mardi 16 février 2016

Le mensonge le plus dangereux de toute l’Histoire du monde

Le mensonge le plus dangereux de toute l'Histoire du monde

Le Secrétaire général de l'Otan, M. Jens Stoltenberg, a déclaré le 2 février qu'il approuvait la proposition du secrétaire d'État à la Défense Ashton Carter de multiplier par quatre les troupes et les armements américains en Europe, pour lutter contre l'agression russe.

Carter l'avait dit un peu plus tôt le même jour, dans cette annonce sur le réarmement américain pour la guerre contre la Russie :

«Nous renforçons notre posture en Europe pour soutenir nos alliés de l'OTAN face à l'agression de la Russie. En langage officiel du Pentagone, nous appelons cela l'Initiative de réassurance européenne, et après y avoir consacré environ 800 millions de dollars l'an dernier, nous avons plus que quadruplé cette somme pour atteindre $3.4 milliards cette année.

Cela permettra de financer beaucoup de choses : plus de rotations de troupes vers l'Europe, plus d'entraînements avec nos alliés, plus de matériels de combat pré-positionnés et une amélioration de l'infrastructure pour les soutenir.

Et, une fois intégré avec les forces américaines déjà basées en Europe – qui sont elles aussi considérables – tout cela nous permettra de former, à la fin de 2017, une force terrestre combinée hautement capable, qui pourra riposter sur ce théâtre d'opérations, si nécessaire.»

Les États-Unis se préparent à envahir la Russie.

A la fin de 2017, les États-Unis seront prêts à envahir la Russie.

relax, the bombs are from NATO

Et M. Carter de continuer :
«La Russie et la Chine sont nos adversaires les plus inquiétants. Elles ont développé et continuent d'améliorer des systèmes militaires qui tentent de menacer nos avantages sur certains secteurs spécifiques. Et pour certains sujets, elles développent des armes et des tactiques avec lesquelles elles comptent atteindre leurs objectifs rapidement, avant même, espèrent-elles, que nous ripostions.

A cause de cela et à cause de leurs actions jusqu'à présent, de l'Ukraine à la mer de Chine méridionale, le Département de la Défense a élevé leur importance dans notre planification et nos allocations de budget.»

Comme il est secrétaire à la Défense, et non secrétaire à l'Offensive, il a aussitôt ajouté : «Bien que nous ne souhaitions aucun conflit d'aucune sorte avec ces pays, soyons très clairs.»

Voilà une affirmation sans preuve ; il n'a même pas fini sa phrase, et encore moins sa pensée. Mais avec désinvolture, il a tenté de donner l'impression que les États-Unis ne sont jamais un agresseur – par exemple : même si les États-Unis ont étendu l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie, c'est la Russie qui est l'agresseur, parce qu'elle amène des troupes et des armes à ses frontières – à ses propres frontières, pour contrer la menace d'invasion des États-Unis et de l'OTAN, évidemment ; mais non : c'est pour menacer l'OTAN, si vous croyez l'Occident. Dans les déclarations d'Ashton Carter, Barack Obama et Jens Stoltenberg, c'est l'agression russe. Dans l'allégorie de George Orwell, 1984, la rhétorique américaine est simplement appelée la novlangue.

C'est comme si, du temps de l'Union soviétique (donc, avant 1991), quand Nikita Khrouchtchev était l'agresseur en 1962 et John Kennedy le défenseur (contre les missiles soviétiques à Cuba), Khrouchtchev avait refusé de céder et dit que les missiles nucléaires soviétiques basés près du territoire américain avaient uniquement un but défensif, et non offensif (ils n'étaient pas là pour une attaque nucléaire éclair, trop rapide pour que les États-Unis puissent réagir et tirer leurs propres missiles en représailles). Kennedy refusa cette idée, et Poutine refuse aujourd'hui cette idée (juste de l'autre côté des frontières russes). Les États-Unis, maintenant que la Russie est post-soviétique, post-communiste, ont inversé les rôles et sont devenus l'agresseur – contre la nation russe, maintenant démocratique. (Et l'approbation de la politique de Poutine, dans les sondages, est d'au moins 80%, à comparer avec le score d'Obama chez les Américains, d'environ 50%.) Nous avons inversé les rôles. Les États-Unis sont en train de devenir une dictature, tandis que la Russie est devenue une démocratie. C'est le grand retournement. La démocratie aux États-Unis est devenue, pendant ces dernières décennies, l'élection de présidents et de députés et sénateurs qui font campagne sur des mensonges, et qui ensuite ont mené une politique exactement contraire à leurs promesses.

Un bon exemple de cela est que, lorsque Obama faisait campagne pour sa réélection à la présidence, en 2012, il s'est ouvertement moqué de la déclaration de son adversaire, Mitt Romney, qui disait : «La Russie, c'est certainement notre adversaire géopolitique N°1.» Mais dès que Obama a été réélu, il a activé un plan, mis au point par la CIA en 1957, pour chasser du pouvoir en Syrie l'allié de la Russie, Bachar el-Assad, et un plan plus récent, signé de la CIA et du Département d'État, pour chasser le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, partisan de la neutralité, et pour le remplacer par un gouvernement fanatiquement anti-russe. Le directeur de Stratfor a appelé cela le coup d'État le plus flagrant de l'Histoire, ce fut une action très sanglante, suivie d'une guerre civile – et d'un effondrement économique, avec un niveau de corruption encore jamais atteint. De plus, Obama a adopté un plan français pour renverser un autre allié de la Russie, le Libyen Mouammar Kaddhafi.

Tous ces plans ont été encouragés par les exportateurs de pétrole concurrents de la Russie, tous étant des États arabes sunnites fondamentalistes, financiers du djihad : la famille royale d'Arabie saoudite, la famille royale al-Thani du Qatar, la famille royale al-Sabah du Koweït, et les six familles royales des Émirats. Ensemble, toutes ces monarchies possèdent la majorité du pétrole mondial, et seule la Russie, et son allié l'Iran ont des productions comparables. Toutes ces familles royales (notamment les Saoud) sont les grands argentiers d'al-Qaïda, d'État islamique et d'autres groupes djihadistes, tous sont des sunnites fondamentalistes terroristes, dont le but est d'exterminer tous les chiites – et justement, il se trouve que les chiites sont soutenus par la Russie. (Les États-Unis avaient renversé le président d'Iran, progressiste et démocratiquement élu, en 1953, et l'avaient remplacé par le Shah, un véritable dictateur; les Iraniens se méfient du gouvernement américain depuis lors.)

Le Président Obama, lors de son second mandat, a abandonné ses inquiétudes vis à vis des groupes sunnites comme al-Qaïda, et a recentré la politique américaine contre la Russie, au point de soutenir al-Qaïda, État islamique et d'autres groupes sunnites fanatiquement anti-russes, qui ont jeté des millions de réfugiés hors de la Syrie, de la Libye, etc… jusqu'en Europe. (Oh, bien sûr, Obama est officiellement toujours contre ces extrémistes sunnites – tout comme il était contre la politique de Romney, politique qu'il a pourtant suivie après sa réélection.) Tous ces groupes terroristes sont alliés aux familles royales contre les chiites soutenus par l'Iran, et la Syrie alliée aux chiites.

Les croyances des sunnites fondamentalistes, auxquelles adhèrent les familles royales arabes, au moins depuis 1744, poussent à l'extermination de tous les chiites. Maintenant que les chiites et les pays qui leur sont alliés sont soutenus par la Russie, les États-Unis s'apprêtent plus ouvertement que jamais à conquérir la Russie, pour le bénéfice des grandes familles d'Amérique et d'Arabie.

Et il y a bien d'autres exemples des politiques du président Obama, qui en font le modèle de «l'élection des présidents et des députés et sénateurs qui ont fait campagne sur des mensonges, et qui mènent ensuite des politiques opposées aux promesses qu'ils ont faites», comme son idée d'être le champion de la démocratie en Syrie, alors que ses préoccupations actuelles sont de bloquer la démocratie là-bas, parce que tout montre qu'il en résulterait une victoire massive pour Bachar al-Assad. Un autre exemple est le soutien d'Obama au droit des peuples à l'auto-détermination, pour la Catalogne ou l'Écosse, mais pas pour la Crimée, ni pour le Donbass, ni pour l'Abkhazie. Les Nations-Unies soutiennent le droit des peuples à l'auto-détermination partout, et Ban Ki-moon a clairement déclaré que les volontés américaines pour le départ de Bachar al-Assad sont totalement étrangères aux principes sur lesquels ont été fondées les Nations Unies.

money for war money for jobsDonc : le régime américain se dirige vers une confrontation nucléaire avec la Russie, une mesure défensive contre l'agression russe.

Obama avait auparavant utilisé la menace iranienne comme prétexte pour positionner des missiles anti-missiles en Europe, dans les pays bordant la Russie, mais il ne peut plus agiter cette menace, alors maintenant il brandit un nouvel argument : protéger l'Europe de l'agression russe.

Ce qui avait amené Romney à dire que la Russie «est certainement notre adversaire géopolitique N°1» était qu'il avait été piégé par CNN : on lui avait demandé de commenter cette phrase que Obama avait dite, en privé, à Dmitri Medvedev : «C'est ma dernière élection. Après, j'aurai les mains libres.» CNN n'a pas dit de quoi il s'agissait, mais a simplement appâté Romney pour le faire jouer au chasseur-de-sorcières-anti-communiste-façon-McCarthy, et endosser l'habit du rôle du héros républicain. Reuters a expliqué le contexte, Obama répondant aux inquiétudes de Poutine sur le positionnement des missiles anti-missiles (ABM) en Europe pour retirer à la Russie sa capacité de représailles contre une première frappe venant des forces de l'OTAN en Europe ; Poutine rappelant que c'était inacceptable. Obama disait qu'il aurait «les mains libres» contre les Républicains semeurs de haine contre la Russie, une fois qu'il aurait gagné l'élection. C'était seulement un mensonge de plus de sa part. Il gagna sa réélection, et devint un alter ego de Mitt Romney. En fait, Obama a passé tout son premier mandat à tromper le monde entier, faisant croire qu'il avait enfermé les Républicains dans «une mentalité biaisée datant de la Guerre froide». Il y croyait vraiment. Il aurait dû être à Hollywood, pas à la Maison Blanche.

Laissez le démon sortir de sa boîte, et c'est le monde entier qui sera perdu.

La première priorité pour Bernie Sanders, s'il est élu Président, ou pour Donald Trump, sera de défaire toute la politique étrangère de Bush-Obama, parce que cela ne sera sûrement pas fait, ni par Hillary Clinton, ni par Ted Cruz, ni par Marco Rubio – voilà le principal enjeu de l'élection présidentielle à venir. Ce qui est en jeu est rien moins que la question de savoir si la civilisation va survivre encore quelques années. C'est vraiment une question sérieuse, parce que des centaines de milliards de dollars sont dépensés précisément pour y mettre fin.

Ce ne sont pas des contes pour enfants, ni de la science-fiction. C'est plutôt une question morale, fondamentale et sévère, qui concerne de façon urgente le monde entier. Cela n'a rien à voir avec la religion, mais cela concerne le rétablissement de la démocratie, qui a été tellement pervertie qu'elle n'existe pratiquement plus.

La démocratie requiert un public informé et une information honnête. C'est la vérité. Il faut la rétablir, avant qu'il ne soit trop tard.

La probabilité d'une guerre nucléaire n'a jamais été aussi forte que maintenant, sauf peut-être pendant la crise des missiles de Cuba, mais à l'époque, le monde entier le savait, alors qu'en est-il aujourd'hui ? Aujourd'hui, la situation est peut-être encore plus grave. L'urgence est critique.

Est-ce que c'est cela, ce genre de traitement de l'information que nous allons continuer à recevoir sur les grands sujets du monde – que les Russes envahissent notre territoire – alors que c'est nous qui sommes constamment en train d'envahir le leur (et de déclencher des coups d'État), et qu'ils sont en train de faire ce qu'ils doivent faire, pour défendre le peuple russe contre l'Otan ?

Achevons l'OTAN maintenant. Ou c'est nous (et les médias complaisants de l'Occident) qui serons finis. Toute l'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières russes s'est basée sur la fausse promesse que le Président George Herbert Walker Bush avait faite à Mikhail Gorbatchev en 1990, qui poussa Gorbatchev à dissoudre non seulement l'Union soviétique, mais aussi l'homologue de l'OTAN, le Pacte de Varsovie. La Russie a scrupuleusement respecté sa part du contrat en 1991, mais c'est la violation vicieuse de la promesse de George Bush Senior qui s'en est suivie, par lui-même et par tous les Présidents américains qui lui ont succédé. La tromperie a continué, et les États-Unis cultivent, à un point jamais atteint, le mensonge le plus dangereux de toute l'Histoire du monde.

Eric Zuesse.

Article original :

U.S. Now Overtly at War Against Russia, 6 février 2016

Paru initialement ans Strategic-Culture.

Traduit par Ludovic, vérifié par Wayan, relu par Diane et Hervé pour le Saker Francophone.

Note du traducteur Évoquant la crise de Cuba, l'auteur considère que les Soviétiques étaient dans une position offensive, les Américains, eux, jouant en défense. Il ne faut cependant pas oublier que, à la fin des années 1950, les Américains avaient profité de l'entrée de la Turquie dans l'OTAN pour installer des missiles à la frontière turco-soviétique. Les missiles à Cuba étaient donc une réponse. A l'issue de l'accord entre Khrouchtchev et Kennedy, les missiles en Turquie comme les missiles à Cuba furent démantelés.




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Le seul succès de l’intervention occidentale en Libye est d’offrir l’occasion d’une nouvelle guerre.

Le seul succès de l'intervention occidentale en Libye est d'offrir l'occasion d'une nouvelle guerre.

Photo : Sarkozy, Cameron et Abdul Jalil célébrant la victoire en Libye, le 15 septembre 2011.

Un des rares bénéfices du bombardement de la Libye va tomber dans la poche des habituels gagnants de cette alliance public-privé que constitue la machine du militarisme sans fin, en lui fournissant un nouveau prétexte pour un nouveau bombardement.

Les jours suivant le bombardement de la Libye par l'Otan ont été une période de grandes congratulations. Tout comme les avocats de la guerre contre l'Irak ont utilisé la capture et l'assassinat de Saddam Hussein comme preuve que leur guerre avait été un succès, les avocats de la guerre contre la Libye ont utilisé la capture et le meurtre brutal de Kadhafi comme une justification de leur décision.

Les fauteurs de guerre comme Anne Marie Slaughter et Nicholas Kristof remplissaient les colonnes des journaux en vantant leur finesse d'analyse tout en se moquant des opposants à la guerre. Le New York Times publiait un article en première page déclarant : «La tactique américaine en Libye pourrait être un modèle pour d'autres actions du genre.» Tout le monde s'attendait à ce qu'Hillary Clinton, une des avocates les plus ferventes et une architecte de la campagne de bombardement, soit vue comme un génie en politique étrangère grâce à son grand succès en Libye : «Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort», a-t-elle déclamé en riant telle une hystérique à propos du meurtre collectif de Kadhafi, au cours de l'émission télévisée 60 Minutes.

Depuis lors, la Libye, de manière totalement prévisible, s'est complètement écroulée et se trouve pour des années dans un état d'instabilité, d'anarchie, sous la coupe de milices, de conflits sectaires et de l'extrémisme. L'exécution de Saddam Hussein n'a pas justifié la guerre d'Irak ni amélioré la vie des Irakiens, il en va de même pour Kadhafi. Comme je l'ai écrit le lendemain du jour où Kadhafi fuyait Tripoli et où les loyalistes du Parti démocratique fêtaient la victoire en dansant dans les rues : «Je suis franchement étonné de la volonté omniprésente à voir ce qui s'est passé en Libye comme une sorte de triomphe, alors que nous ne savons encore rien des informations nécessaires pour confirmer ce triomphe, c'est-à-dire le nombre de civils tués, si le sang a fini de couler, comment stabiliser le pays et, par-dessus tout, quel genre de régime va remplacer celui de Kadhafi… Quand une puissance étrangère utilise la force militaire pour renverser un régime tyrannique en place depuis des dizaines d'années, toutes sortes de chaos, de violence, d'instabilité et de souffrances, avec encore bien d'autres conséquences totalement imprévisibles, sont inévitables.»

Mais la grande question était de savoir quand (pas si, mais quand) l'instabilité et l'extrémisme qui s'ensuivraient inévitablement, seraient utilisés comme justification à une nouvelle guerre dirigée par les États-Unis, exactement comme cela s'est passé en Irak. En 2012, j'avais déjà posé la question de cette manière :

Encore combien de temps avant que nous n'entendions qu'une intervention militaire est (encore) nécessaire, cette fois pour contrôler les extrémistes anti-américains qui sont maintenant armés et plus puissants grâce à la première intervention ? Les interventions militaires américaines sont très utiles pour s'assurer qu'à l'avenir d'autres interventions militaires soient toujours nécessaires.

Nous avons maintenant la réponse grâce au New York Times :

Inquiets de la menace croissante que représente État islamique en Libye, les États-Unis et leurs alliés augmentent les vols de reconnaissance et la récolte de renseignements pour préparer d'éventuels frappes et raids commandos, ont annoncé cette semaine des politiciens américains et des membres des renseignements… «Il est exact que nous cherchions des actions militaires décisives contre EI parallèlement au processus politique» en Libye, a déclaré Dunford, le général du Joint Chiefs of Staff. «Le président a été clair, nous avons le droit d'utiliser les forces armées».

Tout comme il n'y avait ni al-Qaida ni État islamique à attaquer en Irak avant que les États-Unis ne bombardent le pays, il n'y avait pas EI en Libye avant que l'Otan ne la bombarde. Et maintenant, les États-Unis vont utiliser les conséquences de leurs propres bombardements pour justifier une nouvelle campagne de bombardements sur le même pays. La page éditoriale du New York Times, journal qui a soutenu la première campagne de bombardement sur la Libye, a, dans son édition d'hier, considéré le projet de nouveau bombardement du pays comme très troublant et expliqué : «Une nouvelle intervention militaire en Libye représenterait une avancée significative pour une guerre qui pourrait facilement s'étendre aux autres pays du continent.» En particulier, «cette escalade importante est prévue sans débat au Congrès sur les mérites et les risques d'une campagne militaire qui doit utiliser des frappes aériennes et des raids par les troupes d'élites américaines». (Le premier bombardement contre la Libye s'est aussi fait non seulement sans l'accord du Congrès mais a été ordonné par Obama alors que le Congrès avait rejeté une telle autorisation).

 

 


 

 

Les États-Unis et leurs alliés envisagent une intervention militaire contre EI en Libye.

Voici ce qui a été présenté comme le modèle ultime de l'intervention humanitaire. Celle ci n'a engendré aucun bénéfice humanitaire mais a par contre causé de grandes souffrances humaines car, comme d'habitude, les gens qui ont ordonné cette guerre humanitaire (et la plupart de ceux l'ayant soutenue), ne s'y sont intéressés que dans la période où les bombes pleuvaient et les morts mouraient, mais se sont totalement désintéressés des conséquences humanitaires (comme l'a montrée leur totale indifférence aux conséquences des bombardements). Comme prévu, un des rares bénéfices de cette campagne de bombardement sur la Libye va tomber dans la poche des habituels gagnants de cette alliance public-privé que constitue la machine du militarisme sans fin, en lui fournissant un nouveau prétexte pour une nouvelle guerre.

Glenn Greenwald

Article orignal en anglais : The U.S. Intervention in Libya Was Such a Smashing Success That a Sequel Is Coming, The Intercept, 27 janvier 2016.

Traduit par Wayan, relu par Hervé, Diane et Nadine pour le Saker Francophone




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Dans le débat démocrate, Clinton presse Sanders sur les questions de race, de genre et du soutien à Obama

Dans le débat démocrate, Clinton presse Sanders sur les questions de race, de genre et du soutien à Obama

Dans le débat présidentiel démocrate du 11 février, l'ancienne secrétaire d'Etat Hillary Clinton, qui cherche à rebondir après sa défaite dévastatrice de la primaire du New Hampshire, a soulevé à maintes reprises les questions d'identité raciale et de genre. Elle tentait par là de contrer l'appel du sénateur du Vermont Bernie Sanders à la question de l'inégalité économique. Sanders a pour sa part cherché à contrer Clinton en sacrifiant lui aussi à la politique raciale.

L'effort de Clinton pour mettre l'accent sur les questions de race et de genre reflétait d'abord des préoccupations électorales immédiates. Les deux prochains duels de la campagne pour l'investiture démocrate ont lieu dans des Etats ayant un grand nombre d'électeurs des minorités: les électeurs démocrates du Nevada sont à 20 pour cent hispaniques et à 10 pour cent afro-américains et 55 pour cent de tous les démocrates de Caroline du Sud sont noirs.

Mais la mise en avant accentuée des questions identitaires par Clinton, reprise par les médias pro-patronaux, reflète surtout la préoccupation de l'élite dirigeante devant les signes que les questions sociales et de classe fondamentales dominent la pensée politique de larges couches de la population, motivées par une colère profonde contre le krach financier de 2008 et la croissance continue à sa suite de l'inégalité sociale. En même temps, la campagne des primaires démocrates a montré jusque-là que l'intérêt populaire était relativement faible pour la politique étroite de la race, du genre et de l'orientation sexuelle utilisée depuis des décennies pour diviser la classe ouvrière et supprimer le développement de la conscience de classe.

Dans la primaire du New Hampshire, Sanders a remporté de loin le vote des femmes et en particulier des jeunes femmes, en dépit de l'accent mis par Clinton les jours précédant le vote sur la perspective qu'elle pourrait devenir la première femme présidente.

La réponse populaire forte et imprévue aux attaques lancées par le « socialiste démocratique » autoproclamé Sanders contre l'inégalité économique et les crimes de Wall Street est la manifestation initiale d'une large radicalisation politique. La fonction de base de la campagne de ce député et sénateur « indépendant » de longue date ayant toujours soutenu le Parti démocrate, est de détourner l'opposition sociale et politique à tout l'establishment politique et, de plus en plus, au système de profit, et de la ramener derrière le Parti démocrate.

Clinton a été malmenée par l'attaque de ses liens étroits avec Wall Street qui lui a versé des millions en frais de conférences et des dizaines de millions en contributions à sa campagne et à son super-PAC (Comité d'action politique). Depuis que Bill Clinton a quitté la Maison Blanche, lui et sa femme ont engrangé 153 millions de dollars de revenus, ce qui rend difficile à Clinton de prétendre de façon crédible qu'elle compatit avec la situation des travailleurs à faible revenu, des chômeurs de longue durée, des étudiants criblés de dette, et des retraités qui vivent d'un revenu fixe. Elle se tourne vers la politique identitaire pour cacher le vaste abîme de classe qui sépare non seulement elle, mais l'élite dirigeante américaine, de la masse de la population.

L'establishment du Parti démocrate se mobilise aux côtés de Clinton. Le comité d'action politique des membres noirs du Congrès l'a soutenue cette semaine et le député de Caroline du Sud James Clyburn, le numéro trois démocrate à la Chambre des représentants, a dit qu'il ferait une annonce avant la primaire démocrate du 27 février dans son Etat. Clyburn, qui est afro-américain, est quasi certain de soutenir Clinton.

La Maison Blanche en est elle aussi. Dans un discours devant l'Assemblée générale de l'Illinois à Springfield mercredi, à la veille du débat démocrate, Obama a déclaré son opposition à quiconque tenterait de déterminer si lui ou tout autre politicien démocrate était un « vrai progressiste. » Ce fut une claire réprobation de la campagne de Sanders qui avait parlé ainsi en critiquant les liens de Clinton avec Wall Street.

Dans le débat de jeudi à Milwaukee, dont l'hôte était le réseau de télévision public (PBS) Clinton a d'abord affirmé être d'accord avec Sanders sur le financement des campagnes politiques et la réforme de Wall Street, puis elle a dit: « Mais je veux aller plus loin. Je veux lutter contre ces obstacles qui se dressent sur la voie d'un trop grand nombre d'Américains en ce moment. Les Afro-Américains qui font face à la discrimination sur le marché de l'emploi, l'éducation, le logement et le système de justice pénale. Les familles d'immigrants qui travaillent dur, qui vivent dans la peur, qu'on devrait sortir de l'ombre afin qu'elles puissent avec leurs enfants avoir un avenir meilleur. Il faut garantir la rémunération du travail des femmes, l'égalité de salaire que nous méritons. »

Cela fut un thème récurrent tout au long de la soirée; Clinton a suggéré que Sanders était trop porté sur les questions économiques comme l'emploi, l'inégalité des revenus et des soins de santé, alors qu'elle se préoccupait de questions plus vastes touchant les électeurs afro-américains et hispaniques, comme la discrimination raciale, la violence policière et la réforme de l'immigration.

Sanders ne s'est guère efforcé de démasquer la prétention de Clinton à se faire la championne des opprimés. Comme Clinton, il a discuté de questions comme la discrimination salariale et de l'emploi, la violence policière et les attaques sur les immigrants comme si elles étaient des questions touchant les seules minorités raciales et non la classe ouvrière tout entière. Malgré ses références occasionnelles et pour la forme au socialisme – le mot n'a effectivement pas été prononcé durant le débat – Sanders sépare le racisme, le sexisme et l'attaque des droits démocratiques du système capitaliste qui les engendre.

Il a fait ses critiques habituelles de Wall Street et des inégalités économiques d'un ton nettement plus modéré que dans les débats et discours précédents. De manière significative, il n'a pas parlé des attaques contre les droits des travailleurs dans le Wisconsin en 2011, qui avaient déclenché un mouvement de protestation dans tout l'État contre l'administration du gouverneur républicain Scott Walker. Ce mouvement a finalement été détourné par les syndicats et le Parti démocrate qui l'ont fait dérailler. Clinton a parlé deux fois, de façon désobligeante, de Walker mais Sanders n'a jamais prononcé son nom.

Le caractère réactionnaire des campagnes de Clinton et Sanders a été le plus clairement exprimé dans leur concurrence pour l'héritage de Barack Obama. Le plus fort échange entre les deux candidats a été quand Clinton a suggéré que Sanders avait formulé des critiques injustifiées envers Obama, affirmant qu'il parlait « comme un républicain. » Ce que Sanders a furieusement dénoncé comme « un coup bas. »

Après le débat, Tad Devine, le stratège en chef de Sanders s'est plaint qu'« ils essaient de placer un obstacle, un mur, une division entre le sénateur Sanders et le président Obama. Il n'y a qu'un problème avec cela: elle n'en existe pas. » On ne saurait faire critique plus dévastatrice de la campagne de Sanders. Le gouvernement Obama a été le principal instrument de l'aristocratie financière américaine ces sept dernières années dans sa guerre à la classe ouvrière américaine et dans le maintien des intérêts mondiaux de l'impérialisme américain.

Clinton a mentionné le nom du président 21 fois au cours du débat de deux heures, selon un décompte des médias; Sanders a vainement cherché à la surpasser en s'alignant sur la politique de ce gouvernement droitier de la grande entreprise.

Il était notable que dans la partie du débat sur la politique étrangère, qui fut relativement brève, Sanders s'est identifié complètement avec Obama et a souligné les différends de Clinton avec la Maison Blanche sur des questions comme l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne en Syrie. Sanders a fait les commentaires les plus étendus de sa campagne sur la question de l'Ukraine et de la Russie, il a souscrit pleinement à la politique d'Obama, qui menace une escalade allant jusqu'à l'affrontement militaire direct avec la Russie, la deuxième puissance nucléaire du monde.

Sanders a déclaré, « Les actions agressives de la Russie en Crimée et en Ukraine ont créé une situation où le président Obama et l'OTAN disent – correctement, je crois – nous allons devoir renforcer le niveau de nos effectifs dans cette partie du monde pour dire à Poutine que son agressivité ne restera pas sans réponse … Nous devons travailler avec l'OTAN pour protéger l'Europe de l'est contre toute sorte d'agression russe. »

 Patrick Martin

Article paru en anglais, WSWS, le 13 février 2016




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On a détecté des ondes gravitationnelles ! par Yaroslav Pigenet

On a détecté des ondes gravitationnelles ! par Yaroslav Pigenet

Source : CNRS, Yaroslav Pigenet, 11-02-2016

Vue d'artiste de deux trous noirs qui, en fusionnant, émettent des ondes gravitationnelles.

Aujourd'hui, à 16h30, les collaborations Ligo et Virgo ont annoncé avoir détecté des ondes gravitationnelles, un siècle après leur description par Einstein. C'est un double coup de maître : en détectant pour la première fois ces ondes, les chercheurs ont également observé la première collision entre deux trous noirs. Une nouvelle fenêtre s'ouvre sur l'Univers.

Dévoilées par Einstein en 1915, les équations de la relativité générale induisaient l'existence théorique de deux phénomènes inconnus et inobservables à l'époque : les ondes gravitationnelles et les trous noirs. Après une quête de près d'un demi-siècle, les physiciens, et plus particulièrement, depuis 2007, ceux de la collaboration associant les observatoires Ligo (États-Unis) et Virgo (Europe), tiennent enfin leur Graal : la première observation directe d'une onde gravitationnelle causée par la collision de deux trous noirs. Cette découverte annoncée le 11 février ne constitue pas seulement une validation supplémentaire de la théorie d'Einstein, elle fait aussi entrer l'astronomie dans une nouvelle ère en lui procurant un messager de plus pour observer les phénomènes les plus violents de l'Univers.

Il y a très longtemps, dans une galaxie très très lointaine, deux trous noirs qui tournaient l'un autour de l'autre et pesaient chacun environ 30 soleils ont fini par se rencontrer à 200 000 kilomètres/seconde (les deux tiers de la vitesse de la lumière !) et fusionner. Un phénomène appelé coalescence. Cet événement cataclysmique, baptisé GW150914, a, en une fraction de seconde, converti en ondes gravi­tationnelles une énergie équivalant à trois fois la masse du Soleil.

Deux observations simultanées

Ce sont ces ondes, générées à plus d'un milliard d'années-lumière de la Terre, que les deux interféromètres laser géants de Ligo – l'un situé en Louisiane, l'autre à 3 000 kilomètres, dans l'État de Washington – ont observé simultanément le 14 septembre 2015 à 11 h 51. « Cette double détection et la force du signal enregistré assurent qu'il ne s'agit pas d'une fausse alarme, précise Benoît Mours, chercheur au Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique des particules (Lapp)1 et responsable scientifique du projet Virgo en France. Selon nos vérifications, un bruit aléatoire mimant GW150914 est si peu probable qu'il ne pourrait se produire qu'au plus une fois tous les 200 000 ans ! »

Cette double
détection et
la force du signal
enregistré assurent
qu'il ne s'agit
pas d'une fausse
alarme.

Cette observation directe est d'abord une confirmation éclatante de la validité de la théorie de la relativité générale et de l'une de ses prédictions les plus révolutionnaires. C'est aussi une prouesse technique sachant qu'Einstein lui-même pensait que les déformations de l'espace-temps dues aux ondes gravitationnelles étaient si ténues qu'elles ne pourraient jamais être détectées directement.

« Pour l'astrophysique, cette découverte est un peu ce qu'a été celle du boson de Higgs pour la physique des particules, explique Tania Regimbau, astrophysicienne dans le groupe Virgo-Artemis2. Et ce tant par la manière – une colla­boration internationale de plusieurs années rassemblant des centaines de chercheurs –, que par le résultat – la validation expérimentale d'une théorie centenaire ouvrant la voie à une nouvelle astronomie. »

Bras ouest de 3 km dans lequel circule l'un des deux faisceaux laser de l'interféromètre Virgo. Ce détecteur mesure les déformations de l'espace générées par le passage des ondes gravitationnelles.  C. FRESILLON/VIRGO/CNRS PHOTOTHEQUE

Remonter l'histoire de l'Univers

En effet, après les ondes électromagnétiques (lumière, ondes radio, rayons X…), qui ont permis aux astronomes d'observer des phénomènes et des objets cosmiques de plus en plus éloignés, les ondes gravitationnelles vont désormais permettre d'étudier des événements extrêmes et de remonter encore plus loin dans l'histoire de l'Univers. Le ­redémarrage en 2016 du détecteur Advanced Virgo en Italie, dont les données seront combinées avec celles de Ligo, fournira aux chercheurs un observatoire gravitationnel capable d'identifier et de localiser encore plus précisément les sources de ces précieuses ondes. Kagra au Japon devrait com­pléter ce réseau vers 2018. Ces instruments seront ensuite rejoints, vers 2030, par eLISA, un ensemble de trois satellites qui constitueront un interféromètre avec l'ambition de détecter directement les ondes gravitationnelles issues du Big Bang. L'ère de l'astronomie gravitationnelle est née.

Source : CNRS, Yaroslav Pigenet, 11-02-2016

 

Ondes gravitationnelles : la plus vibrante des prédictions d’Einstein confirmée

Source : Le Point, Olivia Recasens, 09-02-2016

Pour la première fois, les “vibrations de l’espace-temps” prédites par Einstein ont été détectées. Une découverte plus importante que celle du boson de Higgs.

Au départ, ce n’était qu’une folle rumeur. Un message posté le 11 janvier sur Twitterpar le cosmologiste Lawrence Krauss, de l’université d’Arizona State : « Mes dernières informations au sujet du Ligo ont été confirmées par des sources indépendantes. Restez branchés ! On a peut-être découvert des ondes gravitationnelles  !! Excitant. » Retweeté plus de 1 900 fois, le tweet du cosmologiste a fait le tour de la planète science, s’attirant une volée de réactions sceptiques tant la nouvelle était à peine croyable.

Mais, désormais, la découverte est officielle : des physiciens sont parvenus à détecter des ondes gravitationnelles, selon une étude publiée dans Physical Review Letters. « C’est l’une des plus importantes découvertes scientifiques de notre temps. À mon avis, plus importante encore que celle du boson de Higgs ! explique au Point Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences (1). La preuve que nous disposons maintenant d’un appareil capable de mieux comprendre l’infiniment grand. Nous n’allons plus nous contenter de regarder les étoiles, mais voir à l’intérieur d’elles, car ces ondes pénètrent la matière au seuil de laquelle la lumière s’arrête. »

L’histoire des ondes gravitationnelles commence il y a cent ans avec Albert Einsteinqui se met en tête de comprendre comment se propage le champ gravitationnel dans la toute nouvelle théorie de la gravitation qu’il vient de construire, la théorie de la relativité générale. Mais l’article que le physicien écrit en 1916 contient une importante erreur, et ce n’est qu’en 1918, dans un deuxième papier, qu’il en donne la bonne description. Les ondes gravitationnelles, « OG » de leur petit nom, forment l’un des éléments-clés de la théorie de la relativité générale : la propagation par ondes, à la vitesse de la lumière de la gravitation. La relativité générale prédit en effet que tout corps qui se déplace génère une déformation de la structure de l’espace-temps, autrement dit, modifie les distances et le temps, et cette déformation se propage par ondes successives dans le cosmos à la manière d’une vague à la surface de l’eau. Seuls des événements extrêmement violents génèrent des OG, des cataclysmes cosmiques, tels que la formation d’une étoile dans un trou noir, l’explosion d’une supernova ou encore la collision de deux étoiles à neutrons. Mais, pour autant, personne n’avait encore réussi à détecter ces déformations de l’espace-temps, qui se propagent dans l’Univers à 300 000 km/s, la vitesse de la lumière.

« Courage »

Cela fait trente ans pourtant que les scientifiques les traquent activement. D’un côté, Virgo, une antenne de détection construite à Pise sous l’égide du CNRS et de l’Institut national de physique nucléaire italien (INFN), qui mobilise six équipes françaises (APC, LAL, LAPP, LMA, LKB, OCA). De l’autre, Ligo de la National Science Foundation avec ses deux interféromètres situés aux États-Unis. En 2014, vu l’ampleur du défi, Virgo et Ligo ont signé un accord pour mettre en commun leurs données. En septembre 2015, ce sont les deux interféromètres américains qui ont enfin capté des signaux, éphémères – ils n’ont duré qu’une petite fraction de seconde –, provenant du mouvement orbital, puis de la fusion de deux trous noirs géants, chacun d’une masse équivalant à 30 soleils, situés à environ un milliard d’années-lumière de la Terre. C’est cette observation qui vient donc d’être confirmée après vérification des données.

Pendant longtemps, on a douté de l’existence de ces ondes. « La première preuve mathématique n’a été apportée qu’en 1952 par Yvonne Choquet-Bruhat, spécialiste de la relativité. Puis, à la fin des années 50, un autre pionnier, Joseph Weber, a eu le courage de penser qu’il fallait construire des détecteurs assez sensibles pour détecter les OG », raconte Thibault Damour (1), professeur à l’Institut des hautes études scientifiques, qui a notamment fourni au réseau Ligo/Virgo une méthode inédite pour décrire le signal émis par la fusion de deux trous noirs et faciliter ainsi sa détection.

« Courage », le mot n’est pas trop fort si l’on interroge les chercheurs qui ont consacré tout ou partie de leur carrière à la quête des ondes gravitationnelles. « Dès le début de construction de Virgo, il y a eu plusieurs voix conservatrices qui se sont levées : c’est trop risqué, trop cher, mieux vaudrait investir sur d’autres domaines. Heureusement, le CNRS a tenu bon ; c’est cela, l’avantage principal des organismes nationaux de recherche, leur persévérance sur des cibles scientifiques de longue durée », se souvient Stavros Katsanevas, directeur adjoint scientifique de l’Institut de physique nucléaire et physique des particules (IN2P3) du CNRS et président de l’Observatoire européen des ondes gravitationnelles (EGO/ VIRGO) de 2002 à 2012. « Cela dit, la construction de Virgo a commencé trois ans plus tard que celle de Ligo. Les collègues de Virgo ont fait des efforts remarquables, et le retard s’est réduit à quelques mois seulement. Les deux collaborations travaillent main dans la main et des contributions cruciales dans l’analyse de ces événements ont été apportées par les équipes européennes, telles que le laboratoire Astroparticule et Cosmologie de l’IN2P3/Paris-Diderot/CeA/Obs de Paris. »

Vertigineux

Depuis l’annonce de la détection, c’est comme si le monde de la physique avait subi une onde gravitationnelle, et ceux qui n’avaient pas brillé par leur enthousiasme jouent désormais des coudes pour être sur la photo. Il est vrai que l’exploit de Virgo/Ligo donne ni plus ni moins naissance à une nouvelle astronomie. Quatre cents ans après l’astronomie optique lancée par Galilée lorsqu’il a braqué sa lunette vers le ciel. « Les premiers radiotélescopes ont ensuite ouvert la voie à l’astronomie radio, les satellites ont lancé l’astronomie des rayons X, puis celle des rayons gamma, etc. Des astronomies toutes basées sur les ondes électromagnétiques jusqu’à ce que les premiers détecteurs de neutrinos cosmiques inaugurent l’astronomie neutronique. La détection des ondes gravitationnelles, d’un autre type de signal donc, nous donne de nouvelles lunettes pour voir des choses nouvelles dans l’Univers », précise Thibault Damour.

De fait, les perspectives sont vertigineuses : pouvoir sonder l’énergie noire, cette force étrange qui expliquerait l’expansion de notre Univers, mieux explorer le cosmos et, pourquoi pas, remonter dans le temps jusqu’à 14 milliards d’années. En effet, non seulement les physiciens ont capturé le signal émis par des ondes gravitationnelles, mais ils ont aussi observé, pour la première fois, la fusion de deux trous noirs. La preuve de l’existence de ces ogres dévoreurs de lumière, qui détiennent peut-être le secret de la naissance de notre Univers. Au début des années 2000, Jean-Pierre Luminet, astrophysicien à l’Observatoire de Paris-Meudon et directeur de recherche au CNRS, écrivait : « Les frontières de la science sont toujours un mélange bizarre de vérité nouvelle, d’hypothèse raisonnable et de conjecture extravagante. » La prouesse que viennent d’accomplir les physiciens américains, français et italiens ouvre une fenêtre sur l’Univers en apparence extravagant inventé par Einstein il y a un siècle.

(1) Retrouvez l’avis de l’Académie ainsi qu’un dossier complet sur la lumière.

(2) Le prochain cours de Thibault Damour à l’IHES, les 18 et 25 février, porte sur « Ondes gravitationnelles et systèmes binaires ». Sur le site, figurent aussi les contribution de l’IHES aux ondes gravitationnelles.

Source : Le Point, Olivia Recasens, 09-02-2016

La Chine menace les compagnies américaines de sanctions : est-ce l’avenir ? Par Peter Harrell

La Chine menace les compagnies américaines de sanctions : est-ce l'avenir ? Par Peter Harrell

Source : Reuters – The Great Debate, le 26/01/2016

 

Des conteneurs maritimes entassés dans un port de Qingdao, province de Shandong, le 10 décembre 2013. REUTERS/China Daily

La récente menace par la Chine d’imposer des sanctions aux entreprises américaines du secteur de la défense vendant des armes à Taïwan ne devrait pas prendre les officiels ou les dirigeants de sociétés américains par surprise : cela fait des années que Washington applique ce genre de sanctions. Que les concurrents des É-U se mettent à copier leurs tactiques n’était qu’une question de temps.

Indépendamment du fait que la Chine mette sa menace à exécution, Washington a besoin de se préparer à une nouvelle norme dans laquelle les États-Unis doivent autant se défendre contre des sanctions qu’en imposer.

La Chine s’inspire directement du manuel des sanctions que Washington a développé contre l’Iran. Entre 2010 et 2015, les États-Unis ont effectivement donné le choix à diverses entreprises : s’ils pratiquaient un commerce interdit avec l’Iran, comme l’achat de pétrole, on leur couperait toute possibilité d’activité commerciale sur le sol américain. Forcés de choisir entre l’accès au plus important système financier au monde et un marché iranien plus de trente fois moindre, la plupart des entreprises se sont rangées du côté de Washington et ont évité Téhéran.

Les menaces chinoises imitent cette approche – tentant de forcer les sociétés américaines à choisir entre les ventes d’armes à Taïwan et l’accès à une économie chinoise presque vingt fois plus importante. Bien que les entreprises américaines ne vendent actuellement aucun équipement militaire à la Chine, de nombreux contractants de la défense des É-U vendent des avions de transport de passagers, des pièces d’aviation et d’autres équipements civils en Chine et pourraient voir leur capacité à continuer ces ventes interrompue par Pékin.

 

Des conteneurs maritimes sur un navire au port de Rizhao, province de Shandong, le 6 décembre 2015. REUTERS/Stringer

Pour Pékin, il s’agit d’un changement de position officielle. La Chine a longtemps argué que seules les sanctions imposées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies étaient légitimes. Cependant, Pékin ne s’est pas strictement tenu à cette politique. En 2012, par exemple, il a unilatéralement limité les importations de fruits et de légumes depuis les Philippines en rétorsion, dans le cadre d’une dispute sur des revendications en mer de Chine du Sud.

Mais les menaces publiques de la Chine au sujet de Taïwan marquent une escalade majeure de sa volonté apparente de déployer ses propres sanctions contre les sociétés américaines engagées dans les affaires commerciales, en particulier des affaires explicitement autorisées par l’administration Obama et soutenues publiquement par de nombreux membres du Congrès.

Les décideurs politiques chinois comprennent que leurs difficultés économiques et financières grandissantes rendent leurs menaces de sanctions d’autant plus crédibles. La Chine constitue un marché décisif pour les produits américains, des voitures aux microprocesseurs, et les entreprises comme Wal-Mart, Apple, MasterCard et Starbucks sont parmi les entreprises américaines de pointe qui génèrent au moins dix pour cent de leur chiffre d’affaires en Chine, selon des données rassemblées l’an dernier par Factset Research.

D’autres pays, comme la Russie, ont aussi commencé à évaluer les domaines dans lesquels ils ont un poids économique qu’ils peuvent utiliser contre Washington et ses alliés.

Il y a plusieurs étapes pratiques que les États-Unis devraient effectuer pour répondre aux menaces chinoises ou pour être prêts lorsque d’autres pays menaceront de sanctions.

 

Un travailleur marche dans la zone des conteneurs du port de Shanghai, 10 avril 2012. REUTERS/Aly Song

Premièrement, les responsables américains doivent commencer à planifier systématiquement leur défense contre les sanctions. Bien que Washington ait de puissants mécanismes d’analyse pour développer de nouvelles sanctions contre des cibles étrangères, il ne fait pas grand-chose pour analyser la vulnérabilité des É-U aux sanctions. Il faut changer cela. Et vite. Le Département du Trésor devrait, pour commencer, mettre en place un comité de planification de défense contre les sanctions pour étudier la vulnérabilité américaine aux sanctions et émettre des rapports.

Deuxièmement, Washington doit faire savoir clairement à Pékin que le gouvernement américain soutiendra les entreprises américaines menacées de sanctions. Les principaux responsables américains devraient insister sur le fait que Washington considère la menace chinoise comme inacceptable et que les États-Unis encourageront les entreprises américaines à participer à l’accord avec Taïwan malgré les menaces.

Si la Chine poursuit sur sa lancée et impose des sanctions, Washington devra envisager des mécanismes pour protester contre les actions de la Chine et chercher des recours économiques pour les entreprises américaines affectées.

Troisièmement, les entreprises devraient faire plus pour identifier les risques de sanctions et durcir leurs défenses contre leurs vulnérabilités potentielles. Les entreprises américaines sont déjà engagées dans des analyses sophistiquées pour s’assurer que des évènements lointains tels que tremblements de terre et autres catastrophes naturelles ne déstabilisent pas le marché mondial. Les entreprises devraient employer des analyses de risque similaires et des stratégies d’amortissement pour les sanctions potentielles de la part de gouvernements étrangers.

Quatrièmement, les États-Unis doivent investir beaucoup plus d’énergie et de capital diplomatique pour construire des normes mondiales définissant quand des sanctions devraient et ne devraient pas être utilisées. Il y a actuellement quelques normes de ce type – même parmi de proches alliés des É-U comme l’Union Européenne.

Si Washington ne pousse pas à la mise en place de telles normes, la Chine et d’autres gouvernements le feront probablement. Le développement de normes autour de l’utilisation de sanctions ne préviendra pas en soi leur utilisation abusive par la Chine et d’autres gouvernements. Mais de même que les normes mondiales aident à limiter l’utilisation abusive de la force militaire par les gouvernements étrangers, des normes sur l’utilisation de la force économique aideront Washington à combattre des abus.

Les sanctions et d’autres outils économiques joueront probablement un rôle central dans la politique étrangère américaine dans les années à venir. La menace chinoise met en évidence le besoin de reconnaître les vulnérabilités propres des États-Unis, contre lesquelles Washington devrait prendre des mesures.

Source : Reuters – The Great Debate, le 26/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Source : DeDefensa, 28/1/2016

Une "guerre des sanctions", ou l'arroseur bientôt arrosé ?

Les Chinois viennent de réagir à l'intention affichée par les USA de vendre des armements à Taïwan. (Depuis décembre, des compagnies US négocient pour la vente à Taïwan de navires et d'autres équipements à hauteur de $1,83 milliard. Le gouvernement US vient d'approuver cette vente.) La réaction chinoise pouvait sembler convenue en première lecture, avec l'habituelle protestation. Pourtant, cette fois il y a des menaces directes et précises de "sanctions" que la Chine se réserve le droit d'imposer, de manière unilatérale, sans consultation ni autorisation de l'ONU, "à l'américaine" quoi… Cela, estime Peter Harrell le 27 janvier sur son blog de l'agence Reuters, représente un changement considérable. Harrell, qui est présentement Adjunct Senior Fellow au think tank à la mode à Washington (Center for a New American Security [CNAS] de Michele Flournoy), vient de l'administration Obama : il était assistant du secrétaire d'État pour les questions de sanctions et de mesures financières de rétorsion (dites "anti-threat", ce qui est un sophisme révélateur). Il s'agit donc bien d'un spécialiste de la question des sanctions, qui, jusqu'à la mi-2015, était au cœur de la machinerie dirigeant cette politique au sein de l'exécutif US.

C'est Harrell qui nous conseille de prendre très au sérieux, 1) la menace chinoise ; 2) ce que cette menace implique du comportement de la Chine, et d'autres pays, pour l'avenir assez rapproché ; 3) par conséquent, – parce que c'est bien dans ce sens qu'il faut lire ce propos, comme Harrell l'explique plus loin, – autant de situations menaçantes qui apparaîtraient éventuellement pour les USA .

« China's recent threat to impose sanctions on U.S. defense companies that sell arms to Taiwan should come as no surprise to American officials or corporate executives: Washington has been issuing sanctions of these sorts for years. It was only a matter of time before U.S. competitors started copying its tactics. Regardless of whether China follows through on its threat, Washington needs to be ready for a new normal in which the United States must defend against sanctions as well as impose them.

» China is taking a page from the sanctions playbook Washington developed against Iran. Between 2010 and 2015, the United States effectively gave companies a choice: If they did prohibited business with Iran, like buying oil, they would get cut off from doing any business in the United States. Forced to choose between access to the world's most important financial system and an Iranian market less than 1/30th the size, most companies stuck with Washington and avoided Tehran. China's threat mirrors this approach — trying to force U.S. companies to choose between defense sales to Taiwan and access to a Chinese economy that is nearly 20 times larger. While U.S. companies do not currently sell military equipment to China, many U.S. defense contractors do sell civilian passenger aircraft, aviation parts and other civilian equipment in China and could find their ability to continue those sales cut off by Beijing.

» For Beijing, this is a change in official position. China has long argued that only sanctions imposed by the United Nations Security Council are legitimate. Yet, Beijing has not strictly adhered to this policy. In 2012, for example, it unilaterally limited imports of fruit and vegetables from the Philippines in retaliation for a dispute over claims in the South China Sea. But China's public threat over Taiwan marks a major escalation in its apparent willingness to deploy sanctions of its own against U.S. companies engaging in business, particularly business that is expressly authorized by the Obama administration and publicly supported by many in Congress.

» Chinese policymakers understand that their growing economic and financial clout makes sanctions threats more credible. China is a critical market for U.S. products from cars to computer chips, and companies like Wal-Mart, Apple, MasterCard and Starbucks are among the leading American firms that generate at least 10 percent of their business in China, according to data compiled last year by Factset Research. Other countries, like Russia, have also begun to assess areas where they have economic leverage they can use against Washington and its allies… »

Ce qui est remarquable dans ce qu'écrit Harrell, c'est la perception qu'il nous expose de la probabilité du changement de comportement de la Chine, qui semblerait vouloir passer d'une politique strictement multilatérale et conforme aux règles internationales édictées par l'ONU, à une attitude unilatérale, déterminée souverainement et en fonction des seuls intérêts chinois. Harrell estime que c'est le poids économique de la Chine, la multiplicité de ses relations commerciales, sa place importante comme très grand marché pour les exportations, qui lui permet de prétendre à une telle politique : lorsque et si la Chine interdit l'exportation de matériels aéronautiques US sur son territoire, les pertes de Boeing constitueront un énorme manque à gagner pour la firme autant qu'un important déficit à l'exportation pour les USA.

Bien entendu, l'argument a du poids et il ne peut pas ne pas être pris en compte pour ce qu'il pèse. Mais il y a évidemment un autre aspect, qui concerne l'attitude des USA, tant du point de vue direct de sa politique unilatéraliste d'application de sanctions décidés par eux-seuls, que du point de vue indirect de leur attitude politique et stratégique vis-à-vis de la Chine (notamment les pressions exercées sur la Chine parfois à la limite de la violation, sinon en violation pure et simple selon la Chine de règles internationales qui la concernent directement, comme les diverses croisières de l'US Navy vis-à-vis des eaux territoriales chinoises). On peut même avancer l'hypothèse que la politique générale des USA avec leur complet désintérêt pour le respect des lois internationales, même lorsque la Chine n'est pas concernée, a également pesé dans ce qui serait un changement de la politique.

Cette possibilité de sanctions chinoises, si elle conduit à des sanctions anti-US, – ce qui paraît inévitable si les livraisons US à Taïwan se réalisent, et selon l'idée que les USA ne reculeront pas à cet égard, – marquera un tournant important de la politique chinoise dans le sens de l'unilatéralisme anti-US. Cela signifiera que la Chine a été conduite, sinon "forcée", à abandonner sa politique classique de respect des principes de la vie internationale par le comportement des USA. Cela se ferait en parallèle à l'évolution de la politique russe depuis la croise ukrainienne, mais cette fois avec les politiques de ces deux grands pays se renforçant l'une l'autre, et les incitant l'un et l'autre à aller de l'avant dans le sens de ce qu'on ne peut percevoir autrement que comme une politique de confrontation avec les USA dans les domaines des relations internationales. La responsabilité étant absolument du fait des USA depuis de nombreuses décennies, on ne peut que constater le caractère à la fois fondé et inéluctable de telles réactions.

Que feraient les USA si les Chinois mettaient leurs menaces à exécution ? C'est l'objet d'une deuxième partie du texte de Harrell, qui conseille aux USA de prendre plusieurs mesures et orientations : « First, U.S. officials need to begin systematically planning for sanctions defense. While Washington has strong analytic mechanisms to develop new sanctions against foreign targets, it does little to analyze U.S. sanctions vulnerabilities. This needs to change. Fast. The Treasury Department should, for a start, set up a defensive sanctions planning committee to research and report on U.S. sanctions vulnerabilities.

» Second, Washington needs to make clear to Beijing that the U.S. government will support American companies threatened by sanctions. Senior U.S. officials should emphasize that Washington views China's threat as unacceptable and that the United States will encourage American companies to participate in the deal with Taiwan despite the threat. If China follows through and imposes sanctions, Washington needs to look at mechanisms to protest China's action and to seek economic recourse for affected U.S. companies.

» Third, companies need to do more to identify sanctions risks and to harden defenses against potential vulnerabilities. U.S. companies already engage in sophisticated analyses to ensure that far-flung events like earthquakes or other natural disasters do not disrupt global business. Companies should apply similar risk assessments and mitigation strategies toward potential sanctions by foreign governments.

» Fourth, the United States needs to invest far more energy and diplomatic capital to build global standards defining when sanctions should and should not be used. There are currently few such standards — even among close U.S. allies like the European Union. If Washington does not step up to shape such standards, China and other governments will likely try to do so. Developing standards about the use of sanctions will not, by itself, prevent China or other governments from misusing them. But just as global standards help constrain the misuse of military force by foreign governments, standards about the use of economic force will help Washington fight back against misuse. »

Les recommandations données par Harrell, qui ne fait là qu'extrapoler des réflexions qu'il a conduites alors qu'il se trouvait en poste au département d'État, représentent assez bien les contradictions internes des USA. Ce pays est unilatéraliste en essence, disons par l'"exceptionnalisme" même qui lui est accordé sous une forme transcendantale par des autorités suprêmes qu’il ne peut être question de contester, et il a les plus grandes difficultés à comprendre qu'on puisse critiquer ses propres actions unilatérales, tandis qu'il s'exclame avec fureur lui-même lorsque d'autres esquissent l'intention de développer de telles actions unilatérales. Par ailleurs, la puissance des USA décline, et notamment relativement à d'autres puissances telles que la Chine pour ce qui nous occupe, ce qui fait qu'ils se trouvent confrontés à la possibilité de même type d'actons qu'eux-mêmes produisent depuis des décennies ; mais, bien entendu, les autres n'ont pas l'adoubement de l'"exceptionnalisme" US…

Ainsi Harrell propose-t-il, assez paradoxalement, d'une part des mesures agressives même si défensives, pour combattre, voire tenter d'annihiler d'éventuelles sanctions anti-US, d'autre part de participer à la mise en place de "standards" internationaux pour définir et réguler les sanctions. Dans ce cas, se dirait-on, pourquoi tout bonnement ne pas suivre les règles de l'ONU, et alors pourquoi ne pas respecter les décisions de l'ONU ? Simplement parce que les USA ne veulent pas l'abolition de la politique des sanctions, ni même la moindre contrainte sur leur politique nationale, mais des "standards" pour restreindre une amorce de politique des sanctions contre eux. Selon les habitudes US, de tels "standards" devraient être respectés par les autres, mais de façon moins contrainte sinon assez relâchée, par les USA ; au besoin, les USA appliqueraient des sanctions contre les pays qui ne respecteraient pas, dans leurs propres politiques, ces standards des sanctions, des standards qu'eux-mêmes (les USA) ne seraient tenus en aucune façon de respecter, selon les règles mêmes de leur Constitution et les positions définies de façon constante par le Congrès. C'est dire si l'on peut douter grandement que de telles recommandations soient suivies d'effets, les USA étant tout entier conduits par leur propre perception de leur "exceptionnalité" ; laquelle pourrait même les conduire, malgré les conseils de Harrell, à refuser de conceptualiser la perspective qu'une réelle "politique des sanctions" puisse être développée contre eux, – comme on n'imagine pas la possibilité d'un crime de Lèse-Majesté, – et les mettrait dans la plus grande difficulté d'établir une défense efficace contre une attaque qu'ils imaginent impossible du fait même de leur statut.

… En attendant, la seule réaction que l'on est invité à manifester sans la moindre restriction, c'est le constat que les USAmontrent brusquement leur vulnérabilité à une "politique des sanctions" dont ils ont été les constants initiateurs et les constants utilisateurs. Il y a 15 ans, il y aurait même seulement 10 ans, un chroniqueur si fortement instruit dans ce domaine comme l'est Harrell n'aurait pas eu l'esprit de telles propositions qui impliquent une position US défensive dans "la guerre des sanctions" ; jusqu'ici, la "politique des sanctions" étaient l'essence même de la politique US, et son caractère était central et offensif dans cette politique, et on ne pouvait concevoir aucun cas où elle pût être  annexée de manière durable et conséquent par un autre. Ce temps est fini.

Source : DeDefensa, 28/1/2016

Crise financière : les banques centrales, seules responsables ? Par Romaric Godin

Crise financière : les banques centrales, seules responsables ? Par Romaric Godin

Analyse de Romaric Godin sur la petite crise actuelle – que je juge pour ma part trop favorable aux banques centrales, mais bon…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10/02/2016

Les banques centrales sont-elles les seules responsables de la crise boursière ? (Crédits : Reuters)

L’affaire semble entendue : la baisse des marchés s’expliquerait par la générosité des banques centrales. Cette interprétation oublie cependant pourquoi cette politique monétaire très accommodante est devenue inévitable…

La crise financière est de retour. Près de huit ans et demi après les premiers soubresauts de la crise des subprimes, les Bourses mondiales plongent à nouveau, la santé des banques est préoccupante, l’économie réelle inquiète. Pour la plupart des observateurs, la cause est entendue : ce nouveau coup de grisou a un coupable tout désigné, les banques centrales et leurs politiques accommodantes, le « QE ». Ce sont elles, assure-t-on, qui, en déversant des milliards de dollars, d’euros, de livres et des centaines de milliards de yens ont alimenté une bulle sur les marchés qui, aujourd’hui, éclate. Ce sont elles qui, en imposant des taux négatifs, pèsent sur les résultats bancaires.

Cette explication n’est pas entièrement erronée. Les politiques d’assouplissement quantitatif menées par la Fed, la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon, puis la BCE ont certes déversé d’immenses quantités de liquidités sur les marchés. Leur diffusion dans l’économie réelle a été plus lente, voire réduite. Elles ont donc alimenté un puissant courant acheteur que les difficultés chinoises et le ralentissement de la croissance européenne ont brutalement freiné. D’où cette correction qui, en réalité, a débuté en août dernier, lors de la première « dévaluation » du yuan chinois.

Les deux erreurs de 2008 et 2010

Mais cette explication n’est que partielle. Cette nouvelle secousse, rappelons-le, n’est que la poursuite de la grande crise de 2007 – crise de la dérégulation – allant à son terme. Une crise qui a connu deux relances : la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 qui a conduit le système financier au bord de l’abîme et le « sauvetage » tardif et inefficient de la Grèce le 10 mai 2010 qui a plongé la zone euro dans une tourmente économique dont elle n’est qu’à peine sortie. Dans les deux cas, l’erreur est venue principalement de gouvernements inconscients, pressés de gérer le court terme (on se souvient de l’obsession, pendant tout le printemps 2010, d’Angela Merkel pour les élections régionales en Rhénanie du Nord Westphalie) et enfermés dans des certitudes économiques fondées sur l’efficience du marché.

En 2008, les Etats-Unis ont ainsi voulu « faire un exemple » avec Lehman Brothers et montrer que l’Etat ne viendrait pas en aide à ceux qui avaient pris des risques démesurés. Le marché jouait son rôle « purificateur. » En 2010, les dirigeants européens ont appliqué la théorie ricardienne : il fallait rétablir rapidement les comptes publics des Etats touchés par la crise pour rétablir la confiance des marchés et des agents économiques. Il fallait aussi « punir » ceux qui avaient dépensé trop en leur faisant sentir les conséquences des déséquilibres qu’ils étaient censés avoir créés. Dans les deux cas, ces décisions ont été des désastres immenses et les banques centrales sont intervenues alors comme des « filets de protection », sauvant ce qui pouvait l’être. La BCE a été, du reste, la moins déterminée à agir. On se souvient que Jean-Claude Trichet a remonté deux fois les taux en pleine crise, en juillet 2008 et en juillet 2011, et qu’il a fallu attendre Mario Draghi et l’été 2012 pour voir une action déterminée de l’institution contre la crise européenne. Ce n’est pas sans raison que la BCE a été la dernière à se lancer dans le QE. Et ce n’est pas sans raison que la zone euro a été la région la plus frappée par la crise depuis 2007…

L’erreur des autorités européennes

Les banques centrales ont donc été des pompiers et sans doute se sont-elles muées en partie en pyromanes, mais pourquoi cette mutation a-t-elle eu lieu ? Parce qu’elles ont échoué en réalité à relancer les perspectives de croissance, donc d’inflation. Mais cet échec n’est pas que celui des banques centrales, c’est aussi celui des gouvernements qui se sont uniquement reposés sur la politique monétaire pour faire le travail de redressement de ces perspectives, alors qu’eux, au contraire, tiraient dans le sens inverse. L’exemple de la zone euro est, de ce point de vue, très parlant. Entre 2010 et 2014, les gouvernements et les autorités européennes, y compris la BCE, ont mené et incité à une politique centrée sur la consolidation budgétaire et les « réformes structurelles » visant surtout à réduire le coût du travail. Une politique clairement déflationniste qui a ruiné la croissance potentielle européenne et détruit la confiance dans l’avenir qu’elle devait établir. Dès lors, l’inflation faible s’est installée durablement.

Depuis octobre 2013, l’inflation annuelle sous-jacente, hors énergie et alimentation, n’est passé qu’une fois au-dessus de 1 %, c’était 1,1 % en octobre 2015. Dans ces conditions, les anticipations d’inflation ont reculé et lorsque les anticipations d’inflation reculent, l’incitation à investir est nulle. Or, la zone euro ne pourra connaître de reprise réelle sans reprise de l’investissement.

Les effets mondiaux de la politique européenne

Du reste, cette politique déflationniste européenne a eu d’autres répercussions. En réduisant la croissance européenne de façon durable, elle a pesé sur les exportations de plusieurs pays, comme la Chine. La deuxième économie du monde a alors tenté de contenir, pour des raisons politiques, ses niveaux de production tout en accélérant son retournement vers une économie moins dépendante de l’extérieur et plus de la demande interne. Ces deux mouvements ont conduit à une surproduction industrielle chinoise et à une explosion de l’endettement dans l’Empire du milieu à partir de 2012. Mais lorsque l’économie chinoise a engagé son ajustement inévitable, sa croissance a ralenti, entraînant une baisse des prix des matières premières (déjà engagée par la baisse de la croissance européenne) et une baisse de la demande chinoise en importations. D’où deux conséquences pour la zone euro : une nouvelle baisse de l’inflation et un ralentissement des perspectives économiques. Pour l’Allemagne, par exemple, la Chambre de Commerce vient de revoir à 1,3 % (contre 1,7 % pour le gouvernement) sa perspective de croissance pour 2015.

L’avertissement de Mario Draghi

Dans ces conditions, les banques centrales ont à nouveau agi (à l’exception de la Fed qui semble néanmoins revenir sur sa politique de resserrement). Mais cette politique ne peut se substituer à l’absence de perspectives pour les agents économiques. Elle peut aider la demande, pas la créer. Or, il fallait la créer. Lorsque Mario Draghi a projeté de lancer la BCE dans le grand bain du QE, le 22 août 2014, à Jackson Hole, il a indiqué qu’il ne le ferait que s’il était aidé, que si, en complément de la BCE, il y avait une politique de croissance en zone euro, comprenant une vraie relance. L’idée était simple : en relançant la demande, les Etats auraient stimulé la demande et créé des débouchés pour les fonds libérés par le QE. Autant de liquidités qui n’auraient pas servi, alors, à alimenter des bulles spéculatives. Mais il a obtenu une fin de non-recevoir. Wolfgang Schäuble, à l’époque, avait assuré qu’on avait « mal compris Mario Draghi. » Fermez le ban. Pour satisfaire les foules, on avait lancé un « plan Juncker » qui, comme le « pacte de croissance » de François Hollande en 2012, s’est perdu dans les sables de Bruxelles. Et le QE a bel et bien trop alimenté les bulles…

Ce que la politique monétaire accommodante a permis d’éviter

Il faudrait cependant ne pas oublier que les banques centrales ont permis d’éviter la mise en place d’un cercle déflationniste. Le QE aurait apporté un point d’inflation en 2015 en zone euro. Sans lui, l’inflation aurait été de -0,8 %, ce qui aurait enclenché à coup sûr une spirale déflationniste où, non seulement, l’investissement serait à l’arrêt, mais où les salaires et l’emploi aurait dû s’ajuster. Une telle spirale est un des pires dangers économiques dont il est fort délicat de s’extirper, le cas japonais ne cesse de le prouver. Mais il est souvent trop sous-estimé par les partisans de la « destruction créatrice » de Schumpeter. L’action de la BCE en 2014-2015 a donc été essentielle, comme en 2008 et 2012.

Mais, comme tout remède, il a des effets secondaires. Une action déterminée d’accompagnement des Etats ou de l’UE aurait pu réduire ces effets en permettant une meilleure transmission à l’économie réelle. On a préféré ne rien faire pour sauver la façade d’une politique de réduction budgétaire soit disant efficace, mais qui se révélera absolument inutile en cas de nouvelle récession. Pire même, pendant longtemps, les Etats – singulièrement la France – ont compté sur la seule action des banques centrales pour faire revenir la croissance, ne prenant pas au sérieux les avertissements de Mario Draghi sur l’incapacité de la politique monétaire à créer de la croissance.

Lampistes ?

La responsabilité des banques centrales est donc celle d’un lampiste. Les vrais responsables, ce sont les Etats et les autorités européennes qui ont mené une politique déflationniste et ont refusé toute vraie politique active de relance. Les banques centrales, la BCE en particulier, ont contenu avec les moyens dont elles disposaient l’incendie qu’elles n’ont pas allumé, ni entretenu. Cette action, produit de la passivité et de l’aveuglement idéologique des Etats, avait un revers. On en subit aujourd’hui les conséquences. Mais, en réalité, les banques centrales ont été les seules à montrer réellement du courage, de l’initiative et de l’innovation pour faire face à une crise d’une ampleur unique.

Accuser les banques centrales, c’est donc se tromper de responsable en réalité. C’est aussi prétendre que le marché aurait, sans leur action, réalisé un ajustement moins douloureux, alors que les expériences de 2008 et 2010 prouvent le contraire. C’est donc se payer de mots. Et l’économie européenne – et mondiale – s’est trop longtemps payée de mots. Elle a soif de vraie inflation que seule une politique de relance de l’investissement et des salaires apportera.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10/02/2016

444 millions de dollars en 17 ans : Hillary, la petite soeur des riches

444 millions de dollars en 17 ans : Hillary, la petite soeur des riches

Pour faire suite à l’article d’hier et à vos remarques, voici le détail et les sources du financement politiques (dons) d’Hillary Clinton en 17 ans et de Bernie Sanders en 27 ans :

Est-il utile de commenter le match 444 à 20, et les différents financiers de sa campagne (banques contre syndicats) ?

Mais ceci prouve évidemment que c’est la seule candidat qualifiée, le New York Times (Le Monde local) venant de la soutenir officiellement (j’imagine par excès de déontologie) – en espérant que ça marche aussi bien qu’en 2008…

 

Le 21ème siècle : une époque de corruption, par Paul Craig Roberts

Le 21ème siècle : une époque de corruption, par Paul Craig Roberts

Source : Paul Craig Roberts, le 18/01/2016

Paul Craig Roberts

Dans les dernières années du 20e siècle, la corruption est entrée dans la politique étrangère américaine d’une nouvelle manière. Sous de faux prétextes, Washington a démantelé la Yougoslavie et la Serbie afin d’avancer un agenda caché. Au 21e siècle, cette corruption s’est multipliée de nombreuses fois. L’Afghanistan, l’Irak, la Somalie et la Libye ont été détruits, et l’Iran et la Syrie auraient aussi été détruits si le président de la Russie ne l’avait empêché. Washington est également derrière la destruction actuelle du Yémen, et Washington a autorisé et financé la destruction par les israéliens de la Palestine. De surcroît, Washington a effectué des opérations militaires à l’intérieur du Pakistan sans lui déclarer la guerre, assassinant nombre de femmes, d’enfants et de villageois âgés sous couvert de combat contre le terrorisme. Les crimes de guerre de Washington sont comparables à ceux de n’importe quel pays dans l’histoire.

J’ai documenté ces crimes dans mes articles et mes livres (Clarity Press).

Quiconque croit encore à l’intégrité de la politique étrangère de Washington est une âme égarée.

La Russie et la Chine ont maintenant une alliance stratégique trop solide pour Washington. La Russie et la Chine empêcheront de nouvelles attaques de Washington contre leur sécurité et leurs intérêts nationaux. Les pays importants pour la Chine et la Russie seront protégés par cette alliance. Alors que le monde se réveille et constate le mal que l’Occident représente, d’autres pays iront chercher la protection de la Russie et de la Chine.

L’Amérique est aussi en train d’échouer sur le front économique. Mes articles et mon livre, L’Échec du capitalisme du laisser-faire, qui a été publié en anglais, chinois, coréen, tchèque, et allemand, ont montré comment Washington n'est pas intervenu, et de fait a applaudi, au moment où l’investissement à court terme par des comités directeurs, des actionnaires, et Wall Street éviscérait l’économie américaine, envoyant les emplois industriels, les savoir-faire d’entreprise, et la technologie, en même temps que les emplois professionnels qualifiés négociables en Chine, en Inde et dans d’autres pays, laissant l’Amérique avec une économie tellement anémiée que le revenu moyen par foyer est en baisse depuis des années. Aujourd’hui 50% des Américains de 25 ans vivent avec leurs parents ou leurs grands-parents parce qu’ils ne peuvent pas trouver un travail qui leur permette de vivre indépendamment. http://www.zerohedge.com/news/2015-10-27/why-are-half-all-25-year-olds-still-living-their-parents-federal-reserve-answers Ce fait brutal est masqué par la presse-tituée US, source d’histoires imaginaires sur la reprise de l’économie américaine.

Les réalités de nos existences sont tellement différentes de ce qu’il en est rapporté que j’en reste abasourdi. En tant qu’ancien professeur d’économie, éditeur du Wall Street Journal et secrétaire adjoint du Trésor pour les politiques économiques, je suis sidéré par la corruption qui règne dans le secteur financier, le Trésor, les agences de régulation financière et la Réserve fédérale. Au temps où j’exerçais, il y aurait eu des mises en examen, et des peines de prison pour les banquiers et les représentants du gouvernement.

Dans l’Amérique d’aujourd’hui, il n’y a pas de libre marché financier. Tous les marchés sont truqués par la Réserve fédérale et le Trésor. Les agences de régulation, contrôlées par ceux que ces mêmes agences sont censées contrôler, regardent ailleurs, et quand ce n’est pas le cas, elles sont quand même incapables de faire respecter quelque loi que ce soit, parce que les intérêts privés sont plus puissants que la loi.

Même les agences de statistiques gouvernementales ont été corrompues. Les mesures de l’inflation ont été concoctées pour la sous-estimer. Ce mensonge permet non seulement à Washington d’éviter de faire payer à la Sécurité sociale les ajustements au coût de la vie, et cela libère de l’argent pour mener plus de guerres, mais aussi, en sous-estimant l’inflation, le gouvernement peut créer une croissance du “PIB réel” en comptant l’inflation comme une véritable croissance, exactement de la même manière que le gouvernement crée 5% de chômage en ne comptant pas les travailleurs découragés qui ont cherché un emploi jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus assumer le coût de la recherche, et qu’ils laissent tomber. Le taux de chômage officiel est de 5%, mais personne ne peut trouver de travail. Comment le taux de chômage peut-il être de 5% quand la moitié des jeunes de moins de 25 ans vivent chez leurs proches parce qu’ils ne peuvent pas se payer une existence indépendante ? Comme John Williams (de ShadowFacts) le rapporte, le taux de chômage qui inclut ces Américains qui ont arrêté de chercher un emploi parce qu’il n’y a pas de travail peut être estimé à 23%.

La Réserve fédérale, l’outil d’une petite poignée de banques, a réussi à créer l’illusion d’une reprise de l’économie depuis juin 2009 en imprimant des trillions de dollars qui vont se placer non pas dans l’économie mais dans le prix des actifs financiers. Pour la presse-tituée des médias du secteur financier, la hausse artificielle des marchés boursiers et obligataires est la “preuve” que l’économie croît rapidement.

La poignée de gens instruits qui reste en Amérique, et il s’agit seulement d’une petite poignée, comprend qu’il n’y a eu aucune reprise depuis la récession précédente, et que la rechute est juste au coin de la rue. John Williams a souligné que la production industrielle américaine, quand elle est ajustée correctement en tenant compte de l’inflation, n’a jamais retrouvé son niveau de 2008, encore moins de son pic de l’année 2000 ; et elle est de nouveau en train de diminuer.

Le consommateur américain est épuisé, accablé par les dettes et le manque d’augmentation de revenus. Toute la politique économique des États-Unis est focalisée sur la préservation de cette poignée de banques new-yorkaises, pas sur la préservation de l’économie américaine.

Les économistes et leurs compères de Wall Street nieront le déclin de la production industrielle, l’Amérique étant désormais une économie de services. Les économistes prétendent que ces services de la Nouvelle Économie sont high-tech, mais en réalité ce sont des serveuses, des barmen, des commis à temps partiel, et des services de santé ambulatoire qui ont remplacé les emplois de production industrielle et les postes d’ingénieurs, pour un salaire bien moindre, faisant chuter ainsi la demande globale réelle des États-Unis. Dans les quelques occasions où les économistes néolibéraux admettent l’existence de ces problèmes, ils en rejettent la faute sur la Chine.

Il n’est pas sûr que l’économie américaine puisse être réanimée. Pour relancer l’économie américaine, il faudrait re-réguler le système financier, et ramener les emplois et la part de PIB que l’externalisation offshore a donnés aux pays étrangers. Cela nécessiterait, comme Michael Hudson le démontre dans son nouveau livre, Killing the Host, une révolution dans les politiques fiscales, qui empêcherait le secteur financier de capter les profits et de les capitaliser en titres de créance dont il tire rémunération.

Le gouvernement américain, contrôlé aujourd’hui par des intérêts économiques corrompus, ne permettrait jamais des politiques qui affecteraient les bonus des cadres et les profits de Wall Street. Le capitalisme américain d’aujourd’hui fait de l’argent en bradant l’économie américaine et les gens qui en dépendent.

Dans l’Amérique de “la Liberté et la Démocratie”, le gouvernement et l’économie servent des intérêts complètement déconnectés des intérêts du peuple américain. Le bradage du peuple américain est protégé par un immense paravent de propagande fournie par les économistes du libre-échange et la press-tituée financière payée pour mentir.

Quand l’Amérique sombrera, les vassaux de Washington en Europe, au Canada, en Australie et au Japon sombreront également. A moins que Washington ne détruise le monde dans une guerre nucléaire, le monde sera remodelé, et l’Occident corrompu et débauché ne sera plus qu’une partie insignifiante du nouveau monde.

Source : Paul Craig Roberts, le 18/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.