mardi 29 mars 2016
L'Iran va construire « son canal de Suez »
L'Iran va construire « son canal de Suez »
D'après des échos dans la presse, l'une des initiatives les plus ambitieuses, que Téhéran envisage de lancer, prévoit le creusement d'un canal d'environ 1500 km traversant l'Iran du nord au sud permettant de relier la mer Caspienne au golfe Persique. |
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Crise à la CAF : quand l'humain passe après !
Crise à la CAF : quand l'humain passe après !
Les problèmes à la CAF sont nombreux, difficile de savoir par où commencer. Il suffit d'y passer quelque temps en immersion et rapidement, on comprend ce qui saute aux yeux de tous. Voici le récit d'un lanceur d'alerte anonyme qui témoigne de l'intérieur. |
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Marre de suer sang et eau pour engraisser Cooperl ! Ils ont décidé de parler...
Marre de suer sang et eau pour engraisser Cooperl ! Ils ont décidé de parler...
N'oubliez pas que nos dirigeants ont décidé de faire disparaître la médecine du travail, encore une bonne raison de se mobiliser le 31 mars 2016... ![]() Cooperl est le plus gros producteur de porcs français. Un empire industriel pesant 2 milliards d'euros, présent sur toute la filière depuis l'élevage jusqu'à la distribution en passant par la recherche génétique. Cette réussite masque des zones d'ombre, entre casseroles judiciaires et conditions de travail inhumaines. Les salariés ont osé brisé le silence. Et ont, pendant deux semaines, mené une grève historique. Reportage. La vidéo a été publiée sur YouTube début mars, en plein conflit social. C'est un réquisitoire méthodique, une tirade de 5 minutes 13 secondes prononcée d'une voix sourde où gronde la colère. La voix est celle d'une gréviste de l'abattoir de Lamballe, dans les Côtes-d'Armor. Dénonçant les baisses de rémunération imposées par la direction, elle interpelle directement Emmanuel Commault, directeur général de Cooperl : « Arrêtez de fuir, M. Commault, tonne la voix, alors que défilent des images du conflit. Vous essayez d'instaurer un climat de terreur parmi les salariés, en menaçant les grévistes, en les prenant en photo, en prenant leur nom par huissier de justice. La grève est un droit… » S'ensuit une description dantesque des conditions de travail pratiquées dans l'abattoir, entre cadences infernales et accidents à répétition. La voix de la vidéo n'a ni nom ni visage. Pour éviter d'attirer sur elle les foudres de la direction, les salariés de l'abattoir cachent soigneusement son identité. « Nos dirigeants ont toujours été un peu paranos, mais depuis le conflit, c'est encore pire, souffle Marie-Jeanne Meunier, déléguée CFDT. Ils nous attendent au tournant. » Crainte de représaillesL'entrée dans l'usine n'est pas une mince affaire. Pour accéder au local CFDT, il faut d'abord réclamer son code « visiteur » à l'accueil, taper les cinq chiffres qui déverrouillent le tourniquet de l'entrée, se faufiler entre deux bâtiments austères et grimper au deuxième étage de l'abattoir. Dans un minuscule bureau à peine plus grand qu'un placard à balais, une dizaine de salariés se serrent les uns contre les autres. « On veut bien vous parler, disent-ils en chœur, mais hors de question que nos noms apparaissent. Ici, tout le monde craint les représailles : dans ce domaine, nos patrons sont des champions ! » Ils racontent que, durant les deux semaines du conflit, trois huissiers de justice dépêchés par la direction se sont relayés devant l'usine, pour photographier les grévistes. Que sont devenues les photos ? Mystère. Mais cette surveillance tatillonne a mis les salariés sur les nerfs. Tout comme les menaces formulées par la direction, qui ont agacé jusqu'au préfet des Côtes-d'Armor, Pierre Lambert. « En pleine grève, le directeur général de Cooperl nous a contactés, explique-t-on au cabinet du préfet. Il nous a prévenus qu'il comptait faire appel aux éleveurs de la coopérative pour venir débloquer le site. Le préfet s'y est fermement opposé. » Sage décision : une confrontation musclée entre éleveurs et salariés aurait fait des étincelles… Soutenu par la CFDT, la CGT et FO, le conflit a démarré fin février à Lamballe, avant de s'étendre aux sites de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) et Saint-Maixent-l'École (Deux-Sèvres). C'est la direction qui a mis le feu aux poudres, en décrétant la réduction du 13e mois et de la prime d'ancienneté. Un manque à gagner chiffré par les intéressés à 500 euros par an, voire 800 pour certains. La somme n'est pas négligeable, surtout au regard des salaires faméliques pratiqués par le groupe. Malgré 20 ans d'ancienneté, certains ne gagnent pas plus de 1 400 euros par mois, primes comprises. « C'est le ras-le-bol qui nous a poussés à faire grève », résume une salariée, qui travaille à la découpe de la viande. « On en a eu assez de subir, lance une autre, qui s'occupe de la salaison. Depuis 15 ans que je bosse ici, je n'avais jamais vu un mouvement aussi long… Tout le monde nous a rejoints, y compris les travailleurs roumains et polonais qui parlent à peine français. Ça fait chaud au cœur. » Harassés et sous-payésTous évoquent la faiblesse des salaires, ainsi que les horaires de travail harassants, qui réduisent comme peau de chagrin toute vie de famille. Les équipes se relayent sur les chaînes selon un rythme immuable : 5 heures-13 heures pour les équipes du matin ; 13 heures-21 heures pour celles du soir. « Ma femme travaille en journée, moi la nuit, explique Sébastien, un trentenaire costaud et volontiers blagueur. Résultat des courses, on se croise le soir en coup de vent, le temps de discuter rapidement de nos deux filles, âgées de 3 ans et demi et 6 mois. » Ancien gamin fasciné par l'uniforme, Sébastien a commencé sa carrière dans l'armée. Il démissionne quand son régiment déménage, puis atterrit à Cooperl un peu par hasard. Affecté à la maintenance, il répare les machines dans les ateliers. « Vu le niveau de nos salaires, les vacances se font rares, ricane-t-il. La dernière fois que je suis parti, c'était aux sports d'hiver, il y a 3 ans. » À Lamballe, les conditions de travail des salariés de l'abattoir sont connues de tout le monde. Il suffit de mentionner le nom de Cooperl, plus gros employeur de la ville avec ses 2 000 salariés, pour que les langues se délient. « Là-bas, on n'en voit pas beaucoup aller jusqu'à la retraite, assure Michèle, qui tient une brasserie chaleureuse à deux pas de la gare. Ils s'arrêtent avant, parce qu'ils ne peuvent plus tenir la cadence. » Certaines anecdotes sont plus inquiétantes encore. Annie travaille pour l'une des trois compagnies de taxi de la ville. Selon elle, les accidents du travail sont monnaie courante chez Cooperl : « Parfois, on nous appelle deux fois dans la même journée pour aller chercher les salariés accidentés à l'usine et les conduire à l'hôpital. Les ouvriers travaillent tellement près les uns des autres qu'ils ont vite fait de donner un coup de couteau au voisin, sans faire exprès. » ChronométrésCommentaire désabusé de Marie-Jeanne Meunier : « En cas d'accident, la direction préfère appeler un taxi. S'ils préviennent les pompiers, la gendarmerie ouvrira nécessairement une enquête sur l'origine de l'accident. » La direction refuse de communiquer les statistiques concernant accidents du travail et maladies professionnelles. Mais les salariés de Lamballe montrent du doigt leur corps amoché. « Épaules, coudes, poignets, on a tous les TMS (troubles musculo-squelettiques) imaginables, soupire une ouvrière. C'est à force de répéter les mêmes gestes, debout à la chaîne, pendant 20 ans… » Et de soulever des carcasses de porcs pesant plus de 110 kg. Les médecins du travail de Cooperl confirment l'étendue des dégâts. L'« HD » a parcouru un rapport alarmant dressé par deux d'entre eux, daté du 4 juin 2013. Le document revient sur les TMS dans l'entreprise, pointant la « gravité des lésions anatomiques et fonctionnelles », aggravée par des « postures pénibles (debout prolongées avec piétinement, position en torsion du corps), travail de nuit, travail répétitif avec cadence contrainte, bruit et froid ». À Lamballe, plus de 50 000 porcs sont abattus chaque semaine. Les cadences ont augmenté en un an, passant de 650 à 700 bêtes par heure. Mais visiblement, la direction aimerait bien pousser encore un peu plus les feux. En septembre, les salariés ont vu débouler dans l'usine une brochette de cadres employés par une grosse entreprise de conseil canadienne, Pro Action. Armés de chronomètres, les Canadiens sillonnent les ateliers, afin de mesurer en temps réel la productivité des salariés. « Ça fait tout drôle de travailler avec un de ces types dans son dos, raconte une ouvrière. Ils calculent le nombre de barquettes qu'on fait à la minute… Je crois que le but est de réduire le plus possible nos déplacements. » Voilà qui ne va pas apaiser le climat social dans l'entreprise… À Lamballe, les deux semaines de grève ont laissé des traces. Une odeur de poudre flotte toujours dans l'air, comme si les salariés avaient encore envie d'en découdre : « Le mouvement a forcé la direction à revenir à la table des négociations, précise Marie-Jeanne Meunier. Mais nous restons vigilants. À la moindre entourloupe, on débraye ! »
Source(s) : L'Humanité.fr via Odilion Informations complémentaires : Crashdebug.fr : Mondialisation : le Travail, Pourquoi ? Crashdebug.fr : Mammon ou la religion de l'argent (Arte) Crashdebug.fr : Le mensonge dans lequel nous vivons Crashdebug.fr : System failure, press a key to reboot... Crashdebug.fr : La route vers la démocratie...
Source : Humanite.fr
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ENTRETIEN – « Tuer pour exister, et mourir » avec David Thomson
ENTRETIEN – « Tuer pour exister, et mourir » avec David Thomson
Source : Non Fiction, David Thomson, 23-03-2016
Nonfiction.fr – Votre livre demande Qui sont ces citoyens en rupture avec la République ? Au-delà de la rupture avec la République, observez-vous des régularités dans les profils sociaux des jihadistes que vous avez interrogés ? David Thomson – Ce qu'il faut prendre en compte avant tout, c'est qu'il n'existe pas de statistiques sur ce sujet, et que la sociologie n'est pas tout-à-fait la même pour les hommes et pour les femmes. Pour les hommes, on a clairement une majorité de personnes qui ont grandi dans les quartiers populaires français, ce qui ne veut pas dire qu'on ait une majorité de personnes désocialisées. Au contraire, un grand nombre étaient bien installés dans la vie active, avec une famille et des salaires corrects voire supérieurs à la moyenne nationale, avant de tout quitter pour partir en raison de leurs convictions religieuses ou politiques. D'autres jeunes hommes ou jeunes femmes viennent par ailleurs des classes moyennes, ou du monde rural : c'est par exemple le cas de celle que j'appelle « Clémence », qui s'est convertie après avoir trouvé un exemplaire du Coran à la Fnac et qui y a trouvé les réponses aux questions religieuses qu'elle se posait en tant que catholique pratiquante. Ce qui l'a conduite à adopter l'Islam, c'est qu'elle y a trouvé le monothéisme pur qui résolvait à ses yeux les complexités de la Trinité. Incontestablement, la majorité appartient à une même génération, ou plutôt à une même fourchette d'âge, qui s'étend en gros de 16 à 30 ans. Mais dans l'ensemble, les profils sociaux sont donc extrêmement variés, comme c'était d'ailleurs déjà le cas dans les années 1990 et 2000, lorsque des Français partaient rejoindre les troupes islamistes de Bosnie ou d'Afghanistan : dans le « gang de Roubaix », Christophe Caze et Lionel Dumont étaient tous les deux blancs, ancien étudiant en médecine pour l'un et ancien militaire pour l'autre. La seule nouveauté à cet égard aujourd'hui, c'est l'ampleur inédite du phénomène. S'il existe un dénominateur commun entre tous les « Français jihadistes », au-delà des générations et des époques, c'est qu'ils se reconnaissent tous une djahilia, c'est-à-dire une période d'« ignorance » pré-islamique. Certains étaient dans la musique, beaucoup étaient dans le rap, d'autres étaient militaires, fonctionnaires, intérimaires ou employés, certains étaient dans la délinquance mais d'autres menaient une existence familiale tout-à-fait rangée. Mais tous évoquent une vie en-dehors de la piété avant de se convertir, ou de retourner à un Islam religieux et non seulement culturel. On est néanmoins frappé de constater dans le livre que quelque soit leur origine, tous vos interviewés (en tout cas ceux qui s'expriment sur la question) disent avoir reçu une éducation religieuse, mais une éducation religieuse assez souple, peu pratiquante. Confirmez-vous cette impression ? Oui, effectivement. C'est bien sûr le cas pour les musulmans de culture qui découvrent la foi et se mettent à pratiquer, mais les convertis non-musulmans viennent aussi souvent de familles catholiques ou protestantes plus ou moins pratiquantes. Il existe aussi de rares personnes issues d'autres horizons religieux ou politiques : l'un de ceux que j'ai interrogé était passé par le bouddhisme avant de faire le choix de l'Islam, et j'ai même rencontré des jihadistes issus de familles juives ou encore d’autres qui militaient dans les rangs de l’extrême-droite. En fait on trouve un peu de tout, et toutes sortes de cas qui ne sont absolument pas représentatifs. Mais dans l'ensemble, il est assez clair que la conversion s'inscrit dans une quête spirituelle, une démarche rédemptrice, ou en tout cas, qu'elle apporte une réponse à une question latente. Ce mélange de découverte et de retour au religieux est quelque-chose qui vaut pour tous les jihadistes, de « Clémence » à Abou Moussab Al-Zarqaoui . Dans ce sens, tous sont des « convertis » et se regardent comme tels. Et cette bascule est structurante : un jihadiste issu de la grande délinquance, qui avait déjà du sang sur les mains avant de se convertir, me disait même que son passé criminel le renforçait dans sa vérité, dans la mesure où ce passé le rapprochait des compagnons du Prophète Mohamed, passés de la violence séculière à la violence religieuse. Cette personne a intégré la police islamique, et il m'a un jour confié qu'il prenait du plaisir à tuer des gens. Dans son cas, le jihadisme lui a permis de légitimer sa violence, il lui a offert une raison d'assouvir totalement ses pulsions meurtrières. Ce n'est bien sûr pas le schéma majoritaire – il n'y en a pas – mais chacun à sa manière, tous font nettement la différence entre un avant et un après. Le débat sur l'interprétation du phénomène jihadiste invoque parfois la relégation sociale des personnes qui se radicalisent, leur mise à l'écart de la société par le système scolaire lui-même. On peut aussi avoir l'impression d'avoir affaire à des personnes mal armées intellectuellement pour faire face aux discours complotistes et obscurantistes des islamistes. Observez-vous quelque chose comme le produit d'un échec de l'école républicaine ? En l'absence de chiffres, il est difficile de dire quoi que ce soit de précis concernant le niveau de formation des Français jihadistes. Si je m'en tiens aux personnes dont je parle dans mon livre, quelques uns ont fait des études universitaires – en lettres, en sciences, en droit… – mais la plupart se sont arrêtés après le bac, voire après un BEP. C'est d'ailleurs un motif de blagues entre eux, qui prouve qu'il existe une conscience collective assez forte de ce niveau général d'instruction (universitaire et religieux) assez bas. Plus généralement, ce qui revient en permanence, c'est un sentiment de frustration très largement partagé qui touche tous les milieux pour des raisons différentes. Le jihadisme propose à des égos froissés d’accéder au statut valorisant de héros de l’islam sunnite. Il y a un volet individualiste dans ce projet. Chez certains, elle vient du fait d'être issus d'une minorité, ce qui fait naître le sentiment de vivre en situation d'infériorité du fait de son origine. L'une des personnes dont je dresse le portrait dans mon livre menait une vie active et familiale en apparence très satisfaisante, mais il me disait : « Là, en tant que fils d'immigré, j'ai atteint le maximum de ce que je pouvais espérer. » Et il ajoutait que pour lui comme pour la plupart de ses frères d'armes, l'Islam leur avait rendu la « dignité » après que la France les a « humiliés ». De fait, parmi les convertis, on trouve aussi beaucoup de personnes issues des territoires d'outre-mer et de Français issus d'autres immigrations – subsaharienne, portugaise, mais aussi coréenne, vietnamienne… – pour lesquels la donnée identitaire doit être prise en compte. La frustration peut aussi être religieuse, notamment chez un certain nombre de personnes qui se sont d'abord tournées vers un salafisme quiétiste, et qui ont eu le sentiment de ne pas pouvoir exercer leur religion en France en raison de la place de la laïcité. Ces personnes perçoivent la législation française comme un instrument tourné contre l'Islam. Là, on a un motif de frustration qui ne se limite en rien aux milieux populaires. D’autres racontent aussi avoir vécu un traumatisme d’ordre privé ou un choc qui a débouché sur un processus de réflexion et une quasi-révélation: un jeune raconte ainsi s’être converti après avoir échappé miraculeusement à un accident de voiture, un autre est revenu vers l’islam après avoir survécu à un coup de couteau dans une bagarre parce qu’il « avait récité en continu la shahada » disait-il. Certains ont vécu des violences sexuelles, d’autres ont été confrontés à la mort brutale, la maladie, la toxicomanie voire la prostitution, l’absence ou l’abandon d’un de leurs parents. Des dysfonctionnements, parfois imperceptibles de prime abord au sein des cellules familiales, sont souvent aussi à prendre en compte. Les acteurs concernés vivent ainsi le jihadisme comme une purification qui les laverait de ce qu’ils perçoivent comme étant des souffrances ou des péchés qu'eux ou leurs proches auraient commis. En ce sens, cette idéologie les soulage, les apaise et leur redonne foi en un avenir promis comme paradisiaque dans l’au-delà, avec un code de conduite qui régit tous les aspects de la vie terrestre et qui leur redonne un sentiment de fierté, de supériorité sur les non-croyants, l’impression d’une renaissance en appartenant à la communauté des élus. Bien sûr, l’addition de ces cas particuliers ne suffit pas non plus pour dresser des tendances lourdes tout simplement parce que beaucoup de jihadistes n’ont jamais vécu le moindre traumatisme et affichent un parcours scolaire et familial qui frappe uniquement par sa grande banalité. Et puis il y a aussi le vide « idéologique » contemporain, l'absence de « transcendance » dont le sentiment offre un terrain très favorable à l'accueil de la propagande jihadiste. Finalement, un certain nombre de jeunes vivent mal de se retrouver dans un monde sécularisé. Dans ces cas-là, le jihadisme vient s'installer dans le désœuvrement spirituel ou matériel. L'un de mes interviewés raconte par exemple que pour lui, tout a commencé à un moment de sa vie où il se retrouvait chez lui sans avoir rien à faire. Par ennui, il s'est mis à poster sur Facebook des vidéos jihadistes qui lui ont valu de plus en plus de « likes », et qui lui ont donc donné un sentiment d'importance dont il était totalement privé jusque-là. Le même jeune homme me racontait d'ailleurs qu'une fois arrivé en Syrie, il postait des photos de lui avec sa « kalach » qui lui valaient une dizaine de demandes en mariage par jour, alors qu'en France il n'avait jamais pu avoir de relation sexuelle. Pour beaucoup finalement, le jihadisme, c'est une manière d'exister, de trouver un sens. Au-delà des critères socio-économiques, ethniques ou culturels, le vécu semble donc prépondérant face aux échecs réels ou supposés de la machine d'intégration. Le terrain économique, les difficultés sociales ne sont pas toujours un facteur de compréhension. Tout simplement parce que les classes moyennes, voire, dans de rares cas, supérieures de la société, sont également concernées. Et cela vaut pour la France comme pour la Tunisie où j’ai commencé à étudier cette question en 2011 et qui est actuellement le pays le plus touché au monde par ce phénomène. Mais pour tous ceux qui n'étaient « rien » en France, pour tous les jihadistes issus de milieux pauvres ou de l'assistance publique, il est évident que le jihad permet de se réaliser spirituellement mais aussi socialement. Mais quand on regarde la situation d'autres personnes bien installées avant de se radicaliser, on voit bien que c'est le sentiment qui prime, plus que la réalité matérielle. Pour bien comprendre ces motivations, il est en réalité assez utile de déplacer le regard et de s'extraire des spécificités du contexte français. Quand j'ai commencé mon enquête, j'étais en Tunisie, dans une société musulmane où le parti islamiste Ennahdha était au pouvoir : ce n'est donc clairement pas la prégnance des sentiments islamophobes qui a conduit près de 6000 jeunes Tunisiens à partir rejoindre l’EI en Syrie, en Irak ou en Libye. En revanche, en l'espace d'un an, ce sont les mêmes Tunisiens qui cherchaient initialement à rejoindre l'Europe via Lampedusa en 2011 qui, par la suite, en 2012, ont commencé à partir en masse vers la Syrie. Leurs espoirs se sont déplacés, et ils sont en quelque-sorte passés de l'idéal d'un pays de Cocagne matériel à celui d'un paradis céleste. Et parmi eux, il y avait toutes sortes de personnes : de jeunes médecins, des chanteurs ou des sportifs, et pas seulement des chômeurs de Sidi Bouzid. Il se trouve qu'Al-Qaïda (qui se cachait derrière le groupe « rebelle » Jabhat Al-Nosra) et surtout l’EI aujourd'hui ont réussi à offrir un débouché à leurs espoirs, en promouvant une nouvelle forme d'universalisme. Le nombre de jeunes femmes qui partent pour la Syrie est impressionnant, ahurissant même aux yeux de nombre d'Occidentaux qui perçoivent l'islamisme comme un régime d'oppression des femmes. À leur sujet, peut-on aussi penser les choses en termes de frustrations et d'espoirs ? Le cliché est effectivement que les femmes jihadistes sont des femmes soumises qui obéissent et suivent leur mari. Mais c'est plutôt l'inverse que j'ai observé depuis que je travaille sur ce sujet : l'engagement féminin est souvent plus déterminé que celui des hommes. Dans certains couples, c'est la femme qui est le moteur de la radicalisation, et certaines sont plus favorables aux attentats terroristes que leurs époux. Cela peut paraître incompréhensible, mais toutes celles avec qui je discute après leur retour me disent qu'elles ont vécu le port du sitar – qui dissimule jusqu'aux yeux et aux mains – comme une « libération ». Elles rejettent violemment et elles combattent (par les armes si elles le pouvaient) à la fois le modèle de société que leur impose la République française mais aussi les obligations perçues comme étant celles de la femme moderne: l’injonction sociétale de réussir sa vie professionnelle, sociale et familiale dans un contexte concurrentiel entre les individus. Dans cette idéologie, sans pour autant avoir toujours grandi dans des quartiers populaires, elles disent trouver la satisfaction de ne plus être jugées sur le physique ou sur la marque de leurs vêtements, de se retrouver dans une situation d'« égalité », entre elles mais pas seulement. Même si en Syrie, là aussi, elles sont encore jugées sur le physique, lorsqu’elles doivent passer par le mariage. À côté de l'enjeu spirituel et de la quête de reconnaissance, quelle place ont les considérations politiques ? La grande majorité des jihadistes que j'ai interviewés est aussi motivée par des questions politiques. Ils combattent la démocratie et le modèle de société français perçus comme « ennemis de l’islam » et ils partent en ayant la conviction de participer à un moment historique en réalisant l’utopie d’une cité idéale pour les musulmans. Et pour construire « cet État » régi par leur lecture littéraliste de la religion, ils estiment que la seule solution est de passer par la violence, la guerre perçue comme obligation religieuse et moyen politique. Même lorsqu’ils tuent, ils sont convaincus de faire le bien. En ce sens, ce sont des acteurs rationnels et pas uniquement de simples fous au sens psychiatrique. Même si des cas cliniques existent aussi dans ce milieu. Mais beaucoup basculent dans cette croyance après être passés par des théories complotistes (qu’ils rejettent en bloc par ailleurs) qui témoignent d'une perte de confiance absolue vis-à-vis des médias traditionnels et des institutions. Au départ, on a souvent une démarche de recherche individuelle de la vérité, qui explique notamment l'importance de l'usage d'internet dans l'adhésion à la cause jihadiste – car il n'y a plus que sur internet qu'on trouve aujourd'hui la propagande, l'actualité et la production idéologique jihadistes. Mais l'engagement dans le jihad a lui-même un contenu politico-religieux assez clair. Deux ans avant la proclamation du « Califat », des jeunes qui avaient une vision totalement eschatologique de l'histoire me disaient voir des signes précis de la fin des temps, et pensaient se trouver au moment de l'histoire qui allait voir le dernier rassemblement des fidèles et la dernière grande bataille apocalyptique avant le retour de l'Antéchrist. De fait la propagande fait correspondre étroitement les prophéties coraniques avec les événements ou les lieux de l'histoire récente. Deux ans avant la proclamation de l' « État islamique », l'un deux m'a dit : « tu verras, nous allons créer un Califat ». Et il me disait également : « selon un hadith, à ce moment-là, une grande coalition internationale se mettra en branle contre nous, dans laquelle il y aura 80 étendards, et sous chaque étendard, 12 000 combattants ». Cet argument est utilisé pour motiver les troupes depuis l'Afghanistan… Mais de fait, la mise en relation des prophéties et des événements par la propagande fournit aux yeux de nombreux jihadistes la preuve de la vérité coranique dont ils pensent détenir le monopole. L'EI (Etat Islamique) est très habile à établir ces correspondances, dont la force est telle que rien ne peut les combattre. Les jeunes qui découvrent les hadiths sur internet sont complètement sourds à tous ceux qui, à la mosquée, peuvent essayer d'expliquer que le sens des prophéties s'inscrit dans un contexte : pour eux, qui sont venus aux textes sacrés seuls ou avec la propagande jihadiste, l'interprétation historique ou figurée est une « innovation », c'est-à-dire la pire des choses puisqu'elle dénature et biaise le sens qu'ils pensent être original. Cette conception politico-religieuse est en réalité assez « rationnelle », ou en tout cas cohérente : les jihadistes combattent la démocratie parce que la souveraineté populaire usurpe le droit à produire la Loi, qui n'appartient qu'à Dieu, et parce que ce faisant, elle met l'homme à la place de Dieu. À partir de ces convictions, le passage à l'acte est-il le résultat d'un long processus de radicalisation dont on pourrait dessiner un itinéraire standard ? Non il n'existe pas de schéma type. Certains sont dans une quête spirituelle et basculent dans la violence idéologique, mais d'autres partent sans aucune conviction, pour rejoindre un copain du quartier ou un frère, et s'initient seulement ensuite à l'Islam et à l'islamisme. La logique mimétique du « groupe de potes » n'est pas universelle, mais elle est aussi un facteur important. C'est celle qui a prévalu dans la ville de Lunel, d'où on a compté une vingtaine de départs parmi un groupe de copains : après eux, le mouvement s'est tari. L'un deux me racontait d'ailleurs qu'un de ses frères, qui dealait et faisait du rap, avait été envoyé en Syrie pour qu'un autre de ses frères lui remette les idées en place. Il est mort à Deir Ezzor en Syrie quelques mois après son arrivée. Du côté des filles aussi, certaines sont absolument indifférentes aux raisons religieuses ou autres, et partent seulement parce qu'elles sont tombées amoureuses de jeunes hommes dont elles ont vu les photos en armes. Là on a affaire à des jeunes femmes qui pensent que les Occidentaux ne sont plus des hommes, et qui ont l'idéal de cette virilité d'hommes pieux et en armes. Ces idéaux sont souvent aux antipodes des convictions familiales. Bref on trouve toujours des cas qui font mentir les grandes tendances, et un grand nombre de facteurs secondaires qui rendent les parcours très divers et parfois incomparables. […]Les jihadistes reprochent donc aux quiétistes leur compromission avec les régimes se revendiquant de la souveraineté populaire : quel est, globalement, le rapport de ceux qui choisissent la guerre de religion vis-à-vis des musulmans de France ? À ce sujet, on entend souvent un discours très erroné qui voudrait que le jihadisme, en France, soit le fruit du communautarisme. C'est exactement l'inverse : l'un des points communs à presque tous ces jeunes est justement qu'ils n'étaient pas insérés dans une communauté. Et c'est peut-être plutôt l'absence de communauté qui leur a donné l'envie d'en retrouver une, de recréer une grande fratrie universelle – même si cette « communauté » est en réalité déchirée sur place par les rivalités internes. Dans ce sens, leur idéologie se construit contre l'Islam de France qu'ils déclarent « apostat » : en tant que tel, il est lui aussi à combattre et à éliminer. […] La différence aujourd'hui est donc que tous – Al-Qaïda comme l'EI – sont d'accord pour considérer comme étant de leur devoir de revenir combattre en France. Il existe encore des débats sur les cibles et sur l'opportunité de tuer des civils, mais la plupart des jihadistes considèrent que cela ne pose aucun problème puisqu'au fond, il n'y a pas de civils. En septembre, je discutais avec un Français de l’EI directement lié aux attentats 13 novembre qui affirmait que dans un État où les gens participent au financement de leur armée par l'impôt, tout le monde était l'ennemi. Il refusait ainsi le statut de civils et donc d’innocents. La majorité des Français soutenaient les frappes de la coalition, donc la majorité des Français étaient des « cibles légitimes » pour reprendre son expression. Cette idée est par ailleurs renforcée par leur prétention à appliquer la loi du talion : puisque les bombardements tuent des civils, il leur semble légitime de frapper des civils en France. Depuis 2014, observez-vous d'autres évolutions du « jihadisme français », dans le recrutement ou sous d'autres aspects ?
Lire la suite sur Non Fiction, David Thomson, 23-03-2016 |
URL: http://www.les-crises.fr/entretien-tuer-pour-exister-et-mourir-avec-david-thomson/
Pourquoi les Arabes ne veulent pas de nous en Syrie, par Robert F. Kennedy, JR
Pourquoi les Arabes ne veulent pas de nous en Syrie, par Robert F. Kennedy, JR
Source : Politico, le 23/02/2016 John Foster Dulles (à droite), expert en politique étrangère du Parti Républicain, est salué par son frère, Allen Dulles, à son arrivée à New York en octobre 1948 | AFP/AFP/Getty Images Ils ne détestent pas « nos libertés ». Ils détestent que nous ayons trahi nos idéaux dans leurs propres pays – pour du pétrole. Par ROBERT F. KENNEDY, JR En partie parce que mon père a été assassiné par un arabe, j’ai fait un effort pour comprendre l’impact de la politique américaine au Moyen-Orient, et particulièrement des facteurs qui motivent parfois des réponses sanguinaires de la part du monde islamique envers notre pays. Tandis que nous nous concentrons sur l’émergence de l’État Islamique et recherchons l’origine de la barbarie qui a pris tellement de vies innocentes à Paris et San Bernardino, nous pourrions vouloir regarder au-delà des explications confortables relatives à la religion et l’idéologie. Nous devrions plutôt examiner les explications plus complexes de l’Histoire et du pétrole et comment elles pointent un doigt accusateur vers nos propres rivages. Le peu glorieux registre d’interventions violentes américaines en Syrie, très peu connu des Américains mais cependant très bien connu des Syriens, a créé un terrain fertile à un djihadisme islamique violent qui complique toute réponse effective de nos gouvernements pour relever le défi de l’État Islamique. Aussi longtemps que l’opinion publique américaine et les politiciens ignoreront ce passé, les interventions à venir vont vraisemblablement se limiter à empirer la crise. Le secrétaire d’État John Kerry a annoncé cette semaine un cessez-le-feu “provisoire” en Syrie. Mais comme les moyens et le prestige des É-U en Syrie sont très faibles – et que le cessez-le-feu ne concerne pas des belligérants importants comme l’ÉI et al-Nosra – il est condamné à se limiter au mieux à une fragile trêve. De même, le renforcement de l’intervention militaire du président Obama en Libye – des frappes aériennes des É-U ont visé un camp d’entraînement de l’ÉI la semaine dernière – va probablement renforcer les radicaux au lieu de les affaiblir. Comme le New York Times l’a rapporté à la Une le 8 décembre 2015, les chefs politiques de l’ÉI et ses planificateurs stratégiques cherchent à provoquer une intervention militaire américaine. Ils savent d’expérience qu’elle inondera leurs rangs de combattants volontaires, asséchera les voix de la modération et unifiera le monde islamique contre l’Amérique. Pour comprendre cette dynamique, nous devons regarder l’histoire dans la perspective des Syriens et particulièrement les sources du conflit actuel. Bien avant notre occupation de l’Irak en 2003 qui a déclenché la révolte sunnite, désormais devenue l’État Islamique, la CIA avait alimenté un djihadisme violent en l’utilisant comme une arme en période de guerre froide et mis à mal les relations diplomatiques entre les États-Unis et la Syrie. Cela ne s’est pas passé sans controverse. En juillet 1957, après un coup d’État manqué en Syrie par la CIA, mon oncle, le sénateur John F. Kennedy exaspéra la Maison-Blanche d’Eisenhower, les dirigeants des deux partis politiques, et nos alliés européens, avec un discours d’anthologie soutenant le droit à un gouvernement indépendant dans le monde arabe, et appelant à mettre fin à l’ingérence impérialiste américaine dans les pays arabes. Tout au long de ma vie, et particulièrement durant mes fréquents voyages au Moyen-Orient, d’innombrables Arabes m’ont volontiers rappelé ce discours comme la plus claire expression d’idéalisme qu’ils attendaient des É-U. Le discours de Kennedy était un appel pour que l’Amérique s’engage de nouveau dans les hautes valeurs que notre pays avait défendues dans la Charte Atlantique ; dont la promesse solennelle que toutes les anciennes colonies européennes auraient droit à l’autodétermination après la Seconde Guerre mondiale. Franklin D. Roosevelt avait tordu le bras de Winston Churchill et des autres responsables alliés pour qu’ils signent la Charte Atlantique en 1941 comme précondition du soutien américain dans la guerre européenne contre le fascisme. Le procureur général des États-Unis, Robert Kennedy, prononce un discours le 2 septembre 1964 Mais en grande partie grâce à Allen Dulles et à la CIA, dont les intrigues en matière de politique étrangère étaient souvent en totale opposition avec les déclarations politiques de notre nation, le chemin idéaliste tracé dans la Charte Atlantique ne fut pas emprunté. En 1957, mon grand-père, l’ambassadeur Joseph P. Kennedy, fit partie d’une commission secrète chargée d’enquêter sur les coups foireux de la CIA au Moyen-Orient. Le rapport dénommé “Rapport Bruce-Lovett”, dont il fut signataire, décrivait les complots de coup d’État de la CIA en Jordanie, Syrie, Iran, Irak et Égypte, tous bien connus de la rue arabe, mais pratiquement ignorés du peuple américain qui prenait pour argent comptant les démentis de son gouvernement. Le rapport faisait grief à la CIA de l’anti-américanisme larvé qui était alors en train de s’enraciner mystérieusement “dans de nombreux pays du monde aujourd’hui.” Le rapport Bruce-Lovett soulignait que de telles interventions étaient contraires aux valeurs américaines et avaient compromis la prééminence américaine internationale et son autorité morale sans que le peuple américain n’en sache rien. Le rapport disait aussi que la CIA n’avait jamais envisagé comment faire face à de tels agissements si un gouvernement étranger en fomentait dans notre pays. Telle est l’histoire sanglante que de modernes interventionnistes comme George W. Bush, Ted Cruz et Marco Rubio oublient quand ils récitent leur discours narcissique selon lequel les nationalistes du Moyen-Orient “nous détestent en raison de nos libertés.” Pour la plupart, c’est faux ; au lieu de cela, ils nous détestent pour la façon dont nous avons trahi ces libertés – notre propre idéal – à l’intérieur de leurs frontières. * * * Pour que les Américains comprennent réellement ce qui se passe, il importe de rappeler certains détails de cette histoire sordide mais méconnue. Pendant les années 50, le président Eisenhower et les frères Dulles – Allen Dulles, directeur de la CIA et John Foster Dulles, Secrétaire d’État – repoussèrent les propositions de traité soviétiques visant à faire du Moyen-Orient une zone neutre dans la guerre froide et laisser les Arabes gouverner l’Arabie. Au lieu de quoi, ils élaborèrent une guerre clandestine contre le nationalisme arabe – qu’Allen Dulles considérait comme du communisme – en particulier quand l’autogestion arabe menaçait les concessions pétrolifères. Ils fournirent une aide militaire américaine secrète aux tyrans en Arabie saoudite, en Jordanie, en Irak et au Liban, favorisant des marionnettes à l’idéologie djihadiste conservatrice qu’ils considéraient comme un antidote sûr au marxisme soviétique. Lors d’une réunion à la Maison-Blanche en septembre 1957 entre Frank Wisner, directeur des programmes de la CIA, et John Foster Dulles, Eisenhower conseilla à l’Agence : “Nous devrions faire tout ce qu’il est possible pour insister sur l’aspect ‘guerre sainte’,” selon une note prise par son secrétaire d’équipe, le général Andrew J. Goodpaster. La CIA commença à intervenir activement en Syrie en 1949 – à peine un an après la création de l’Agence. Les patriotes syriens avaient déclaré la guerre aux nazis, expulsé les administrateurs coloniaux français du gouvernement de Vichy et élaboré une fragile démocratie laïque inspirée du modèle américain. Mais en mars 1949, le président syrien démocratiquement élu, Shukri-al-Quwatli, hésita à donner son accord au pipeline trans-arabique, un projet américain destiné à relier les champs pétrolifères d’Arabie saoudite aux ports libanais via la Syrie. Dans son livre, “Legacy of Ashes” [“L’Héritage des Cendres”], Tim Weiner, l’historien de la CIA, raconte que pour se venger du manque d’enthousiasme d’Al-Quwatli à l’égard du pipeline américain, la CIA mit au point un coup d’État qui remplaça Al-Quwatli par le dictateur qu’elle avait choisi, un escroc auparavant condamné du nom de Husni al-Za’im. Al-Za’im eut tout juste le temps de dissoudre le parlement et d’approuver le pipeline américain avant que ses concitoyens ne le destituent, après quatre mois et demi d’exercice. A la suite de plusieurs contrecoups dans le pays fraîchement déstabilisé, le peuple syrien essaya une nouvelle fois la démocratie en 1955, élisant à nouveau Al-Quwatli et son Parti National. Al-Quwatli était toujours un tenant de la neutralité dans la guerre froide, mais, piqué au vif par l’implication américaine dans sa destitution, il se tourna à présent vers le camp soviétique. Cette attitude poussa Dulles, le directeur de la CIA, à déclarer que “la Syrie est mûre pour un coup d’État” et à envoyer ses deux sorciers du coup d’État, Kim Roosevelt et Rocky Stone, à Damas. Deux ans auparavant, Roosevelt et Stone avaient orchestré un coup d’État en Iran contre le président démocratiquement élu Mohammed Mossadegh, après que celui-ci eut tenté de renégocier les termes des contrats inéquitables que l’Iran avait passés avec le géant pétrolier britannique, la Compagnie Pétrolière Anglo-Iranienne (aujourd’hui BP). Mossadegh, premier dirigeant élu en 4 000 ans d’histoire iranienne, était un populaire champion de la démocratie dans le monde en voie de développement. Mossadegh avait expulsé tous les diplomates britanniques après la découverte d’une tentative de coup d’État émanant d’agents du renseignement du Royaume-Uni travaillant main dans la main avec BP. Mossadegh, cependant, commit l’erreur fatale de résister aux demandes de ses conseillers d’expulser également la CIA qui, comme ils l’en soupçonnaient avec raison, était complice du complot britannique. Mossadegh avait une vision idéaliste des É-U comme modèle pour la nouvelle démocratie iranienne, incapables de telles perfidies. Malgré les pressions de Dulles, le président Harry Truman avait interdit à la CIA de se joindre aux conjurés pour renverser Mossadegh. Quand Eisenhower prit ses fonctions en janvier 1953, il libéra immédiatement Dulles de ses contraintes. Après avoir renversé Mossadegh au cours de “l’Opération Ajax”, Stone et Roosevelt installèrent le Shah Reza Pahlavi, favorable aux compagnies pétrolières des É-U mais dont les deux décennies de sauvagerie patronnée par la CIA à l’encontre de son propre peuple depuis le trône du Paon firent finalement exploser la révolution islamique de 1979 qui a miné notre politique étrangère depuis 35 ans. Mohammed Mossadegh, le Premier ministre démocratiquement élu de l’Iran de 1951 à 1953, à gauche en 1951. La même année il a été nommé Personnalité de l’année par Time, à droite. Son mandat a été interrompu par un coup d’État mené par les États-Unis en 1953, qui installa le Shah Reza Pahlavi. Dans la foulée du “succès” de son opération Ajax en Iran, Stone arriva avec 3 millions de $ à Damas en avril 1957 pour armer et inciter des militants islamiques, ainsi que, par la corruption, des officiers syriens et des hommes politiques, à renverser le régime laïque et démocratiquement élu de al-Quwatli, selon “Safe for Democracy: The Secret Wars of the CIA” (Sans Danger pour la Démocratie : les Guerres secrètes de la CIA), de John Prados. Travaillant avec les Frères Musulmans et disposant de millions de dollars, Rocky Stone planifia l’assassinat du chef du renseignement syrien, du chef de son État-Major et du chef du parti communiste, et fomenta “des complots nationaux et diverses provocations” en Irak, au Liban et en Jordanie qui auraient pu être imputés aux baasistes syriens. Tim Weiner explique dans “Legacy of Ashes” que le plan de la CIA consistait à déstabiliser le gouvernement syrien et créer un prétexte à une invasion par l’Irak et la Jordanie, dont les gouvernements étaient déjà sous contrôle de la CIA. Kim Roosevelt prévoyait que le nouveau gouvernement fantoche installé par la CIA “s’appuierait au premier chef sur des mesures de répression massives et un exercice arbitraire du pouvoir”, selon un document déclassifié de la CIA publié dans le journal The Guardian. Mais tout cet argent de la CIA échoua à corrompre les officiers syriens. Les soldats firent part des tentatives de corruption par la CIA au régime baasiste. En réponse, l’armée syrienne envahit l’ambassade américaine, et fit prisonnier Stone. Après un rude interrogatoire, Stone confessa à la télévision son rôle dans le coup d’État iranien et la tentative avortée de la CIA de renverser le gouvernement légitime de la Syrie. Les Syriens expulsèrent Stone et deux collaborateurs de l’ambassade des É-U – le premier diplomate du Département d’État américain à être banni d’un pays arabe. Hypocritement, la Maison-Blanche d’Eisenhower rejeta la confession de Stone comme une “invention” et une “calomnie”, un déni entièrement gobé par la presse américaine conduite par le New York Times et auquel crut le peuple américain, qui partageait la vision idéaliste que Mossadegh avait de leur gouvernement. La Syrie épura tous les politiciens favorables aux É-U et exécuta pour trahison tous les officiers impliqués dans le coup d’État. Pour se venger, les É-U amenèrent la Sixième Flotte en Méditerranée, menacèrent de guerre et incitèrent la Turquie à envahir la Syrie. Les Turcs massèrent 50 000 hommes à la frontière syrienne et ne firent machine arrière que face à l’opposition unanime de la Ligue Arabe, dont les dirigeants étaient furieux de l’intervention des É-U. Même après avoir été expulsée, la CIA poursuivit ses efforts secrets pour renverser le gouvernement baasiste syrien démocratiquement élu. La CIA conspira avec le MI6 britannique pour créer un “Comité pour la Syrie Libre”, et fournit des armes aux Frères Musulmans pour assassiner trois membres du gouvernement syrien qui avaient contribué à rendre publique “la conspiration américaine”, selon ce qu’écrit Matthew Jones dans “The ‘Preferred Plan’: The Anglo-American Working Group Report on Covert Action in Syria, 1957” (Le ‘plan favori’ : rapport du groupe de travail anglo-américain sur l’action clandestine en Syrie, 1957). La bêtise malveillante de la CIA éloigna encore davantage la Syrie des É-U et la poussa à des alliances renouvelées avec la Russie et l’Égypte. A la suite de la seconde tentative de coup d’État en Syrie, des émeutes anti-américaines éclatèrent au Moyen-Orient, du Liban à l’Algérie. Parmi ses retombées, il faut compter le coup d’État du 14 juillet 1958, mené par une nouvelle vague d’officiers anti-américains qui renversèrent le roi d’Irak favorable aux Américains, Nuri al-Said. Les meneurs de ce coup d’État rendirent publics des documents gouvernementaux secrets révélant que Nuri al-Said était une marionnette grassement payée par la CIA. En réponse à la traîtrise américaine, le nouveau gouvernement irakien invita des diplomates et des conseillers économiques soviétiques et tourna le dos à l’Occident. Ayant provoqué l’hostilité de l’Irak et de la Syrie, Kim Roosevelt quitta le Moyen-Orient pour travailler comme cadre dans l’industrie pétrolière qu’il avait si bien servie pendant sa carrière de fonctionnaire à la CIA. Son remplaçant comme chef de station à la CIA, James Critchfield, tenta un complot avorté pour assassiner le nouveau président irakien, en utilisant un mouchoir empoisonné, selon Weiner. Cinq ans plus tard, la CIA réussit finalement à renverser le président irakien et à porter au pouvoir le parti Baas. Un jeune assassin charismatique du nom de Saddam Hussein était l’un des chefs distingués de l’équipe baasiste mise sur pied par la CIA. Le secrétaire du parti Baas, Ali Saleh Sa’adi, qui prit ses fonctions en même temps que Saddam Hussein, déclarera plus tard : “Nous sommes arrivés au pouvoir dans les bagages de la CIA,” selon “A Brutal Friendship: The West and the Arab Elite” (Une amitié brutale : l’Occident et les élites arabes), de Said Aburish, journaliste et écrivain. Aburish raconta que la CIA avait fourni à Saddam et ses copains une liste de personnes à assassiner qui “devaient être immédiatement éliminées pour garantir le succès.” Tim Weiner écrit que Critchfield reconnut plus tard que la CIA avait, de fait, “créé Saddam Hussein”. Pendant les années Reagan, la CIA a fourni à Saddam Hussein pour plusieurs milliards de dollars d’entraînement, de soutien aux forces spéciales, d’armes et de renseignements opérationnels, en sachant qu’il utilisait du gaz moutarde, des gaz innervant et des armes biologiques – y compris de l’anthrax obtenu du gouvernement des É-U – dans sa guerre contre l’Iran. Reagan ainsi que son directeur de la CIA, Bil Casey, considéraient Saddam comme un ami potentiel pour l’industrie pétrolière des É-U et un solide rempart contre l’expansion de la révolution islamique iranienne. Leur émissaire, Donald Rumsfeld, lui offrit des éperons de cowboy en or et un choix d’armes tant chimiques ou biologiques que conventionnelles lors d’un voyage à Bagdad en 1983. Dans le même temps, la CIA fournissait illégalement à l’Iran, adversaire de Saddam, des milliers de missiles antichars et anti-aériens pour combattre l’Irak, un crime rendu célèbre par le scandale de l’Irangate. Des djihadistes de chaque camp retournèrent plus tard nombre de ces armes fournies par la CIA contre le peuple américain. Alors même que l’Amérique assiste à une intervention violente de plus au Moyen-Orient, la plupart des Américains n’ont pas conscience de combien les “retours de flamme” des précédentes gaffes de la CIA ont contribué à la formation de la crise actuelle. Les échos de plusieurs décennies de manigances de la CIA continuent à résonner aujourd’hui à travers le Moyen-Orient dans les capitales, de mosquées en médersas, sur le paysage dévasté de la démocratie et de l’islam modéré que la CIA a contribué à anéantir. Une flopée de dictateurs iraniens et syriens, parmi lesquels Bachar el-Assad et son père, ont utilisé l’histoire des coups sanglants de la CIA comme prétexte à leur gouvernement autoritaire, leurs tactiques répressives et leur besoin d’une alliance forte avec la Russie. Ces affaires sont donc bien connues des gens en Syrie et en Iran qui interprètent naturellement les rumeurs d’intervention des É-U à la lumière de cette histoire. Alors que la presse conformiste américaine répète comme un perroquet que notre soutien à la rébellion syrienne est de nature purement humanitaire, de nombreux arabes considèrent la crise actuelle comme une simple guerre en sous-main de plus à propos de pipelines et de géopolitique. Avant de nous précipiter plus avant dans la conflagration, il serait sage de prendre en considération la masse de faits sur laquelle s’appuie cette perspective. De leur point de vue, notre guerre contre Bachar el-Assad n’a pas commencé avec les manifestations civiles pacifiques du printemps arabe en 2011. Elle a bien plutôt commencé en 2000, quand le Qatar a proposé la construction, à travers l’Arabie saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie, d’un pipeline long de 1 500 kilomètres pour un coût de 10 milliards de dollars. Le Qatar partage avec l’Iran les champs gaziers de South Pars/Noth Dome, la plus grande réserve de gaz naturel au monde. L’embargo commercial mondial interdisait à l’Iran jusqu’à récemment de vendre du gaz à l’étranger. Dans le même temps, le gaz qatari ne peut être livré sur les marchés européens que s’il est liquéfié et transporté par voie maritime, une route qui restreint les volumes et accroît considérablement les coûts. Le pipeline envisagé aurait directement connecté le Qatar aux marchés d’énergie européens, via des terminaux de redistribution en Turquie, qui aurait empoché de grasses commissions de transit. Le pipeline turco-qatari aurait conféré aux royaumes sunnites du Golfe persique une prédominance décisive dans les marchés mondiaux du gaz naturel et renforcé le Qatar, le plus proche allié de l’Amérique dans le monde arabe. Le Qatar abrite deux énormes bases militaires américaines et le Haut commandement des É-U au Moyen-Orient. Des Syriens regardent un poster du président syrien Bachar el-Assad | Louai Beshara/AFP/Getty Images L’Union européenne, qui obtient 30% de son gaz de la Russie, désirait elle aussi ardemment ce pipeline, qui aurait procuré à ses membres une énergie à bas coût et l’aurait soulagée de l’influence économique et politique étouffante de Vladimir Poutine. La Turquie, deuxième plus gros client du gaz russe, avait particulièrement à cœur de mettre un terme à sa dépendance envers son ancienne rivale et d’occuper la lucrative position de hub transversal entre les énergies asiatiques et les marchés européens. Le pipeline qatari aurait profité à la monarchie sunnite conservatrice d’Arabie saoudite en lui permettant de prendre pied dans une Syrie dominée par les chiites. L’objectif géopolitique des Saoudiens est de limiter le pouvoir économique et politique du principal adversaire du royaume, l’Iran, un État chiite et proche allié de Bachar el-Assad. La monarchie saoudienne considérait la prise de pouvoir des chiites en Irak, soutenue par les É-U (et plus récemment la fin de l’embargo commercial contre l’Iran) comme une rétrogradation de son statut de puissance régionale et était déjà engagée dans une guerre par procuration contre Téhéran au Yémen, mise en lumière par le génocide perpétré par les Saoudiens à l’encontre de la tribu Houthi soutenue par les Iraniens. Bien entendu, les Russes, qui vendent 70% de leurs exportations de gaz à l’Europe, considéraient le pipeline turco-qatari comme une menace existentielle. Du point de vue de Poutine, le pipeline du Qatar est un complot de l’OTAN pour modifier le statu quo, priver la Russie de sa seule implantation au Moyen-Orient, étrangler l’économie russe et mettre fin à l’influence qu’elle exerce sur le marché énergétique européen. En 2009, Assad annonça qu’il ne signerait pas l’accord permettant au pipeline de traverser la Syrie, “pour protéger les intérêts de notre allié russe.” Assad rendit encore plus furieux les monarques sunnites du Golfe en adhérant à un “pipeline islamique” approuvé par les Russes, traversant la Syrie depuis le côté iranien du champ gazier jusqu’aux ports du Liban. Le pipeline islamique ferait de l’Iran chiite, et non du Qatar sunnite, le principal fournisseur du marché européen de l’énergie et augmenterait considérablement l’influence de Téhéran au Moyen-Orient et dans le monde. Israël était, de manière compréhensible, également déterminé à faire dérailler le projet de pipeline islamique, qui enrichirait l’Iran et la Syrie et renforcerait sans doute leurs sous-marins, le Hezbollah et le Hamas. Des télégrammes confidentiels et des rapports des services de renseignement américain, saoudien et israélien montrent qu’à partir du moment où Assad a rejeté le pipeline qatari, les décideurs de l’armée et des renseignements se sont rapidement mis d’accord sur le fait que fomenter un soulèvement sunnite en Syrie pour renverser le peu coopératif Bachar el-Assad était un moyen viable d’atteindre l’objectif commun d’établir une liaison gazière entre le Qatar et la Turquie. Selon Wikileaks, en 2009, peu après que Bachar el-Assad eut rejeté le pipeline qatari, la CIA a commencé à financer des groupes d’opposition en Syrie. Il est important de noter que c’était bien avant le soulèvement contre Assad, déclenché par le printemps arabe. La famille de Bachar el-Assad est alaouite, d’un groupe musulman largement reconnu comme étant aligné sur les positions chiites. “Bachar el-Assad n’était pas censé devenir président,” m’a dit le journaliste Seymour Hersh dans une interview. “Son père l’a fait revenir de l’école de médecine à Londres quand son frère aîné, l’héritier supposé, fut tué dans un accident de la route.” Avant que la guerre commence, selon Hersh, Assad prenait des mesures pour libéraliser le pays. “Ils avaient internet et des journaux et des distributeurs de billets de banque et Assad voulait se rapprocher de l’Occident. Après le 11 septembre, il a donné à la CIA des milliers de dossiers inestimables concernant des djihadistes radicaux qu’il considérait comme des ennemis communs.” Le régime d’Assad était délibérément laïque et la Syrie était incroyablement diverse. Le gouvernement et l’armée syrienne par exemple étaient à 80% sunnites. Assad maintenait la paix entre les différentes populations grâce une armée forte, disciplinée et loyale à la famille Assad, une allégeance assurée par un corps d’officiers estimé de la nation et très bien rémunéré, un service de renseignement froidement efficace et un penchant pour la brutalité qui, avant la guerre, était plutôt modéré en comparaison avec ceux d’autres dirigeants du Moyen-Orient, dont nos alliés actuels.” Selon Hersh, “il ne décapitait certainement pas des gens chaque vendredi comme le font les Saoudiens à la Mecque.” Un autre journaliste chevronné, Bob Parry, fait écho à ce constat. “Personne dans la région n’a les mains propres, mais en matière de torture, de meurtres de masse, de [suppression des] libertés civiles et de support au terrorisme, Assad est bien meilleur que les Saoudiens.” Personne ne pensait que le régime serait susceptible d’être affecté par l’anarchie qui a déchiré l’Égypte, la Libye, le Yémen et la Tunisie. Au printemps 2011, il y eut de petites manifestations pacifiques à Damas contre la répression par le régime d’Assad. C’était surtout des effluves du printemps arabe qui s’était répandu de manière virale dans les pays de la Ligue Arabe l’été précédent. Néanmoins, les dépêches de Wikileaks indiquent que la CIA était déjà sur le terrain en Syrie. Mais les royaumes sunnites qui avaient énormément de pétrodollars en jeu voulaient une participation beaucoup plus importante des États-Unis. Le 4 septembre 2013, le secrétaire d’État John Kerry déclara durant une séance du congrès que les royaumes sunnites avaient offert de payer la facture d’une invasion américaine de la Syrie visant à évincer Assad. “En fait, certains ont dit que si les États-Unis étaient prêts à faire les choses en grand, comme nous l’avons déjà fait ailleurs [Irak], ils payeraient les coûts.” Kerry a réitéré l’offre à la Républicaine Ileana Ros-Lehtinen (Floride) : “A propos de l’offre des pays arabes d’assumer les coûts [d’une invasion américaine] pour renverser Assad, la réponse est absolument oui, ils l’ont proposée. L’offre est sur la table.” Malgré la pression des Républicains, Barack Obama s’est refusé à engager de jeunes Américains pour aller mourir comme mercenaires à la solde d’un conglomérat du pipeline. Obama a sagement ignoré les Républicains réclamant à cor et à cri d’envoyer des troupes en Syrie ou de faire passer plus de fonds aux “insurgés modérés.” Mais fin 2011, la pression des Républicains et nos alliés sunnites ont poussé le gouvernement américain à entrer en lice. Le président des États-Unis Barack Obama | Mark Wilson/Getty Images En 2011, les États-Unis ont rejoint la France, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie et le Royaume-Uni pour constituer les amis de la coalition syrienne “qui exigeait officiellement le départ d’Assad. La CIA a fourni 6 millions de dollars à Barada, une chaîne de télévision britannique, pour produire des émissions exhortant à l’éviction d’Assad. Des documents des services de renseignement saoudiens, publiés par Wikileaks, montrent qu’en 2012, la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite armaient, entraînaient et finançaient des combattants djihadistes sunnites radicaux de Syrie, d’Irak et d’ailleurs pour renverser le régime d’Assad allié des chiites. Le Qatar, qui a le plus à gagner dans l’affaire, a investi 3 milliards dans la création de l’insurrection et a invité le Pentagone à entraîner les insurgés dans les bases américaines au Qatar. D’après un article de Seymour Hersh d’avril 2014, les livraisons d’armes de la CIA étaient financées par la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar. L’idée de fomenter une guerre civile sunnite-chiite pour affaiblir les régimes syrien et iranien dans le but de maintenir le contrôle sur les fournitures pétrochimiques de la région n’était pas une notion nouvelle dans la terminologie du Pentagone. Un rapport accablant de Rand financé par le Pentagone avait proposé en 2008 un plan précis de ce qui allait bientôt se passer. Ce rapport note que le contrôle du pétrole et du gaz du golfe Persique restera pour les États-Unis “une priorité stratégique” qui “a des liens étroits avec celle de poursuivre la guerre dans la durée.” Rand recommande l’usage “d’actions clandestines, d’opérations d’information, de guerre non-conventionnelle” pour imposer une stratégie du “diviser pour mieux régner.” “Les États-Unis et leurs alliés locaux pourraient utiliser les nationalistes djihadistes pour lancer des campagnes par procuration” et “les dirigeants américains pourraient aussi choisir de tirer profit d’un conflit chiite-sunnite prolongé en prenant parti pour les régimes conservateurs sunnites contre les mouvements autonomistes chiites dans le monde musulman… éventuellement en soutenant les gouvernements sunnites autoritaires face à un Iran continuellement hostile.” Comme prévu, la réaction excessive d’Assad à cette crise fomentée par des puissances étrangères – en larguant des barils d’explosifs sur les bastions sunnites et en tuant des civils – a polarisé la division sunnites/chiites et a permis aux dirigeants des É-U de vendre aux Américains l’idée que cette bataille des gazoducs était une guerre humanitaire. Lorsque des soldats sunnites de l’armée syrienne commencèrent à déserter en 2013, la coalition occidentale arma l’Armée Syrienne Libre pour déstabiliser davantage la Syrie. Le portrait fait par la presse de l’ASL comme un bataillon soudé de Syriens modérés était délirant. Les unités dissoutes se regroupaient en des centaines de milices indépendantes, la plupart commandées par, ou alliées à des militaires djihadistes, qui étaient les combattants les plus engagés et les plus efficaces. Dans le même temps, les armées sunnites d’al-Qaïda en Irak franchissaient la frontière entre l’Irak et la Syrie et unissaient leurs forces aux bataillons de déserteurs de l’Armée Syrienne Libre, dont bon nombre étaient entraînés et armés par les É-U. Malgré le portrait largement répandu dans les médias de l’Arabe modéré luttant contre le tyran Assad, les stratèges du renseignement des É-U savaient dès le départ que leurs agents pro-gazoduc étaient des djihadistes radicaux qui se tailleraient probablement un tout nouveau califat islamique dans les régions sunnites de la Syrie et de l’Irak. Deux ans avant que les égorgeurs de l’ÉI ne montent sur scène, un rapport de sept pages, réalisé par l’US Defense Intelligence Agency et obtenu par le groupe de droite Judicial Watch, alertait sur le fait que grâce au soutien en cours des É-U et de la coalition sunnite aux djihadistes sunnites, “les salafistes, les Frères Musulmans et AQI (aujourd’hui l’ÉI) sont les forces majeures pilotant l’insurrection en Syrie.” Utilisant les fonds des États du Golfe et des États-Unis, ces groupes ont détourné les protestations pacifiques contre Bachar el-Assad “dans une direction clairement sectaire (chiites vs. sunnites).” La note indique que le conflit est devenu une guerre civile sectaire encouragée par les “pouvoirs politiques et religieux” sunnites. Le rapport décrit le conflit syrien comme une guerre globale pour le contrôle des ressources de la région avec “l’Occident, les pays du Golfe et la Turquie soutenant l’opposition [à Assad], tandis que la Russie, la Chine et l’Iran soutiennent le régime.” Les auteurs de ce rapport de sept pages du Pentagone semblent avaliser l’avènement prévu d’un califat d’ISIS : “Si la situation se dégrade, il y a la possibilité que s’établisse une principauté salafiste déclarée ou non, dans l’est de la Syrie (Hassaké et Deïr ez Zor) et c’est précisément ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition de façon à isoler le régime syrien.” Le rapport du Pentagone avertit que cette nouvelle principauté pourrait déborder la frontière irakienne vers Mossoul et Ramadi, et “proclamer un État Islamique en s’unissant à d’autres organisations terroristes en Irak et en Syrie.” Et bien sûr, c’est précisément ce qui est arrivé. C’est tout sauf une coïncidence si les régions de Syrie qui sont occupées par l’ÉI incluent exactement le tracé proposé du pipeline qatari. Mais voilà qu’en 2014, nos mercenaires sunnites ont horrifié le peuple américain en coupant des têtes, et en faisant fuir un million de réfugiés vers l’Europe. “Les stratégies fondées sur l’idée que l’ennemi de mon ennemi est mon ami peuvent s’avérer quelque peu illusoires,” dit Tim Clemente, qui a dirigé de 2004 à 2008 la Task Force du FBI contre le terrorisme, et qui a assuré en Irak la liaison entre le FBI, la police nationale irakienne et l’armée américaine. “Nous avons commis la même erreur quand nous avons entraîné les moudjahidines en Afghanistan. Sitôt après le départ des Russes, nos supposés amis ont commencé à écrabouiller des antiquités, à réduire des femmes en esclavage, à découper des gens en morceaux et à nous tirer dessus,” m’a dit Clemente lors d’une interview. Quand “Jihadi John” de l’ÉI commença à assassiner des prisonniers à la télévision, la Maison-Blanche a retourné sa veste, parlant moins de renverser Assad que de stabilité régionale. L’administration Obama mit un peu plus de distance entre elle et les insurgés que nous avions financés. La Maison-Blanche pointa un doigt accusateur sur nos alliés. Le 3 octobre 2014, le vice-président Joe Biden dit à des étudiants du forum JF Kennedy Junior, à l’Institute of Politics de Harvard, que “notre plus grand problème en Syrie, c’est nos alliés.” Il expliqua que la Turquie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient “si déterminés à renverser Assad” qu’ils avaient lancé “une guerre par procuration entre chiites et sunnites” en acheminant “des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes vers quiconque accepterait de combattre Assad. Sauf que les gens qui recevaient ces armes, c’étaient al-Nosra et al-Qaïda” – les deux groupes qui ont fusionné en 2014 pour former l’ÉI. Biden semblait irrité de constater qu’on ne pouvait plus compter sur nos “amis” de confiance pour appliquer l’agenda américain. Au Moyen-Orient, les leaders arabes accusent fréquemment les É-U d’avoir créé l’État Islamique. Pour la majorité des Américains, ces accusations semblent insensées. Pourtant, pour de nombreux Arabes, les preuves de la participation américaine sont si évidentes qu’ils concluent que notre soutien à l’État Islamique a dû être délibéré. De fait, de nombreux combattants de l’État Islamique ainsi que leurs chefs sont à la fois les successeurs idéologiques et les héritiers des organisations djihadistes que la CIA a soutenues depuis plus de 30 ans, de la Syrie à l’Égypte en passant par l’Afghanistan et l’Irak. L’ancien président des États-Unis Georges W. Bush | Tim Sloan/AFP/Getty Images Avant l’invasion américaine, al-Qaïda n’existait pas dans l’Irak de Saddam Hussein. Le président George W. Bush a détruit le gouvernement laïque de Saddam, et son “vice-roi”, Paul Bremer, dans un acte d’incompétence monumentale, a créé de manière effective l’Armée Sunnite, aujourd’hui appelée l’État Islamique. Bremer installa les chiites au pouvoir et bannit le parti dirigeant Baas de Saddam, limogeant quelque 700 000 personnalités politiques et fonctionnaires, en majorité des sunnites, des ministres aux instituteurs. Il dispersa ensuite l’armée de 380 000 soldats, dont 80% étaient sunnites. Les actions de Bremer déchurent un million de sunnites irakiens de leur rang, de leur possession, de leur richesse et de leurs pouvoirs ; abandonnant une sous-classe désespérée de sunnites furieux, éduqués, compétents, entraînés, lourdement armés et n’ayant plus grand-chose à perdre. L’insurrection sunnite se baptisa al-Qaïda en Irak (AQI). A partir de 2011, nos alliés financèrent l’invasion de la Syrie par les soldats d’AQI. En avril 2013, une fois en Syrie, AQI changea son nom en ISIL. D’après Dexter Filkins du New Yorker, “ISIS est commandé par un conseil d’anciens généraux irakiens… Beaucoup d’entre eux sont des membres du parti laïque Baas de Saddam Hussein, qui se sont convertis à l’islam radical dans les prisons américaines.” Les 500 millions de dollars d’aide militaire qu’Obama a envoyés en Syrie ont au final très certainement bénéficié à ces militants djihadistes. Tim Clemente, l’ancien responsable de la Task Force du FBI, m’a rapporté que la différence entre les conflits en Irak et en Syrie réside dans les millions d’hommes en âge de combattre qui fuient le champ de bataille pour l’Europe, plutôt que de se battre pour leurs communautés. L’explication évidente à ce phénomène est que les patriotes modérés fuient une guerre qui n’est pas la leur. Ils veulent simplement éviter d’être écrasés entre l’enclume de la tyrannie d’Assad soutenue par la Russie et le marteau des djihadistes cruels que nous tenions en main dans une bataille générale pour des gazoducs concurrents. On ne peut pas blâmer la population syrienne de ne pas adhérer massivement à un plan national qui serait proposé soit par Washington soit par Moscou. Les superpuissances n’ont laissé aucune chance à un avenir idéal pour lequel les Syriens modérés pourraient se battre. Et personne ne veut mourir pour un gazoduc. * * * Quelle est la solution ? Si notre objectif est la paix à long terme au Moyen-Orient, des gouvernements indépendants pour les nations arabes et la sécurité nationale, nous devons envisager toute nouvelle intervention dans la région avec un regard sur l’Histoire et un intense désir d’en apprendre les leçons. C’est seulement une fois que nous, les Américains, aurons compris le contexte historique et politique de ce conflit, que nous observerons avec la vigilance appropriée les décisions de nos dirigeants. Utilisant les mêmes images et le même langage qui ont justifié notre guerre contre Saddam Hussein en 2003, nos dirigeants politiques font croire aux Américains que notre intervention en Syrie est une guerre juste contre la tyrannie, le terrorisme et le fanatisme religieux. Nous avons tendance à rejeter comme pur cynisme le point de vue des Arabes qui considèrent la crise actuelle comme une reprise des vieilles intrigues pour les gazoducs et la géopolitique. Mais, si nous voulons avoir une politique étrangère efficace, nous devons reconnaître que le conflit syrien est une guerre pour le contrôle des ressources, qui n’est pas différente de la myriade de guerres du pétrole clandestines et cachées que nous avons menées depuis 65 ans au Moyen-Orient. C’est seulement en envisageant ce conflit comme une guerre par procuration pour un gazoduc que les évènements deviennent compréhensibles. C’est le seul paradigme qui explique pourquoi le Parti Républicain au Capitole, et l’administration Obama sont toujours obnubilés par un changement de régime plutôt que par la stabilité régionale, pourquoi l’administration Obama ne trouve pas de Syriens modérés pour se battre dans cette guerre, pourquoi l’ÉI a fait exploser un avion de ligne russe, pourquoi les Saoudiens ont exécuté un influent dignitaire religieux chiite avec pour seul résultat de voir leur ambassade à Téhéran brûler, pourquoi les Russes bombardent les combattants ne faisant pas partie de l’ÉI et pourquoi la Turquie est allée jusqu’à se permettre d’abattre un avion de chasse russe. Les millions de réfugiés inondant l’Europe sont les réfugiés d’une guerre pétrolière et des bévues de la CIA. Clemente compare l’ÉI aux FARC colombiennes – un cartel de la drogue avec une idéologie révolutionnaire afin d’inspirer ses fantassins. “Vous devez penser l’ÉI comme un cartel du pétrole,” affirme Clemente. “Au bout du compte, l’argent est le fondement de ce mouvement. L’idéologie religieuse est un outil qui inspire ses soldats afin qu’ils donnent leurs vies pour un cartel du pétrole.” Une fois que l’on a décapé ce conflit de son vernis humanitaire et que l’on a compris que le conflit syrien est une guerre du pétrole, notre politique étrangère devient claire. Comme les Syriens qui s’enfuient vers l’Europe, aucun Américain ne veut envoyer son enfant mourir pour un gazoduc. Notre priorité devrait plutôt être celle que personne ne mentionne jamais : nous devons virer nos compagnies pétrolières du Moyen-Orient – objectif de plus en plus réaliste à mesure que les É-U s’approchent de l’indépendance énergétique. Ensuite, nous devons réduire drastiquement notre puissance militaire au Moyen-Orient et laisser les Arabes gouverner l’Arabie. Exceptés l’aide humanitaire et le fait de garantir la sécurité des frontières d’Israël, les É-U n’ont pas de rôle légitime dans ce conflit. Alors que les faits prouvent que nous avons joué un rôle dans l’émergence de cette crise, l’Histoire montre que nous n’avons que peu de pouvoirs pour la résoudre. En réfléchissant à l’histoire, il est stupéfiant de constater l’étonnante cohérence avec laquelle pratiquement chaque intervention brutale de notre pays au Moyen-Orient depuis la Seconde Guerre mondiale a abouti à un lamentable échec et à des répercussions terriblement coûteuses. Un rapport de ministère de la Défense américain de 1997 a constaté que « les données montrent une forte corrélation entre l’engagement américain à l’étranger et une augmentation des attaques terroristes contre les États-Unis. » Soyons réalistes, ce que nous appelons « la guerre contre le terrorisme » est en fait tout simplement une nouvelle guerre pétrolière. Nous avons gaspillé 6 000 milliards de dollars pour mener trois guerres à l’étranger et instaurer un état de sûreté nationale guerrière chez nous, depuis que le pétrolier Dick Cheney a déclaré « la longue guerre » en 2001. Les seuls gagnants ont été les fournisseurs des armées et les compagnies pétrolières qui ont empoché des profits historiques, les services de renseignements dont le pouvoir et l’influence ont grandi exponentiellement au détriment de nos libertés et les djihadistes qui ont invariablement utilisé nos interventions comme leur outil de recrutement le plus efficace. Nous avons mis en péril nos valeurs, massacré notre propre jeunesse, tué des centaines de milliers de personnes innocentes, mis à mal notre idéalisme et gaspillé nos trésors nationaux dans des aventures à l’étranger stériles et coûteuses. Dans ce processus, nous avons aidé nos pires ennemis et fait de l’Amérique, autrefois le phare mondial de la liberté, un État de surveillance policier et un paria moral aux yeux du monde. Les pères fondateurs de l’Amérique ont mis en garde les Américains contre des armées permanentes, des embrouilles à l’étranger et, selon les mots de John Quincy Adam, « le départ à l’étranger à la recherche de monstres à détruire. » Ces hommes sages avaient compris que l’impérialisme à l’étranger est incompatible avec la démocratie et les droits civils à l’intérieur. La Charte Atlantique a répercuté leur idéal américain fondateur que chaque nation devrait avoir le droit à l’autodétermination. Pendant les sept dernières décennies, les frères Dulles, la bande à Cheney, les néoconservateurs et leurs semblables ont détourné ce principe fondamental de l’idéalisme américain et ont déployé notre armée et notre dispositif de renseignement pour servir les intérêts mercantiles de grandes sociétés et, en particulier, des entreprises pétrolières et des fabricants d’armes qui s’en sont littéralement mis plein les poches dans ces conflits. Il est temps pour les Américains de tourner le dos à ce nouvel impérialisme, et de reprendre le chemin des idéaux et de la démocratie. Laissons les Arabes gouverner l’Arabie, et consacrons notre énergie à ce grand projet : l’édification de notre propre nation. Il nous faut entamer ce processus, non pas en envahissant la Syrie, mais en mettant un terme à notre ruineuse dépendance à l’égard du pétrole, qui a perverti la politique étrangère américaine pendant un demi-siècle. Robert F. Kennedy Jr est le président de Waterkeeper Alliance. Son livre le plus récent est Thimerosal: Let The Science Speak. C’est le fils de Robert Kennedy, assassiné en 1964. Source : Politico, le 23/02/2016 Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Pakistan : trop loin (ou trop musulmans ?) pour de la solidarité, désolé…
Pakistan : trop loin (ou trop musulmans ?) pour de la solidarité, désolé…
C’est le problème, quand on agit toujours sous le coup de l’émotion. Non seulement on fait le jeu de nos ennemis (en les laissant changer nos comportements), (ça alors, le gouvernement français qui change son drapeau, il faut le faire – regardez bien le logo… Et encore, la page complète était à cette couleur, j’ai oublié de sauvegarder |
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