mercredi 2 mars 2016

Révolution : l'OCDE préfère désormais l'investissement dans les infrastructures à l'austérité !

Révolution : l'OCDE préfère désormais l'investissement dans les infrastructures à l'austérité !

Un âne ne trébuche pas deux fois sur la même pierre. Au moins, on l'espère. Après avoir imposée, durant des longues années et sans le moindre résultat positif, des coupes budgétaires et une austérité mortifère, certains responsables au sein du FMI, de l'OCDE et de l'UE, songent, à revoir leur copie !
A titre d'exemple, la dernière note publiée le 18 février par l'OCDE intitulée Perspectives économiques intermédiaires. Ce document propose, révolution dans ce grand temple de la pensée ultra-libérale, d'accroître (...)

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Y a-t-il deux politiques étrangères américaines ?

Y a-t-il deux politiques étrangères américaines ?

Lors de la conférence de presse du secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue chinois Wang Yi du 23 février à Washington, un journaliste de la chaîne de télévision chinoise CCTV a posé sans détour la question qui préoccupe le monde entier.
Le journaliste s'est étonné, que les relations américano-chinoises semblent se développer sur deux voies différentes...
D'un côté, le secrétaire à la Défense Ash Carter décrit la Chine comme "le concurrent le plus préoccupant", et cherche à renforcer les (...)

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L’ambassadeur de l’Inde confirme : la guerre en Syrie a été fomentée de l’extérieur

L'ambassadeur de l'Inde confirme : la guerre en Syrie a été fomentée de l'extérieur

Source : Le Grand Soir, Alia Allana, 18-02-2016

arton29944-50f67L'ancien am­bassadeur indien à Damas le fait comprendre dans un rapport significatif : la représentation occidentale selon laquelle le président syrien Assad devait être renversé par une insurrection populaire, n'est pas viable. La guerre a été importée du dehors, entre autres par les pays du Golfe et Al-Qaïda. Les Etats-Unis y ont collaboré en soutenant le Front Al-Nusra. Assad a sous-estimé le danger – parce qu'il pensait que son peuple le suivrait. De 2009 à 2012, V. P. Haran a été ambassadeur de l'Inde en Syrie. Il s'en est entretenu avec le magazine indien  Fountain Ink, plusieurs fois primé, expliquant comment certains des médias ont amplifié la révolte, et sur l'évidence de la présence d'Al-Qaïda sur le terrain dès les premiers jours du conflit. L'évaluation de l'ambassadeur confirme l'analyse du journaliste américain Seymour Hersh selon laquelle Assad n'avait à craindre aucune opposition militante dans son propre peuple.

A quoi ressemblait la Syrie lors de votre arrivée en janvier 2009 ?

V. P. Haran : La Syrie était un pays pacifique sans tensions internes. L'économie syrienne se portait bien, avec un taux de croissance moyen de 5%. Le taux de chômage était d'environ 8% mais les Syriens sans emploi pouvaient en trouver un dans les pays du Golfe. Il existait cependant un pourcentage élevé de chômage chez les diplômés. Le niveau de la dette extérieure de la Syrie se maintenait à un taux confortable de 12,5% du PIB. Le créancier principal était la Russie, qui avait annulé la plus grande partie de cette dette. La sécheresse dans le nord-est représentait le problème majeur entrainant une délocalisation massive des populations vers le sud et le sud-est.

Et comment vivait-on à Damas ?

Les diplomates ont tendance à mener une vie retirée mais je me rendais dans le centre-ville, parfois en taxi, pour prendre un thé dans un café et discuter avec les gens. C'étaient de merveilleux moments et des jours heureux. Le maintien de l'ordre ne posait jamais de problème. Mes collègues féminines m'expliquaient qu'elles pouvaient porter des bijoux et rentrer chez elles à pied à deux heures du matin en toute sécurité. Dans certains quartiers, les restaurants restaient ouverts jusqu'à cinq heures du matin. On avait l'impression qu'il n'y avait jamais de problèmes de sécurité dans les rues. Cela était supposé être dû à la mukhabarat (la police secrète militaire) mais il me semblait que les gens se sentaient responsables de la sécurité collective.

Quand je suis arrivé à Damas, on m'a raconté qu'une personne sur deux appartenait à la mukhabarat. C'est une surestimation grossière. Il existe une police secrète fonctionnant très efficacement à l'intérieur du pays mais je n'y ai jamais eu affaire directement. Une seule fois en quatre ans de présence j'ai fait l'objet d'une filature, à Media, dans la province d'Idlib. Une jeep nous a suivis, mais sans intimidation.

Aviez-vous anticipé un « Printemps arabe » en Syrie ?

Lors de la situation tendue en Tunisie et en Egypte, le président Bashar al-Assad est passé à la télé pour préciser que les conditions politiques et économiques étaient différentes en Syrie. Il a exprimé sa conviction que la Syrie ne suivrait pas le même chemin. C'était également l'évaluation générale de la communauté diplomatique.
Bashar al-Assad était un dirigeant populaire et c'est en partie la raison pour laquelle il est encore au pouvoir. Il n'existe pas d'opposition interne adéquate et un grand nombre de problèmes en Syrie ont été créés par des intervenants étrangers tentant de se débarrasser d'un régime dérangeant. Dans un sondage réalisé dans le monde arabe en 2009, 67% des votants l'ont élu en tant que personnalité arabe la plus populaire. La communauté diplomatique elle-même, tout comme les diplomates occidentaux, s'accordaient sur le soutien qu'il recevait de la part de 80% des Syriens. Il avait initié des réformes en 2000 mais n'avait pu les mener à bien à cause de l'opposition du parti Baas.

Ce n'était pas non plus un antagonisme sunnites–chiites. Jetez un coup d'œil aux chiffres : il y a plus de 50% de musulmans sunnites en Syrie, et les Kurdes, les Druzes, les Maronites, les Assyriens, les Alaouites et quelques autres composent le reste. Bashar al-Assad reçoit un soutien total de la part des minorités et même une forte proportion des musulmans sunnites se déclare en sa faveur. Mais à l'époque de mon départ en 2012, la Syrie avait beaucoup changé. Si les premières années de mon mandat avaient ressemblé au paradis, les choses ont commencé à se détériorer dès le début de l'année 2011.

Vous souvenez-vous des premières manifestations de 2011 ?

En février, alors que le Bahreïn connaissait des mouvements de protestations, certaines ONG ont tenté d'organiser des manifestations à Damas. Il y en a eu deux, deux week-ends de suite, mais il n'y eut pas plus de 20 ou 30 participants. Les journalistes et les membres de la communauté diplomatique étaient nettement plus nombreux que les manifestants. Puis, en mars 2011, les enfants ont tagué les murs de l'école et il y a eu une grande manifestation. La semaine suivante, il y a eu une manifestation à Latakieh et ensuite, chaque vendredi, quelque chose se produisait.
Rapidement, certains quartiers de Latakieh, d'Homs et de Hama sont devenus chaotiques mais Alep resta calme et ceci préoccupa énormément l'opposition, qui ne réussissait pas à soulever la population d'Alep contre le régime ; aussi ont-ils envoyés des bus chargés de gens vers Alep. Ces gens mettaient le feu dans les rues, puis s'en allaient. Les journalistes répandaient ensuite l'information selon laquelle Alep s'était soulevée.

A ce propos, il faut ajouter ceci : parmi les medias, certains ont exagéré en montrant la Syrie sous un jour négatif. Parfois, on a rapporté des choses qui ne s'étaient pas produites. Par exemple, j'étais en conversation avec un Sheikh important quand mes collègues ont commencé à m'appeler frénétiquement, m'informant que ce Sheikh jouerait un rôle dans les manifestations devant se dérouler cet après-midi-là. Mais rien de tout cela ne s'est produit ; en fait à ce moment-là, lui et moi déjeunions ensemble.
Il y a eu beaucoup d'exagération dans les medias.

Il y a eu un exemple marquant. A Idlib, des extrémistes sunnites se sont rendus à Alep et ont exhorté la population à rejoindre l'opposition. Les gens d'Alep les ont battus et forcés à partir. La foule est devenue ingérable et la police a dû intervenir pour en reprendre le contrôle. Les extrémistes sunnites ont dû se réfugier dans une maison sous la protection de la police qui leur a fourni des uniformes leur permettant de s'échapper sans être lynchés.

Damas a-t-il beaucoup changé pendant cette période ?

Je me souviens d'un incident le 14 avril 2011, alors que j'accomplissais ma promenade quotidienne jusqu'au stade situé à environ deux kilomètres. En chemin, j'ai dépassé la boulangerie devant laquelle je passais chaque jour et j'ai remarqué qu'il y avait une longue queue devant cette boutique habituellement si calme. Au retour, il y avait toujours la queue et j'ai demandé pourquoi. Les gens voulaient s'approvisionner en pain parce qu'ils avaient entendu dire qu'il allait se passer quelque chose. Le jour suivant, qui était pourtant un vendredi, rien ne s'est produit.

Lorsque la situation a empiré au cours de la seconde moitié de 2012, je remplaçai ma promenade au stade par une promenade autour du parc du quartier de Mezze. Un jour, une moto arrivant à toute vitesse, a tourné le coin de la rue en faisant hurler son moteur. Puis est arrivée une jeep de la sécurité qui a manqué le virage pris par la moto, ayant perdu sa piste. Ne pouvant la retrouver, ils sont entrés dans le parc pour voir si des gens avaient vu quelque chose. C'est alors qu'on nous a dit que ceux qui étaient sur la moto avaient planifié des attentats.

A Mezze, tout près du quartier où vivaient les diplomates, il y avait un champ de cactus où les rebelles s'étaient introduits en creusant un tunnel. Ils y avaient établi un camp d'où ils tiraient des fusées incendiaires en direction du cabinet du Premier ministre. Ensuite les forces de sécurité s'y sont introduis pour détruire ce camp. C'était une opération ciblée et lors d'une discussion avec une personne vivant dans un appartement disposant d'une vue sur l'endroit, celle-ci m'a dit qu'ils avaient pris pour cible un bâtiment et l'avaient détruit complètement. Une énorme cache d'armes et de munitions a été découvert dans ce bâtiment.

Mais certaines régions du pays sont restées calmes ?

Les commanditaires étrangers de l'opposition n'ont pas pu le digérer. Ils ont envoyé à la frontière jordano-syrienne un groupe ayant pris d'assaut deux postes de sécurité. Ils y ont tué tout le monde, certains d'entre eux de la manière la plus brutale, dans le style d'Al-Qaïda. Le gouvernement ne l'a pas immédiatement mentionné mais un membre de la communauté diplomatique a confirmé qu'il s'agissait d'Al-Qaïda en Irak. Il est évident qu'Al-Qaïda en Irak était présent en Syrie dès avril 2011.

Al-Qaïda était là dès la toute première semaine, et sinon la première semaine, dès fin 2011 quand les drapeaux d'Al-Qaïda firent leur apparition. Ce sont ces groupes soutenant l'opposition à travers la frontière. A Raqqa les combattants vinrent du nord et il est clair qu'il s'agissait d'Al-Qaïda.

Assad a dit dès le début qu'il s'agissait de terroristes. Pourquoi n'y a-t-il eu personne pour le croire ?

Les gens n'avaient pas l'esprit ouvert. Quel pouvait être l'intérêt pour Al-Qaïda en Irak de créer le chaos en Syrie ? Un grand nombre d'actions ont été dirigées de l'extérieur, notamment par les pays du Golfe. Al Jazzera aussi y a joué un rôle. En avril, ayant emmené un invité à l'amphithéâtre de Bosra puis à Sweida, j'ai dû emprunter l'autoroute vers la frontière jordanienne. Nous étions en route entre environ 9 heures 30 et 10 heures 30. Le même jour, un correspondant d'Al Jazzera a été prié de quitter la Syrie en empruntant la même route. A des intervalles de quelques secondes, il a signalé des check points. Prise de panique, mon ambassade m'appela parce qu'ils croyaient ce qu'ils voyaient à la télé. Je leur ai dit que je n'avais rencontré qu'un seul check point.

Pourquoi le gouvernement syrien ne présente-t-il pas de meilleures preuves de la présence de terroristes ?

Nous leur avons demandé pourquoi ils n'informaient pas mieux les médias et ils nous ont répondu que personne ne les croyait. Ils avaient de très mauvais services de relations publiques et de traitement des médias. Cela dit, il y eut aussi des excès de la part du gouvernement. La Syrie a des forces de police très inadéquates ce qui fait que lorsque les problèmes sont survenus, le gouvernement a été forcé de déployer des forces de sécurité pour traiter les problèmes habituellement dévolus à la police. Des excès ont été commis par certains des militaires et quelques-uns d'entre eux ont été mis aux arrêts ou en prison mais ceci n'a pas été publié.

Bashar al-Assad a trainé, non seulement à mettre en œuvre des réformes mais également à annoncer les changements entrepris. Par exemple, lorsqu'une réforme a été mise au point pour réduire la primauté du parti Baas, elle n'a été annoncée que trois mois plus tard. Son service de relations publiques n'a pas été bon, il n'a pas su gérer la crise. •

(Traduction Horizons et débats)

Illustration : Alep avant la guerre.

Source : Le Grand Soir, Alia Allana, 18-02-2016

Élections en Irlande : les trois leçons pour l’Europe, par Romaric Godin

Élections en Irlande : les trois leçons pour l'Europe, par Romaric Godin

Source : La Tribune, Romaric Godin, 29-02-016

Le comptage des voix en Irlande, ce week-end. Le gouvernement a été durement sanctionné. (Crédits : Reuters)

Le comptage des voix en Irlande, ce week-end. Le gouvernement a été durement sanctionné. (Crédits : Reuters)

La lourde défaite de la coalition sortante en Irlande est aussi une défaite pour la stratégie économique des autorités européennes à l’oeuvre depuis 2010. Quels enseignements tirer du scrutin irlandais ?

Les élections irlandaises du 26 février n’étaient pas qu’un test pour le gouvernement sortant du Taoiseach (premier ministre) Enda Kenny, c’était aussi une épreuve électorale pour les politiques imposées par les autorités européennes à partir de 2010 à ce pays comme au quasi-reste de la zone euro. Car la politique de la coalition sortante, qui regroupait le Fine Gael du premier ministre et les Travaillistes du Labour, n’est pas celle du programme de ces partis lors des précédentes élections, c’est celle qui a été imposée par la troïka (BCE, FMI, Commission européenne). Lorsque, en avril 2011, le nouvel exécutif a tenté, comme il s’y était engagé, de faire payer les créanciers des banques plutôt que les contribuables, la BCE, alors dirigée par Jean-Claude Trichet, l’a forcé à faire marche arrière, menaçant de « lancer une bombe sur Dublin », autrement dit, de sortir “manu militari” l’Irlande de la zone euro si elle désobéissait.

« Élève modèle »

A partir de 2013, l’Irlande a eu le statut « d’élève modèle » de cette politique : premier pays à sortir du « programme » de la troïka, premier à revenir sur les marchés, premier à retrouver une croissance entretemps devenue très rapide. En mars 2014, le Parti populaire européen (PPE) avait choisi Dublin pour lancer sa campagne pour les élections européennes, laquelle avait abouti à la nomination de Jean-Claude Juncker, le candidat soutenu par Angela Merkel, à la présidence de la Commission. La chancelière n’avait alors pas assez de louanges pour Enda Kenny. Un an plus tard, alors que l’Eurogroupe tentait de briser la volonté de changement du nouveau gouvernement grec, Wolfgang Schäuble, Jeroen Dijsselbloem et ce même Jean-Claude Juncker n’en finissaient pas de se référer, inlassablement, à l’exemple de l’Irlande, pour justifier le prétendu succès des « réformes ».

Échec cuisant pour Enda Kenny… et les dirigeants de la zone euro

C’est dire si le bilan d’Enda Kenny doit être identifié à celui des dirigeants de la zone euro. Et donc, si son échec est aussi le leur. Or, cet échec est cinglant. Sur les « premières préférences » (les Irlandais établissent des votes par ordre de préférence), le Fine Gael et le Labour obtiennent respectivement 25,52 % et 6,61 %. Ces 32,13 % des voix représentent un recul de 23,6 points. 43 % de l’électorat de la coalition en 2011 l’ont abandonné vendredi dernier. Certes, le Fine Gael demeure la première force d’Irlande, mais c’est une bien piètre consolation : il revient sous son score de 2007, à un niveau assez traditionnel. Bref, il retrouve son électorat habituel alors que la crise lui donnait l’opportunité de remplacer le Fianna Fáil comme parti dominant de la politique irlandaise. Surtout, Enda Kenny aura bien du mal à constituer une nouvelle coalition.

Cette défaite est donc aussi la défaite des autorités européennes. Aussi, ces dernières seraient-elles bien inspirées de retenir quelques leçons de ce scrutin irlandais de 2016.

 1ère leçon : la croissance ne suffit pas

Le premier enseignement de l’élection est que la croissance du PIB ne suffit pas à effacer les effets négatifs de l’austérité et des « réformes ». Cet enseignement était déjà apparu clairement après les élections espagnoles du 20 décembre. Les taux de croissance, dont se félicitent les autorités européennes, ne représentent en effet qu’une partie de la réalité. Mais c’est oublier que cette prospérité est forcément très inégale car elle est fondée sur un abaissement du coût du travail. Ainsi, les ménages les plus fragiles sont encore plus fragilisés par une précarisation accrue de l’emploi, des salaires faibles, des transferts sociaux réduits et des services publics dégradés.

> L’erreur d’Enda Kenny

Enda Kenny a donc commis une erreur fondamentale en niant cette situation et en centrant son discours sur la « poursuite de la reprise », alors que la majorité des Irlandais vivent encore un quotidien marqué par les mesures d’austérité. Dès lors, la crédibilité de son discours a fondu comme neige au soleil. En deux semaines, son parti a perdu cinq points dans les sondages. Les électeurs ont compris, non sans raison, son slogan sur la reprise comme un simple déni de réalité.

> Une croissance malgré l’austérité, pas grâce à l’austérité

L’autre élément, plus propre à l’Irlande, est que la croissance du pays n’est, en réalité, pas le fruit de l’austérité. Elle est le fruit de la stratégie d’attractivité du pays pour les grandes multinationales, stratégie centrée sur la faiblesse des impôts sur les sociétés. Or, là encore, les électeurs irlandais n’ont pas été dupes. Ils savent que la croissance « à la chinoise » du pays ne leur profite pas parce qu’elle est dopée artificiellement par les transactions de ces groupes mondiaux dont la présence n’améliore que très partiellement la vie quotidienne des Irlandais. Le discours d’Enda Kenny – soutenu implicitement par les Européens -, qui consistait à lier la croissance du pays à la politique d’austérité, est donc apparu à la fois déconnecté du terrain et mensonger. Les Irlandais savent que la croissance est revenue en dépit de la politique de la coalition, non grâce à elle. Ils n’ont donc pas été « ingrats » ou « irréfléchis », mais bien logiques et réfléchis en sanctionnant le gouvernement sortant.

> Un modèle « non inclusif »

La leçon à retenir pour l’Europe est qu’il convient de remettre en question cette logique de « réformes » visant à abaisser le coût du travail. Cette stratégie est économiquement discutable et conduit à des croissances « non inclusives », pour reprendre les mots des grands instituts économiques européens. S’extasier sur des chiffres est donc inutile et contre-productif : la zone euro, pour survivre, doit promouvoir un modèle de croissance « inclusif ».

2e leçon : la destruction des systèmes politiques

La deuxième leçon est politique. Comme en Grèce et en Espagne – et dans une moindre mesure au Portugal -, les « réformes » et l’austérité ont fait exploser le système politique traditionnel. La cause en est évidente. En Irlande, lorsque la deuxième phase de la crise a débuté, en novembre 2010, le gouvernement Fianna Fáil de Bertie Ahern a tenté de réduire l’ajustement en faisant participer les créanciers au sauvetage des banques, seule source du déficit public. Mais la BCE a menacé le gouvernement, lequel gouvernement a finalement reculé, acceptant le « programme » de la troïka. En avril 2011, le nouveau gouvernement d’Enda Kenny a fait la même tentative – c’était sa promesse – mais comme la BCE a réagi de même, le gouvernement a, de nouveau, fait machine arrière. L’électorat a tiré de ces événements une conclusion très simple: les trois partis traditionnels du pays mènent la même politique et sont incapables d’imposer leurs vues à la zone euro – ils sont donc inutiles. Certes, en Irlande, l’alternance a toujours été rare et peu signifiante, les deux partis étant de centre-droit. Jusqu’en 2011, cette alternance de forme permettait au système politique de fonctionner. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les Irlandais ont besoin d’une vraie alternance et le caractère factice du système politique traditionnel apparaît au grand jour. Ceci a conduit à un pays difficilement gouvernable.

> Fianna Fáil en hausse, mais pas assez pour sauver les partis traditionnels

Certes, Fianna Fáil obtient un beau score au regard de ses espérances de début de campagne : 24,35 % des voix, soit 6,8 points de plus qu’en 2011. Mais compte tenu du mécontentement général, cette hausse demeure bien réduite. L’ancien parti dominant de l’Irlande qui, jadis, était capable de rassembler dans toutes les classes de la société n’a pu récupérer que moins d’un tiers des déçus de la coalition. Pour se convaincre que ce score du Fianna Fáil est médiocre, il faut se souvenir qu’il s’agit du deuxième plus mauvais score depuis 1927… après celui de 2011. Bref, le Fianna Fáil n’apparaît pas vraiment comme une alternative. Les deux grands partis ensemble ne cumulent, du reste, que 49,9 % des voix, un record historique de faiblesse. Jamais Fine Gael et Fianna Fáil n’avaient mobilisé moins de la moitié de l’électorat. En 2007, par exemple, ils cumulaient 69 % des voix.

> Poussée de la gauche radicale

Les déçus de la politique d’austérité sont donc allés ailleurs. Mais les Irlandais sont désemparés. Ils n’ont pas su choisir une direction claire et se sont dispersés dans trois directions. Première direction, la gauche radicale qui, avec le Sinn Féin, les Verts et l’Alliance contre l’austérité, obtient le plus haut score de son histoire dans ce pays très conservateur qu’est l’Irlande :  20,52 % des voix contre 14 % en 2011. Le caractère très particulier du Sinn Féin, longtemps vitrine de l’IRA, mais aussi une campagne électorale médiocre, ont cependant joué contre lui et son score, 13,85 %, est au final, très décevant pour lui. L’Alliance contre l’Austérité (3,95 %) en a profité, mais elle reste un mouvement marginal, quand bien même elle aura 5 sièges.

> Le succès des indépendants et de l’abstention est celui du non-choix

La deuxième direction empruntée par les électeurs a été celle des indépendants, lesquels recueillent 17,83 % des voix, contre 12,1 % en 2011. Les Irlandais, faute de mieux, ont donc souvent fait le choix de personnalités qu’ils jugent honnêtes et compétentes, en dehors des grands partis. Mais ce choix reflète en vérité surtout un désarroi : celui de ne pouvoir choisir sa politique car il existe des indépendants de tous bords, d’extrême-gauche, ultraconservateurs, libéraux ou sociaux-démocrates. Faute de pouvoir choisir sa politique, on a donc choisi des hommes. Cela ressemble en fait à un non-choix. Comme l’est le “choix” de l’abstention -la troisième direction -, en hausse de 5 points ce 26 février.

> Le désarroi des opinions publiques fabrique l’instabilité politique

La deuxième leçon pour l’Europe est donc celle-ci : en abandonnant l’idée de pouvoir proposer de vraies alternatives pour complaire aux autorités européennes, les partis traditionnels ont perdu leur capacité de mobilisation. Il s’ensuit un désarroi de l’électorat, cherchant où il peut des alternatives et de l’espoir, avec comme conséquence une dispersion des voix qui rend les pays difficilement gouvernables. Les élections portugaises du 4 octobre et espagnoles du 20 décembre ont confirmé cette leçon. Les « réformes » promues par tous les grands partis sont des machines à détruire les systèmes politiques. Ce sont des machines à créer de l’instabilité politique et à porter des partis radicaux au pouvoir. Ce sont donc des sources potentielles de crises nouvelles, non de prospérité, comme on le croit souvent. Ces dissolution des systèmes politiques se voient aujourd’hui sur tout le continent.

3e leçon : la leçon à la social-démocratie européenne

La dernière leçon est pour la social-démocratie européenne. Le Labour irlandais a subi ce 26 février une débâcle historique. Avec 6,67 %, les Travaillistes réalisent le troisième plus mauvais score de son histoire, le pire depuis 1987. Il perd près de 13 points en cinq ans et n’aura que 6 élus, un seul de plus que l’Alliance contre l’Austérité. Certes, le Labour irlandais n’a jamais vraiment percé dans le pays, bloqué par un Fianna Fáil qui était perçu comme le parti de la classe ouvrière. Il a toujours été très « centriste » et un allié traditionnel du Fine Gael. Mais 2011 et l’éclatement de ce dernier parti avait donné une chance historique au Labour. Avec 19,5 %, il réalisait alors son meilleur score depuis 1922 et parvenait à séduire les déçus du Fianna Fáil sur un programme anti-austéritaire. Mais il a bradé cette chance en s’alliant avec Enda Kenny. Pour beaucoup de ses électeurs, le Labour n’a pas su jouer son rôle d’amortisseur de la politique d’austérité du gouvernement. En réalité, soucieux de « bien faire », le Labour a été solidaire de cette politique et actif dans sa mise en œuvre, ne cessant d’insister sur le caractère « nécessaire » des réformes. Or, on l’a vu, ce caractère était loin d’être évident.

> La déroute du parti de “l’absence d’alternative”

Le Labour s’est alors enfermé dans une logique d’absence d’alternative, il est devenu le « parti TINA (“there is no alternative”, il n’y a pas d’alternative) ». Durant la campagne, il l’a confirmé en ne se dissociant guère du Taoiseach et en publiant une publicité très parlante dans les journaux : les opposants au gouvernement sous forme de groupe de rock baptisé « no direction ». Histoire de dire que seul le gouvernement sortant avait une direction. Mais comme cette direction n’était pas celle que souhaitait l’électorat, le Labour est apparu comme un parti d’opportunistes sans foi ni loi, inutile politiquement, et subissant logiquement les conséquences de la volonté de changement des électeurs. Une grande partie de ses électeurs de 2011 sont retournés au Fianna Fáil, qui s’est engouffré dans l’espace laissé au centre-gauche, d’autres sont allés à sa gauche. Désormais, les électeurs des partis qui se situent sur sa gauche représentent plus de trois fois ceux du Labour. On voit mal comment le Labour pourra se remettre d’un tel désastre politique et idéologique.

> Le choix de la social-démocratie européenne

L’histoire du Labour irlandais doit être une leçon pour la social-démocratie européenne. Lorsque cette dernière refuse d’incarner une alternative aux politiques de centre-droit, mais au contraire, se fait son bras armé et son allié, son sort est souvent scellé. Les travaillistes néerlandais de Jeroen Dijsselbloem pourraient connaître un score similaire : le dernier sondage le fait passer de 38 à… 9 sièges ! C’est ce qu’a compris le PS portugais, pourtant très réformiste, qui tente de porter une alternative au centre-droit en s’alliant avec la gauche radicale. C’est ce que refuse de comprendre un PS français pressé de couper l’herbe sous le pied du centre-droit, réduisant ainsi encore son utilité politique. Bref, les élections de la lointaine Irlande sont une nouvelle preuve de l’impasse des politiques d’austérité. Mais la leçon risque encore une fois d’être très rapidement oubliée.

Les résultats complets des élections irlandaises sur le site de l’Irish Times (en anglais).

Source : La Tribune, Romaric Godin, 29-02-016

Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray)

Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray)

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche: “Nos banquiers centraux ont été idiots … d’inflation à 2%” – 29/02

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (1/2): Zone euro: l’inflation retombe en territoire négatif en février – 29/02

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (2/2): Que peut-on attendre de la prochaine réunion de la BCE ? – 29/02

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: On va vers une fuite en avant, semblable à un scooter des neiges sur l’eau !

Les indés de la finance: “Les marchés sont totallement mécanistes depuis 2 jours”, Phlippe Béchade – 26/02

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2): Le pessimisme des investisseurs boursiers va-t-il durer ? – 24/02

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2): Les bons résultats d’entreprises pourront-ils booster les marchés ? – 24/02

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Nicolas Doisy (1/2): Le ralentissement chinois va-t-il continuer à driver la tendance de marchés ? – 01/03

Jacques Sapir VS Nicolas Doisy (2/2): La montée en puissance du populisme est-il un problème pour les marchés ? – 01/03

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

Je suis tombé sur ça il y a peu, c’est assez bien fait – alors juste pour le plaisir de la science amusante…

Y a-t-il un peu de Jules César dans mon verre d’eau ?


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

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