mardi 8 mars 2016

Pas de réels progrès depuis vingt ans pour les femmes dans le monde du travail...

Pas de réels progrès depuis vingt ans pour les femmes dans le monde du travail...

Au niveau mondial, les chances pour les femmes d'entrer sur le marché du travail sont inférieures de 27 % à
celle des hommes. Loin de se résorber, l'écart s'est même creusé en Asie du Sud et en Asie de l'Est.
Andy Wong/AP

La situation des femmes dans l'emploi, au niveau mondial, ne s'améliore quasiment pas. Dit en termes diplomatiques par l'Organisation internationale du travail (OIT) qui a publié, lundi 7 mars, un rapport sur les tendances 2016 « Femmes au travail », à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, des progrès ont été accomplis « à la marge », depuis vingt ans, et la quatrième conférence onusienne sur les femmes, à Pékin.

Entre 1995 et 2015, « le taux mondial de participation des femmes à la population active est passé de 52,4 % à 49,6 % », constate l'OIT. En 2015, 1,3 milliard de femmes étaient présentes dans le monde du travail contre 2 milliards d'hommes, soit respectivement 46 % des femmes en âge de travailler (plus de 15 ans) et 72 % des hommes.

Lire aussi :   200 millions de chômeurs dans le monde en 2016

Si, en matière d'accès à la santé et à l'éducation la situation des femmes s'est améliorée, s'agissant de l'économie et du social « de grandes lacunes restent à combler dans la mise en œuvre du Programme de développement durable pour 2030 adopté par les Nations Unies en 2015 ».

Leur présence de plus en plus importante à l'école – la parité entre garçons et filles a été atteinte dans les secteurs de l'éducation primaire et secondaire dans 123 pays – « ne se traduit par aucun progrès dans le monde du travail, résume Laura Addati, co-auteure du rapport. Un véritable gâchis du talent et des compétences des femmes ».

Inégalité généralisée

Premières victimes du sous-emploi, de la précarité, surreprésentées dans l'économie informelle, moins bien payées, moins protégées socialement, les femmes restent confrontées à une situation d'inégalité générale, et ce, sur tous les continents. « Les progrès accomplis pour surmonter les obstacles sont lents et se limitent à quelques régions du monde », écrivent les auteurs du rapport.

Et quand la situation des femmes semble s'être améliorée, cela s'explique généralement par une dégradation de celle des hommes. Exemple : la réduction des écarts d'emploi en Europe (sauf à l'Est), s'explique par la baisse du taux d'emploi des hommes.

« En Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest, et en Amérique du Nord, les écarts de chômage entre hommes et femmes se sont résorbés avec la crise financière, en grande partie sous l'effet du ralentissement économique touchant les secteurs à prédominance masculine et de l'augmentation des taux d'emploi des femmes mariées qui, dans certaines circonstances, se mettent à travailler pour compenser les pertes de revenu familial liées au chômage masculin », explique l'OIT, qui regroupe les représentants des gouvernements, des employeurs et des syndicats de 187 États membres.

Au niveau mondial, les chances pour les femmes d'entrer sur le marché du travail sont inférieures de 27 % à celle des hommes. Loin de se résorber, l'écart s'est même creusé en Asie du Sud et en Asie de l'Est.

Elles sont surreprésentées « parmi les travailleurs qui contribuent à l'entreprise familiale », c'est-à-dire travaillant pour leur conjoint ou leur famille, notamment dans les entreprises agricoles, dans l'artisanat, le commerce. Dans certaines régions du monde, comme l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, elles sont un tiers à travailler dans ce secteur de l'économie informelle, et plus de 40 % à travailler pour leur propre compte. Au niveau mondial, ces taux sont respectivement de 17 % et de 30 %. À noter que la part des hommes travaillant pour « l'entreprise familiale » est près de trois plus faible, 6,4 %.

Le résultat de cette précarité dans l'emploi se traduit notamment par des rémunérations plus faibles. L'écart salarial entre hommes et femmes est estimé, par l'OIT, à 23 % au niveau mondial.

Quelques progrès ont été enregistrés, limités précise l'OIT, mais « si les tendances actuelles se poursuivent, il faudra plus de 70 ans avant que cet écart disparaisse totalement ». Pour Laura Addati, « il n'y a pas de politique courageuse et, sans volontarisme, les écarts salariaux ne diminueront pas par le seul développement économique ».

Lire aussi :   Dans le Monde : une grande part de l'écart de salaire hommes-femmes est inexpliquée, selon l'OIT

« Sous-évaluation du travail accompli »

Les écarts salariaux ne s'expliquent pas seulement par les différences d'éducation ou d'âge. « Ils sont aussi liés à la sous-évaluation du travail accompli par les femmes et des compétences requises dans les professions et les secteurs dominés par les femmes », notent les auteurs du rapport. Elles sont 61,5 % à occuper des postes dans le secteur des services, là où les hommes sont moins de 43 %.

Autre conséquence de cette place inférieure des femmes dans le monde du travail, elles sont moins bien protégées socialement que les hommes. Même dans le cas où elles occupent un emploi salarié, « à l'échelle mondiale, près de 40 % des femmes ne cotisent pas à la protection sociale ». Par exemple, 200 millions de femmes ayant atteint l'âge de la retraite ne disposent d'aucune pension, un chiffre nettement plus bas chez les hommes, 115 millions.

Enfin, pour compléter ce tableau noir de la situation des femmes, plus vulnérables encore sur les continents asiatiques et africains, l'inégalité persiste quant au rapport entre travail salarié et travail réellement effectué, y compris dans la sphère familiale.

Dans les pays en développement, quand une femme travaille en moyenne 9 h 20 dans sa journée, elle n'est rémunérée que 5 h 10, 4 h 10 n'étant pas payées. L'homme, lui, sur 8 h 07, est rémunéré 6 h 40. Dans les économies développées, si la part de travail non rémunéré est moindre, la différence entre homme et femme persiste : pour le premier, sur 7 h 40 de travail, seules près de deux heures ne sont pas rémunérées, quand la femme, elle, n'est pas payée durant 3 h 30 sur un temps de travail quotidien estimé à 8 h 10.
 

Rémi Barroux
Journaliste au Monde

Source : LeMonde.fr

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Le big bang du temps de travail (Mediapart)



 

La BCE va tenter de sauver sa crédibilité avec de nouvelles mesures, par Romaric Godin

La BCE va tenter de sauver sa crédibilité avec de nouvelles mesures, par Romaric Godin

C’est triste un système monétaire qui meurt, et est placé en soins palliatifs…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 06/03/2016

La BCE doit jeudi réussir à convaincre de sa capacité à redresser les anticipations d'inflation. (Crédits : Reuters)

La BCE doit jeudi réussir à convaincre de sa capacité à redresser les anticipations d’inflation. (Crédits : Reuters)

Jeudi 10 mars, Mario Draghi va prendre de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif. L’enjeu sera de rassurer les marchés sur sa capacité à maîtriser le risque déflationniste. Un défi de plus en plus difficile.

C’est peu de dire que la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE jeudi 10 mars est attendue. Après 3 décembre, où les annonces du président Mario Draghi avaient tant déçu, ce dernier a tenté de corriger le tir le 21 janvier en annonçant à mots à peine couvert une nouvelle vague de mesures en mars. Depuis, l’attente est devenue encore plus forte. Et pour cause : les indicateurs reviennent progressivement dans le rouge. Le sentiment économique de la zone euro se dégrade dans la foulée du ralentissement chinois depuis le début de l’année, le PMI manufacturier a ainsi reculé de 52,3 à 51,1 : encore en zone positive, mais en forte chute…

Réagir à la baisse de l’inflation

L’élément qui place encore davantage la BCE sous pression, c’est le chiffre d’inflation pour février. Non pas tant parce qu’on y a encore connu une baisse des prix de 0,2 %, mais parce que le chiffre sous-jacent, hors effet de l’énergie, a également chuté. « Il y a dans ce recul de l’inflation sous-jacente des éléments inquiétants auxquels la BCE se doit de réagir fermement », souligne Frédérik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management à Genève. Ces éléments inquiétants, ce sont les « effets de second tour », autrement dit une forme de « contagion » de la baisse des prix de l’énergie vers d’autres biens et services. Un danger que Mario Draghi avait publiquement mis en avant le 21 janvier. Et pour cause : si cette « contagion » se produit, « l’effet de base » des prix de l’énergie qui devrait faire remonter l’inflation (et que l’on attend toujours) sera plus faible. Les anticipations d’inflation ne remonteront donc pas.

Effacer le « couac » du 3 décembre

Or, dans l’esprit de l’institution, c’est le redressement de ces anticipations qui est la clé du succès de sa politique. Si le marché (et, donc, pour la BCE, les agents économiques) anticipe davantage d’inflation, les comportements s’ajusteront : le futur s’éclaircira, investir et embaucher sera plus simple. Sinon, les agents économiques s’attendront à un ralentissement de la baisse des prix. Ils se montreront davantage prudents et reporteront leurs actions, sans risque puisque l’inflation est faible. L’avantage du présent disparaîtra devant celui du passé et la logique déflationniste aura gagné. Il est donc impératif pour la BCE de convaincre les marchés qu’elle est déterminée à combattre l’inflation faible afin d’agir sur leurs anticipations. Et pour cela, il lui faut absolument faire oublier le «couac » du 3 décembre.

Prendre en compte l’opposition de la Bundesbank

Comment faire ? La BCE n’a cessé de dire qu’elle avait encore assez d’outils à sa disposition. Mais, jeudi, elle devrait surtout amplifier l’usage des outils déjà existants. Malgré une politique désormais très accommodante, la BCE demeure par essence une institution prudente, soumise à de multiples contraintes, parfois contradictoires. La difficulté de l’exercice consistera pour Mario Draghi à lancer un message fort jeudi, tout en restant dans des limites acceptables au regard de ses adversaires, notamment de la Bundesbank. Car si son président, Jens Weidmann, ne votera pas lors du Conseil des gouverneurs de ce jeudi, il sera présent et conserve une influence certaine sur l’assemblée.

Encore plus d’argent dans le QE

La première mesure, la plus attendue, conserve le programme de rachat d’actifs publics, souvent identifié à l’assouplissement quantitatif (QE). Le 3 décembre, la BCE n’avait que prolongé jusqu’en mars 2017 ce programme, ce qui avait beaucoup déçu un marché qui attendait une augmentation du volume des rachats. « L’allongement de la durée du programme n’a pas d’effet immédiat, il ne répond pas aux inquiétudes actuelles. Les marchés ne s’occupent pas pour le moment de mars 2017, ils veulent des mesures efficaces maintenant », explique Frédérik Ducrozet qui considère que la date de fin du programme pourrait ne pas changer jeudi. Cette fois, la BCE rajoutera en revanche sans doute entre 10 et 15 milliards d’euros au programme de rachat actuellement fixé à 60 milliards d’euros mensuels. Ceci représenterait une hausse de 17 à 25 % des injections de liquidités. En tout, d’ici à mars 2017, 110 à 165 milliards d’euros de plus. Frédérik Ducrozet imagine même une action plus forte : « la BCE pourrait augmenter temporairement les rachats à 20 milliards d’euros mensuels pour frapper fort, quitte à ralentir ensuite lorsque les inquiétudes actuelles seront passées. »

Le problème de la rareté des titres à acheter

Ce sera, en tout cas, le cœur du message de Mario Draghi : le QE2 est plus fort que le QE1. Reste une contrainte : les titres disponibles au rachat sont de moins en moins nombreux. La BCE s’est en effet donnée deux contraintes lors de la création de son QE : ne pas acheter des titres au rendement inférieur à son taux de dépôt et ne pas acheter plus de 33 % d’une dette pour ne pas influer sur le marché et ne pas être soumise aux clauses collectives qui, en cas de défaut, contraindrait la BCE à accepter une restructuration. Ces deux éléments étaient des gages donnés à l’Allemagne pour l’assurer que la BCE ne réalisait pas d’opérations « risquées » ou « à perte. » Dans le même esprit, les volumes des rachats par pays ont été fixés proportionnellement à la clé de répartition du capital de la BCE. L’Allemagne et la France sont donc les deux principales dettes concernées.

L’ennui, c’est que ces « garanties » données à la Bundesbank limitent considérablement le stock de titres à racheter. Aujourd’hui, la moitié des titres allemands sont inéligibles pour cause de baisse des taux et, comme l’Allemagne se désendette, la difficulté ne va cesser de croître. Pour rendre son action crédible, Mario Draghi devra donc l’accompagner de mesures permettant d’élargir le spectre des achats. Cet élargissement pourrait être l’occasion de rapprocher le QE de l’économie réelle en rachetant des prêts non titrisés, voire des actions d’entreprises européennes, mais aussi de cibler le QE sur des économies plus fragiles comme ceux du sud de l’Europe. Le problème, c’est qu’il s’agit d’une « ligne rouge » de la Bundesbank et qu’un tel élargissement pourrait provoquer une nouvelle plainte devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

Quelles mesures d’accompagnement ?

On voit le dilemme de la BCE : ou ne rien faire et risquer une perte de crédibilité des mesures annoncées car le marché se posera la question de la faisabilité des rachats, ou agir et affronter l’Allemagne. Mario Draghi pourrait choisir d’agir prudemment en élargissant le QE à de nouvelles structures parapubliques (les « agences » dans le jargon de marché) comme ERDF ou RFE, par exemple. Mais, prévient Frédérik Ducrozet, il n’y aura pas d’élargissement massif des rachats à d’autres types de produits. « La BCE veut aussi se conserver des armes pour l’avenir », ajoute-t-il. Il sera, en tout cas, intéressant d’observer si Mario Draghi va plus avant dans son combat contre la Buba en s’attaquant à la clé de répartition des achats ou à la limite du taux de dépôt pour le rendement des titres rachetés. Dans les deux cas, Jens Weidmann pourrait y voir un casus belli qui favoriserait le financement des « mauvais élèves » de la zone euro et ferait prendre des risques aux contribuables allemands.

Troisième action : une nouvelle baisse du taux de dépôt ?

La BCE devrait également annoncer une nouvelle baisse de son taux de dépôt de 10 points de base, donc de -0,3 % à -0,4 %. « Cette nouvelle baisse est indispensable pour répondre aux attentes du marché », assure Frédérik Ducrozet. L’institution irait donc plus avant en territoire négatif, mais, en réalité, elle se contentera de s’ajuster aux attentes du marché avant le 3 décembre. Le but de cette baisse des taux est, rappelons-le, la même que celle d’une baisse du taux de refinancement en période « normale » : il s’agit de favoriser la circulation des excès de liquidités issues des rachats de la BCE pour faire baisser le taux interbancaire et favoriser ainsi les prêts à l’économie réelle. L’efficacité de ce schéma reste cependant à démontrer et l’ambition de ces taux négatifs est souvent plutôt de peser sur la devise. Or, la BCE a besoin d’urgence que l’euro s’affaiblisse davantage pour exercer une pression haussière sur l’inflation. Après l’entrée de la Banque du Japon en territoire négatif également, la réponse semblait devoir s’imposer.

Le risque bancaire

Reste que, là aussi, le mouvement n’est pas simple. Ces taux négatifs agitent le marché qui craint un impact sur la rentabilité d’un secteur bancaire dont la santé n’est pas assurée. Une crainte alimentée, du reste, par le secteur lui-même, qui se plaint beaucoup des taux négatifs. Selon Frédérik Ducrozet, ces craintes sont exagérées : « j’estime le coût des taux négatifs à environ 2 milliards d’euros, ce qui est gérable au regard des bénéfices cumulés qui s’élèvent à 315 milliards d’euros. » Mais, là encore, l’effet psychologique joue. L’abaissement du taux négatif pourrait alimenter encore les craintes sur la rentabilité des banques. Nouveau dilemme, donc pour la BCE, soumise à un besoin de couper ses taux et à un risque de provoquer une crise du secteur bancaire.

Un taux négatif à « deux niveaux » ?

Pour le résoudre, une solution « à la suisse » semble se dessiner. Comme dans la Confédération, la BCE pourrait décider de ne taxer les excès de liquidités qu’au-delà d’une certaine proportion. Les banques disposeraient alors d’un « coussin de sécurité » et seraient moins touchées par le coût du taux négatif, même plus élevé. Benoît Cœuré, le membre français du directoire de la BCE, a évoqué ce mécanisme voici peu. Mais cela ne risque-t-il pas de réduire l’efficacité, déjà contestée, des taux négatifs ? « Pas vraiment, estime Frédérik Ducrozet, car sur les 700 milliards d’euros d’excès de liquidité, 300 milliards seulement sont « utilisés » pour faire baisser les taux. » Par ailleurs, les « excès de liquidité » concernent de « l’argent de banque centrale » qui ne circule qu’entre les banques et la banque centrale. Ce montant va logiquement augmenter avec le QE, réduisant l’impact du « coussin de sécurité. »

La BCE est-elle encore crédible ?

Reste une dernière question, la plus centrale : la BCE peut-elle, malgré tout, encore convaincre ? La BCE a engagé sa baisse des taux en octobre 2013, elle a pris ses premières mesures non conventionnelles en juin 2014 et a lancé son QE en mars 2015. Et l’inflation reste désespérément basse. Même si la BCE conserve des armes, sa capacité à agir réellement s’émousse. Les outils qui demeurent à sa disposition commencent à s’amenuiser. On sait que les prochaines étapes seront plus délicates à mettre en place, en raison de l’opposition allemande. Surtout, les marchés commencent à prendre conscience que le QE n’a qu’un caractère « défensif » contre la déflation, mais que sa capacité à faire remonter l’inflation est faible. Or, dans un contexte international où les banques centrales sont fortement en concurrence pour « exporter » leur déflation, la tâche devient très difficile.

Les limites de la politique monétaire

Rajouter 10, 15 ou 20 milliards d’euros mensuels au QE sera-t-il alors suffisants pour rétablir cette crédibilité ? Sans doute à très court terme pour rassurer les marchés et stabiliser la situation. Mais la BCE est en permanence sur la corde raide. « La BCE est crédible tant qu’il y aura une augmentation même lente de l’inflation sous-jacente », estime Frédérik Ducrozet. Mais plus l’inflation reste faible longtemps, plus il est difficile de redresser les anticipations, et plus l’inflation demeure faible : c’est la principale leçon de l’histoire récente du Japon. Or, la BCE, isolée, utilise et renforce un outil qui a montré son incapacité à redresser l’inflation. Et si le problème n’était pas quantitatif, mais qualitatif ?

De plus en plus, il semble évident que sans utilisation du levier budgétaire, la bataille de la BCE est perdue d’avance. Elle combat une réalité qu’elle maîtrise de moins en moins bien. « Sans recours à une politique d’investissement public forte, le QE conduit à des mauvaises allocations des ressources et a un impact faible sur l’inflation et l’action de la BCE semble vaine », remarque Christopher Dembik, économiste chez Saxo Bank. Lequel redoute un scénario à la japonaise : « Au Japon, l’action budgétaire a été trop tardive et redresser les anticipations des agents économiques relève de la gageure, c’est ce qui menace désormais la zone euro. » Tout se passe comme si la politique monétaire, sur laquelle les Etats se sont quasi exclusivement appuyés depuis 2007, arrivait au terme de ses possibilités.

Les contradictions de la BCE

Sauf que, dans le cadre budgétaire de la zone euro, encore renforcé en 2011 et 2012, le levier budgétaire est inopérant. Il l’est d’autant plus que l’Allemagne, qui dispose de marge de manœuvre, refuse d’agir. Et la BCE est prise dans un piège. En tant qu’institution, elle ne peut remettre en cause le cadre budgétaire et, mercredi 2 mars, Benoît Cœuré a ainsi martelé qu’il n’y a pas de marge de manœuvre budgétaire. Et pourtant, elle ne peut plus être efficace sans ce levier budgétaire. Elle est donc prise dans ses contradictions. Le risque, c’est que le marché ne croit plus à sa capacité à agir seule. Comme la politique budgétaire ne viendra pas, la BCE risque de ne plus convaincre à terme. Et la reprise en zone euro, déjà faible, sera désormais en grand danger.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 06/03/2016

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Je vous ai mis à jour le bilan de la BCE (de l’EuroSystème pour être exact, c’est-à-dire la BCE + toutes les banques centrales nationales):

bilan-eurosysteme-1update

bilan-eurosysteme-2update

On voit bien le QE en cours, où la BCE rachète essentiellement des obligations publiques, augmentant donc son risque…

La BCE, une incroyable aventure historique dont votre argent est le héros… (sic.)

Risquer une guerre nucléaire pour al-Qaïda ? Par Robert Parry

Risquer une guerre nucléaire pour al-Qaïda ? Par Robert Parry

Source : Consortiumnews.com, le 18/02/2016

Le 18 février 20168

Exclusif : Le risque que le conflit multilatéral syrien déclenche une Troisième Guerre mondiale persiste, alors que la Turquie, l’Arabie saoudite et les néoconservateurs américains réfléchissent à une invasion capable d’arrêter les troupes russes – et potentiellement de faire dégénérer la crise syrienne en une confrontation nucléaire, tout ça pour protéger des terroristes d’al-Qaïda, a déclaré Robert Parry.

Par Robert Parry

Quand le président Barack Obama a répondu aux questions des journalistes mardi, celle qui aurait dû être posée – mais ne l’a pas été – était de savoir si oui ou non il avait interdit à la Turquie et à l’Arabie saoudite d’envahir la Syrie, car c’est bien ça qui pourrait faire dégénérer l’épouvantable guerre civile syrienne en une Troisième Guerre mondiale, voire en un conflit nucléaire.

Si la Turquie (avec des centaines de troupes massées près de la frontière syrienne) et l’Arabie saoudite (et son aviation de pointe) mettent leurs menaces à exécution et interviennent militairement en Syrie pour sauver leurs obligés rebelles, dont le Front al-Nosra d’al-Qaïda, de la forte offensive du gouvernement syrien soutenue par la Russie, alors cette dernière devra prendre une décision concernant la protection de ses quelque 20 000 militaires présents en Syrie.

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Le président Barack Obama réunit le vice-président Joe Biden et d’autres conseillers dans le bureau ovale le 2 février 2016. [Photo de la Maison-Blanche]

Une source proche du président Vladimir Poutine m’a dit que les Russes avaient prévenu le président turc Recep Tayyip Erdogan que Moscou était prête à utiliser des armes nucléaires tactiques pour sauver ses troupes face une attaque turco-saoudienne. La Turquie étant membre de l’OTAN, un tel conflit pourrait rapidement tourner en une confrontation nucléaire de grande envergure.

Étant donné la mégalomanie d’Erdogan ou encore l’instabilité mentale, l’agressivité et l’inexpérience du prince saoudien Mohammed bin Salman (ministre de la Défense et fils du roi Salman), la seule personne capable d’empêcher une invasion turco-saoudienne est le président Obama. Mais je me suis laissé dire qu’il était réticent à interdire complètement une telle intervention, même s’il a cherché à calmer Erdogan et a clairement indiqué que les États-Unis ne participeraient pas à l’invasion.

Pour l’instant, Erdogan a limité l’implication militaire directe de la Turquie en Syrie à des tirs d’obus transfrontaliers sur les forces kurdes, soutenues par les États-Unis, qui avaient repris du terrain à l’État Islamique (ISIS) dans le nord de la Syrie. La Turquie considère les combattants kurdes, le YPG, comme des terroristes, mais le gouvernement américain les voit comme de précieux alliés contre l’État Islamique, groupe dérivé d’al-Qaïda qui contrôle de larges territoires en Syrie et en Irak.

Mais Erdogan a sans doute encore perdu le peu de patience qui lui restait après qu’un attentat à la voiture piégée a tué au moins 28 personnes mercredi à Ankara, la capitale turque. La bombe visait apparemment un convoi militaire et les officiels turcs suspectent des militants kurdes, également visés par les forces turques à l’intérieur du pays.

Alors qu’aucune preuve n’a été avancée, les officiels turcs suggèrent que l’attaque a été commanditée par l’Iran ou la Russie, encore un signe du degré de complexité du chaos géopolitique syrien. “Ceux qui pensent qu’ils peuvent détourner notre pays de ses objectifs en utilisant des organisations terroristes verront qu’ils ont échoué,” a déclaré Erdogan selon le Wall Street Journal.

(Mercredi soir la Turquie a bombardé des positions kurdes dans le nord de l’Irak en représailles à l’attentat d’Ankara.)

Le dilemme pour Obama est que la plupart des alliés traditionnels des États-Unis comme la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar, ont été les principaux soutiens et sources de financement des groupes terroristes sunnites en Syrie, y compris le Front al-Nosra d’al-Qaïda et – quoique dans une moindre mesure – l’État Islamique. Maintenant, ces “alliés” voudraient que les États-Unis risquent une confrontation nucléaire avec la Russie pour, de fait, protéger al-Qaïda.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan

Biden laisse échapper la vérité

L’ironie de la situation a même été reconnue par le vice-président Joe Biden lors d’une conférence à Harvard en 2014. Biden répondait à la question d’un étudiant en disant que la Turquie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avaient “versé des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers d’armes à quiconque se battrait contre [le président syrien Bashar el] Assad”. Le résultat, dit Biden, est que “ceux qui ont été approvisionnés sont al-Nosra, al-Qaïda et les djihadistes extrémistes venus du monde entier.”

Les risques de ces alliances nébuleuses ont aussi été soulignés par le rapport de la Defense Intelligence Agency (DIA) en août 2012 qui avait averti l’administration Obama que la force grandissante d’al-Qaïda et des autres djihadistes sunnites en Syrie pourrait mener à la création d’un “État Islamique” dont les militants pourraient se replier en Irak où la menace était originellement apparue après l’invasion américaine.

La DIA précisait que la force grandissante d’al-Qaïda en Syrie “crée le climat idéal pour que AQI [al-Qaïda en Irak] retourne dans son berceau de Mossoul et de Ramadi et apporte une nouvelle impulsion sous couvert d’unifier le djihad entre l’Irak et la Syrie sunnites et le reste du monde arabe sunnite contre ce qu’ils considèrent l’ennemi, les dissidents [i.e. les chiites].

ISI [L’État Islamique en Irak, ancêtre d’ISIS, connu comme l’État Islamique] pourrait également déclarer un État Islamique au travers d’une union avec les organisations terroristes en Irak et en Syrie, ce qui créerait de graves risques pour l’unification de l’Irak et la protection de son territoire.”

Malgré la clairvoyance du rapport de la DIA et l’aveu de Biden (pour lequel il a rapidement présenté des excuses), le président Obama n’a pas modifié la stratégie de soutien aux opposants d’Assad. Il a laissé l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie continuer à faire passer des armes aux éléments les plus extrémistes de la rébellion. Dans le même temps, le gouvernement américain insistait sur le fait qu’il n’armait que les rebelles “modérés”, alors que ces groupes étaient pour la plupart absorbés ou contrôlés par al-Nosra d’al-Qaïda et/ou ISIS, un dérivé ultraviolent d’al-Qaïda.

En Syrie, au lieu de coopérer avec la Russie et l’Iran pour aider l’armée d’Assad à vaincre les djihadistes, l’administration Obama a continué à la jouer fine en insistant – comme le secrétaire d’État John Kerry l’a dit récemment – sur le fait que des “groupes d’opposition légitimes” armés existaient indépendamment du Front al-Nosra d’al-Qaïda.

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Le secrétaire d’État John Kerry saluant les journalistes à Genève le 8 Novembre 2013. (Crédit photo : Département d’État)

Cependant, en réalité, les prétendus rebelles modérés autour d’Alep et d’Idlib sont des seconds couteaux d’al-Qaïda dont la valeur pour la cause est justement de pouvoir prétendre aux livraisons d’armements de la CIA qui peuvent être ensuite transmises à al-Nosra ou à l’allié clé d’al-Nosra, Ahrar al-Sham, ainsi qu’à d’autres combattants djihadistes.

Nosra et Ahrar al-Sham, les principaux éléments de la création saoudienne “l’Armée de Conquête,” ont déployé des missiles TOW américains aux effets dévastateurs sur l’armée syrienne dans la victoire des djihadistes l’année dernière dans la province d’Idlib ; un succès qui a finalement décidé Poutine à envoyer l’aviation russe pour défendre le gouvernement syrien en septembre dernier.

Aider l’État Islamique

Pendant ce temps la Turquie a laissé près de 100 km de frontière ouverte pour que différents groupes djihadistes puissent passer des renforts et de l’armement tout en laissant l’État Islamique sortir son pétrole pour le revendre au marché noir. L’automne dernier, après que la Russie (et des États-Unis réticents) ont commencé à bombarder les convois de pétrole d’ISIS, la Turquie a abattu un avion de chasse russe près de la frontière turque, entraînant la mort du pilote et d’un membre de l’équipe de sauvetage.

Maintenant, alors que l’armée syrienne, soutenue par la Russie, fait des progrès considérables dans sa lutte contre les rebelles majoritairement dominés par al-Nosra autour d’Alep et commence à refouler l’État Islamique hors de son fief Raqqa, et que les forces kurdes soutenues par les États-Unis avancent aussi dans leur front contre l’ÉI, la Turquie d’Erdogan commence à redouter fiévreusement que son projet de soutien aux djihadistes syriens, vieux de 5 ans, ne s’effondre.

Au milieu de ce tumulte, la Turquie presse le président Obama de soutenir une invasion limitée de la Syrie ayant pour but de créer une “zone sûre”, censée protéger les rebelles syriens ainsi que les civils du nord de la Syrie. Mais derrière ce plan aux allures humanitaires se cache un plan plus ambitieux de marcher sur Damas et ainsi renverser le président Assad.

C’est un objectif que se partagent la Turquie, l’Arabie saoudite et d’autres États sunnites, ainsi qu’Israël et l’influent bloc néoconservateur américain et ses “interventions libératrices”. Pour sa part, Obama a appelé Assad à “démissionner” mais favorise une solution diplomatique. La Russie a soutenu une solution politique, en organisant des élections libres, laissant ainsi au peuple syrien le choix du destin d’Assad.

Les Russes ne se sont pas gênés de rappeler le subterfuge occidental en Libye de 2011, lorsque les États-Unis et l’OTAN ont sanctionné une résolution “humanitaire” du conflit au travers du Conseil de Sécurité des Nations Unies, prétendant protéger le peuple libyen, mais se couvrant derrière cette dernière afin de provoquer un violent changement de régime ; un cas typique du pied dans la porte.

Alors qu’en Syrie, la Russie fut témoin durant plusieurs années du soutien apporté par les États-Unis, la Turquie, le Qatar et d’autres États sunnites aux différents groupuscules rebelles sunnites tentant de renverser Assad, un alaouite, représentant d’une branche de l’islam chiite. Bien qu’Assad ait été violemment critiqué pour son attitude radicale face au soulèvement, il a tout de même réussi à maintenir un gouvernement laïque qui tâche de défendre chrétiens, alaouites, chiites et d’autres minorités.

En plus d’être la cible des puissances sunnites régionales, Assad est depuis longtemps sur la liste des néoconservateurs israéliens car il est vu comme la pièce maîtresse du “croissant chiite”, qui s’étire de l’Iran à l’Irak en passant par la Syrie et le Liban. Depuis que les dirigeants israéliens (et donc les néocons américains) perçoivent l’Iran comme le plus grand ennemi d’Israël, les efforts pour démolir le “croissant chiite” se sont concentrés sur la défection d’Assad – même si son éviction risquerait de créer un vide politico-militaire qui pourrait être rempli par al-Qaïda et/ou l’État Islamique.

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Le président syrien Bachar el-Assad

Faire de la Syrie le lieu de cette guerre par procuration a eu des conséquences catastrophiques sur les Syriens. Depuis cinq ans, la violence des engagements tant des rebelles que de l’armée a ravagé le pays, tuant plus de 250 000 personnes et en forçant à l’émigration des vagues entières de réfugiés désespérés vers l’Europe, déstabilisant l’Union européenne à son tour.

En conséquence, alors que les États-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient – notamment l’Arabie saoudite et la Turquie – ont encore nourri le conflit en approvisionnant les rebelles, dont notamment le Front al-Nosra, branche d’Al-Qaïda, avec des missiles américains TOW et d’autres armes sophistiquées, le président russe Poutine a décidé qu’il était temps d’aider le gouvernement syrien à juguler l’expansion du terrorisme sunnite, une menace planant également sur la Russie.

Se moquer de la Russie

Dans un premier temps, Washington se moqua des efforts russes, les qualifiant de peu efficaces, cependant les récentes victoires de l’armée syrienne ont eu comme effet de transformer, sous la surprise, les moqueries initiales en colère. Par exemple, le Washington Post, figure de proue du néo-conservatisme, a publié à jet continu un flot d’éditoriaux et de lettres ouvertes dénigrant les victoires russo-syriennes.

“La Russie, l’Iran et le gouvernement syrien conduisent une offensive majeure avec pour objectif la reconquête de la ville d’Alep et les territoires contrôlés par les rebelles qui la connectent à la frontière turque,” se lamente le Post. “Ils ont coupé une route de ravitaillement de la ville et sont près d’en contrôler une autre, piégeant les rebelles, ainsi que des centaines de milliers de civils.”

Alors qu’on aurait pu penser qu’éjecter les forces d’al-Qaïda hors d’un centre urbain majeur comme celui d’Alep soit en soi une bonne chose, les rédacteurs néocons du Post prétendent que seuls de nobles rebelles “modérés” contrôlent cette zone, et qu’en conséquence il est du devoir des États-Unis de les protéger. Il n’est fait aucune mention du Front al-Nosra d’al-Qaïda, sûrement afin de ne pas abîmer la belle image souhaitée par cette propagande.

Le Post pressa alors Obama de faire quelque chose : « Face à cette offensive, qui promet de détruire toute chance d’une fin acceptable de la guerre civile syrienne, l’administration Obama a observé une attitude de passivité et de confusion morale. Le président Obama reste silencieux. »

Dans un autre éditorial hystérique, les rédacteurs du Post ont évoqué ce qu’ils ont appelé « le monde réel » où « le meilleur scénario possible, après cinq ans d’inaction américaine, est une paix partielle laissant la Syrie divisée en zones contrôlées par le régime [d’Assad] et l’État Islamique, et quelques enclaves coincées laissées à l’opposition et aux Kurdes. Même cela exigerait que l’administration Obama intensifie énergiquement son assistance militaire à des groupes rebelles et affronte la Russie avec plus que des discours. »

Cependant, dans le vrai « monde réel », l’administration Obama a fait passer des équipements militaires aux rebelles cherchant à renverser un gouvernement internationalement reconnu depuis des années. Cette aide a évité de faire apparaître aux yeux des Américains le fait que beaucoup de ces groupes rebelles collaboraient avec le Front al-Nosra d’al-Qaïda et/ou l’État Islamique.

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Le président iranien Hassan Rouhani (à gauche) serre la main du président russe Vladimir Poutine au sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai dans la capitale kirghize de Bishkek, le 13 septembre 2013. (Crédit photo : Press TV)

Comme l’expert du Moyen-Orient Gareth Porter l’a rapporté, “Les frappes aériennes russes en question ont pour ambition de séparer la ville d’Alep, qui est à l’heure actuelle le principal centre de pouvoir d’al-Nosra en Syrie, de la frontière turque. Pour réussir, les forces russes, syriennes et iraniennes ont attaqué les troupes rebelles déployées dans les villes se situant le long des routes d’Alep jusqu’à la frontière. Ces rebelles comprennent des unités d’al-Nosra, de leurs proches alliés d’Ahrar al-Sham et d’autres groupes d’opposition armés – certains d’entre eux avaient reçu des armes de la CIA dans le passé…

“Selon de nombreuses sources, y compris de certaines qui ont été explicitement soutenues par les États-Unis, il est clair que toute unité organisationnelle anti-Assad armée dans ces provinces est engagée dans une structure militaire contrôlée par des militants d’al-Nosra. Tous ces groupes rebelles se battent au côté du Front al-Nosra et coordonnent leurs actions militaires avec lui.”

Mais le Washington Post et ses acolytes grand public américains ne veulent pas que vous connaissiez la réalité du “monde réel” qui est que les saints rebelles “modérés” de Syrie combattent côte à côte avec al-Qaïda, qui fut responsable de la mort de près de 3 000 Américains lors du 11-Septembre et de la participation de l’armée américaine dans une série de conflits au Moyen-Orient qui ont coûté la vie à environ 8 000 soldats américains.

L’étrange objectif de sauver la peau d’al-Qaïda ne serait certainement pas un bon argument de vente pour obtenir le soutien du peuple américain à une nouvelle guerre, qui pourrait opposer l’arme nucléaire russe à l’arme nucléaire américaine, avec toutes les horreurs qu’un tel conflit pourrait entraîner.

Toutefois, la gênante vérité sur le rôle d’al-Qaïda se glisse occasionnellement dans les médias grand public, quoique seulement en passant. Par exemple, la correspondante du New York Times Anne Barnard a rapporté samedi dernier qu’un cessez-le-feu avait été proposé en Syrie, en écrivant : “Avec la condition que le Front al-Nosra, la branche d’al-Qaïda en Syrie, puisse être encore bombardé, la Russie met les États-Unis dans une position difficile ; les groupes d’insurgés qu’ils soutiennent coopèrent en certains endroits avec la bien armée et bien financée Nosra dans ce qu’ils appellent une alliance tactique par nécessité contre les forces du gouvernement.”

Le dilemme d’Obama

Donc, le dilemme auquel Obama fait face est de savoir si les États-Unis devraient se joindre à la Turquie et à l’Arabie saoudite dans une flagrante invasion de la Syrie pour sauver la cause d’al-Qaïda. Bien sûr, ce n’est pas comme cela que ce serait vendu au peuple américain. Le projet serait formulé avec de jolis mots sur “l’humanitarisme” et le besoin de maintenir la “crédibilité” américaine.

Mais Obama semble suffisamment se rendre compte de la réalité actuelle pour résister jusqu’ici aux appels frénétiques des néoconservateurs et des faucons de Washington. Je me suis dit également qu’Obama avait découragé la Turquie et l’Arabie saoudite de prendre les choses en main eux-mêmes.

Après tout, une invasion à grande échelle par la Turquie et l’Arabie saoudite en soutien d’al-Qaïda et d’autres rebelles sunnites opposerait la force d’envahisseurs non seulement à l’armée syrienne mais à ses alliés l’Iran et le Hezbollah (chiite) – et plus dangereusement à la Russie, qui manque d’effectifs à l’intérieur de la Syrie pour être au niveau de l’armée turque, mais pourrait déployer des armes nucléaires tactiques, si nécessaire, pour sauver la vie de soldats russes.

Voici donc les différences significatives entre Obama et l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton. Elle a publiquement appelé l’armée des États-Unis à établir une « zone de sécurité » à l’intérieur de la Syrie, ainsi qu’une zone d’exclusion aérienne. Même si tout cela a l’air joli et paisible, cela exigerait en fait la même invasion que la Turquie recherche et exigerait que la force aérienne des États-Unis élimine la plupart des forces aériennes et des défenses antiaériennes syriennes. Ce serait un acte de guerre majeur.

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La secrétaire d’État Hillary Clinton et le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov. (Crédit photo : Département d’État)

Mardi, lors d’une conférence de presse Obama a été a interrogé sur le conflit syrien mais c’était dans le cadre typique grand public insinuant que Obama est trop faible pour traiter avec Poutine. Durant cinq ans, les médias grand public des États-Unis n’ont pas pu aller plus loin qu’inciter Obama à accroître l’intervention des États-Unis en Syrie et ainsi apporter un autre « changement de régime ».

Malgré la preuve du contraire, une illusion chère à Washington demeure que quelques opposants « modérés » pourraient remplacer Assad et apporter une heureuse démocratie à la Syrie. De similaires illusions ont précédé les catastrophes des « changements de régime » en Irak et en Libye – et l’on pourrait même revenir sur l’objectif de l’administration Reagan de « changer de régime » en Afghanistan qui a conduit à l’émergence des Talibans, d’al-Qaïda et, en premier lieu, du djihadisme moderne.

Mais aujourd’hui les enjeux incluent un risque potentiel de confrontation nucléaire avec la Russie – les États-Unis étant exhortés à se charger du risque existentiel pour toute l’humanité au nom de la préservation des espoirs d’al-Qaïda de hisser son drapeau noir sur Damas. Il est difficile d’imaginer une exigence plus folle de la part des acteurs principaux de la politique étrangère dans les hautes sphères de Washington.

[Pour aller plus loin sur le sujet, voir sur Consortiumnews.com "Tangled Threads of US False Narratives," "Hidden Origins of Syria’s Civil War," et "Obama’s Most Momentous Decision."]

Source : Consortiumnews.com, le 18/02/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

François Hollande a remis la légion d’honneur au prince héritier saoudien, a annoncé Ryad

François Hollande a remis la légion d'honneur au prince héritier saoudien, a annoncé Ryad

Source : RT, 05-03-2026

Mohammed bin Nayef bin Abdelaziz Al Saoud

Mohammed bin Nayef bin Abdelaziz Al Saoud

Dans un communiqué publié le 4 mars par l’agence saoudienne SPA, les autorités saoudiennes ont annoncé que le chef de l’Etat avait remis la légion d’honneur au prince héritier Mohammed bin Nayef bin Abdelaziz Al Saoud, lors de sa visite à Paris.

«François Hollande a souhaité la bienvenue au prince héritier et s’est félicité des fortes relations entre le royaume d’Arabie saoudite et la France», explique le communiqué publié par l’agence de presse saoudienne SPA.

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«Au terme de leur entretien, le président français a remis à son altesse la médaille de l'ordre national de la Légion d'honneur qui est la plus haute distinction française pour tous ses efforts dans la région et dans le monde dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme», ajoute le communiqué.

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Cet événement n’a absolument pas été relayé par la presse hexagonale. L’Arabie saoudite, connue pour son nombre record d’exécutions par décapitation chaque année, crée régulièrement la polémique pour le peu d’attention qu’elle paie au respect des droits de l’Homme dans le royaume.

Néanmoins, la France continue d’entretenir des relations étroites et cordiales avec l’Arabie saoudite. Le 4 mars, en marge de la visite du prince héritier à Paris, la sénatrice de l'Orne, Nathalie Goulet, a confié à RT France : «Nous entretenons d'excellentes relations avec l'Arabie saoudite» qui «est un allié et un partenaire de la France».

Mais pour le chercheur Frédéric Pichon, cette rencontre entre le prince saoudien et François Hollande a été ignorée par les médias français parce que le chef de l’Etat ne veut pas faire plonger sa cote de popularité déjà très basse à cause du rôle joué par la monarchie saoudienne dans le conflit qui déchire le Yémen depuis bientôt six mois.

Indignation sur la toile

Malgré ces précautions, la remise de la légion d’honneur au prince Mohammed par le chef de l’Etat français a immédiatement été vivement critiquée sur internet.

Le spécialiste du monde musulman Romain Caillet rappelle par exemple qu’en Syrie et au Yémen, l’Arabie saoudite soutient des groupes armés qui collaborent avec Al-Qaïda :

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D’autres, comparent l’Arabie saoudite à l’Etat islamique, s’indignant que la dynastie des Al Saoud reçoive un traitement de faveur et de prestige, alors que les exécutions par décapitation battent chaque année des records dans le royaume.

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Source : RT, 05-03-2026

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Réactions du jour :

 


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Tract - Loi El Khomri : libérons nous de l'occupation financière

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Trop, c'est trop. Nous nous sommes mobilisés contre le contrat première embauche (CPE). Nous avons dit non à l'Europe de 2005 et Nicolas Sarkozy nous a imposé la même chose en 2007. Nous avons élu François Hollande en 2012 et il a trahi son discours du Bourget en 2013. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus accepter d'être offensés et humiliés. Ça suffit !
C'est toute la loi El Khomri qu'il faut d'abord enterrer. Elle ne fait que détruire, nous devons construire un monde libéré de la City, de Wall Street et de (...)

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