vendredi 4 mars 2016

Cerén: Les découvertes archéologiques racontent une histoire différente sur les Mayas

Cerén: Les découvertes archéologiques racontent une histoire différente sur les Mayas

Pendant des décennies les scientifiques pensaient que l'élite maya, afin de maintenir un empire puissant et prospère sur les territoires qui sont aujourd'hui situés au Salvador, Honduras, Guatemala, Belize et sud ouest du Mexique, exerçait un contrôle strict sur la population, les coutumes et l'économie.

Mais de nouveaux indices trouvés à Cerén, un site archéologique situé à environ 35km à l'ouest de San Salvador, racontent une histoire très différente sur cette civilisation qui a émergé vers 1000 avant JC avant de se développer puis de s'effondrer au 16ème siècle.

Les restes archéologiques de Cerén, surnommé "La Pompéi des Amériques", ont été découverts en 1976 par Payson Sheets, un anthropologue de l'Université du Colorado à Boulder.

Les ruines reposaient sous une couche de 5 mètres de cendres provenant de l'éruption du volcan Loma Caldera il y a environ 1400 ans.

Presque 40 ans après la découverte, une équipe d'archéologues et anthropologues américains et salvadoriens, menés par Sheets, ont fouillé la citadelle et trouvé des centaines d'objets de la vie quotidienne très bien préservés grâce à la couche protectrice de cendre.

Sheets et son équipe ont fouillé au total 12 bâtiments, dont cette maison. Credit: Colorado University.

Les scientifiques pensent que l'éruption du volcan était si forte que les gens ont dû abandonner la ville, en laissant tous leurs biens derrière eux. "Cela fait de Cerén l'un des sites archéologiques les plus riches de la région" estime Sheets.

Les données recueillies sur le site racontent l'histoire d'une communauté qui semblait avoir beaucoup de liberté pour prendre des décisions cruciales concernant l'organisation familiale, la religion et les cultures vivrières.

Parmi les découvertes les plus significatives, il y a une petite route (ou sacbé), la seule rue Maya connue au Salvador à ce jour. Elle reliait un champ de yucca avec la zone urbaine comprenant des maisons et des édifices publics.

Situés entre les champs et la cité, les chercheurs ont aussi trouvés d'autres cultures divisées en parcelles. "Ces petites plantations ne suivent pas un processus standardisé: certaines cultures étaient mieux entretenues que d'autres, ou bien avaient une orientation différente. Cela signifie qu'il y avait différents propriétaires, et cela n'était possible que si les habitants de Cerén étaient socialement indépendants" explique Roberto Gallardo, archéologue d'El Salvador's Dr. David J. Guzmán National Anthropology Museum, et collaborateur dans cette étude.

Cette photo montre la route proche de Cerén, une voie faite de pierres levées appelé sacbé. Les petits monticules en arrière plan sont des plantations de maïs. Credit: Colorado University.

Cependant, comme il n'y avait qu'une seule route, il devait y avoir une autorité locale, quelqu'un avait dû décider où la placer, selon Rocío Herrera, chercheur du Département d'Archéologie au Ministère de la Culture du Salvador et co-auteur de l'étude: "Nous pensons que les personnes âgées avaient un rôle important sur la façon dont certaines décisions devaient être prises, comme la construction de la route. Mais, à côté de cela, tout semble indiquer qu'ils n'étaient pas dominés par une élite autoritaire".

Sheets et son équipe ont aussi fouillé les bâtiments publics dans un secteur couvrant 4000 mètres carrés. Parmi les constructions, il y avait des ateliers, des cuisines communautaires et un sauna. L'architecture de ces bâtiments, construits avec des techniques et des matériaux différents, ainsi que le manque de planification urbaine attentive (pourtant un signe caractéristique distinctif de la culture Maya), montrent aussi la liberté dont jouissaient les habitants de Cerén pour prendre des décisions sociales sans la stricte approbation d'une caste supérieure.

Mais les chercheurs sont particulièrement attirés par l'interaction économique que les citoyens de Cerén avaient avec l'élite maya.

De nombreuses céramiques découvertes dans les maisons et constructions étaient trop élaborées pour être produites avec les moyens dont disposaient cette communauté.

Dans les bâtiments de Cerén, les chercheurs ont trouvé des céramiques élaborées, signe que les habitants pouvaient commercer avec les élites mayas.   Credit: Colorado University

Les archéologues ont aussi trouvé des haches en jade, très appréciées pour les travaux agricoles. "Les céramiques et jades raffinées étaient des objets qui provenaient des communautés de l'élite. Comment ces produits sont arrivés à Cerén ? Ils avaient accès à ces objets délicats, mais pourtant ne faisaient pas parti d'une grande cité" ajoute Herrera,"Le fait que le habitant de Cerén, des gens ordinaires, aient eu accès à ces objets, nous fait dire que l'élite connaissait leur existence et menaient cependant des échanges avec eux, ce qui leur donnait un certain degré d'indépendance."

Les archéologues pensent que l'élite envoyait leurs marchandise par un intermédiaire afin de commercer avec ces gens. "Si les citoyens de Cerén pensaient que ces objets étaient trop chers, [les marchands] n'étaient pas obligés de rester, et ils pouvaient amener leurs marchandises au marché suivant pour espérer faire de meilleures affaires" explique Gallardo.


Les informations trouvées à Cerén contredisent donc l'hypothèse selon laquelle les élites mayas contrôlaient chaque aspect de la société, comprenant l'économie, les politiques, la religion, les arts et les sciences, au cours de la Période Classique (considérée comme l'une des plus productives de l'ère pré-hispanique, entre 250 et 900 après JC).

Les chercheurs estiment qu'il reste beaucoup à découvrir à Cerén.
"Il est possible qu'il y ait d'autres communautés enterrées sous les cendres sur les flancs du volcan. Nous attendons les fonds pour une nouvelle phase du projet où nous prévoyons de suivre la route vers ses extrémités, au nord et au sud, afin de voir ce que nous trouverons. Nous savons qu'il y a une cité appelée San Andres, plein sud, où se trouve le centre religieux maya le plus proche de Cerén." ajoute Sheets.


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Ex-salarié de Goodyear, je risque la prison : ma vie est suspendue, l’avenir me terrifie

Ex-salarié de Goodyear, je risque la prison : ma vie est suspendue, l'avenir me terrifie

Source : Le Nouvel Obs, 03-03-2016

LE PLUS. Neuf mois de prison ferme : c'est la condamnation dont a écopé Nicolas L., ancien salarié de l'usine Goodyear d'Amiens, le 12 janvier dernier. Lui et sept de ses camarades étaient poursuivis pour la “séquestration” de deux cadres de l'entreprise en janvier 2014, en plein conflit social*. Une sanction inédite qui empêche pour l'instant Nicolas, âgé de 33 ans, de se reconstruire. Témoignage.

Par  Ex-salarié Goodyear

Nicolas L. dans les rues d'Amiens, le 24 février 2016 (S. BILLARD).

Nicolas L. dans les rues d’Amiens, le 24 février 2016 (S. BILLARD).

Goodyear… Huit lettres jaunes dessinées sur un panneau bleu rectangulaire. Cette longue pancarte, disposée sur un bâtiment de briques rouges, a longtemps marqué l'entrée dans l'usine où j'ai passé douze années de ma vie.

Ce panneau, aujourd'hui, n'existe plus. L'usine non plus. Enfin presque plus. Peu de temps après sa fermeture, en janvier 2014, son démantèlement a commencé. Il se poursuit depuis. Cette fermeture a fait basculer ma vie, et celle d'un millier de salariés. Car cette usine, elle était presque tout pour moi. J'étais fier d'y travailler, elle était la garantie d'un avenir pour moi, ma femme et mes trois filles.

Des années de lutte sociale, et puis plus rien. Deux ans après mon licenciement, je ne m'en suis toujours pas relevé. Ma vie reste suspendue, comme mise entre parenthèse. La page a bien du mal à être tournée

Je suis entré à Goodyear à 19 ans

Goodyear et moi, au départ, c'est une belle histoire. Nous sommes en 2002, j'ai 19 ans, et je franchis pour la première fois la grille de l'usine, dans la peau d'un intérimaire.

Bosser en usine, c'est alors tout nouveau pour moi. À 15 ans, j'ai mis un premier pied dans le monde du travail. J’ai d’abord été couvreur avant de tout arrêter pour travailler, un peu plus tard, comme chauffeur-livreur… Des métiers qui se sont imposés à moi un peu par hasard, mais qui ne m'ont jamais permis de gagner suffisamment bien ma vie pour m’en sortir.

Cette année-là, je franchis donc le seuil de la porte d'une agence d'intérim qui fait face à l'usine Goodyear d'Amiens, dans l'espoir de trouver un boulot qui me permette enfin de m'en sortir vraiment. Ça tombe bien, l'usine Goodyear marche bien, l’entreprise a besoin de bras, on me propose tout de suite une première mission là-bas.

Je découvre un univers tout nouveau : un site gigantesque, des conditions de travail dures, très dures. Mais ça me plaît. Je me donne à fond et, six mois après, je suis engagé.

Il ne fallait pas avoir peur de suer, de souffrir

Entrer à Goodyear, quand on habitait Amiens, c'était quelque chose à l'époque. Goodyear, c'était l'avenir, l'assurance d'un salaire correct. Entrer à Goodyear, c'était une formidable opportunité de pouvoir construire une vie, de fonder une famille sereinement. J'étais si fier que je me rappelle avoir pas mal fêté ça avec les copains…

Car avant d'entrer dans cette entreprise, c'était loin d'être simple. Je gagnais rarement plus de 4.000 francs par mois (environ 600 euros). Trop peu pour fonder une famille, trop peu pour croire en l’avenir. En entrant à Goodyear, je suis passé à 11.000 francs (environ 1.700 euros). C'était énorme pour le jeune homme que j'étais. Et ça a tout changé.

D'un seul coup, je me suis vu un avenir. J’avais le sentiment d’être lancé. Quatre ans après mon embauche, ma première fille est née. Deux autres ont vite suivi. C'est certain, sans ce job, je n'aurais pas pu avoir des enfants aussi vite…

On n'était pas malheureux chez Goodyear : un 13e mois, une bonne mutuelle, des primes de vacances… J’ai longtemps pu emmener mes enfants en vacances chaque été grâce à tout ça. Mais c'était du donnant-donnant. Il ne fallait pas avoir peur de suer, de souffrir, quitte à flinguer son dos, ses bras et sa santé.

Des lumbagos, des brûlures et deux hospitalisations

J'ai commencé ma carrière “aux tracteurs”. Ma mission ? Mettre les bandes de roulement dans des chariots. Les bandes de roulement, c'est la couche de gomme du pneu qui est en contact avec le sol. Pour un tracteur, ça représente quand même un poids de 20 à 25 kilos par “pièce”. Et en huit heures de travail, c'était 3.000 à 4.000 bandes qu'il fallait porter.

Pendant ces douze années, je suis passé par à peu près tous les postes, toutes les horaires – j'ai fait les 3×8, j'ai bossé le weekend… Et j'ai pas mal souffert physiquement aussi, comme un peu tout le monde.

L'usine Goodyear d'Amiens, le 26 janvier 2013 (F. LO PRESTI/AFP).

L’usine Goodyear d’Amiens, le 26 janvier 2013 (F. LO PRESTI/AFP).

En douze ans, j'ai dû cumuler pas loin de deux ans d'arrêts de travail après des accidents à l’usine : quatre ou cinq lumbagos, des brûlures, et surtout deux hospitalisations. L'une d'entre elle m'a valu une anesthésie générale. À force de porter et de manipuler des pneus, des filaments s'étaient infiltrés sous la peau de mes avant-bras. Ca s'était infecté et ce n’était pas beau à voir…

Il fallait faire aussi avec des chefs qui n'hésitaient pas à mettre la pression : postés “en bout de ligne”, certains chronométraient notre travail, contrôlaient la cadence, se focalisaient sur le nombre de “pièces” qu'on sortait…

Pendant ces douze années, le corps a pris cher. Mais pour rien au monde je n'aurais cherché du travail ailleurs. J'étais attaché à cette boîte, à ces murs, aux collègues. J'étais heureux, j'éprouvais de la fierté à faire partie de cette entreprise. Je n'avais pas encore 30 ans, je n’étais qu’au début de ma carrière, mais je me voyais déjà y rester pour la vie.

Un combat social long et éprouvant

 Lire la suite sur : Le Nouvel Obs, 03-03-2016

 

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* Le 12 janvier 2016, Nicolas L. et sept autres salariés ont été condamnés à neuf mois de prison ferme pour la “séquestration” de deux cadres de l'entreprise. Nicolas est également poursuivi pour “violences”, “pour avoir notamment tiré l’oreille” d’un des directeurs. Les huit ex-salariés ont fait appel de cette décision.

La partition de la Syrie selon Moscou : gage aux Kurdes ou pression contre les Turcs ?

La partition de la Syrie selon Moscou : gage aux Kurdes ou pression contre les Turcs ?

Source : L’Orient le jour, Lina Kennouche, 02-03-2016

Des combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) agitent le drapeau de leur mouvement lors d'un défilé à Qamichli en février 2015. AFP

Des combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) agitent le drapeau de leur mouvement lors d'un défilé à Qamichli en février 2015. AFP

DÉCRYPTAGE

Si l’évocation explicite par la Russie d’une possible fédéralisation sur base ethnico-confessionnelle est pour le moins inédite, elle n’est cependant pas surprenante dans la nouvelle configuration politique et militaire.

La Russie a fait savoir lundi qu’elle ne s’opposerait pas à l’option du fédéralisme comme issue politique à la crise syrienne. Le scénario à l’irakienne d’une division du pays en ethnies et communautés fédérées proposé à l’origine par Washington a été évoqué par le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, quelques jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu traduisant un nouveau succès de la diplomatie russe dans la foulée du début de l’offensive victorieuse sur Alep. Mais cette déclaration intervient également deux semaines après les errements discursifs de Bachar el-Assad qui, dans un entretien accordé à l’AFP le 12 février dernier, affichait son ambition de reprendre le contrôle de la totalité de la Syrie, déclaration qui semble avoir fortement contrarié Moscou.

Pour Fabrice Balanche, spécialiste de la géographie politique de la Syrie et chercheur invité au Washington Institute, les propos de Sergueï Riabkov sont l’expression de la volonté russe d’appuyer le projet autonomiste kurde en donnant des gages en faveur d’une évolution du système politique qui permettrait à la Rojava (l’administration autonome kurde en Syrie) d’exister sur le modèle du Kurdistan irakien. Le chercheur rappelle que cette proposition ne concerne qu’accessoirement les autres composantes de la population syrienne. Si un système fédéral permet aux Kurdes de se tailler un territoire sur mesure, cette solution présente cependant un intérêt limité pour les minorités alaouites et chrétiennes associées au pouvoir de Bachar el-Assad, dont le sort ne semble plus véritablement en jeu aujourd’hui, du moins pour l’instant. « Cette solution pourrait en revanche intéresser les tribus arabes de la région de l’Euphrate dans la mesure où le président russe Vladimir Poutine prépare aujourd’hui l’après-Daech (acronyme arabe de l’État islamique – EI), et dans cette perspective, il envisagerait un ralliement de ces tribus aux forces kurdes », explique le chercheur.

Mais l’hypothèse d’une fédéralisation contrarie profondément les aspirations du président syrien. « Bachar el-Assad n’est évidemment pas d’accord avec cette proposition qui s’inscrit pourtant dans le deal conclu entre le régime et Moscou, pour qui la seule garantie de succès reste l’alliance avec les Kurdes », explique Fabrice Balanche. Selon lui, les Russes n’offriront pas de victoire décisive à Bachar el-Assad avant d’obtenir des garanties réelles qui inscriraient le projet autonome kurde à l’agenda politique du régime. « L’intérêt stratégique de la Russie est aujourd’hui de protéger l’est d’Alep avec l’aide des Kurdes, mais les Russes savent pertinemment qu’Assad pourrait se montrer déloyal ; et à mesure que le régime reprendrait des forces, il serait enclin à refuser les concessions, notamment en se rapprochant de l’Iran, imaginant qu’il est un peu tard pour les Russes d’envisager un retrait de Syrie avant la réalisation complète de leurs objectifs. Force est de constater que Bachar el-Assad reste très silencieux sur la question kurde », explique Fabrice Balanche.

Pas de triomphalisme à Moscou
Pour autant, à l’heure actuelle, l’hypothèse d’une fédéralisation de la Syrie comme compromis réaliste de sortie de crise semble peu probable. Si Américains et Russes peuvent converger sur ce scénario, il reste totalement exclu pour les groupes d’opposition et leurs parrains turc et saoudien. Cette option risquerait en outre de renforcer les contradictions entre la Russie et l’Iran, prêt à envisager des concessions, mais non au prix d’une résurgence d’un conflit au Kurdistan irakien. Il est plus plausible en revanche que cette déclaration ait pour but d’accentuer la pression sur l’adversaire turc pour le contraindre à une politique plus coopérative dans le cadre des pourparlers de Genève III, dont le prochain round est prévu le 9 mars. […]4

Suite à lire sur : L’Orient le jour, Lina Kennouche, 02-03-2016

Les taux d’emprunt des Etats s’enfoncent plus loin en territoire négatif

Les taux d'emprunt des Etats s'enfoncent plus loin en territoire négatif

Un mot d’économie – je parle peu des soubresauts de la Bourse – c’est sans grand intérêt.

Que les taux baissent, cela s’explique – ou pas.

Mais il y a un point FONDAMENTAL, dont on parle très peu je trouve, c’est le passage en taux NÉGATIF.

Les médias soulignent très peu cette évidence : mais un taux négatif cela signifie, certes, qu’on est prêt à perdre de l’argent en investissant, mais cela veut surtout dire que, bien évidemment, on préfère perdre de l’argent pour na pas laisser son argent sur un compte en BANQUE.

Et donc que les financiers craignent une faillite de la banque, ce qui est un drame dans un système monétaire, vu que mettre son argent à la banque est censé être sans risque…

Mais les financiers, contrairement aux journalistes, comprennent souvent bien ce qui se passe dans ce secteur, d’où leur légitime crainte, comme on l’a longuement expliqué sur ce blog en 2012-2013…  :)

Source : Les Echos, Isabelle Couet, 29-02-2016

L'encours de dette souveraine ayant des taux négatifs atteint des proportions vertigineuses. Il dépasse 5000 milliards de dollars selon JPMorgan - Shutterstock

L'encours de dette souveraine ayant des taux négatifs atteint des proportions vertigineuses. Il dépasse 5000 milliards de dollars selon JPMorgan – Shutterstock

L'Allemagne emprunte à taux négatif jusqu'à 9 ans, la France jusqu'à 7. Le retour de la déflation en février fait encore reculer les rendements obligataires. La BCE est attendue au tournant le 10 mars.

Les analystes sont perplexes. Les rendements obligataires s'enfoncent sous le seuil de 0 % à une vitesse effroyable. Ce lundi, les taux des obligations européennes poursuivent cette décrue que rien ne semble pouvoir arrêter. Les taux de l'Allemagne sont négatifs jusqu'à 9 ans (-0,013 %), ceux de la France jusqu'à 7 ans (-0,023 %), ceux de la Suisse jusqu'à 20 ans (-0,018 %). Et, en dehors de l'Europe, les taux japonais sont aussi passés sous la barre de zéro sur la maturité à 10 ans.

70 % des emprunts allemands ont des taux négatifs

Selon une note de la Société Générale, désormais 70 % de l'encours de dette allemande évolue sous le seuil de 0 %. Les analystes de la banque se préparent à voir le rendement à 10 ans allemand passer en territoire négatif au deuxième trimestre. « La détente continue, sans aucune accalmie, dans un contexte de détérioration des perspectives économiques globales, de tension sur le secteur financier, les matières premières et les marchés émergents ».

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Le chiffre d'inflation dans la zone euro, publié ce lundi, n'arrange rien. L'inflation est retombée en territoire négatif (-0,2 % en rythme annuel) en février. « La déflation est de retour. Surtout la vraie mauvaise surprise est que l'inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) est en baisse, à 0,7 %, son niveau le plus faible depuis avril 2015 », souligne l'équipe d'ING.

Une situation qui alimente les spéculations sur le prochain geste de la Banque centrale européenne (BCE), qui se réunit la semaine prochaine. « Le chiffre d'aujourd'hui va donner des armes aux 'colombes' (les banquiers centraux qui veulent une politique monétaire encore plus accommodante, NDLR) et promet de façon quasi-certaine qu'il y aura de nouvelles mesures de soutien », estime ING.

La BCE attendue au tournant le 10 mars

Beaucoup d'analystes et d'économistes tablent sur une baisse du taux de dépôt de la BCE, qui évolue déjà en territoire négatif. « Nous anticipons une baisse de 20 points de base en mars ainsi qu'une extension des prêts de très longue maturité (TLTRO) de la BCE pendant un an », indiquait déjà la Société Générale la semaine passée. Chez Pictet, Frederik Ducrozet table sur une baisse de 10 points de base du taux de dépôt, associée à  un système de taux à double détente (avec un seuil qui délimite le type de banques exposées au taux de dépôt), une augmentation de 20 milliards d'euros par mois du programme d'achats d'actifs financiers (avec des changements dans les modalités) et un nouveau prêt de longue maturité pour les banques.

 Cinq banques centrales dans le monde ont déjà adopté le taux directeur négatif. « Au cours des dernières années, beaucoup de banques centrales ont abaissé leur taux pour tenter d'atteindre leur objectif d'inflation. Mais, de façon discutable, certaines sont allées plus loin – abaissant leur taux sous 0 % en pensant que si une baisse de 1 % à 0 % n'avait pas marché, une baisse de 0 % à -1 % pourrait fonctionner », ironiste Steven Major chez HSBC. De fait, plus les instituts d'émission s'enfoncent en territoire inconnu, plus les doutes grandissent sur leur maîtrise de la situation et en particulier sur leur capacité à relancer l'inflation.  La BCE a lancé son programme d'achats d'actifs il y a un an  : l'idée était de faire baisser les rendements des emprunts d'Etat (en en achetant massivement), pour injecter de la liquidité dans le marché et pousser les investisseurs vers d'autres types d'actifs financiers, tout en incitant les banques à faire crédit et en faisant reculer l'euro. Tout un dispositif censé stimuler l'inflation. Or, le résultat n'est pas probant.

Plus inquiétant encore, même la Réserve fédérale américaine, pourtant engagé dans un processus de remontée de ses taux directeurs depuis décembre, a mentionné l'arme des taux négatif, si jamais les conditions économiques se détérioraient sérieusement.

I.Co

Source : Les Echos, Isabelle Couet, 29-02-2016