mardi 1 mars 2016

De la note de JP Morgan à Manuel Valls : le fascisme financier relève la tête !

De la note de JP Morgan à Manuel Valls : le fascisme financier relève la tête !

Déjà, prise de façon isolée, c'est-à-dire hors de son contexte, chaque question que nous soulevons ici est peu banale et franchement révoltante. Cependant, vu comme des marqueurs d'une dynamique d'ensemble, il y a de quoi s'inquiéter et surtout de se mobiliser.
1. Haro sur le droit du travail !
Il faut en finir avec le droit du Travail. Le 9 février, dans l'émission de Canal+ « Le prix à payer », le patron de la City de Londres a rappelé que les gouvernements ne sont autorisés à agir que « dans les (...)

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Charlie Hebdo : que d’erreurs ! Par Eric Stemmelen

Charlie Hebdo : que d'erreurs ! Par Eric Stemmelen

L’auteur a été un des responsables pendant 7 ans du Service des Voyages Officiels et de la Sécurité des Hautes Personnalités devenu, en 1994, le Service de la Protection des Hautes Personnalités – il sait donc de quoi il parle.

Son article m’a stupéfait – vive Internet qui laisse une place pour que les spécialistes s’expriment.

Il est toujours stupéfiant de constater à quel point les médias se lancent dans des enquêtes sans grand intérêt après un attentat (qui a logé le terroriste etc) et ne posent jamais les questions dérangeantes pour le pouvoir (c’est quoi cette protection policière de bouse ?)

Oh, la réponse est généralement simple et classique : on se rend compte qu’on veut juste couvrir le travail de gros incompétents. Et comme, désormais, on refuse de les sanctionner comme il se doit (qui a perdu sa place en France à cause du 7 janvier ?), eh bien, comme ça se voit comme le nez au milieu de la figure, cela entretient des théories parfois délirantes visant à faire croire qu’il y a eu volonté délibérée que l'événement arrive – alors qu’on couvre juste des crétins… Et après on hurle au “complotisme”…

Mais plus largement, c’est un signe fort de l’époque : JAMAIS de sanctions (terrorisme, faillites bancaires, échecs politiques, affaire Kerviel, etc).

Le financiarisme, c’est aussi l’ère de l’impunité (au lampiste près bien sûr)…

Source : Blog Mediapart, Eric Stemmelen, 12-01-2016

Un an après les actes terroristes commis par les frères Kouachi à l'encontre de Charlie Hebdo, suivis de la prise d'otage dramatique de leur complice Coulibaly à l'Hyper-Casher, au-delà de la légitime émotion du peuple français venant de subir la plus grande attaque terroriste depuis la guerre d'Algérie, il est plus que nécessaire d'analyser ce qu'il faut bien appeler au minimum les carences des services du Ministère de l'Intérieur avant que ces crimes soient commis.

On ne peut se satisfaire du satisfecit général attribué – à juste titre – à tous les services de police et de gendarmerie qui, par leur travail remarquable, ont abouti à la neutralisation rapide des Kouachi et autre Coulibaly.

En effet, l'accumulation d'erreurs dans la prévention de ces crimes laisse perplexe d'autant qu'aucune explication officielle en provenance du Ministère de l'Intérieur sur ses propres dysfonctionnements n'a été donnée à ce jour !

En réalité, malgré les très nombreux signaux alarmants de la menace pesant sur le journal satirique et en particulier sur le caricaturiste Stéphane Charbonnier plus connu sous le nom de Charb, il est clair que cette menace avait été sous estimée par les services du Ministère de l'Intérieur pour deux raisons essentielles : le manque d'informations précises (et pourtant plusieurs indices auraient permis de s'en inquiéter plus sérieusement) et surtout l'absence de gestion dans le temps des mesures de sécurité.

1)    Les menaces sur Charlie n'ont pas vraiment été prises au sérieux par les services de police :

La publication par Charlie Hebdo des caricatures de dessinateurs danois et suédois mettant en scène le prophète Mahomet en 2006 a rapidement entraîné des menaces de mort proférées à l'encontre du journal Charlie Hebdo.

L'UCLAT (Unité de Coordination et de Liaison Antiterroriste), petite unité dépendant directement du Directeur Général de la Police Nationale, est  chargée d'évaluer l'état de la menace selon une classification allant de l'état de menace latente à l'attentat imminent.

Toutefois, cette analyse ne doit jamais empêcher d'une part les  services de police concernés de faire un examen approfondi de l'analyse des missions de sécurité en adaptant leur dispositif et d'autre part de se coordonner constamment de façon à apporter une réponse cohérente au niveau de menace.

En 2006, 9 ans avant les tragiques événements de janvier 2015, un car de gendarmes avait été placé pendant quelques mois devant les locaux du journal menacé qui se trouvait alors dans le quartier du Marais. L'ancien directeur de Charlie Philippe Val et le dessinateur Cabu sont alors placés sous la protection du SPHP (Service de Protection des Hautes Personnalités).

Cette protection est abandonnée en 2011 puis reprise la même année après la publication de la caricature « Charia Hebdo » concernant les élections en Tunisie quand  un cocktail molotov est lancé sur la façade des nouveaux locaux du journal dans le XXème arrondissement de Paris : la Préfecture de Police remet en place devant les nouveaux locaux dans le XXème arrondissement un car de police et le SPHP protège à nouveau quelques membres de la rédaction du journal (Charb, Riss, Luz).

Dès cette époque, il est clair que les services du ministère de l'Intérieur, en particulier la Préfecture de Police et le SPHP n'ont pas compris que ce type de menace émanant d'islamistes fanatiques devaient non seulement être pris au sérieux mais surtout se maintenir dans le temps.

Manifestement beaucoup de responsables avaient oublié qu'en 1991 Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, avait été assassiné suite à une fatwa émise par les religieux iraniens et qu'il avait fallu 11 ans aux assassins pour parvenir à leurs fins  après une première tentative d'assassinat en 1980 à son domicile de Neuilly sur Seine, tentative qui avait couté la vie au policier Jean Michel Jamme.

Les similitudes sont frappantes avec Charlie (et Charb en particulier) : 11 ans d'un coté, 9 ans de l'autre, des signes avant coureurs : non seulement des menaces mais aussi des cas concrets (tentatives d'assassinat, cocktail molotov).

En 2012, 2 individus sont arrêtés pour appel au meurtre de Charb et de la rédaction de Charlie.

Mais c'est en mars 2013 que les menaces se  précisent de façon explicite : Charb apprend que sa tête est mise à prix avec 9 autres hommes (dont Salman Rushdie et Lars Vilks qui échappera à un attentat le 14 février 2015) et 2 femmes pour « crime contre l'Islam » dans le magazine Inspire. Ce  trimestriel luxueux rédigé sur papier glacé exclusivement en langue anglaise s'adresse aux apprentis djihadistes occidentaux et a été lancé en 2010 par AQPA (Al-Qaida dans la péninsule arabique) au Yémen. Cette publication est bien évidemment téléchargeable sur internet !

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La liste des cibles à abattre d’al-Qaïda Yemen (Détail ici)

Cette menace très précise sur la vie de Charb était connue puisque le journal métro news en fait mention dans son numéro du 3 mars 2013 mais dès juillet 2010  le journaliste Georges Malbrunot du Figaro indique les menaces de ce magazine . Il est à ce moment inconcevable que les services de police et en particulier le SPHP et la Préfecture de Police n'aient pas été informés par l'UCLAT. Ce point mérite d'être éclairci par les services officiels car la presse rapporte que c'est Charb lui même qui a informé les services de police. A la suite de son intervention sa sécurité devient une protection rapprochée (3 policiers du SPHP en permanence) et non plus un simple accompagnement de sécurité.

Déjà on peut s'étonner qu'une simple protection rapprochée ait été mise en place et non une protection renforcée mais ce qui est encore plus incompréhensible c'est que 6 mois après cet événement le SPHP réduit l'équipe de protection à 2 policiers. D'après la presse, l'explication officielle était que la menace avait baissé, le ministère de l'Intérieur ayant répondu qu'à cette époque la protection de Charb était à la hauteur de la menace !

Si cette affirmation est exacte on ne peut qu'être atterré par la faiblesse de l'argumentation officielle : une menace précise sur Charb émanant d'Al-Qaida et on diminue en pratique la sécurité accordée à Charb ! 

Reste à savoir qui a estimé et sur quels critères que la menace avait baissée ?

C'est la même année, mais cela n'est peut être pas un hasard avec la décision de diminuer la protection, que le syndicat de gradés et gardiens Alliance, bien mal inspiré,  publie un tract ainsi rédigé :

« Le 4 avril  lors d'une audience auprès du Directeur de la DOPC nous avons exigé l'arrêt immédiat de la mission « Charlie Hebdo ». Depuis plus de 7 mois les compagnies d'intervention fournissent jusqu'à 9 collègues par jour pour la protection des locaux privés d'un journal. Inadmissible !!! »

C'est aussi la même année, en 2013, que le SPHP devient le Service de la Protection (SDLP) en intégrant le Service Central Automobile et le Service de Sécurité du Ministère de l'Intérieur. Cette réforme incite le chef de service à supprimer 125 postes de policiers.

Au cours de l'été 2014, alors que le journal déménage pour la 3ème fois dans le 11ème arrondissement rue Nicolas Appert, les services de la Mairie et la Préfecture de Police conduisent un audit de sécurité qui recommande la pose d'un digicode devant la porte du journal au 2ème étage, 1 visiophone et un sas avec 2 portes successives. Ces mesures sont bien le minimum.

En réalité la réceptionniste n'a pas eu de visiophone mais un simple interphone et pour des raisons financières le journal n'a pas installé de sas.

En ce qui concerne l'audit, ayant moi même procédé à de nombreux audits de sécurité au profit de nos ambassades et consulats, je m'interroge sur deux points précis : a- t-on recommandé à Charlie de créer une pièce de sécurité dite « safety room » permettant en cas d'agression de mettre le personnel à l'abri et – ce qui n'a aucune incidence financière – a t-on préconisé aux responsables de Charlie de changer régulièrement les dates de la  réunion de rédaction ?

Ces 2 questions méritent une réponse car l'attentat du 7 janvier a eu lieu quand tous les membres de la rédaction étaient présents.

Or une des bases essentielles de la sécurité des personnes consiste justement à varier les habitudes.

Ce n'est pas tout : en septembre 2014, la voiture de police qui était en faction devant le journal est supprimée et est remplacée par des patrouilles. Explication de la Préfecture de Police : le dispositif était peu efficace à cause des multiples entrées de l'immeuble.

Là aussi cette explication n'est pas satisfaisante car la Préfecture de Police oublie l'aspect préventif et dissuasif  d'une présence policière permanente et encore aurait –il fallu laisser en place les barrières de sécurité.

En pratique, un passage, toutes les 30 minutes, d'une voiture n'est pas dissuasif : la sécurité est un ensemble : il faut à la fois des barrières et des hommes.

Rien n'empêchait la hiérarchie de la Préfecture de Police de prévoir des relèves d'éléments statiques de façon fréquente. Rien n'empêchait par ailleurs la Préfecture de Police de laisser des barrières, des policiers en statique et de doubler le dispositif par des rondes et patrouilles en voiture ou en vélo ou à pied.

Pire, la protection de Charlie a été allégée justement  au moment où le risque terroriste en France augmentait. Le chef de l'UCLAT Loïc Garnier de façon prémonitoire l'indiquait le 15 septembre 2014 en affirmant que la question n'était plus de savoir si nous aurions un attentat en France mais quand.

Le même jour un individu passe en voiture devant Charlie et formule à un journaliste présent sur place des menaces à l'encontre de Charlie : rien d'inquiétant pour le Ministère de l'Intérieur qui identifie l'individu !

En réalité ce faisceau concordant de menaces et bien évidemment je ne suis pas exhaustif, n'entraîne aucun renforcement de la sécurité assurée par la Préfecture de Police et le SPHP. Tout se passe comme si personne ne croyait à la réalité de la menace contre Charlie et contre Charb, les signaux avant coureurs du drame sont multiples et inquiétants mais n'entraînent aucune réaction officielle.

Il n'est donc pas étonnant que l'attentat du 7 janvier ait eu lieu puisque rien ou presque n'a été fait pour l'empêcher.

La paradoxe qui révèle le manque de discernement des autorités veut que les barrières et le car de gendarmes (ou de policiers peu importe) ont été remis en place rue Nicolas Appert alors que Charlie avait déménagé pour être hébergé par le journal Libération . On protège donc un lieu vide un peu comme la protection par de nombreux gendarmes de la bergerie de Latché des années après la mort de François Mitterrand !!!

Le Premier Ministre Valls a bien eu raison de parler dès le 9 janvier 2015 de « failles » dans le renseignement et pour cause : les frères Kouachi et Coulibaly n'étaient pas dans le « viseur » immédiat de la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure). C'est tellement évident que l'on ne peut qu'approuver le Premier Ministre.

Mais à la décharge de la DGSI, il est aussi évident que ce service n'a pas les moyens de surveiller physiquement et pas seulement électroniquement par les écoutes tous les apprentis terroristes. Il faudrait pour cela des dizaines de milliers de fonctionnaires.

Oui il y a eu faille y compris de l'UCLAT qui a du considérer une menace latente et non précise sur Charlie et pourtant le simple fait qu'Al-Qaïda mentionne expressément Charb sur la liste de personnes à abattre aurait du suffire à  considérer cette menace comme grave et imminente.

Il y a donc des failles avérées de la part des services de renseignement mais ceux-ci ne sont pas les plus responsables.

La Préfecture de Police et particulièrement la DOPC (Direction de l'Ordre Public et de la Circulation) a toujours sous évaluée la menace en ne mettant pas en place un dispositif adéquat. C'était possible puisque ce dispositif a été mis en place après les attentats, mais c'était avant qu'il fallait le faire : là aussi le temps a joué contre les services officiels : l'habitude, les pressions syndicales, les contraintes budgétaires etc…. ne sont pas étrangères aux décisions successives prises qui révèlent d'ailleurs un manque de constance dans le temps (élément essentiel que je répète) : mise en place de car de police puis suppression, mise en place de voitures de police puis suppression , mise en place de barrières puis suppression et cela en fait malgré une menace croissante et de plus en plus précise sans parler de l'absence de garde statique remplacé avec le succès que l'on sait par des rondes et patrouilles.

Comment ne pas penser que les terroristes ont observé l'allégement du dispositif de sécurité et sont passés à l'action à l'instant où il était réduit au minimum c'est à dire soyons clair à un niveau très inférieur à celui qu'il aurait dû être.

Je note au passage que la police danoise a mis en place autour du journal Jyllands Posten un dispositif de sécurité statique certainement imparfait mais en tout cas nettement plus efficace que celui mis en place par la Préfecture de Police : Vilks est toujours vivant et Charb est mort !

La Préfecture de Police et le Ministère de l'Intérieur n'ont jamais apporté de réponses précises et circonstanciées sur l'allégement du dispositif : qui a pris les décisions contestables, quand et pour quelles raisons ?

2) La sécurité personnelle de Charb n'a pas été assurée convenablement par le Service de la Protection :

Ayant été moi-même un des responsables pendant 7 ans du Service des Voyages Officiels et de la Sécurité des Hautes Personnalités devenu, en 1994, le Service de la Protection des Hautes Personnalités puis, en 2013, le service de la Protection (SDLP), je suis particulièrement sensible au problème de la sécurité des personnalités.

Il n'est pas besoin de sortir d'une grande école de renseignement pour savoir qu'une menace émise par Al-Qaïda n'est pas une menace à prendre à la légère.

Charb figurait sur une liste nominative de personnes à abattre. Cette seule circonstance aurait justifié une réelle protection rapprochée de Stéphane Charbonnier et ceci même en dehors de toute menace précise ou imminente. Comme je l'indique plus haut le précédent de Chapour Bakhtiar aurait du servir de leçon mais qui se souvient de Chapour Bakhtiar au Service de la Protection ?

La réforme de 2013 réalisée sous l'autorité du Ministre de l'Intérieur Manuel Valls a regroupé  le SPHP devenu la Sous Direction de la Protection des Personnes, le Service de Sécurité du Ministère de l'Intérieur (SSMI)  devenu la Sous direction de la Sûreté chargé de la garde des bâtiments et le Service Central Automobile (SCA) devenu la Sous Direction des Ressources et des Moyens Mobiles. Cette réforme a eu pour conséquence d'une part de diminuer les effectifs globaux et d'autre part et surtout de rassembler dans un même service des fonctionnaires de culture, de niveau et d'expérience complètement différents.

La Division des missions temporaires qui dépend de la Sous Direction de la Protection des Personnes est en charge des personnalités menacées et était donc chargée de la sécurité de Stéphane Charbonnier.

Ce type de mission obéit à des règles strictes qui ont été codifiées ces dernières années  de façon à intégrer dans des textes officiels la pratique professionnelle de la protection des personnalités.

Les textes régissant la sécurité des personnalités ont-ils été appliqués ?

Cette question est essentielle pour comprendre ce qui s'est passé car la non application des textes existants rend les missions irrégulières et entraîne  de fait la responsabilité des services de l'Etat.

Le dernier texte en vigueur est l'arrêté du 12 août 2013 signé Manuel Valls qui reprend en partie les dispositions des textes antérieurs.

L'article 5 est ainsi rédigé :

    «  La sous-direction de la protection des personnes assure, sur le territoire français et à l'étranger, la protection rapprochée ou l'accompagnement de sécurité de personnes françaises ou étrangères. Elle est chargée de la sécurité des membres du gouvernement et des personnalités françaises auxquelles en fonction des risques et menaces évalués par les services spécialisés et sur décision du ministre de l'Intérieur, il est accordé de telles mesures »

Cet article fait explicitement référence aux notions mal comprises de protection rapprochée et d'accompagnement de sécurité. y compris dans les déclarations des responsables politiques au plus haut niveau et dans les différents commentaires de la presse écrite et audiovisuelle.

Cette distinction est fondamentale.

Ces notions techniques  étaient connues en interne au Service des Voyages Officiels et de la Sécurité des Hautes Personnalités. Or l'arrêté du 19 octobre 1994 signé du Ministre de l'intérieur Charles Pasqua crée le Service de Protection des Hautes Personnalités et pour la première fois dans un texte officiel, distingue explicitement ces deux types de mission.

L'article 1de cet arrêté (élaboré par moi-même à l'époque) est ainsi rédigé :

                  «  Les missions de protection des hautes personnalités assurées par le service de protection des hautes personnalités sont de deux types :

a.                       les missions de protection rapprochée nécessitant la présence continue d'au moins trois fonctionnaires armés auprès de la personnalité protégée ;

b.                       les missions d'accompagnement de sécurité générale nécessitant la présence continue d'un seul fonctionnaire armé auprès de la personnalité protégée. »

Cette définition qui s'applique au SPHP a le mérite d'éviter toute confusion sur la nature de la sécurité des personnes qui bénéficient, en fonction de leur rang protocolaire ou de la menace, soit d'une protection rapprochée soit d'un simple accompagnement de sécurité.

Or, en matière de protection rapprochée, les fonctionnaires qui constituent ce que l'on appelle le triangle de sécurité autour de la personnalité (il convient de rappeler qu'une protection doit couvrir les 360° du champ visuel et que l'on a estimé que l'œil humain pouvait couvrir 120 ° d'où l'explication de la présence continue de 3 officiers de sécurité) doivent également disposer au minimum d'un véhicule de sécurité suivant le véhicule de la personne protégée. Ce véhicule doit être conduit par un conducteur policier expérimenté et armé.

Le dispositif minimum de protection rapprochée est donc de 4 policiers.

Avec au moins une relève (pour couvrir l'amplitude horaire d'activité d'une personnalité sans compter les congés réglementaires) on arrive au minimum à l'affectation de 8 fonctionnaires de police pour une seule personnalité.

Ce dispositif vaut pour une personnalité pour une menace d'intensité faible ou moyenne.

Bien évidemment pour une menace plus importante ou plus précise il faut disposer d'une  voiture supplémentaire avec un conducteur et 1 ou 2 officiers de sécurité. Cette voiture dite S 1 se place devant le véhicule de la personnalité. Ce dispositif est indispensable pour assurer une bonne sécurité. En 1977, Hans Martin Schleyer, le patron des patrons allemands a été enlevé par les terroristes de la bande à Baader dans la banlieue de Cologne, séquestré en Belgique et son corps retrouvé dans les Ardennes françaises. H.M. Schleyer circulait en Mercedes blindée et avait une voiture de sécurité en suiveuse. Les conducteurs et les gardes du corps ont tous été tués (on a retrouvé pas moins de 300 balles de pistolet mitrailleur sur place !). L'enlèvement a pu réussir tout simplement car une terroriste, déguisée en mère de famille, avait jeté un landau supposé contenir un bébé devant la voiture de Hans Martin Schleyer !

Comme pour Chapour Bakhtiar qui se souvient de Hans Martin Schleyer au Service de la Protection ?

L'utilité de la voiture de sécurité devant celle de la personnalité est évidente, elle s'arrête devant un obstacle comme celui-ci, les voitures de la personnalité et la voiture suiveuse en sécurité font demi tour. Ceci suppose bien évidemment que les 3 conducteurs concernés soient entraînés à ce type de manœuvre et en liaison radio permanente. Ce dispositif nécessite donc 3 conducteurs  et  5 officiers de sécurité au minimum soit 8 en permanence (16 au total avec les relèves). Par ailleurs, une bonne protection nécessite aussi d'avoir des policiers envoyés en précurseurs sur chaque site visité ainsi qu'une garde des lieux de résidence de la personne menacée.

Une vraie protection  rapprochée mobilise donc beaucoup d'effectifs, coute cher et peut durer des années.

La meilleure sécurité consiste toutefois  à changer constamment ses habitudes, être imprévisible pour déjouer les reconnaissances des futurs agresseurs. Ceci s'appelle la culture de sécurité qui ne coûte rien si ce n'est d'avoir à changer ses habitudes de vie. Mais cette contrainte doit être bien expliquée à la personnalité menacée qui doit y adhérer car sa vie est à ce prix.

On peut donc  légitimement poser la question suivante : connaissant les menaces d'A-Quaida visant nominativement Charb, pourquoi celui-ci n'avait-il pas de protection rapprochée ? Au début, Charb avait une équipe de 4 policiers attachés à sa protection (8 en fait avec les relèves). Cette équipe a été divisée par 2 il y a un peu plus d'un an.

Pourquoi avoir accordé un simple accompagnement de sécurité et non une protection rapprochée à Charb ?

Qui a pris cette décision et quand ?

Franck Brinsolaro mort sur place était ce jour là officiellement l'officier de sécurité de Charb.

En réalité le jour de l'attentat dans les locaux de Charlie Hebdo, il y avait 2 policiers du SPHP en charge de la sécurité de Charb et non un seul.

Le second policier  était tout simplement parti « faire des courses ».

On a peine à le croire… Le type fait des courses pendant la réunion de rédaction hebdo…

Ce policier rentrant dans son service, au lieu d'adopter une attitude modeste s'est au contraire félicité d'être en vie et a demandé une décoration et une mutation/promotion vue la dangerosité de la mission. Il semblerait que sa hiérarchie ne soit pas opposée à cette demande.

Quitter son poste pour des raisons personnelles n'est ce pas la définition d'un abandon de poste ?

Enfin on peut s'interroger sur la présence de Franck Brinsolaro dans la même pièce que la rédaction de Charlie. Un officier de sécurité n'a pas à participer aux réunions de rédaction pas plus qu'un officier de sécurité n'a à participer aux réunions politiques d'un membre du gouvernement. Sa place était à l'extérieur devant la porte de la rédaction et son collègue aurait du être à l'entrée des locaux.

Le syndrome bien connu des liens de proximité voire d'amitié entre la personnalité et son garde du corps avait déjà été noté lors du suicide de Pierre Bérégovoy avec l'arme de service de son officier de sécurité.

Ce type de comportement est connu comme les remèdes : affecter un nombre suffisant de fonctionnaires, changer de temps en temps les équipes etc…

Là aussi la routine est un des pires ennemis du professionnalisme.

Charb n'avait pas de protection rapprochée digne de ce nom : c'était une faute et non une erreur eu égard à la menace qui pesait explicitement sur sa vie.

Mais dans cette affaire ce n'est pas seulement l'échelon technique – le Service de la Protection – qui est en cause car l'échelon politique a aussi une part de responsabilité.

La décision d'accorder une  protection rapprochée ou un accompagnement de sécurité générale est en effet exclusivement du ressort des autorités gouvernementales :

Les textes sont explicites : en France c'est le Ministre de l'Intérieur (ou par délégation de pouvoir son Directeur de Cabinet) qui a le pouvoir de prendre ce type de décision et lui seul. Ce n'est pas à l'échelon technique à savoir celui de la Police Nationale de décider, c'est à l'échelon politique.

Bien évidemment la décision ministérielle doit être éclairée par l'avis de spécialistes.

Il appartenait donc au Chef du SDLP Frédéric Aureal de solliciter une audience  lors de l'arrivée de tout nouveau Ministre de l'Intérieur pour lui expliquer en détail la différence entre  protection rapprochée et  accompagnement de sécurité générale.

Cela a-t-il été le cas lors de l'arrivée au ministère de Bernard Cazeneuve ?

Cette information aurait aussi du être donnée au nouveau Directeur Général de la Police Nationale Jean Marc Falcone nommé à ce poste en août 2014 et au nouveau conseiller technique police du ministre nommé récemment François Mainsard.

Le ministre de l'Intérieur et ses proches collaborateurs ont-ils été informés du processus décisionnel et de la distinction entre protection et accompagnement de sécurité et des conséquences qu'entraînait le choix de l'une ou l'autre formule en effectifs et en coût ?

Est-il pensable qu'un ministre de l'Intérieur  informé de l'état réel de la menace émanant d'Al-Qaïda pesant sur Charlie Hebdo et sur Charb en particulier puisse décider de diminuer drastiquement la  sécurité dans ce domaine ? Certainement pas.

Aucune réponse officielle n'a été portée à ce jour à cette question fondamentale car celui ou ceux  qui ont recommandé et décidé un simple accompagnement de sécurité pour Charb ont pris une  décision lourde de  conséquences bien évidemment sur le plan humain mais aussi sur le plan de la responsabilité de l'Etat désormais pleinement engagée.

L'information du  ministre avant toute prise de décision est fondamentale :

L'article 14 de l'arrêté du 12 Août 2013 signé par le Ministre de l'Intérieur Manuel VALLS  (qui reprend l'article 13 de l'arrêté du 17 décembre 2008 signé par la Ministre de l'Intérieur Alliot-Marie)  est ainsi rédigé :

« Une commission présidée par le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ou son représentant rend un avis au ministre de l'intérieur en fonction des risques et menaces évalués par les services spécialisés sur l'octroi ou le maintien de toute mesure de protection rapprochée ou d'accompagnement de sécurité ainsi que le cas échéant, sur la nature et le degré de protection accordée.

Cette commission se réunit à tout moment à la demande du ministre de l'intérieur et au moins deux fois par an. Elle est composée exclusivement d'agents de l'Etat et comprend le directeur général de la police nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale, le préfet de police de Paris, le chef du service de la protection et le chef de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste, qui peuvent être représentés. Il peut être fait appel le cas échéant à toute personne dont l'expertise est requise. Le Ministre de l'intérieur peut décider de ne pas consulter la commission lorsque la situation le justifie, notamment au regard des délais nécessaires à la commission pour se réunir et rendre son avis »

Ce texte est essentiel.

Pendant des années le  ministère de l'Intérieur n'a pas appliqué ses propres textes en ne réunissant pas cette commission.

En 2010, la Cour des Comptes fait un audit du  SPHP. Son pré rapport rédigé par Alain Pichon Président de la 4 ème chambre de la Cour des Comptes relevait que toutes les mesures de protection ou d'accompagnement qui n'étaient pas systématiquement justifiées par un niveau de menace correspondant n'étaient pas réglementaires. La Cour indiquait que la décision d'attribution, qui appartient au ministre de l'intérieur, demeurait informelle, la Cour considérait donc que cette situation avait pour effet de déresponsabiliser l'autorité compétente pour l'attribution des dispositifs de protection ou d'accompagnement.

La Cour estimait en outre que le fait de n'avoir pas réuni la commission en question avait pour conséquence de laisser subsister la déconnection entre la protection assurée par le SPHP et le niveau de menace.

En conséquence, la Cour relevait que la commission, désormais clef de voute du dispositif, n'avait pas formulé d'avis sur les différentes missions assurées et rendait de fait irrégulières  les missions qui n'étaient pas justifiées par un niveau de menace particulier.

La Cour recommandait donc fort logiquement que la commission devait se réunir sans tarder, que les décisions attribuant les protections assurées par le SPHP devaient être formalisées par un écrit en précisant la date et l'auteur et que les protections non institutionnelles devaient n'être accordées que pour une durée limitée et révisée périodiquement.

Ces recommandations de la cour des comptes ont été,  en partie, suivies d'effet car cette commission depuis 2011 s'est réunie quelques fois en fait essentiellement pour recommander la suppression de certaines missions.

La question qui se pose alors est de savoir si cette commission d'une part s'est prononcée sur la sécurité de Charb et si elle aurait recommandé de transformer la protection rapprochée de Charb (déjà insuffisante à l'origine) en  simple accompagnement de sécurité générale ?

Là aussi on attend des réponses officielles sur ce point précis car le doute persiste.

Si ce n'est pas la commission qui a recommandé cette décision, qui a pris cette décision ?

Il est vraisemblable que le ministre n'ait jamais été informé pleinement des décisions qu'il devait prendre et que peut être d'autres ont décidé à sa place avec les conséquences que l'on connaît.

La responsabilité des  hauts fonctionnaires composant cette commission est donc directement mise en cause si tant est que la commission se soit bien réunie!

Par contre si cette décision avait été prise au niveau de la Direction Générale de la Police Nationale ou directement au niveau du Service de la Protection, il conviendrait  de remarquer que, dans cette hypothèse, ce type de décision serait entaché d'une irrégularité au regard des textes.

Il appartient donc au Ministère de l'Intérieur de fournir des explications détaillées et à la commission d'enquête parlementaire annoncée à grands renforts de publicité mais dont on tarde à voir la constitution à auditionner dans le détail tous les responsables pour se faire une idée exacte du processus décisionnel qui a eu cours.

Cette commission d'enquête parlementaire est indispensable pour faire toute la lumière sur cetet affaire que d'une manière ou d'une autre on peut qualifier de bavure d'Etat étant donné les dysfonctionnements multiples des différents services du Ministère de l'Intérieur.

Conclusion:

Plusieurs mois après les événements de janvier 2015, beaucoup de questions restent en suspens.

Le Premier Ministre a eu beau  parler de failles on attend toujours de savoir lesquelles.

Incontestablement il y a eu défaillance des services de renseignement (DGSI et UCLAT) mais il y a surtout eu des erreurs considérables d'appréciation sur la menace et les mesures à prendre pour y faire face : la Préfecture de Police et le Service de la Protection sont en première ligne dans la protection du journal Charlie Hebdo et de Stéphane Charbonnier.

Le Danemark a manifestement pris la menace terroriste à sa juste mesure en tout cas plus que la France.

La mission de protection rapprochée est extrêmement difficile car elle nécessite un professionnalisme constant et permanent : les commissaires affectés au SDLP ont-ils tous effectués les stages de formation aux techniques de protection rapprochée ? Elle demande aussi des qualités humaines évidentes quand on apprend sans vouloir trop y croire (et pourtant !) que deux commissaires divisionnaires du Service de la Protection , ceux là même en charge de la protection des personnes ont demandé une avance sur frais de mission ( une quinzaine d'euros !) pour se rendre aux obsèques de Franck Brinsolaro à Bernay dans l'Eure ! Décidemment je ne reconnais plus mon ancien service !

Contrairement à ce qui est communément admis, la France a les moyens d'assurer une protection à des personnalités menacées. Le manque d'effectifs au sein du Service de la Protection est un faux problème. Déjà en 2013 il ne fallait pas rendre 125 postes de fonctionnaires pour en recruter en urgence 70 après les événements de janvier 2015 qui étaient quand même prévisibles.

Ensuite , comme je l'avais déjà écrit en janvier 2011 dans l'Auditeur (article sur la protection des Hautes Personnalités toujours d'actualité), il serait temps que le gouvernement prenne enfin la décision  de supprimer toutes les missions de confort assurées par le SPHP au profit de personnalités françaises qui n'ont pas le rang protocolaire suffisant et qui ne sont pas menacées étant précisé que seuls, les anciens Présidents de la République, dans les textes,  ont droit à des officiers de sécurité. Cette règle est la même dans tous les pays européens. Par contre, la France est le seul pays à garder des officiers de sécurité auprès d'anciens ministres notamment de l'Intérieur. La sécurité de Pierre Mauroy ancien Premier Ministre a coûté 3 000 000 € à titre d'exemple.

Ce sont des dizaines de policiers spécialisés du SPHP que le service peut récupérer immédiatement.

Mais ce n'est pas tout, le gouvernement doit également prendre la décision de supprimer toutes les missions de complaisance assurées au bénéfice de personnalités étrangères (des pays du Golfe, du Maghreb et de l'Afrique sub-saharienne essentiellement) qui ne sont ni chefs d'Etat ni chefs de gouvernement et qui sont en visite privée en France. Ces missions ne visent qu'à favoriser le passage de gens fortunés au milieu de la circulation ou à stationner dans des endroits interdits au simple citoyen.

Là aussi la France est un cas unique en Europe.

Là aussi il y a des dizaines de policiers spécialisés à récupérer immédiatement et à utiliser sur de vraies missions de sécurité rapprochée.

Aucune initiative en ce sens n'a été prise sérieusement mais ce n'est pas une surprise car tous les gouvernements précédents de gauche ou de droite ont eu la même attitude.

En outre, le Ministère de l'Intérieur aurait pu rappeler en service les nombreux policiers du SPHP en retraite qui forment la réserve civile de façon à disposer immédiatement de policiers expérimentés.

Enfin le ministère de l'Intérieur pourrait utilement changer sa politique qui consiste à refuser systématiquement le port d'arme aux sociétés françaises de protection des personnes et à accorder plus facilement le port d'armes à des agents privés et à des sociétés privées de droit étranger travaillant en France. Cette situation est ubuesque.

A l'exemple de nombreux pays notamment anglo-saxons, il serait temps de faire travailler ensemble police d'état et sociétés privées de sécurité des personnes bien évidemment avec des contrôles renforcées et des contrats de collaboration. Il y a là un champ immense de possibilités très peu explorées actuellement.

En conclusion, il est une fois de plus triste de constater que les leçons de l'histoire ne servent pas.

Les services de renseignement ne peuvent pas, dans notre démocratie, surveiller tous les suspects.

Par contre, il est indispensable qu'une forte cohérence entre les services chargés de la protection des bâtiments et ceux chargés de la protection des personnes ait lieu en plus de celle avec les services de renseignement.

La routine, le manque de professionnalisme des uns et des autres, le manque de culture géopolitique et la mauvaise gestion des mesures dans le temps ont  abouti, il ne faut pas le nier,  au désastre de janvier 2015.

Force est de constater que personne au Ministère de l'Intérieur mais absolument personne ne s'est estimé responsable de ce qui est arrivé, personne ne s'est d'ailleurs excusé de ses propres insuffisances ni n'a jugé opportun de démissionner ou de rendre ses décorations !

C'est peut être cela qui est le plus choquant dans les événements que la France vient de vivre : cette solidarité dans l'irresponsabilité et pourtant les français ont le droit à la vérité comme l'affirmait le Premier Ministre au lendemain des attentats de Copenhague le 16 février 2015 sur RTL : «  il faut dire la vérité aux français : il faut s'habituer à vivre avec cette menace terroriste ».

Combien de temps faudra t-il attendre pour avoir enfin une vision claire des multiples prises de décision ayant abouti aux attentats de janvier 2015 ?

Eric Stemmelen, Commissaire Divisionnaire Honoraire

7 ème promotion IHESI – 1996

Source : Mediapart, Eric Stemmelen, 12-01-2016

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Une information du Canard Enchaîné :

repetition

(relayée ici par exemple)

Avec quelques précisions dans le Figaro pour la tempérer un peu, faisant suite à un papier précédent… Heureusement la conclusion est claire :

“L’action des policiers du service de protection ne semble pas avoir été défaillante.”

Je dirais même plus : c’était même une franche réussite !

À suivre en novembre : le succès de la protection du Bataclan…

La guerre saoudienne pour l’oléoduc du Yémen renforce al-Qaïda, par Nafeez Ahmed

La guerre saoudienne pour l'oléoduc du Yémen renforce al-Qaïda, par Nafeez Ahmed

Source : Middle East Eye, le 10/02/2016

A Yemeni man poses with a national flag at a sports hall that was partially destroyed by Saudi-led air strikes in the Yemeni capital Sanaa on January 19, 2016. / AFP / MOHAMMED HUWAIS

Nafeez Ahmed

Mercredi 10 février 2016

Un câble secret et un représentant du gouvernement néerlandais confirment que la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen est en partie motivée par l’illusion ambitieuse américaine d’un pipeline

Presque 3 000 civils ont été massacrés et un million déplacés lors d’un noble bombardement aérien saoudien au Yémen, couvert par les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Plus de 14 millions de Yéménites font face à une insécurité alimentaire, un bond de 12% depuis juin 2015. Ce nombre inclut trois millions d’enfants souffrant de malnutrition. Dans tout le pays il y a environ 20 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable.

Les forces aériennes saoudiennes ont systématiquement bombardé des infrastructures civiles en violation flagrante des règles humanitaires internationales. La fuite d’un rapport officiel de l’ONU, destiné au Conseil de Sécurité, nous apprend que les Saoudiens “ont mené des frappes aériennes visant civils et bâtiments publics… y compris des camps de réfugiés et de déplacés, des rassemblements tels que des mariages ; des véhicules, bus, zones résidentielles, services médicaux, écoles, mosquées, marchés, usines, entrepôts alimentaires et autres infrastructures civiles, dont l’aéroport de Sanaa, le port de Al Hudaydah et les axes routiers.”

Des bombes à fragmentation de fabrication américaine ont été lâchées sur des zones résidentielles – un acte dont le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a timidement admis qu’il “pourrait être assimilé à un crime de guerre.”

En d’autres mots, l’Arabie saoudite est un État voyou. Mais comprenez bien, l’Arabie saoudite est notre État voyou.

Les gouvernements américain et britannique qui fournissent à l’Arabie saoudite des armes destinées à être déversées sur des civils yéménites font semblant de ne pas être impliqués dans la guerre, de ne pas être responsables des crimes de guerre de notre allié-voyou.

Un porte-parole du ministère de la Défense britannique a insisté sur le fait que les forces engagées “ne dispensaient que des conseils techniques. Le personnel militaire britannique n’est pas directement impliqué dans les opérations menées par la coalition sous commandement saoudien.”

Mais ce sont des paroles en l’air, étant donné la récente révélation du ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, selon laquelle des militaires britanniques et américains travaillent “dans le centre de contrôle et de commandement pour les frappes aériennes saoudiennes au Yémen.”

Vraisemblablement les contribuables ne les paient pas à boire du thé toute la journée.

Non – nous les payons pour superviser la guerre aérienne. Selon le ministre des Affaires étrangères saoudien : “Nous avons des officiers britanniques et des officiers américains et des officiers d’autres pays dans notre centre de contrôle et de commandement. Ils connaissent la liste des cibles et ont une idée de ce que nous faisons ou ne faisons pas.”

Les officiers américains et britanniques ont “été en mesure d’examiner cette campagne aérienne et ont été satisfaits par ses garanties.”

De retour en avril 2015, les responsables américains étaient beaucoup plus francs à propos de cet arrangement. Le Secrétaire d’État adjoint américain Antony J. Blinken a dit lors d’une conférence de presse à Riyad que les États-Unis avaient augmenté le partage d’informations avec les Saoudiens via “une cellule conjointe de coordination” impliquant une sélection de cibles.

En tout état de cause, les dirigeants civilisés du monde libre ont une vue d’ensemble privilégiée des crimes de guerre systémiques de l’armée saoudienne au Yémen – et il semble qu’ils approuvent.

Guerre sectaire ?

Les objectifs de la coalition menée par les Saoudiens sont obscurs.

Il est largement reconnu que la guerre a principalement des dynamiques géopolitiques et sectaires. Les Saoudiens craignent que la montée des Houthis indique l’influence grandissante de l’Iran au Yémen.

Avec l’Iran actif en Syrie, en Irak et au Liban, l’Arabie saoudite voit la rébellion houthi comme une autre composante de cette stratégie d’encerclement de forces mandatées par l’Iran. Cette situation est aggravée par l’accord sur le nucléaire iranien soutenu par les É-U, accord qui ouvre la voie à l’intégration de l’Iran aux marchés mondiaux, l’ouverture de ses secteurs pétroliers et gaziers sous-développés, et sa consolidation en tant que puissance régionale.

Mais ce récit ne reflète que partiellement la situation. Quoique les contacts de l’Iran avec les Houthis sont incontestables, avant la campagne aérienne saoudienne, les Houthis ont acquis la plupart de leurs armes de deux sources : le marché noir et l’ex-président Ali Abdullah Saleh.

Les officiers de renseignement américains confirment que l’Iran a explicitement averti les Houthis de ne pas attaquer la capitale du Yémen l’année dernière. “Notre évaluation demeure que l’Iran n’exerce pas de commandement ou de contrôle sur les Houthis au Yémen,” a dit Bernadette Meehan, la porte-parole du Conseil National de Sécurité de la Maison-Blanche.

Selon l’ancien envoyé spécial des Nations-Unis au Yémen, Jamal Benomar, les frappes aériennes saoudiennes sabotent l’accord de paix imminent qui aurait conduit à une entente pour le partage de pouvoir entre les 12 groupes tribaux et politiques rivaux.

“Lorsque cette campagne a commencé, un élément important, mais passé inaperçu, est que les Yéménites étaient près de conclure un accord qui aurait institué un partage de pouvoir entre toutes les parties, y compris les Houthis,” a dit Benomar au Wall Street Journal.

Il n’était pas question alors de l’Iran. Les Saoudiens, et semble-t-il les Américains et les Britanniques, ne voulaient pas voir une véritable transition vers un Yémen démocratique.

En effet, les États-Unis sont ouvertement opposés à la démocratisation de la région du Golfe en son entier, déterminés à stabiliser le flux de pétrole du Golfe sur les marchés mondiaux.

En mars 2015, le consultant Anthony Cordesman, spécialiste de l’armée américaine et de l’OTAN du Centre d’études stratégiques et internationales basé à Washington, expliquait que : “le Yémen a une importance stratégique pour les États-Unis, comme l’est la stabilité de l’Arabie saoudite pour tous les pays du Golfe. En dépit de tous les discours sur “l’indépendance” énergétique américaine, la réalité reste bien différente. L’augmentation des carburants dérivés du pétrole et alternatifs en dehors du Golfe n’a pas modifié son importance stratégique pour l’économie américaine et mondiale… Le Yémen n’a pas la même importance stratégique que le Golfe, mais il est toujours d’une grande importance pour la stabilité de l’Arabie saoudite et de la péninsule arabique.”

En d’autres termes, la guerre au Yémen a pour objectif de protéger pour l’Occident son principal État voyou du Golfe, pour que le pétrole continue de couler à flots. Cordesman continue en notant : “Le territoire du Yémen et ses îles joue un rôle crucial dans la sécurité d’un autre point de passage obligé à l’extrémité du sud-est de la mer rouge appelé le Bab el-Mandab ou porte des lamentations.”

Le détroit de Bab el-Mandeb est “un passage obligé entre la corne de l’Afrique et le Moyen-Orient, et c’est une connexion stratégique entre la mer méditerranée et l’océan Indien,” transportant plus d’exportations du golfe Persique que le canal de Suez et l’oléoduc Suez-Méditerranée (SUMED).

“Toute présence maritime ou aérienne hostile au Yémen pourrait menacer l’ensemble du trafic par le canal de Suez,” ajoute Cordesman, “de même qu’un débit journalier de pétrole et produits pétroliers que l’EIA [Département de l’Énergie des États-Unis] estime avoir augmenté de 2,9 millions de barils par jour à 3,8 en 2013”.

Le rêve de l’oléoduc yéménite

Mais il existe ici un objectif subsidiaire, reconnu en privé par les officiels occidentaux, mais non discuté en public : le Yémen a encore un potentiel inexploité pour fournir un ensemble alternatif de routes de transbordement pétrolier et gazier pour les exportations du pétrole saoudien, contournant l’Iran et le détroit d’Ormuz.

La réalité des ambitions du Royaume sur ce sujet a été mise à nu dans un câble secret du Département d’État de 2008 obtenu par Wikileaks, de l’ambassade américaine au Yémen à destination du Secrétaire d’État :

“Un diplomate britannique basé au Yémen a dit à PolOff (agent politique de l’ambassade américaine) que l’Arabie saoudite avait un intérêt à construire un oléoduc, qu’elle détiendrait exclusivement, exploité et protégé par l’Arabie saoudite, depuis Hadramaout jusqu’à un port du Golfe d’Aden, en contournant ainsi le golfe Arabique/golfe persique et le détroit d’Ormuz.

“Saleh s’y est toujours opposé. Le diplomate soutenait que l’Arabie saoudite, par le soutien des dirigeants militaires yéménites, en payant la loyauté des cheikhs et par d’autres moyens, était en train de se positionner pour s’assurer qu’elle obtiendrait, à bon prix, les droits pour cet oléoduc du successeur de Saleh.”

En effet, le gouvernorat d’Hadramaout à l’Est du Yémen a curieusement été épargné par les bombardements saoudiens. La province, la plus large du Yémen, contient le plus gros des ressources pétrolières et gazières restantes du Yémen.

“L’intérêt primordial porté par le Royaume à ce gouvernorat résulte de la possible construction d’un oléoduc. Un tel oléoduc a longtemps été un rêve pour le gouvernement d’Arabie saoudite,” observe Michael Horton, un analyste principal du Yémen à la fondation Jamestown. “Un oléoduc passant par Hadramaout donnerait à l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe un accès direct au golfe d’Aden et de l’océan Indien ; cela leur permettrait de contourner le détroit d’Ormuz, un point de passage obligatoire qui pourrait être, au moins temporairement, bloqué par l’Iran dans un futur conflit. La perspective de sécuriser une route pour un futur oléoduc passant par Hadramaout figure probablement une stratégie globale à long terme de l’Arabie saoudite au Yémen.”

Cacher la connexion de l’oléoduc

Les officiels occidentaux sont soucieux d’éviter une prise de conscience publique de la géopolitique énergétique derrière l’escalade du conflit.

L’année dernière, une analyse sans concession sur ces questions était postée sur le blog personnel de Joke Buringa le 2 juin 2015, une conseillère supérieure sur la sécurité et l’État de droit au Yémen au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas.

“La peur d’un blocage par l’Iran du détroit d’Ormuz, et les possibles désastreux résultats sur l’économie mondiale, ont existé depuis des années,” écrivait-elle dans l’article, titré “Diviser pour mieux régner : l’Arabie Saoudite, le pétrole et le Yémen.” “Les États-Unis mettent par conséquent la pression sur les pays du Golfe pour mettre en place des alternatives. En 2007 l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis, Oman et le Yémen ont conjointement créé le projet de l’oléoduc pétrolier Trans-arabique. Les nouveaux oléoducs devaient être construits depuis la ville saoudienne de Ras Tanura dans le Golfe persique et les Émirats Arabes Unis vers le Golfe d’Oman (une canalisation vers l’Émirat Fujaïrah et deux canalisations vers Oman) et vers le Golfe d’Aden (deux canalisations vers le Yémen).”

En 2012, la connexion entre Abou Dhabi et Fujaïrah, à l’intérieur des Émirats Arabes Unis, est devenue opérationnelle. Entre-temps, l’Iran et Oman avancent dans la signature d’un accord pour leur propre oléoduc. “La défiance vis-à-vis des intentions d’Oman ont augmenté l’attractivité de l’option Hadramaout au Yémen, un vieux désir de l’Arabie saoudite,” écrivait Buringa.

Le président Saleh, toutefois, était un obstacle majeur aux ambitions saoudiennes. Selon Buringa, il “s’opposait à la construction d’un oléoduc sous contrôle saoudien sur le territoire yéménite. Durant de nombreuses années les Saoudiens ont investi sur les leaders tribaux dans l’espoir de réaliser ce projet avec le successeur de Saleh. En 2011 les soulèvements populaires des manifestants appelant à la démocratie ont contrarié ces plans.”

Buringa est la seule haute responsable d’un gouvernement occidental à avoir abordé cette question publiquement. Mais lorsque je l’ai contactée pour un entretien le 1er février, quatre jours plus tard j’ai reçu une réponse de Roel van der Meij, un porte-parole des affaires générales au ministère des Affaires étrangères du gouvernement hollandais : “Mme Joke Buringa m’a demandé de vous informer qu’elle n’est pas disponible pour un entretien.”

Le blog de Buringa – préalablement accessible à www.jokeburinga.com – avait entretemps été complètement supprimé.

Une version archivée de son article sur la géopolitique énergétique de la guerre saoudienne au Yémen est disponible sur la Wayback Machine.

J’ai demandé à Buringa et van der Meij pourquoi le blog de Buringa avait été complètement supprimé si rapidement après que j’ai envoyé ma demande d’entretien, et si elle avait été forcée à le faire sous la pression du gouvernement pour protéger les relations hollandaises avec l’Arabie saoudite.

Dans un email, Buringa a nié avoir été forcé par le ministère des Affaires étrangères hollandais à effacer son blog : “Désolée de vous décevoir, mais je n’ai pas subi de pressions du ministère. La mise en page du blog me dérangeait depuis le début et je désirais le changer depuis des mois… Votre question m’a rappelé que je voulais changer mon site et repenser ce que je veux en faire. Ni voyez rien de plus ici.”

Cependant, le porte-parole aux affaires générales du gouvernement hollandais, van der Meij, n’a pas répondu à de multiples emails et demandes téléphoniques pour un commentaire concernant la suppression du blog.

Beaucoup de firmes hollandaises sont actives dans la conduite d’investissements conjoints au royaume, comprenant la principale compagnie anglo-hollandaise Shell. En raison de la position des Pays-Bas comme un passage vers l’Europe, deux multinationales saoudiennes – la firme pétrolière nationale Aramco et le géant des pétrochimiques SABIC – ont leur siège européen à La Haye et Sittard, tous deux aux Pays-Bas. Les exportations hollandaises vers l’Arabie saoudite ont également nettement augmenté ces dernières années, avec une hausse de 25% entre 2006 et 2010.

En 2013, l’Arabie saoudite a exporté un peu moins de 34 milliards d’euros (38,5 milliards de dollars) de combustibles fossiles vers les Pays-Bas, et importé des Pays-Bas un peu plus de 8 milliards d’euros (9 milliards de dollars) de machines et matériel de transport, 4,8 milliards d’euros (5,4 milliards de dollars) de produits chimiques, et 3,7 milliards d’euros (4,2 milliards de dollars) de denrées alimentaires et d’animaux.

L’alliance saoudienne avec al-Qaïda

Parmi les premiers bénéficiaires de la stratégie saoudienne au Yémen il y a al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), le même groupe qui a revendiqué le massacre de Charlie Hebdo à Paris.

“Le gouvernorat de l’Hadramaout est une des rares zones où la coalition conduite par les Saoudiens n’a effectué aucune frappe aérienne,” notait Buringa. “Le port et l’aéroport international d’al Mukalla sont en bon état et sous le contrôle d’al-Qaïda. De plus, l’Arabie saoudite a livré des armes à al-Qaïda, qui étend sa sphère d’influence.”

L’alliance saoudienne avec les terroristes affiliés à al-Qaïda au Yémen a été mise en lumière en juin dernier lorsque le gouvernement “de transition” d’Abd Rubbuh Mansour Hadi, soutenu par les Saoudiens a détaché un représentant à Genève comme officiel délégué aux négociations avec l’ONU.

Il s’est avéré que le représentant n’était autre qu’Abdulwahab Humayqani, identifié comme un “terroriste mondial spécifiquement désigné” en 2013 par le Trésor américain pour le recrutement et le financement d’AQPA. Humayqani aurait été derrière l’attaque à la voiture piégée d’al-Qaïda qui a tué sept personnes sur une base de la garde républicaine yéménite en 2012.

D’autres analystes sont d’accord. Comme Michael Horton commente dans le Terrorism Monitor de la fondation Jamestown : “L’AQPA peut également bénéficier du fait qu’il pourrait bien être vu comme un intermédiaire utile par l’Arabie saoudite dans sa guerre contre les Houthis. L’Arabie saoudite et ses alliés arment de nombreuses milices disparates dans le sud du Yémen. Il est presque certain qu’une partie, si ce n’est plus, du financement et matériel arrivera jusqu’à l’AQPA et assez probablement à l’État Islamique.”

Alors qu’ils claironnent la guerre contre l’État Islamique en Irak et en Syrie, l’Occident ouvre la voie à une résurgence d’al-Qaïda et de l’État Islamique au Yémen.

“L’Arabie saoudite ne veut pas d’un pays fort et démocratique de l’autre côté de la frontière de plus de 1500 kilomètres de long qui sépare les deux pays (Arabie saoudite et Yémen),” remarquait la représentante du ministère des Affaires étrangères hollandais dans son article maintenant censuré. Ni, il semble, les États-Unis et le Royaume-Uni. Elle ajoutait: “Ces oléoducs vers Mukalla y arriveront probablement finalement.”

Ils n’y arriveront probablement pas – mais il y aura encore un retour de flamme.

Le Dr Nafeez Ahmed est journaliste d’investigation, expert en sécurité internationale et auteur à succès qui suit ce qu’il appelle la « crise de la civilisation. » Il est lauréat du prix Project Censored pour son travail exceptionnel d’investigation journalistique au Guardian sur l’interaction de crises écologiques, énergétiques et économiques mondiales avec la géopolitique et les conflits régionaux. Il a aussi écrit pour The Independent, le Sydney Morning Herald, The Age, The Scotsman, Foreign Policy, The Atlantic, Quartz, Prospect, New Statesman, Le Monde diplomatique, New Internationalist. Son travail sur les causes fondamentales et les opérations clandestines liées au terrorisme international a été une contribution officielle à la Commission du 11 septembre et à l’enquête médico-légale des attentats du 7 juillet.

Photo : Un Yéménite pose avec un drapeau national dans une salle de sports partiellement détruite par des frappes aériennes dirigées par les Saoudiens dans la capitale yéménite Sanaa le 19 janvier 2016 (AFP).

Source : Middle East Eye, le 10/02/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

DALN #6 - 25 février 2016

DALN #6 - 25 février 2016

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