faisons ça.” »

La prudence d’Obama en Syrie a vexé ceux qui dans l’administration avaient vu des occasions, à différents moments durant les quatre dernières années, de préparer le terrain contre Assad. Certains pensaient que la décision de Poutine de combattre au nom d’Assad aurait décidé Obama à intensifier les efforts américains pour aider les rebelles anti-régime. Mais Obama, au moins au moment de l’écriture de ces lignes, ne bougerait pas, en partie parce qu’il pensait que ce n’était pas à lui d’empêcher la Russie de faire ce qu’il jugeait une terrible erreur. « Ils sont débordés, ils saignent, » me dit-il. « Et leur économie s’est contractée durant trois années de suite, de façon drastique. »

Obama rencontre le roi de Jordanie Abdullah II à la Maison-Blanche en février 2015.

Durant les dernières réunions du Conseil de sécurité nationale, la stratégie d’Obama se référait occasionnellement à “l’approche Tom Sawyer”. La vision d’Obama était que si Poutine voulait dépenser les ressources de son régime en allant peindre les clôtures en Syrie, le gouvernement américain devrait les laisser faire. Plus tard durant l’hiver, cependant, lorsqu’il apparut que la Russie réalisait des avancées dans sa campagne pour solidifier le régime d’Assad, la Maison-Blanche commença à discuter des possibilités de renforcement de l’aide aux rebelles, toutefois l’hésitation du président sur un engagement plus intensif persista. Lors de conversations que j’eus avec des membres du Conseil pour la sécurité nationale durant les deux derniers mois, j’eus le pressentiment qu’un événement – une autre attaque du style de San Bernardino par exemple – forcerait les États-Unis à prendre des mesures nouvelles et plus directes en Syrie. Pour Obama, ce serait un cauchemar.

S’il n’y avait pas eu l’Irak, l’Afghanistan et la Libye, me dit Obama, il aurait peut-être été plus prompt à prendre des risques en Syrie. « Un président ne prend pas de décisions dans le vide. Il n’a pas une ardoise vierge. Tout président sensé, je pense, reconnaîtrait qu’après une décennie de guerre, avec des obligations qui requièrent encore aujourd’hui un important niveau de ressources et d’attention en Afghanistan, avec l’expérience de l’Irak, avec le stress que cela met sur notre armée – tout président sensé hésiterait à s’engager à nouveau dans la même région du globe avec les mêmes dynamiques à l’œuvre et probablement la même issue insatisfaisante. »

Etes-vous trop prudent ?, demandais-je.

« Non, » dit-il. « Est-ce que je pense que si nous n’avions pas envahi l’Irak et n’étions pas toujours engagés à envoyer des milliards de dollars, de nombreux formateurs et conseillers militaires en Afghanistan, j’aurais pu penser prendre davantage de risques afin d’essayer d’aider à l’amélioration de la situation en Syrie ? Je ne sais pas. »

Ce qui me frappa est que, alors même que son secrétaire d’État l’avertit à propos d’une dramatique apocalypse européenne alimentée par la Syrie, Obama n’avait pas fait basculer la guerre civile du pays dans la catégorie des menaces prioritaires.

L’hésitation d’Obama à rejoindre la bataille en Syrie est relevée comme une preuve par ses détracteurs de sa trop grande naïveté ; sa décision de 2013 de ne pas envoyer les missiles est une preuve, avancent-ils, qu’il est un bluffeur.

Cette critique irrite le président. « Plus personne ne se souvient de ben Laden, » dit-il. « Plus personne ne me parle du fait que j’ai mobilisé 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. » La crise de la ligne rouge, dit-il, « est le point de la pyramide inversée sur lequel toutes les autres théories reposent. »

Un après-midi à la fin de janvier, alors que je quittais le bureau ovale, je fis allusion auprès d’Obama à un moment d’une interview de 2012 lorsqu’il m’avait dit qu’il n’autoriserait pas l’Iran à obtenir l’arme nucléaire. « Vous avez dit, “Je suis le président des États-Unis, je ne bluffe pas.” »

Il dit, « Je ne bluffe pas. »

Peu de temps après cette interview, il y a quatre ans, Ehud Barak, qui était alors le ministre de la Défense d’Israël, me demanda si je pensais que la promesse d’Obama de ne pas bluffer était elle-même un bluff. Je répondis que je trouvai cela difficile à imaginer que le leader des États-Unis blufferait à propos de quelque chose de si important. Mais la question de Barak ne me quitta pas. Donc, alors que je me trouvais sur le pas de la porte avec le président, je demandai : «Était-ce du bluff ? » Je lui dis que certaines personnes aujourd’hui pensaient qu’il aurait bien attaqué l’Iran pour l’empêcher d’obtenir l’arme nucléaire.

« C’est intéressant, » dit-il, de manière évasive.

Je commençais à dire : « Est-ce que vous… »

Il m’interrompit. “Je l’aurais vraiment fait,” dit-il, sous-entendant le bombardement des installations nucléaires iraniennes. “Si je les avais vues se développer.”

Il ajouta : “La question est maintenant insoluble, parce que c’est complètement conjoncturel, ce que constitue l’obtention” de la bombe. “C’était la dispute que j’avais avec Bibi Netanyahou.” Netanyahou voulait qu’Obama empêche l’Iran d’être capable de construire une bombe, et non simplement d’avoir une bombe.

“Vous aviez raison de le croire,” dit le président. Et il  a ajouté l’élément capital. “Ceci entrait dans la catégorie des intérêts américains.”

Je me suis alors souvenu de ce que Derek Chollet, un ancien membre du Conseil de la sécurité nationale, m’avait dit : “Obama est un parieur, pas un bluffeur.”

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Le président avait joué très gros. En mai dernier, alors qu’il tentait de faire passer l’accord nucléaire iranien devant le Congrès, je lui dis que cet accord me rendait nerveux. Sa réponse était éloquente. “Écoutez, dans 20 ans, si Dieu le veut, je serais encore là. Si l’Iran a une arme nucléaire, mon nom sera là-dessus,” dit-il. “Je pense qu’il est juste de dire qu’en plus de nos intérêts profonds de sécurité nationale, j’ai un intérêt personnel à bien verrouiller tout cela.”

Au sujet du régime syrien et de ses soutiens iraniens et russes, Obama avait parié, et semblait prêt à continuer à parier que le prix d’une intervention américaine directe serait plus élevé que le prix de l’inaction. Et il est suffisamment sanguin pour vivre avec les ambiguïtés périlleuses de ses décisions. Bien qu’Obama ait dit, lors de son discours du prix Nobel de la paix 2009, que “l’inaction déchire notre conscience et peut amener à une intervention plus coûteuse par la suite,” aujourd’hui les opinions des interventionnistes humanitaires ne le touchent pas, du moins pas publiquement. Il sait certainement que la prochaine génération de Samantha Power critiquera sa réticence à faire plus pour arrêter la boucherie en cours en Syrie. (A ce sujet, Samantha Power sera aussi critiquée par la prochaine Samantha Power.) À l’approche de la fin de son mandat, Obama croit qu’il a fait un grand cadeau à son pays en restant en dehors du maelström – et je soupçonne qu’il croit qu’un jour, les historiens le jugeront sage pour cela.

Les collaborateurs de l’aile Ouest de la Maison-Blanche [The West Wing, titre d’un feuilleton sur la vie quotidienne du président et de ses collaborateurs, NdT] disent d’Obama, comme président ayant hérité de son prédécesseur d’une crise financière et de deux guerres actives, qu’il souhaite vivement laisser “des affaires en ordre” à quiconque lui succédera. Voilà pourquoi le combat contre l’ÉI, un groupe qu’il considère comme une menace directe contre les États-Unis, quoique non existentielle, est la priorité la plus urgente du reste de son mandat ; tuer le soi-disant calife de l’État Islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, est un des objectifs prioritaires de l’appareil de sécurité nationale américain pour la dernière année d’Obama.

Bien entendu, l’ÉI doit en partie son existence au régime d’Assad. Pourtant selon les normes exigeantes d’Obama, le maintien du régime d’Assad pour le moment ne s’élève pas au niveau d’un défi direct à la sécurité nationale américaine.

Voilà ce qui est si controversé dans l’approche du président, et qui restera controversé pour des années encore – la norme qu’il a utilisée pour définir ce qui, précisément, constitue une menace directe.

Obama a tiré un certain nombre de conclusions cohérentes sur le monde, et sur le rôle qu’y tient l’Amérique. La première est que le Moyen-Orient n’est plus extrêmement important pour les intérêts américains. La deuxième est que même si le Moyen-Orient était nettement plus important, il n’y aurait pas grand-chose qu’un président américain puisse faire pour l’améliorer. La troisième est que le désir inné des Américains de remédier aux problèmes de la sorte de ceux qui se manifestent le plus radicalement au Moyen-Orient amène inévitablement à la guerre, à la mort de soldats américains, et à la perte éventuelle de la crédibilité et de la puissance des États-Unis. La quatrième est que le monde ne peut se permettre une diminution du pouvoir des États-Unis. Au moment où les dirigeants de plusieurs alliés américains jugeaient que la direction d’Obama n’était pas à la hauteur des tâches à mener, il a trouvé lui-même la direction du monde insuffisante : des partenaires internationaux généralement sans vision ni volonté pour poursuivre des objectifs progressistes de grande ampleur, et des adversaires qui dans son esprit, ne sont pas aussi rationnels que lui. Obama est convaincu que l’histoire prend parti, et que les adversaires de l’Amérique – et certains de ses alliés potentiels – se sont placés eux-mêmes du mauvais côté, celui où fleurissent le tribalisme, le fondamentalisme, le sectarisme et le militarisme. Ils ne comprennent pas que l’histoire va dans son sens.

“L’argument central est qu’en empêchant l’Amérique de plonger au milieu des crises du Moyen-Orient, le personnel des Affaires étrangères pense que le président précipite notre déclin,” m’a dit Ben Rhodes. “Mais le président de son côté est de l’opinion contraire, à savoir que l’extension excessive au Moyen-Orient nuira à notre économie, à notre capacité à trouver d’autres opportunités et relever d’autres défis, et, surtout, mettra en danger les vies des membres des services américains pour des raisons qui ne sont pas dans l’intérêt direct de la sécurité nationale américaine.”

Si vous soutenez le président, sa stratégie est éminemment sensée : doubler la mise dans les parties du monde où le succès est plausible, et limiter l’exposition américaine pour le reste. Ses critiques pensent toutefois que les problèmes tels que ceux du Moyen-Orient ne se résolvent pas d’eux-mêmes – que sans intervention américaine, ils métastasent.

À cet instant, la Syrie, où l’histoire semble pencher vers toujours plus de chaos, constitue le défi le plus direct à la conception du monde du président.

George W. Bush était aussi un parieur, pas un bluffeur. On se souviendra de lui sévèrement pour ce qu’il a fait au Moyen-Orient. Barack Obama parie qu’il sera bien jugé pour les choses qu’il n’a pas faites.

Source : The Atlantic, le 09/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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