Le mensonge le plus dangereux de toute l'Histoire du monde
Le Secrétaire général de l'Otan, M. Jens Stoltenberg, a déclaré le 2 février qu'il approuvait la proposition du secrétaire d'État à la Défense Ashton Carter de multiplier par quatre les troupes et les armements américains en Europe, pour lutter contre l'agression russe. Carter l'avait dit un peu plus tôt le même jour, dans cette annonce sur le réarmement américain pour la guerre contre la Russie :
Les États-Unis se préparent à envahir la Russie. A la fin de 2017, les États-Unis seront prêts à envahir la Russie.
Comme il est secrétaire à la Défense, et non secrétaire à l'Offensive, il a aussitôt ajouté : «Bien que nous ne souhaitions aucun conflit d'aucune sorte avec ces pays, soyons très clairs.» Voilà une affirmation sans preuve ; il n'a même pas fini sa phrase, et encore moins sa pensée. Mais avec désinvolture, il a tenté de donner l'impression que les États-Unis ne sont jamais un agresseur – par exemple : même si les États-Unis ont étendu l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie, c'est la Russie qui est l'agresseur, parce qu'elle amène des troupes et des armes à ses frontières – à ses propres frontières, pour contrer la menace d'invasion des États-Unis et de l'OTAN, évidemment ; mais non : c'est pour menacer l'OTAN, si vous croyez l'Occident. Dans les déclarations d'Ashton Carter, Barack Obama et Jens Stoltenberg, c'est l'agression russe. Dans l'allégorie de George Orwell, 1984, la rhétorique américaine est simplement appelée la novlangue. C'est comme si, du temps de l'Union soviétique (donc, avant 1991), quand Nikita Khrouchtchev était l'agresseur en 1962 et John Kennedy le défenseur (contre les missiles soviétiques à Cuba), Khrouchtchev avait refusé de céder et dit que les missiles nucléaires soviétiques basés près du territoire américain avaient uniquement un but défensif, et non offensif (ils n'étaient pas là pour une attaque nucléaire éclair, trop rapide pour que les États-Unis puissent réagir et tirer leurs propres missiles en représailles). Kennedy refusa cette idée, et Poutine refuse aujourd'hui cette idée (juste de l'autre côté des frontières russes). Les États-Unis, maintenant que la Russie est post-soviétique, post-communiste, ont inversé les rôles et sont devenus l'agresseur – contre la nation russe, maintenant démocratique. (Et l'approbation de la politique de Poutine, dans les sondages, est d'au moins 80%, à comparer avec le score d'Obama chez les Américains, d'environ 50%.) Nous avons inversé les rôles. Les États-Unis sont en train de devenir une dictature, tandis que la Russie est devenue une démocratie. C'est le grand retournement. La démocratie aux États-Unis est devenue, pendant ces dernières décennies, l'élection de présidents et de députés et sénateurs qui font campagne sur des mensonges, et qui ensuite ont mené une politique exactement contraire à leurs promesses. Un bon exemple de cela est que, lorsque Obama faisait campagne pour sa réélection à la présidence, en 2012, il s'est ouvertement moqué de la déclaration de son adversaire, Mitt Romney, qui disait : «La Russie, c'est certainement notre adversaire géopolitique N°1.» Mais dès que Obama a été réélu, il a activé un plan, mis au point par la CIA en 1957, pour chasser du pouvoir en Syrie l'allié de la Russie, Bachar el-Assad, et un plan plus récent, signé de la CIA et du Département d'État, pour chasser le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, partisan de la neutralité, et pour le remplacer par un gouvernement fanatiquement anti-russe. Le directeur de Stratfor a appelé cela le coup d'État le plus flagrant de l'Histoire, ce fut une action très sanglante, suivie d'une guerre civile – et d'un effondrement économique, avec un niveau de corruption encore jamais atteint. De plus, Obama a adopté un plan français pour renverser un autre allié de la Russie, le Libyen Mouammar Kaddhafi. Tous ces plans ont été encouragés par les exportateurs de pétrole concurrents de la Russie, tous étant des États arabes sunnites fondamentalistes, financiers du djihad : la famille royale d'Arabie saoudite, la famille royale al-Thani du Qatar, la famille royale al-Sabah du Koweït, et les six familles royales des Émirats. Ensemble, toutes ces monarchies possèdent la majorité du pétrole mondial, et seule la Russie, et son allié l'Iran ont des productions comparables. Toutes ces familles royales (notamment les Saoud) sont les grands argentiers d'al-Qaïda, d'État islamique et d'autres groupes djihadistes, tous sont des sunnites fondamentalistes terroristes, dont le but est d'exterminer tous les chiites – et justement, il se trouve que les chiites sont soutenus par la Russie. (Les États-Unis avaient renversé le président d'Iran, progressiste et démocratiquement élu, en 1953, et l'avaient remplacé par le Shah, un véritable dictateur; les Iraniens se méfient du gouvernement américain depuis lors.) Le Président Obama, lors de son second mandat, a abandonné ses inquiétudes vis à vis des groupes sunnites comme al-Qaïda, et a recentré la politique américaine contre la Russie, au point de soutenir al-Qaïda, État islamique et d'autres groupes sunnites fanatiquement anti-russes, qui ont jeté des millions de réfugiés hors de la Syrie, de la Libye, etc… jusqu'en Europe. (Oh, bien sûr, Obama est officiellement toujours contre ces extrémistes sunnites – tout comme il était contre la politique de Romney, politique qu'il a pourtant suivie après sa réélection.) Tous ces groupes terroristes sont alliés aux familles royales contre les chiites soutenus par l'Iran, et la Syrie alliée aux chiites. Les croyances des sunnites fondamentalistes, auxquelles adhèrent les familles royales arabes, au moins depuis 1744, poussent à l'extermination de tous les chiites. Maintenant que les chiites et les pays qui leur sont alliés sont soutenus par la Russie, les États-Unis s'apprêtent plus ouvertement que jamais à conquérir la Russie, pour le bénéfice des grandes familles d'Amérique et d'Arabie. Et il y a bien d'autres exemples des politiques du président Obama, qui en font le modèle de «l'élection des présidents et des députés et sénateurs qui ont fait campagne sur des mensonges, et qui mènent ensuite des politiques opposées aux promesses qu'ils ont faites», comme son idée d'être le champion de la démocratie en Syrie, alors que ses préoccupations actuelles sont de bloquer la démocratie là-bas, parce que tout montre qu'il en résulterait une victoire massive pour Bachar al-Assad. Un autre exemple est le soutien d'Obama au droit des peuples à l'auto-détermination, pour la Catalogne ou l'Écosse, mais pas pour la Crimée, ni pour le Donbass, ni pour l'Abkhazie. Les Nations-Unies soutiennent le droit des peuples à l'auto-détermination partout, et Ban Ki-moon a clairement déclaré que les volontés américaines pour le départ de Bachar al-Assad sont totalement étrangères aux principes sur lesquels ont été fondées les Nations Unies. Donc : le régime américain se dirige vers une confrontation nucléaire avec la Russie, une mesure défensive contre l'agression russe. Obama avait auparavant utilisé la menace iranienne comme prétexte pour positionner des missiles anti-missiles en Europe, dans les pays bordant la Russie, mais il ne peut plus agiter cette menace, alors maintenant il brandit un nouvel argument : protéger l'Europe de l'agression russe. Ce qui avait amené Romney à dire que la Russie «est certainement notre adversaire géopolitique N°1» était qu'il avait été piégé par CNN : on lui avait demandé de commenter cette phrase que Obama avait dite, en privé, à Dmitri Medvedev : «C'est ma dernière élection. Après, j'aurai les mains libres.» CNN n'a pas dit de quoi il s'agissait, mais a simplement appâté Romney pour le faire jouer au chasseur-de-sorcières-anti-communiste-façon-McCarthy, et endosser l'habit du rôle du héros républicain. Reuters a expliqué le contexte, Obama répondant aux inquiétudes de Poutine sur le positionnement des missiles anti-missiles (ABM) en Europe pour retirer à la Russie sa capacité de représailles contre une première frappe venant des forces de l'OTAN en Europe ; Poutine rappelant que c'était inacceptable. Obama disait qu'il aurait «les mains libres» contre les Républicains semeurs de haine contre la Russie, une fois qu'il aurait gagné l'élection. C'était seulement un mensonge de plus de sa part. Il gagna sa réélection, et devint un alter ego de Mitt Romney. En fait, Obama a passé tout son premier mandat à tromper le monde entier, faisant croire qu'il avait enfermé les Républicains dans «une mentalité biaisée datant de la Guerre froide». Il y croyait vraiment. Il aurait dû être à Hollywood, pas à la Maison Blanche. Laissez le démon sortir de sa boîte, et c'est le monde entier qui sera perdu. La première priorité pour Bernie Sanders, s'il est élu Président, ou pour Donald Trump, sera de défaire toute la politique étrangère de Bush-Obama, parce que cela ne sera sûrement pas fait, ni par Hillary Clinton, ni par Ted Cruz, ni par Marco Rubio – voilà le principal enjeu de l'élection présidentielle à venir. Ce qui est en jeu est rien moins que la question de savoir si la civilisation va survivre encore quelques années. C'est vraiment une question sérieuse, parce que des centaines de milliards de dollars sont dépensés précisément pour y mettre fin. Ce ne sont pas des contes pour enfants, ni de la science-fiction. C'est plutôt une question morale, fondamentale et sévère, qui concerne de façon urgente le monde entier. Cela n'a rien à voir avec la religion, mais cela concerne le rétablissement de la démocratie, qui a été tellement pervertie qu'elle n'existe pratiquement plus. La démocratie requiert un public informé et une information honnête. C'est la vérité. Il faut la rétablir, avant qu'il ne soit trop tard. La probabilité d'une guerre nucléaire n'a jamais été aussi forte que maintenant, sauf peut-être pendant la crise des missiles de Cuba, mais à l'époque, le monde entier le savait, alors qu'en est-il aujourd'hui ? Aujourd'hui, la situation est peut-être encore plus grave. L'urgence est critique. Est-ce que c'est cela, ce genre de traitement de l'information que nous allons continuer à recevoir sur les grands sujets du monde – que les Russes envahissent notre territoire – alors que c'est nous qui sommes constamment en train d'envahir le leur (et de déclencher des coups d'État), et qu'ils sont en train de faire ce qu'ils doivent faire, pour défendre le peuple russe contre l'Otan ? Achevons l'OTAN maintenant. Ou c'est nous (et les médias complaisants de l'Occident) qui serons finis. Toute l'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières russes s'est basée sur la fausse promesse que le Président George Herbert Walker Bush avait faite à Mikhail Gorbatchev en 1990, qui poussa Gorbatchev à dissoudre non seulement l'Union soviétique, mais aussi l'homologue de l'OTAN, le Pacte de Varsovie. La Russie a scrupuleusement respecté sa part du contrat en 1991, mais c'est la violation vicieuse de la promesse de George Bush Senior qui s'en est suivie, par lui-même et par tous les Présidents américains qui lui ont succédé. La tromperie a continué, et les États-Unis cultivent, à un point jamais atteint, le mensonge le plus dangereux de toute l'Histoire du monde. Eric Zuesse. Article original : U.S. Now Overtly at War Against Russia, 6 février 2016 Paru initialement ans Strategic-Culture. Traduit par Ludovic, vérifié par Wayan, relu par Diane et Hervé pour le Saker Francophone. Note du traducteur Évoquant la crise de Cuba, l'auteur considère que les Soviétiques étaient dans une position offensive, les Américains, eux, jouant en défense. Il ne faut cependant pas oublier que, à la fin des années 1950, les Américains avaient profité de l'entrée de la Turquie dans l'OTAN pour installer des missiles à la frontière turco-soviétique. Les missiles à Cuba étaient donc une réponse. A l'issue de l'accord entre Khrouchtchev et Kennedy, les missiles en Turquie comme les missiles à Cuba furent démantelés. |