dimanche 20 mars 2016

Derrière Trump se cache bien pire, par Stéphane Trano

Derrière Trump se cache bien pire, par Stéphane Trano

Excellent blog sur les élections US que je conseille vivement

Source : Marianne, Stéphane Trano, 09-03-2016

La campagne de Trump montre des signes possibles – mais encore très incertains – d’essoufflement, face aux attaques massives des médias et de l’establishment politique américain. Ted Cruz, le candidat le plus obscurantiste que l’Amérique a connu depuis des décennies, tente de rallier tout ce qu’il y a de plus inquiétant à travers l’Amérique, couteau entre les dents

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Dans un contexte où le lobbying des politico-médiatique n'a jamais été aussi explicite, les deux candidats considérés comme « antisystème », Donald Trump, chez les conservateurs et Bernie Sanders, chez les démocrates, font actuellement l'objet d'une entreprise de déstabilisation de grande ampleur.

Une femme, oui, mais un Juif…

Le Washington Post mène campagne contre Bernie Sanders, dont il désapprouve les attaques contre son adversaire Hillary Clinton, tandis que CNN enfonce le clou en relayant l'activisme Afro-Américain à l'encontre du Sénateur du Vermont. Pour avoir osé prononcer le mot « ghetto » lors du débat organisé à Flint (Michigan), dimanche soir, Sanders s'est attiré les foudres d'une minorité déjà très hostile et acquise à la cause de Clinton, dans un procès en racisme surréaliste. Balayés, le passé très engagé en faveur des droits civiques du sénateur et ses arguments contre la corruption du système électoral américain par les super-donateurs. Apprécié par les plus jeunes, il peut désormais compter sur un barrage organisé des minorités, non pas pour ce qu'il dit mais en réalité, pour ce qu'il est : la question, en effet, n'est pas de savoir si l'Amérique est prête à avoir une femme pour présidente – l'un des thèmes favoris de Clinton – mais plutôt celle que l'on ne pose pas, et pour cause. Cette question est : l'Amérique est-elle prête à avoir un Juif pour président ? Ni les évangéliques, ni les Afro-Américains, ne le souhaitent, et Sanders ne peut rien y faire. Interpellé sur son judaïsme lors du débat démocrate, par la représentante d'une église pour laquelle Hillary Clinton n'a pas caché sa sympathie, Sanders a opposé une réponse sobre, se disant fier d'être juif, dans un silence de plomb, qui en dit long.

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Ted Cruz, Sénateur du Texas (Photo: Gage Skidmore)

Torquemada contre “Hitler”

Du côté des républicains, c'est un front uni qui organise la descente progressive de Donald Trump, qui ne devance plus l'ultra-conservateur Ted Cruz que de 80 délégués. Le jeune sénateur de Floride, Marco Rubio, considéré comme le candidat de l'establishment, a été le premier à dégainer contre Trump, rapidement suivi par Ted Cruz. L'hypocrisie des attaques, massives, ne manque pas de piquant. Trump, expliquent-ils, n'est pas un véritable conservateur, a donné de l'argent à des démocrates, et ne pourra jamais l'emporter sur Clinton dans un face à face. L'ancien candidat à la présidence, Mitt Romney, défait face à Obama, a apporté tout son poids à la campagne de dénigrement de Trump, joignant sa voix à ceux qui traite l'hommes d'affaires de « nouvel Hitler » et qui promettent une période noire pour les Etats-Unis s'ils venait à être élu. Ce sont les mêmes, engagés dans un combat qui pourrait se poursuivre lors de la convention nationale républicaine, qui soutiennent Ted Cruz. Le sénateur du Texas, il est vrai, n'a pas le verbe haut et ses outrances sont dans un tout autre registre. Contrairement à Donald Trump qui veut abolir l'Obamacare pour lui substituer un système d'assurance santé universel, Cruz veut en finir avec la tentative ratée d'Obama pour laisser la loi du marché reprendre tous ses droits. Contrairement à Donald Trump qui veut expulser les immigrants illégaux mais leur laisser l'option de revenir en passant par la voie administrative, Cruz considère cela comme une nouvelle amnistie et n'entend pas les laisser revenir. Il souhaite même créer des brigades spéciales pour aller déloger les illégaux partout où ils se trouvent, et favoriser la délation généralisée. Contrairement à Donald Trump qui n'entend pas fermer les centres de planning familial, arguant à juste titre que leur principal défaut, aux yeux des républicains, est de pratiquer l'avortement, ce qui ne constitue que 3 pour cent de leur champ d'activités, Cruz veut saisir la justice américaine, dès son arrivée à la Maison-Blanche, pour engager une guerre impitoyable contre ces centres qu'il perçoit, comme tous les évangéliques, comme des antres du diable. Contrairement à Donald Trump qui ne veut pas se positionner comme un candidat pro-Israélien ou pro-Palestinien, Cruz, de concert avec Rubio, annonce un tournant radical pour appuyer Israël contre les Palestiniens.

Absurdité médiatique

Evidemment, les sorties de Trump sur les Musulmans, ses envolées lyriques contre les délocalisations infligés aux Etats-Unis par les traités commerciaux gigantesques passés avec le reste du monde et la Chine en particulier, ses salves sans aucun tact contre le Mexique ou ses impolitesses à l'encontre de ceux qui le défient, n'en font pas un candidat des plus sympathiques. Mais c'est là que l'hypocrisie joue à plein. Les candidats, de quelque bord qu'ils soient, qui piétinent les électeurs qui se positionnent en faveur d'un Sanders ou d'un Trump, font simplement mine d'ignorer que depuis près de 8 ans, le Congrès américain est l'un des plus inefficaces de l'histoire américaine, et que bon nombre d'Américains ne le supportent plus. Est-ce une situation uniquement attribuable à la féroce opposition des républicains à Barack Obama depuis son arrivée ? Ce serait ignorer, d'une part, que le président a disposé à deux reprises de majorités dans l'une ou l'autre des assemblées – ce qui ne l'a pas poussé à faire passer des législations que l'on attendait de lui – et que, d'autre part, il est entré de plein pieds, dès son arrivée à la Maison-Blanche, dans une défiance frontale vis-à-vis du pouvoir législatif.

Prêts pour le pire

Le paradoxe de la situation présente est que l'obsession médiatique qui vise Donald Trump masque la réalité du candidat le plus probable pour la nomination si celui-ci perd son élan, à savoir Ted Cruz. L'Amérique aura alors pour candidat républicain l'un des plus obscurantistes depuis des décennies, pour lequel la paix sociale est un facteur totalement inexistant. Quant au pauvre Sanders qui n'a aucune chance de survivre au milliard engagé par Clinton dans sa campagne, il aura, au moins, rendu le mot « socialiste » audible pour certains Américains.

Pour le moment, l'objectif numéro de Washington, de ses élites et de bon nombre de médias, est d'abattre Trump, dans un pays où cette étrange coalition fait mine de croire qu'un président ne rencontre aucune opposition face à ses éventuelles dérives, alors que depuis deux mandats, le Congrès bloque l'actuel président. Ce mur sanitaire a des chances sérieuses de fonctionner. Si tel est le cas, la voie sera libre pour la possibilité d’une Amérique moyen-âgeuse.

Source : Marianne, Stéphane Trano, 09-03-2016

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Quand le journalisme prend les lecteurs pour des…

Source : Marianne, Stéphane Trano, 07-03-2016

Un dimanche parmi tant d’autres à New York, et une carte postale pour mes lecteurs de Marianne et d’ailleurs.

NY

La pression normative des écosystèmes médiatiques aboutit à une uniformisation de l'information, sous l'œil légitimement sceptique des lecteurs. Il est permis, et parfois utile, de s'exprimer à la première personne, dans un blog, et ce n'est pas se fourvoyer dans une « mode » que d'y avoir recours, lorsque l'on est un journaliste quelque peu instruit dans son domaine. Ce préambule étant posé, je suis bien désolé qu'un flux continu de lieux communs et de mimétismes corporatistes noie en permanence des analyses plus proches du terrain. Pour ce qui me concerne, résident américain et vivant aux Etats-Unis depuis dix ans, je constate avec effarement la caricature largement répandue de la vie américaine, en général, et de l'actualité politique, en particulier, depuis que j'écris pour Marianne, c'est à dire depuis 2012 où je couvrais déjà une élection présidentielle.

Il n'y a rien à apporter ni à opposer à certaines catégories de lecteurs qui, pour différents motifs, entretiennent une perception émotionnelle et volontairement tronquée des Etats-Unis. Qu'ils considèrent ce pays comme l'épicentre du mal à l'échelle planétaire, qu'ils croient – mêmes lorsqu'ils sont brillants par ailleurs – en toutes sortes de théories conspirationnistes (ou simplement « sionistes », ce qui va souvent de paire) ou qu'ils pataugent dans un marécage fantasmatique, ces lecteurs appauvrissent n'importe quel travail d'auteur ou de chercheur à travers des commentaires qui n'apportent aucune valeur ajoutée ou même, tentent de délégitimer le contenu, son auteur – quand ils ne versent pas tout simplement dans l'insulte ou l'ironie idiote.

C'est tout à l'honneur d'un magazine tel que Marianne d'accueillir sur son site Internet des contributeurs qui n'adhèrent pas forcément aux idées qu'il défend, mais qui apportent un angle de lecture décalé à l'actualité, quand bien même l'éternelle opposition rencontrée auprès des « vrais » journalistes, ceux du « papier », se manifeste systématiquement par un manque de considération pour ce que les blogueurs apportent. Je suis bien reconnaissant à l'égard des équipes de TSFJAZZ et Radio Nova, pour l'intérêt régulier qu'ils portent à ce blog.

Si vous suivez ce que l'on appelle le « mainstream » aux Etats-Unis, c'est à dire l'opinion dominante, forgée et entretenue par les médias de masse mais également des niches très activistes, vous obtenez une vision stupéfiante de l'actuelle élection présidentielle américaine : les républicains sont devenus fous et sont engagés dans une forme de « guerre civile » – c'est le martelage quotidien de type CNN ; Donald Trump est un « nouvel Hitler », disent ses plus farouches opposants, emboîtant le pas aux deux anciens présidents mexicains qui ont, il est vrai, beaucoup d'expérience en matière d'anti-démocratie ; ou bien, Donald Trump est un show man sans grande consistance; Obama reste une figure sacrée qu'il est difficile de contester puisque, après tout, il est Noir, et toute critique prêterait le flanc à des procès en racisme ; l'Amérique d'Obama va très bien, pour preuve, un taux de chômage à 4,9 pour cent, ce qui est une aberration; Hillary Clinton et Bernie Sanders sont nécessairement des gens plus fréquentables que les affreux républicains. La liste peut ainsi se poursuivre à l'infini, et se compléter avec quelques “oublis” ou silences curieux, comme, par exemple, une explication assez vérifiable de la raison pour laquelle le sénateur Sanders peine à recueillir le vote Afro-Américain: il serait bien trop dangereux de souligner les antagonismes sérieux qui opposent une partie de cette communauté, et d’autres, à la communauté juive américaine, et le judaïsme de Sanders ne le rend guère sympathique à celles-ci. Une fois que tout cela est dit ou que certains faits sont passés sous silence – et le phénomène n'est pas prêt de se tarir – que savez vous de plus au sujet du processus en cours aux Etats-Unis ? Après tout, ce sont les mêmes qui alimentent la légende d'un Kennedy prétendument admirable, qui font de Nixon le sommet de l'abjection, qui considèrent Bush (George W.) comme le mal incarné, et qui assurent que l'Obamacare est une formidable avancée sociale.

Il existe une ligne médiane entre la haine antiaméricaine, indispensable à beaucoup pour justifier de leur propre pureté, et l'adoration ridicule pour un pays fort méconnu. Dans l'Amérique de 2016, un candidat ouvertement socialiste prône une révolution sociale, avec le soutien de millions d'électeurs. Un candidat républicain veut abolir l'Obamacare pour lui substituer une véritable assurance santé universelle, ce que celle d'Obama n'est en rien. Un autre candidat veut permettre à des commerçants ou pourvoyeurs de services de refuser leurs prestations à des hommes ou des femmes dont les orientations sexuelles ou les choix de vie ne leur conviennent pas. Un autre veut compléter le mur déjà largement construit à la frontière mexicaine pour endiguer le flux continu d'immigrants illégaux. Et un autre, encore, veut lancer un vaste plan de rénovation des infrastructures dans un pays où deux mille ponts tombent en ruines, où les trains roulent à la même vitesse qu'il y a cinquante ans et où une panne d'électricité peut durer durant des semaines. Bon, ce ne sont là que quelques exemples, parmi des centaines, de ce qui agite le débat public américain. Encore faut-il vivre parmi ces gens-là pour comprendre que, non seulement, ils ressemblent étrangement à des êtres humains, mais aussi, qu'ils sont en fait de vrais êtres humains, avec leurs convictions, leurs contradictions, leurs préoccupations, leurs bons et mauvais côtés.

Ce n'est donc pas dans ces colonnes que l'on se livrera à la surenchère ridicule, ou à la répétition d'informations tout aussi ridicules. Rendez-vous dans les prochains jours pour une reprise du blog Objectif Washington, ce blog que tant adorent détester et que quelques uns aiment aimer.

A New York, Stéphane Trano

Source : Marianne, Stéphane Trano, 07-03-2016

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Lire du coup l’excellent article du jour :

Washington vs. Trump: La démocratie dans le caniveau

Primaires américaines : la Floride attend Donald Trump de pied ferme

Primaires américaines : la Floride attend Donald Trump de pied ferme

Source : France TV info, 15-03-2016

Dans cet Etat, qui doit voter la nuit prochaine, les propos du candidat républicain ont été très mal perçus par la communauté latino, qui représente 20% des électeurs.

Donald Trump pourrait se prendre les pieds dans le tapis en Floride. L’Etat, qui doit voter dans la nuit de mardi à mercredi, compte une forte communauté de latinos, qui représente 20% des électeurs. Ils ont très mal perçus les propos du candidat à la primaire républicaine. “C’est un raciste, il n’aime pas ceux qui parlent espagnol”, explique un homme à France 2. Les votes vont plus facilement vers le sénateur Marco Rubio, l’enfant du pays.

Des propos chocs

Né de parents cubains, il a fait de la Floride sa terre d’élection. “Trump, il n’est là que pour animer le grand cirque des médias, il n’est pas au niveau d’une présidentielle”, dénonce une partisane de Marco Rubio. Donald Trumps’est notamment fait remarquer après avoir tenu des propos forts sur les Mexicains. Selon lui, tous sont des criminels. Une phrase choc qui pourrait bien lui faire mal, en Floride, pour l’élection.

Source : France TV info, 15-03-2016

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Bref, comme tous les sondages donnaient Trump vainqueur par 20 points d’avance :

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Logiquement, FranceTv nous a pondu cet article.

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Totalement visionnaire quoi…

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Michel Raimbaud contre les Etats voyous et les grandes voyoucraties

Michel Raimbaud contre les Etats voyous et les grandes voyoucraties

Le mardi 6 octobre 2015

Michel Rimbaud

Michel Rimbaud

Le point de vue de Michel Raimbaud, un ancien ambassadeur de France s'inscrivant dans la tradition de notre diplomatie gaullienne, nous a paru intéressant à faire connaître dans la situation actuelle.

On le savait déjà, il y a désormais deux camps dans la communauté des nations : celui du droit international œuvrant en faveur d'un nouvel ordre mondial multipolaire en gestation, et celui de l'hypocrisie et de l'arrogance qui cherche à préserver son hégémonie en installant le chaos partout où il rencontre de la résistance.

L'univers arabe et musulman et ses abords d'Afrique, d'Asie ou d'Europe sont le lieu d'une entreprise de destruction et d'asservissement conduite conjointement par l'empire atlantiste sous haute influence israélienne et ses clients islamistes radicaux. La Syrie est devenue le centre de gravité et l'enjeu d'une guerre inédite et perverse, mais aussi, pour ses promoteurs criminels, une cible emblématique.

La « mère de la civilisation », qui combat en première ligne les terroristes sauvages du soi-disant « Etat Islamique » et du front Al Nosra/al Qaida, est donc présentée comme « l'Etat voyou » par excellence par ceux-là mêmes qui financent, arment et soutiennent le gangstérisme sanglant des djihadistes. Dans nos « grandes démocraties », l'inversion des rôles est devenu si naturel que nul ne songe plus à s'en offusquer : c'est la base même du « false flag », omniprésent dans la narrative atlantiste.

L'Assemblée Générale des Nations Unies a consacré la journée du lundi 28 septembre dernier à la Syrie. Les puissants de ce monde ont utilisé cette tribune pour réaffirmer leurs positions sur l'interminable conflit. A la lumière des déclarations, il n'y a pas photo.

Obama dénonce la logique (russe) consistant à soutenir un « tyran » sous prétexte que l'alternative « serait pire ». Le tyran, c'est Bachar Al Assad, qui « massacre des enfants innocents ». Kerry, colombe repentie, précise : « Après tant de sang versé et de carnages, il ne peut y avoir un retour au statu quo d'avant la guerre ».

Le Nobel de la Paix ne manque pas d'air : s'il a peut-être apaisé les relations avec Cuba et anesthésié jusqu'à sa fin de mandat le dossier nucléaire iranien, s'il a renoncé aux « frappes punitives » en Syrie en raison de ses réticences et/ou devant la détermination de l'adversaire, il a allumé ou entretenu au moins autant de conflits que George Debeliou et il est à la tête d'un Etat responsable de la mort de millions d'enfants et d'adultes, de la destruction d'Etats et de sociétés entières, de dizaines de millions de vies brisées, sans même remonter aux centaines de milliers de victimes d'Hiroshima et Nagasaki.

Heureuse Amérique, bienheureuses « grandes démocraties », toujours sûres de leurs valeurs, plus souvent boursières que morales !

41ljf7j6i-l._sx340_bo1_204_203_200_-7db20Il faut le répéter, il n'appartient pas aux maîtres occidentaux, à Erdogan l'apprenti calife, ou aux potentats pétroliers, de prescrire l'avenir de la Syrie après l'avoir détruite : c'est au peuple syrien et à lui seul d'en décider, sans ingérence étrangère. C'est ce principe de souveraineté que rappelle le Président chinois, Xi Jin Ping, clamant haut et fort que l'ère unipolaire est révolue et que le monde est désormais multipolaire.

Vladimir Poutine se place lui aussi dans le cadre de la légalité internationale et soutient l'Etat syrien et son gouvernement, ainsi que « les forces armées du président Al Assad qui sont les seules à combattre réellement l'Etat Islamique”. Il propose une « large coalition antiterroriste » en Syrie et en Irak, dans laquelle les pays arabes « joueraient un rôle clé » et qui devrait inclure le gouvernement syrien et l'Iran, son allié. Les décisions du Président russe suscitent la colère des Occidentaux, qui ont refusé la résolution déposée au Conseil de Sécurité par le Kremlin. Ils sont agacés par la référence appuyée à un droit international qu'eux-mêmes traitent avec légèreté.

Pour perpétuer leur hégémonie, les dirigeants atlantistes avancent à l'ombre des faux drapeaux de la démocratie, de la justice, de la morale et du droit. Ils diabolisent les pays qui font obstacle à leurs ambitions en les reléguant dans la géhenne des Etats « préoccupants » ayant vocation à être dépecés en entités « démocratiques » à la mode de l'Oncle Sam : en bref, les « Etats voyous ». Ce concept a joué un rôle essentiel dans la stratégie américaine plusieurs décennies durant, et c'est en jouant de cet épouvantail que les Etats-Unis, encourageant leurs alliés à faire de même, ont violé et violent systématiquement le droit international.

Ce droit est fondé sur la Charte des Nations-Unies qui, dans son article 51, attribue au seul Conseil de Sécurité le pouvoir de prendre les mesures adéquates qu'il juge nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales « une fois constatée l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression (…) ».

Mais les néocons de Washington se moquent de la légalité onusienne. Seules comptent « les menaces contre nos intérêts », qui sont le fait des « Etats voyous »et rendent nécessaires « des interventions militaires directes » et « le maintien de forces de projection considérables », particulièrement en direction du Proche-Orient. Pour ces faucons, le fondement du droit n'est pas la Charte de l'ONU, mais la Constitution américaine.

Selon Noam Chomski, « ce mépris de la primauté du droit est profondément enraciné dans la culture et les pratiques américaines ». Infiltrés au sein du « pouvoir profond », les néocons vont répandre chez les alliés occidentaux une idéologie dont le fondement reste simple : même si la guerre froide est terminée, les Etats-Unis conservent la responsabilité de protéger le monde face aux « Etats voyous ». En août 1990, Washington et Londres décrètent que l'Irak en est un, et ce ne sera que l'un des premiers d'une longue liste…

Une étude commandée en 1995 par le Strategic Command pose les « principes de base de la dissuasion dans l'après-guerre froide » : depuis que les Etats-Unis ont « remplacé l'Union soviétique par les Etats dits "voyous" », ils doivent projeter une image « irrationnelle et vindicative d'eux-mêmes », « certains éléments » du gouvernement apparaissant « comme potentiellement fous, impossibles à contrôler ». C'est une reprise de la « théorie du fou » de Nixon qui jugeait souhaitable que l'Amérique soit dirigée par « des cinglés au comportement imprévisible, disposant d'une énorme capacité de destruction, afin de créer ou renforcer les craintes des adversaires ».

Cette prose délirante justifie en quelque sorte la transformation des « grandes démocraties » en « voyoucraties », respectant les trois critères qui, selon l'un des « nouveaux historiens » israéliens, Avraham Shlaim, professeur émérite à Oxford, définissent l'Etat voyou, le « rogue state » des anglo-saxons :

  • Violer régulièrement la légalité internationale,
  • Détenir des armes de destruction massive,
  • Utiliser le terrorisme pour terroriser les populations civiles.

C'est ainsi que Robert McNamara, ex-secrétaire américain à la défense (de 1961 à 1968), estime en juin 2000 (The International Herald Tribune) que les Etats-Unis sont devenus un « Etat voyou ». Noam Chomski fera de même au début des funestes « printemps arabes », constatant que son pays « se place au-dessus du droit international ».

A l'heure où le Grand-Moyen Orient est ravagé par l'extrémisme islamiste, patronné par les Occidentaux et leurs affidés régionaux, le débat sur l'éthique dans les relations internationales est pipé. Le conflit n'est plus entre un monde « libre »et un monde « totalitaire », mais entre les partisans du droit international et du respect mutuel entre nations et ceux qui se comportent en Etats voyous, guidés par la « théorie du fou » et la stratégie du « chaos innovateur ».

Conviction réelle pour les uns, leurre pour les autres, la référence au droit international n'a pas la même valeur pour les deux camps : les prêcheurs de guerre jouent avec l'idée d'un conflit mondial qui assurerait leur triomphe… sauf si l'équilibre militaire des forces rend leur victoire trop incertaine.

La Russie vient donc de bouleverser la donne en proposant sa « grande coalition » et en se lançant dans une lutte globale contre les terroristes, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité et à la demande du gouvernement de Damas, tout en recherchant une solution politique entre Syriens, en application de l'accord de Genève. C'est un pavé dans la mare où depuis un an s'ébat presque seule la coalition US, dont les frappes homéopathiques détruisent la Syrie sans beaucoup nuire aux terroristes de Da'ech. C'est un pas important en direction de la paix, conforme au droit international. Les Européens saisiront-ils la perche ?

On l'a entendu à la tribune onusienne, le représentant du « pays des lumières », François Hollande, est plongé tout entier dans ses menées obscures et nourrit une obsession pathologique qui a nom Bachar, lequel doit être « neutralisé » et exclu de toute transition politique : « On ne peut faire travailler ensemble victimes et bourreau. Assad est à l'origine du problème : il ne peut pas faire partie de la solution ».

Droit dans ses bottes tordues, le grand chef de guerre fait valoir qu'il n'est pas seul sur cette position intenable : « Barack Obama s'y refuse, d'autres dirigeants (on sait lesquels – NDLR) s'y refusent. Les Russes doivent en tirer les conséquences », conclut-il, impérial. Prend-on des gants avec le chef d'un « Etat-voyou » quand on est soi-même aussi populaire ?

Mou face aux problèmes de l'Hexagone, Hollande aura fait preuve d'un activisme forcené face à des affaires qui ne le regardent pas, le conflit de Syrie par exemple, où la France a déjà un bilan accablant : mauvaise évaluation de la solidité de l'État syrien, de la crédibilité de l'opposition offshore, appui inacceptable à la rébellion armée débouchant sur la couverture du terrorisme, obsession de « neutraliser »Bachar Al Assad, volonté manifeste de casser la Syrie rebelle et acharnement dans la destruction de son identité.

Qu'on le veuille ou non, notre pays est partie prenante dans l'entreprise criminelle et prédatrice de ses alliés atlantistes, de ses amis turcs, saoudiens et qataris et des mercenaires qu'ils instrumentalisent. Il est coresponsable du résultat : des millions de réfugiés, déplacés, sinistrés, morts et blessés, des millions de familles dispersées, de vies brisées, le démantèlement du patrimoine, des infrastructures, des entreprises…

Il aura aussi fait preuve d'une approche très floue de la légalité internationale et d'un certain déficit de cartésianisme, les terroristes étant traités en ennemis au Mali et « faisant du bon boulot » en Syrie.

Dans les grands dossiers de ce début de millénaire – la glissade du Moyen-Orient vers le chaos, la déstabilisation de l'ex-glacis soviétique grâce à la sollicitude de l'Occident – la France est affaiblie comme jamais et a perdu sa crédibilité, car elle est en divorce avec les acteurs qui comptent. Son hypocrite diplomatie compassionnelle lui attire le mépris. Les écarts de langage font le reste. Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour réclamer le départ de Fabius, condition nécessaire mais non suffisante pour se refaire une virginité.

Fabius et Hollande étant ce qu'ils sont, on peut craindre que la France tarde à coopérer avec la Russie, l'Iran et la Syrie pour rétablir une paix juste et durable, dans le cadre d'un ordre mondial nouveau. Mais notre pays devra bien sortir de la triple impasse dans laquelle il s'est enfermé : l'entêtement à rester internationalement hors-la-loi devra céder la place à une politique plus décente et moins destructrice. En d'autres termes, il s'agira de reprendre son rôle traditionnel de faiseur de paix et non pas de fauteur de guerre.

Les citoyens des « grandes démocraties » finiront-ils par s'inquiéter de la dérive « voyoucratique » de leurs élites dirigeantes qui fait peu à peu de l'Occident arrogant une minorité honnie et haïe par le reste de la planète ? Comme on dit : ça urge.

 

« Pourquoi j’ai quitté le cabinet El Khomri » par Pierre Jacquemain

« Pourquoi j'ai quitté le cabinet El Khomri » par Pierre Jacquemain

Source : L’Humanité, Cyprien Boganda, 29-02-2016

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Photo : capture d’écran Dailymotion

Proche conseiller de la ministre du Travail, Pierre Jacquemain a choisi de claquer la porte mi-février, pour marquer son désaccord avec le projet de loi El Khomri. Pour la première fois, ce jeune homme issu de la gauche radicale (il a été collaborateur de Clémentine Autain), raconte les raisons de sa démission.

Quel poste occupiez-vous auprès de la ministre du Travail ?

Pierre Jacquemain : J'étais en charge de sa stratégie publique: je préparais ses discours et ses entretiens avec la presse. J'étais sa « plume », si vous voulez… J'ai été recruté par Myriam El Khomri en mai 2015, à l'époque où elle était secrétaire d'Etat chargée de la politique de la Ville. C'est une militante de gauche que j'ai toujours respectée. Elle a fait un excellent travail en tant que secrétaire d'Etat, elle s'est battue pour obtenir des arbitrages favorables et mener une politique digne de ce nom. C'est pourquoi lorsque, trois mois plus tard, elle m'a proposé de la suivre au ministère du Travail, je n’ai pas hésité. C'est un beau ministère, qui s'est malheureusement détourné de sa mission première : défendre les salariés, dans un contexte économique troublé. Au départ, je pensais que je serai utile.

À quel moment avez vous déchanté ?

Pierre Jacquemain: J'ai peu à peu compris que nous perdions la bataille. En réalité, la politique du ministère du Travail se décide ailleurs, à Matignon. C'est le Premier ministre qui donne le ton. Après le rapport Combrexelle, Myriam El Khomri avait pourtant une grande ambition. Elle a mené une concertation fructueuse avec les partenaires sociaux, qui a débouché sur de réelles avancées. Malheureusement, aucune de ces avancées n'apparait dans le projet de loi final. Le compte personnel d'activité n'est qu'une coquille vide, qui n'est que l'agrégation de droits sociaux déjà acquis. Par ailleurs, à qui veut-on faire croire que la dématérialisation des fiches de paie est une grande avancée sociale ?

Comprenez vous le tollé provoqué à gauche par ce projet de loi ?

Pierre Jacquemain. Oui. Ce projet de loi est une erreur historique. C'est une régression en matière de droits sociaux, dans la mesure où de nombreux acquis des travailleurs pourront être renégociés à l'échelle des entreprises, où le rapport de force est systématiquement défavorable aux salariés. C'est un non sens économique, parce qu'il n'est pas prouvé que cette loi créera de l'emploi. C'est enfin un non sens politique: quand on se dit de gauche, quand on s'estime progressiste, je ne vois pas comment on peut soutenir un tel texte.

Source : L’Humanité, Cyprien Boganda, 29-02-2016

Revue de presse internationale du 20/03/2016

Revue de presse internationale du 20/03/2016

Cette semaine petite tricherie sous le thème “Médiathèque” avec un spécial bashing en VF pour être dans les délais de rediffusion vidéo : Trump et Poutine… comme par hasard mais qu’on évitera de mettre dans le même sac. Et pour continuer dans le name dropping, des papiers de Stiglitz et Varoufakis, et comme d’habitude quelques traductions. Bonnes écoute et lecture.