mardi 23 février 2016

Des cœurs embaumés depuis 400 ans découverts dans un couvent à Rennes

Des cœurs embaumés depuis 400 ans découverts dans un couvent à Rennes

400 ans après avoir été enterrés dans des urnes en plomb en forme de cœur, cinq cœurs humains embaumés ont été découverts dans un cimetière du nord ouest de la France.

Cette urne en plomb en forme de cœur porte une inscription identifiant le contenu comme étant le cœur de Toussaint Perrien, chevalier de Brefeillac. Credit: Rozenn Colleter, Ph.D./INRAP

Les scientifiques ont été en mesure de voir à l'intérieur de ces organes grâce aux techniques modernes d'imagerie médicale; ils ont ainsi pu observer les cavités des cœurs, les valves et artères, dont certains portaient des marques de maladies.

Ces cœurs ont été trouvés sous le sol du Couvent des Jacobins à Rennes, où les archéologues de l'INRAP font des fouilles depuis plusieurs années, avant le lancement d'un plan de construction pour un centre de conférence sur le site.

Jusqu'à présent, les archéologues ont mis au jour des centaines de sépultures remontant à la fin du 16ème et début 17ème siècle. Ils ont en outre découvert le corps bien préservé d'une veuve nommée Louise de Quengo, Dame de Brefeillac, morte en 1656. Son corps avait été scellé dans un cercueil en plomb, et lorsqu'il fut ouvert pour autopsie, ses habits (une cape, une chemise de lin, des jambières en laine et des chaussures à semelle de liège) étaient remarquablement intacts. A l'intérieur de son cercueil, les archéologues ont aussi trouvé un coffret en plomb contenant le cœur de son mari, Toussaint Perrien, Chevalier de Brefeillac.

"Il n'était pas rare à cette époque d'être enterré avec le cœur de son mari ou de sa femme" précise le Dr Fatima-Zohra Mokrane, radiologiste à l'Hôpital de Rangueil à Toulouse, et qui a mené cette nouvelle étude, "c'est un aspect très romantique de ces sépultures".

Ces urnes en plomb en forme de cœur ont été mises au jour dans un cimetière du nord ouest de la France. Credit: Rozenn Colleter, Ph.D./INRAP

Quatre autres urnes en forme de cœur ont été découvertes dans les caveaux funéraires de familles de classes de l'élite au Couvent des Jacobins.
Dans un effort pour en apprendre plus sur la santé de ces cœurs vieux de 400 ans, Mokrane et une équipe de scientifiques ont nettoyé les organes et enlevé le matériel d'embaumement afin de pouvoir les scanner avec un IRM (imagerie par résonance magnétique) et faire une tomodensitométrie (CT-scan). "Étant donné que quatre des cinq cœurs sont très bien préservés, nous avons pu voir des signes de maladies cardiaques actuelles, comme l'athérosclérose et la plaque" ajoute-t-elle. Un des cœurs ne montrait pas de signe de maladie, mais trois autres ont une accumulation de plaques dans les artères coronaires, ce qui peut provoquer son l'arrêt de l'organe..

Ce n'est pas la première fois que des scientifiques étudient des cœurs bien préservés dans les données archéologiques. Lorsque le Roi Richard Ier d'Angleterre, appelé "Richard cœur de Lion", mourut en 1199, son cœur fut embaumé séparément de con corps et déposé dans l'église de Notre-Dame à Rouen.

Une étude publiée en 2013 avait montré que le cœur du roi avait été traité avec de la myrte, de la marguerite, de la menthe, de l'encens, de la créosote et du mercure; des substances qui ont probablement plus été inspirées par les textes bibliques que par les nécessités de la conservation.


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Un Maïdan à Varsovie ? Par Konrad Stachnio

Un Maïdan à Varsovie ? Par Konrad Stachnio

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Migrants wait to cross the Macedonian-Greek border near the town of Gevgelija on August 21, 2015. At least five migrants were slightly hurt August 21 when Macedonian police threw noise grenades to drive back refugees from the country's border with Greece, an AFP photographer at the scene said. More than 3,000 mostly Syrian refugees are stuck in no-man's land near the Greek village of Eidomeni after Macedonia August 20 declared a state of emergency and sent troops to help stem the flow of migrants attempting to cross the Balkan country to reach northern Europe. AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

N’importe quel observateur des événements se déroulant actuellement en Pologne pourrait avoir l’impression que nous avons affaire à une violation sans précédent des droits de l’homme et à l’instauration d’un régime totalitaire par le gouvernement récemment désigné et mené par le parti Loi et Justice (PiS) ; celui-ci a décidé, malgré un populisme de résistance, d’instaurer quelque chose de l’ordre des politiques de Victor Orbán. L’idée que la Pologne s’enfonce dans le totalitarisme peut être vue dans la propagande distillée au public par les chaînes de télévision telles que CNN. Parallèlement à cela, une partie de la prétendue opposition, chassée du pouvoir lors de récentes élections démocratiques, appelle au lancement de protestations dans le style de Maïdan à Varsovie et essaie de contester le gouvernement élu démocratiquement. Il va sans dire que tout cela pourrait prêter à sourire ironiquement – à première vue, on dirait bien que les membres de l’establishment, évincés de la politique, des affaires et des médias, sortent de leurs voitures de luxe et descendent dans la rue pour appeler à un remake de Maïdan. Agir ainsi, bien évidemment sous la bannière de “la restauration de la démocratie”, peut être interprété comme une tentative de reprise de pouvoir de leur part. Ces appels à la création d’un Maïdan en Pologne et à l’intervention de l’Union européenne afin de “restaurer la démocratie” sont diffusés sur des ondes très porteuses en ce qui concerne l’Union européenne et l’Allemagne. Pour nous faire une meilleure idée de tous les sujets qui précèdent, je me suis entretenu avec Witold Gadowski, journaliste d’investigation primé et ancien directeur de TVP. [TVP Info est une chaîne de télévision d’information en continu polonaise, NdT]

Dans un de vos textes vous écrivez que ce gouvernement devrait se terminer en mai, qu’ils recherchaient le clone de Donald Tusk et avaient trouvé Ryszard Petru du parti Nowoczesna (Moderne) – un produit soigneusement sélectionné par quelques hommes de l’ombre. Que voulez-vous dire exactement ?

Si quelques mois avant les élections parlementaires, une force, ayant accès à des sommes énormes d’argent et à un énorme soutien médiatique, apparaît, alors deux explications s’offrent à nous : ou nous avons affaire à une sorte de génie qui aurait trouvé un moyen de générer instantanément une carrière politique en Pologne ou bien il y a soutien de la part de personnes en coulisses. Aujourd’hui en Pologne, nous devons faire face à une alliance entre les services spéciaux et les oligarques qui disposent de grandes ressources monétaires. Nous voyons l’arrivée soudaine d’un leader qui n’émerge pas de la communauté bancaire par pur hasard. Si nous acceptons les systèmes introduits lors des discussions historiques de la Table ronde, PiS est bien la force anti-système qui veut défendre les décisions prises autour de cette table ronde. Et maintenant, voilà une nouvelle force qui gagne en dynamisme, voilà un nouveau personnage qui jusque-là n’était pas impliqué au premier plan des batailles politiques. C’est pourquoi ce M. Ryszard du parti Moderne est, me semble-t-il, un personnage soigneusement sélectionné.

Néanmoins, ce prétendu mouvement pour la “protection de la démocratie” a d’une certaine façon unifié une partie du public. Comment cela peut-il arriver ?

Quand on analyse ce genre de phénomènes, il est important de se demander qui est le groupe qui impulse ces évènements. Par ailleurs, le nombre de personnes frustrées est toujours élevé, et elles sont prêtes à descendre dans la rue et disposées à défiler sous n’importe quelle bannière. Ces gens sont simplement mécontents. Une telle rébellion peut toutefois partir dans la bonne direction si le groupe capable d’insuffler l’élan nécessaire à cette dynamique est trouvé. La question ne dépend pas de tel ou tel leader mais d’un groupe qui devienne le dépositaire d’une influence de cette nature pour les 25 années à venir. Cet élément moteur opère sous grand stress, il suffirait d’effectuer des vérifications de ce qui est advenu ces huit dernières années et on mettrait en lumière de nombreuses pathologies et ces pathologies correspondent à de vraies personnes. Des gens qui ont beaucoup à craindre, d’où leur volonté à dépenser plein d’argent pour organiser des manifestations qui essaient de renverser le nouveau gouvernement. Aujourd’hui, on peut voir que ces tentatives pour changer l’humeur publique et faire descendre les gens dans la rue sont allées jusqu’à essayer de fomenter une espèce de chantage international contre les autorités polonaises. Ceci est exécuté, sans honte aucune, par les mêmes qui ont récemment perdu le pouvoir. Tout tourne autour du conflit entre les bénéficiaires du système actuel et ceux qui étaient déjà des citoyens de deuxième zone car sans connexions politiques importantes.

Ces gens-là ont une compréhension de la démocratie caricaturale – d’après eux, la démocratie c’est quand ils gouvernent et s’ils perdent des élections démocratiques, ils appellent l’aide étrangère pour qu’on vienne sauver leur carrière. Contre qui veulent-ils prendre des mesures ? Les Polonais qui ont choisi un gouvernement différent ? Dans ce cas, qui sont ces gens ? Si le gouvernement actuel a des ennemis parmi des gens tels que George Soros, je préfère être du côté de ceux qui se font attaquer. Ce gouvernement n’a été au pouvoir que pendant trente jours et n’a pas pu faire grand-chose. Il n’y a donc aucune raison d’élever une telle clameur en Europe et dans le monde. Ceux qui aujourd’hui s’écrient “démocratie sous menace” de quoi donc ont-ils vraiment peur ? Ils ont peur des conséquences des changements apportés par ce nouveau gouvernement.

Le gouvernement polonais a commencé à être dénigré dans les médias de façon dont seules, jusqu’à maintenant, la Russie et la Hongrie l’avaient été. L’ancien Premier ministre et chef des libéraux au Parlement européen, Guy Maurice Marie Louise Verhofstad, a dit que le gouvernement PiS est constitué de “nazis” et que Jaroslaw Kaczynski, au même titre que Poutine et Orbán, est en train de “détruire l’unité européenne et l’État de droit”. Il a aussi déclaré que “vu la détermination de Vladimir Poutine dans ses efforts à détruire l’unité européenne et l’État de droit, l’actuel gouvernement de Pologne fait le boulot à sa place”. George Soros, quant à lui, croit que le danger en Europe de l’Est prend la forme d’une vague de xénophobie. Dans un entretien avec le journal WirtschaftsWoche, il a mentionné que Jaroslaw Kaczynski, dont le parti a récemment gagné les élections en Pologne, avait qualifié les réfugiés de “mal incarné”. Est-ce que ces pressions internes et externes peuvent mener à une répétition de Maïdan et mener à un scénario de Kiev à Varsovie ?

Il est pénible d’écouter les leçons venant d’un représentant d’un pays qui a légalisé l’euthanasie pour les enfants, le représentant d’un pays incapable de se sortir seul des antagonismes qui vont grandissant entre Flamands et Wallons. Bizarrement, personne n’appelle à une intervention en Belgique où le Front flamand fait entendre plus fort que jamais des déclarations quasi fascistes. Je ne serais pas étonné non plus que Marc Dutroux nous donne bientôt des leçons sur la qualité de la démocratie en Pologne. Permettez-moi de vous rappeler que Marc Dutroux est la figure centrale d’un des plus grands scandales pédophiles au monde qui s’étend encore aujourd’hui à la classe politique belge dans son ensemble. Comme nous l’avons vu dans le cas du Maïdan ukrainien, l’implication de gros capitaux a sa part dans le déclenchement de certaines crises sociales. Si des montants énormes d’argent commencent à affluer de l’étranger sur la Pologne, cela peut effectivement conduire à des troubles sociaux.
C’est une question de maturité et de responsabilité de sa part si la société polonaise le permet ou pas.

A l’échelle européenne nous sommes un grand pays et nous pouvons utiliser les attributs que cette échelle nous confère dans nos façons de fonctionner. Nous devons toutefois le faire habilement. En premier lieu, nous ne pouvons entrer en conflit direct avec l’Union européenne parce que nous sommes encore trop faibles pour trouver une alternative à la façon de construire notre politique. Cependant il y a suffisamment de laisser-aller au sein de l’Union européenne pour régler quelques histoires. Tout d’abord, le gouvernement polonais devrait héberger des réfugiés pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas servir de bouc émissaire à l’Union européenne tout entière. Néanmoins cette proposition devrait être suivie de demandes spécifiques : les autorités polonaises décideraient de qui est accepté et qui ne l’est pas et la solution évidente est de ne prendre que des chrétiens. Nous acceptons des gens proches de nous de par la culture afin de ne pas créer de problèmes sociaux pouvant survenir de l’adoption d’un large groupe de réfugiés musulmans. Nous accepterons des réfugiés, mais selon nos conditions. Nous sommes chrétiens dans un pays catholique et nous entendons aider notre prochain parce ce que c’est ce qui nous est demandé, mais nous entendons venir en aide à ceux qui ne nous amènent pas de problèmes, et cela inclut ceux qui refusent de s’assimiler à notre société.

Je pense que ceux qui veulent voir des manifestations dans le style de Maïdan en Pologne sont confrontés au même dilemme que ceux ailleurs dans le monde qui passèrent d’une existence sous des régimes totalitaires à des conditions de vie démocratiques. Par exemple, en Espagne, les gens du général Franco ont dû apprendre à vivre dans un pays démocratique et, d’une façon ou d’une autre, ces processus d’adaptation s’y sont déroulés sans aucune violence. Puisse la métamorphose de l’Espagne être un exemple pour nous. Ces gens en question sont habitués à utiliser le totalitarisme à leur avantage et, de fait, ces vingt-cinq dernières années, la Pologne se trouvait sous un genre de totalitarisme doux parce que le politiquement correct était de règle et ceux qui s’y refusaient devenaient des citoyens de seconde zone, exilés aux confins de la société. Ainsi ces gens habitués aux tendances totalitaires ne peuvent que débiter des platitudes sur la démocratie et sur le besoin pressant pour Varsovie d’avoir son propre Maïdan.

Konrad Stachnio est un journaliste indépendant basé en Pologne ; il a été l’animateur de nombreux programmes de radio et télévision pour la version polonaise de “Prison Planet” [site web alternatif d’Alex Jones – http://tv.infowars.com, NdT] une exclusivité du magazine en ligne “New Eastern Outlook“.

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Privatisation : la tactique Atlantiste pour attaquer la Russie

Privatisation : la tactique Atlantiste pour attaquer la Russie

Source : CounterPunch, le 08/02/2016

Par PAUL CRAIG ROBERTS – MICHAEL HUDSON
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Il y a deux ans, des officiels russes discutaient de plans d’action pour privatiser un groupe d’entreprises nationales dirigées par le producteur de pétrole Rosneft, la banque VTB, Aeroflot, et Russian Railways. L’objectif de départ était de moderniser la gestion de ces sociétés, et aussi d’inciter les oligarques à commencer à ramener leurs capitaux expatriés depuis deux décennies pour les investir dans l’économie russe. La participation étrangère était sollicitée dans les cas où le transfert de technologie et les techniques de gestion pouvaient aider l’économie.

Toutefois, les perspectives économiques russes se sont détériorées, à mesure que les États-Unis poussaient les gouvernements de l’Ouest à imposer des sanctions économiques contre la Russie et que les prix du pétrole baissaient. Cela a rendu l’économie russe moins attractive pour les investisseurs étrangers. Dès lors la vente de ces sociétés aujourd’hui rapporterait des montants bien inférieurs à ce qu’ils auraient pu représenter en 2014.

Entre-temps, la combinaison d’une hausse du déficit budgétaire intérieur et du déficit de la balance des paiements a donné aux défenseurs de la privatisation un argument pour pousser davantage aux ventes. Le défaut dans leur logique est leur hypothèse néolibérale selon laquelle la Russie ne peut pas seulement monétiser son déficit, mais a besoin pour survivre de liquider plus d’éléments majeurs de son patrimoine. Nous mettons en garde la Russie d’être assez crédule pour accepter ce dangereux argument néolibéral. La privatisation n’aidera pas à la ré-industrialisation de l’économie russe, mais aggravera sa transformation en une économie rentière dont les profits seront extraits au bénéfice de propriétaires étrangers.

Pour s’en assurer, le président Poutine a mis en place le 1er février un ensemble de modalités dont le but est d’empêcher les nouvelles privatisations d’être aussi désastreuses que les ventes réalisées sous l’ère Eltsine. Cette fois les biens ne seront pas vendus en dessous du prix du marché, mais devront refléter la réelle valeur potentielle. Les firmes vendues resteront sous la juridiction russe, et ne seront pas gérées par des propriétaires étrangers. Les étrangers ont été invités à participer, mais les sociétés devront rester soumises aux lois et réglementations russes, y compris les restrictions concernant le maintien de leurs capitaux en Russie.

De plus, les firmes destinées à être privatisées ne peuvent être achetées grâce à un emprunt auprès d’une banque publique nationale. L’objectif est d’obtenir de “l’argent comptant” des rachats – idéalement de devises étrangères détenues par des oligarques de Londres et d’ailleurs.
Poutine a judicieusement écarté de la vente la plus grande banque de Russie, Sperbank, qui détient la plupart des comptes épargne de la nation. Les activités bancaires doivent évidemment rester largement un service public, et cela parce que la capacité de création monétaire par le crédit est un monopole naturel et de caractère intrinsèquement public.
Malgré ces protections ajoutées par le président Poutine, il y a de sérieuses raisons de ne pas poursuivre avec ces privatisations récemment annoncées. Ces raisons vont au-delà du fait qu’elles seraient vendues en période de récession économique résultant des sanctions économiques de l’Ouest et de la chute du prix du pétrole.

Le prétexte cité par les officiels russes pour vendre ces sociétés à l’heure actuelle est le financement du déficit du budget intérieur. Ce prétexte montre que la Russie ne s’est toujours pas remise du désastreux mythe de l’Ouest atlantiste selon lequel la Russie doit dépendre des banques étrangères et des porteurs d’obligations pour créer de l’argent, comme si la banque centrale russe n’était pas capable de monétiser elle-même son déficit budgétaire.

La monétisation des déficits budgétaires est précisément ce que le gouvernement des États-Unis a fait, et ce que les banques centrales de l’Ouest ont fait dans l’ère post-Seconde Guerre mondiale. La monétisation de la dette est une pratique courante à l’Ouest. Les gouvernements peuvent aider à relancer l’économie en imprimant de la monnaie au lieu d’endetter leur pays auprès de créanciers privés qui drainent les fonds du secteur public via le paiement des intérêts aux créanciers privés.
Il n’y a pas de raison valable de recueillir des fonds de banques privées pour fournir au gouvernement de l’argent lorsqu’une banque centrale peut créer le même argent sans avoir à payer les intérêts de prêts.

Néanmoins, il a été inculqué aux économistes russes la croyance occidentale selon laquelle seules les banques commerciales devraient créer de l’argent et que les gouvernements devraient vendre des obligations portant intérêt dans le but de recueillir des fonds. La fausse croyance selon laquelle seules les banques privées devraient créer de l’argent via des prêts mène le gouvernement russe sur le même chemin qui a conduit l’Euro-zone dans une impasse économique.

En privatisant la création monétaire par le crédit, l’Europe a fait passer la planification économique des mains des gouvernements démocratiquement élus vers celles du secteur bancaire.
La Russie n’a pas besoin d’accepter cette philosophie économique pro-rentière qui saigne un pays de ses revenus publics. Les néolibéraux l’ont promu non pas pour aider la Russie, mais pour mettre la Russie à genoux.

Essentiellement, ces russes alliés de l’Ouest – “intégrationnistes atlantistes” – qui veulent que la Russie sacrifie sa souveraineté pour l’intégration dans l’empire occidental utilisent les sciences économiques néolibérales pour prendre au piège Poutine et ouvrir une brèche dans le contrôle qu’a la Russie sur sa propre économie, rétabli par Poutine après les années Eltsine où la Russie était pillée par les intérêts étrangers.

Malgré quelques succès dans la réduction du pouvoir des oligarques résultant des privatisations d’Eltsine, le gouvernement russe a besoin de conserver les entreprises nationales comme pouvoir économique compensateur. La raison pour laquelle les gouvernements gèrent les réseaux de chemins de fer et les autres infrastructures fondamentales est de baisser le coût de la vie et celui de faire des affaires. Le but poursuivi par les propriétaires privés, au contraire, est d’augmenter les prix aussi haut qu’ils le peuvent. Cela est appelé “appropriation de la rente”. Les propriétaires privés dressent des postes de péage pour élever les coûts des services d’infrastructure qui ont été privatisés. Ceci est l’opposé de ce que les économistes classiques entendent par “libre marché”.

Il est question d’un marché qui a été conclu avec les oligarques. Les oligarques deviendront actionnaires dans des sociétés publiques avec l’argent des précédentes privatisations qu’ils ont caché à l’étranger, et obtiendront une autre “affaire du siècle” lorsque l’économie russe aura suffisamment récupéré pour permettre que d’autres gains excessifs soient faits.
Le problème est que plus le pouvoir économique passe du gouvernement au contrôle du secteur privé, moins le gouvernement a de pouvoir compensateur face aux intérêts privés. Sous cet angle, aucune privatisation ne devrait être permise à l’heure actuelle.

Des étrangers devraient encore moins être autorisés à acquérir des biens nationaux russes. Afin de recevoir un unique paiement en monnaie étrangère, le gouvernement russe remettra aux étrangers des sources de revenus futurs qui peuvent, et qui vont, être extraites de Russie et envoyées à l’étranger. Ce “rapatriement” des dividendes se produira même si la gestion et le contrôle restent géographiquement en Russie.

Vendre des biens publics en échange d’un paiement unique est ce que le gouvernement de la ville de Chicago a fait lorsqu’il a vendu contre un paiement unique les 75 ans de source de revenus de ses parcmètres. Le gouvernement de Chicago a obtenu de l’argent pour l’équivalent d’une année en abandonnant 75 ans de revenus. En sacrifiant les revenus publics, le gouvernement de Chicago empêchait les biens immobiliers et le patrimoine privé d’être taxés et permettait par la même occasion aux banques d’investissement de Wall Street de se faire une fortune.

Cela suscitât également un tollé public contre ce cadeau. Les nouveaux acheteurs augmentèrent brusquement les tarifs des stationnements de rue et poursuivirent le gouvernement de Chicago en dommages et intérêts lorsque la ville ferma les rues lors de parades publiques et pendant les vacances, en ce que cela “interférait” avec la rente d’exploitation des parcmètres. Au lieu d’aider Chicago, cela aida à pousser la ville vers la banqueroute. Il ne faut pas s’étonner que les atlantistes aimeraient voir la Russie subir le même sort.

Utiliser la privatisation pour couvrir à court terme un problème de budget crée un plus grand problème à long terme. Les profits des sociétés russes s’écouleraient en dehors du pays, réduisant le taux de change du rouble. Si les profits sont payés en rouble, les roubles pourraient être dopés par le marché de change étranger et échangés contre des dollars. Cela déprécierait le taux de change du rouble et augmenterait la valeur d’échange du dollar. En effet, autoriser les étrangers à acquérir les biens nationaux russes aide les étrangers à spéculer contre le rouble russe.

Bien sûr, les nouveaux propriétaires russes des biens privatisés pourraient aussi envoyer leurs profits à l’étranger. Mais au moins le gouvernement russe réalise que les propriétaires soumis à la juridiction russe sont plus facilement réglementés que ne le sont les propriétaires qui sont capables de contrôler les sociétés depuis l’étranger et de garder leurs fonds de roulement à Londres ou dans d’autres centres bancaires étrangers (tous soumis au levier diplomatique américain et aux sanctions de la nouvelle guerre froide).

A la racine de la discussion sur la privatisation devrait se trouver la question de ce qu’est l’argent et de la raison pour laquelle il devrait être créé par des banques privées plutôt que par des banques centrales. Le gouvernement russe devrait financer le déficit de son budget grâce à la banque centrale qui créerait l’argent nécessaire, tout comme les USA et le Royaume-Uni le font. Il n’est pas nécessaire au gouvernement russe d’abandonner pour toujours des sources de revenus futures simplement pour couvrir le déficit d’une année. Ceci est le chemin qui conduit à l’appauvrissement et à la perte d’indépendance économique et politique.

La globalisation a été inventée comme un outil de l’empire américain. La Russie devrait se protéger contre la globalisation, et non s’y ouvrir. La privatisation est le moyen pour diminuer la souveraineté économique et maximiser les profits en augmentant les prix.
Tout comme les ONG financées par l’Occident qui officient en Russie sont la cinquième colonne qui opère contre les intérêts nationaux russes, les économistes néolibéraux de Russie font de même, qu’ils le réalisent ou non. La Russie n’échappera pas aux manipulations de l’Occident tant que son économie ne sera pas hermétique aux tentatives occidentales de reformatage de l’économie russe dans l’intérêt de Washington et non dans celui de la Russie.

Source : CounterPunch, le 08/02/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

« Terrorisme, une focalisation excessive » par Pascal Boniface

« Terrorisme, une focalisation excessive » par Pascal Boniface

Source : La Croix, Pascal Boniface, 15-02-2016

Pour Pascal Boniface, directeur de l'Iris (1), la menace terroriste ne saurait constituer le seul horizon de la réflexion stratégique et de l'action politique. Car il existe bien d'autres causes de mortalité qui doivent aussi nous préoccuper.

La menace terroriste est devenue le centre de l'horizon médiatique, politique et stratégique français. Pourrait-il en être autrement ? Les attentats des 7 et 9 janvier 2015 et ses 15 morts, le plus grand nombre de victimes du terrorisme depuis cinquante ans sur le territoire français, avaient frappé la nation au plus profond. Elle avait fait face avec près de quatre millions de citoyens manifestant leur refus de céder à la peur. Mais le 13 novembre, c'est 130 personnes qui perdirent la vie du fait d'attentats. Une escalade dans l'horreur, et dans les réactions qui ont suivi.

C'est devenu le sujet numéro un pour les médias qui ont vu leur nombre de téléspectateurs, auditeurs et lecteurs fortement augmenter et pour les responsables politiques qui doivent répondre à une demande de protection et de sécurité du public.

Dans l'ensemble, les Français ont réagi avec une très grande dignité à ces drames. Mais ils sont anxieux et ont besoin d'être rassurés.

Ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu

On peut cependant se demander si, malgré l'intérêt marqué du public, on ne parle pas trop du terrorisme ? Et si, ce faisant, on ne tombe pas dans le piège qui nous est tendu ? Dès 1962, Raymond Aron écrivait que « les effets psychologiques du terrorisme étaient hors de proportion avec les résultats purement physiques ». C'est encore plus vrai à l'heure des chaînes d'informations permanentes parce que c'est exactement ce que recherchent ceux qui ont frappé et veulent encore le faire : marquer les esprits et prendre le leadership sur l'agenda. Ne risque-t-on pas alors de susciter un effet de galvanisation chez les terroristes, qui vont crier victoire au vu de l'ampleur des réactions qu'ils suscitent ? Cela leur permet de consolider leurs recrutements. Ne crée-t-on pas un effet d'imitation ou d'entraînement pour des esprits faibles qui pourraient, par mimétisme, essayer à leur tour de tenter de commettre un attentat ? Ne risque-t-on pas de nourrir un climat anxiogène qui pèse sur le moral de la nation et l'activité économique, à vivre dans l'angoisse de nouvelles frappes qui peuvent survenir à tout moment ? Et du coup de donner une victoire symbolique aux terroristes qui seront parvenus à marquer les esprits ?

La vigilance, pas la panique

Il ne s'agit pas de ne pas prendre en compte la menace. C'est indispensable. Mais faut-il en faire à ce point un élément du débat public ? Ne pourrait-on pas agir avant et en parler moins ? Par ailleurs, à trop se focaliser sur le terrorisme, n'oublie-t-on pas de réfléchir aux grandes évolutions mondiales, à la place de la France dans le monde, à ses marges de manœuvres qui ne peuvent se résumer à la lutte contre le terrorisme ?

Il y a d'autres facteurs de mortalité qui ne suscitent pas la même mobilisation. Il y a 130 personnes par jour qui meurent à cause de l'alcool. L'an dernier, 412 personnes sont mortes de froid dans la rue et 3 500 autres ont été victimes de la route, certes par accident, mais en grande partie par la délinquance routière. Chaque année, 150 personnes meurent de violences conjugales. Deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents. Ces morts ne suscitent pas la même mobilisation.

Sans doute parce que ces morts ne sont pas le fait d'une action politique volontaire qui veut s'attaquer aux bases de notre société. Il y a une acceptation sociale beaucoup plus grande pour ces types de violence qui pourtant font chaque année, et depuis des décennies, beaucoup plus de victimes.

Les terroristes peuvent frapper en tous lieux et à tout moment. Il faut non pas s'y résigner mais s'y préparer, vivre avec ce risque comme nous vivons avec d'autres (maladies, accidents, etc.) en étant vigilants mais pas paniqués.

J'habite et travaille dans le 11e arrondissement de Paris, où ont eu lieu les attentats de novembre. J'ai plus peur pour mes enfants s'ils doivent faire de longs trajets de voiture que s'ils partent boire un verre dans le quartier.

Pour horribles qu'ils soient, ces attentats ne menacent notre société que si nous cédons à la peur. Il est contre-productif de se focaliser de façon excessive sur ce défi stratégique, au risque d'occulter tous les autres. Cela reviendrait à céder au spectaculaire et à l'irrationnel et ne pas voir le structurel et le rationnel.

 (1) Institut de relations internationales et stratégiques.

 Pascal Boniface

Source : La Croix, Pascal Boniface, 15-02-2016