vendredi 12 février 2016

L’Arabie saoudite aux prises avec ses démons

L'Arabie saoudite aux prises avec ses démons

Les marchés mondiaux continuent d'évoluer en dents de scie, deux semaines après que j'ai révélé comment l'Arabie saoudite s'est départie d'au moins mille milliards de dollars de titres américains, ce qui a fait couler les marchés mondiaux, parallèlement à sa guerre des prix du pétrole pour maintenir sa part de marché.

La maison des Saoud pourrait même détenir plus de 8 000 milliards de dollars en actions et en bons du Trésor américain. Tout dépend en fait de l'ampleur des profits d'Aramco qu'elle a monopolisés et de la qualité de ses investissements.

Un banquier spécialiste en placements de New York, aux connexions saoudiennes solides, a confirmé que les Saoudiens coordonnent leurs transactions pétrolières majeures avec Goldman Sachs et d'autres (il n'a pas précisé), pour ne pas se mettre Wall Street à dos.

Cela signifierait que la maison des Saoud partage ses profits avec Goldman Sachs par le biais des produits dérivés du commerce pétrolier. Nous parlons ici d'un pactole de l'ordre de plusieurs milliers de milliards de dollars empoché par les Saoudiens et Wall Street, en tenant compte du fait qu'un flot important pourrait être passé par les mains de partenaires de Goldman Sachs et d'autres entités extra-territoriales pour mieux en dissimuler les volumes gigantesques.

Tout ce qui a filtré jusqu'à maintenant, c'est que Goldman Sachs ne fait rien pour contrarier la maison des Saoud.

Montrez-moi l'argent !

D'après une source proche de la maison des Saoud, la part que se partagent les quelques 12 000 membres de la famille royale absorbe 40 % des recettes pétrolières d'Aramco. Il y a deux ans, d'après cette source, cela aurait représenté 146 milliards de dollars par an en dollars d'aujourd'hui. Si l'on tient compte de l'augmentation vertigineuse des prix du pétrole il y a 43 ans (en 1973), ces recettes auraient rapporté depuis cette époque 6 200 milliards de dollars rien qu'à la maison des Saoud.

Hormis les palais regorgeant de robinets en or, les yachts sur la côte d'Azur ou les Lamborghini mauves, il est logique de supposer que le gros de cet argent s'est retrouvé dans des titres et des bons du Trésor américains. À cela s'ajoutent les réserves de l'État, qui s'établissent à 60 % des profits d'Aramco, soit 219 milliards de dollars par an multipliés par 43 ans, ce qui fait un total de 9 400 milliards de dollars. Tout n'a sûrement pas été dépensé.

Les investissements saoudiens auraient pu être durement touchés par les mesures prises par Goldman Sachs et d'autres pendant le krach boursier de 2008. Ma source dit que la maison des Saoud a été dûment informée à l'avance, ce qui fait qu'elle n'a rien perdu.

Le point à retenir, c'est que la maison des Saoud pourrait bien nager – secrètement – dans un océan d'argent plutôt que de s'engloutir dans les sables mouvants d'un défaut de paiement.

L'idée colportée par le FMI voulant que la population de l'Arabie saoudite puisse avoir à subir des mesures d'austérité sévères, après que la maison des Saoud eut provoqué le pire krach des prix du pétrole de l'histoire moderne fomenté pour punir la Russie, l'Iran et les producteurs de gaz de schiste aux USA, est d'un ridicule consommé.

Riyad est en pleine campagne de promotion sur la nécessité de transformer son économie pour réduire sa dépendance au pétrole. La maison des Saoud est prête à couper ses subventions sur l'eau et l'électricité, puis celles sur le carburant plus tard dans l'avenir.

Selon le FMI, l'Arabie saoudite pourrait avoir accumulé un déficit d'environ 140 milliards de dollars. Mais qu'en est-il de la réserve secrète en actifs et en bons du Trésor des USA ?

Ils risquent aussi de perdre la Chine

La stratégie d'effondrement des prix du pétrole préconisée par la maison des Saoud lui fait perdre des parts de marché même en Chine. La Russie et l'Arabie saoudite se partagent aujourd'hui à peu près la même part du marché chinois, soit environ 14 %, avec un avantage pour les Russes qui acceptent les paiements en yuans.

La maison des Saoud est enfermée dans sa prison du pétrodollar. Toute tentative d'évasion sera sévèrement punie par les Maîtres de l'Univers, ceux-là mêmes qui envoient leurs subordonnés débattre de l'avenir dans des endroits comme Davos.

La disparité entre le yuan et le pétrodollar, qui fera en sorte que Moscou supplantera bientôt Riyad comme principal fournisseur de pétrole de la Chine, est l'une des principales raisons pour lesquelles il n'y a pas de grand compromis sur les prix du pétrole à l'horizon entre la Russie et l'Arabie saoudite. L'autre raison, c'est que la Russie (comme l'Iran) n'acceptera pas d'accord sur le pétrole tant que l'Arabie saoudite n'acceptera pas d'accord politique à propos de la Syrie.

Comme l'hebdomadaire Petroleum Intelligence Weekly l'a rapporté, la proposition de Moscou est toujours sur la table : une réduction de 5 % de la production par les membres de l'OPEP (y compris l'Iran et l'Irak) et les autres pays producteurs.

Ce qui se trame sous le radar est autrement plus sérieux, car il s'agit de la mise en place d'un système monétaire concurrent russo-chinois. Voilà pourquoi la Banque centrale de Russie n'intervient pas pour limiter la chute du rouble parallèlement à la dégringolade des prix du pétrole.

La Russie aura besoin de beaucoup de roubles pour établir le système monétaire russo-chinois. La stratégie de Moscou consiste donc à racheter les roubles qui inondent le marché à des prix dérisoires, en payant en dollars et en euros artificiellement dopés. Le Trésor russe a aussi acheté des actions de sociétés nationales à prix très bas sur le marché, tout en rapatriant au moins 30 % des actifs pétroliers de la Russie précédemment détenus par des étrangers.

Cela pourrait-il contribuer à convaincre les Saoudiens que leur stratégie d'effondrement des prix du pétrole ne mène nulle part ? Rien ne permet de le croire pour le moment.

Dans l'intervalle, si le prince guerrier Mohammed ben Salman n'est pas carrément assis sur le trône, c'est par déférence envers son père souffrant, le roi Salman. Les rumeurs de coup d'État à Riyad persistent. Tout dépendra de l'ampleur du soutien des USA accordé à Mohammed ben Nayef. Les véritables Maîtres de l'Univers dans les coulisses à Washington ne toléreront pas qu'un prince guerrier erratique succède à son père.

Bref, comme une source liée à la maison des Saoud l'a résumé, pour le moment, les Saoudiens préfèrent le démon qu'ils connaissent (les USA) à celui qu'ils ne connaissent pas (la Russie). Tout pourrait évidemment changer en un instant si les membres de la famille royale alarmés en viennent à conclure que le démon qu'ils connaissent se prépare à leur faire le coup du changement de régime, qui a déjà fait ses preuves. Mais il sera alors trop tard.

Pepe Escobar 

 Article original en anglais : Saudi Arabia: the Devil's Playground, Sputnik News, 4 février 2016.

Traduit par Daniel, édité par jj et relu par Diane pour le Saker francophone.

Pepe Escobar est l'auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) Empire of Chaos (Nimble Books, 2014) et le petit dernier, 2030 (Nimble Books, 2015).




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Le XXIe siècle, une ère de fraude

Le XXIe siècle, une ère de fraude

Au cours des dernières années du XXe siècle, la fraude a envahi la politique étrangère américaine par une nouvelle voie. Washington a démantelé la Yougoslavie et la Serbie sous de faux prétextes pour avancer un projet caché. Au cours du XXIe siècle, ce type d'événement s'est reproduit à de nombreuses reprises. L'Afghanistan, l'Irak, la Somalie et la Libye ont été détruits, et l'Iran et la Syrie auraient connu le même sort si le président russe ne l'avait pas empêché.

Les États-Unis sont aussi derrière la ruine actuelle du Yémen et Washington a permis et financé la destruction de la Palestine par Israël. De plus, Washington opère militairement au Pakistan sans déclarer de guerre, tuant de nombreuses femmes, enfants et vieillards sous couvert de lutte contre le terrorisme. Les crimes de guerre perpétrés par Washington sont uniques dans l'Histoire.

J'ai exposé ces crimes dans mes articles et mes livres (Clarity Press).

Celui qui croit encore à l'innocence de la politique étrangère de Washington est une âme perdue.

La Russie et la Chine forment désormais une alliance stratégique qui est trop forte pour Washington. Ces deux pays agiront pour que les États-Unis n'empiètent plus sur leur sécurité ni sur leurs intérêts nationaux. Les pays ayant des intérêts liés à la Russie et à la Chine seront protégés par cette alliance. Tandis que le monde se réveille et voit le fléau que l'Occident représente, de plus en plus de pays voudront se mettre sous la protection de la Russie et de la Chine.

Les Américains sont aussi en échec sur le plan économique. Mes écrits et mon livre The failure of Laissez Faire Capitalism (L'échec du capitalisme du laissez faire), qui a été publié en anglais, en chinois, en coréen, en tchèque et en allemand, a montré comment Washington s'est croisé les bras. En s'en réjouissant, en plus, lorsque les intérêts à court terme du management, des actionnaires et de Wall Street éviscéraient l'économie américaine, envoyant les emplois manufacturiers, le savoir faire managérial et la technologie ainsi que les emplois à haute compétence professionnelle valorisable vers la Chine, l'Inde et d'autres pays, laissant l'économie américaine si affaiblie que le revenu moyen par foyer a chuté régulièrement depuis des années. Aujourd'hui, 50 % des habitants de 25 ans vivent chez leurs parents ou leurs grand-parents parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi leur permettant de vivre de manière indépendante.

Ce fait violent est passé sous silence par les médias américains prostitués, qui ne sont qu'une source de récits fantaisistes sur le rétablissement de l'économie américaine au coin de la rue.

Ce que nous vivons réellement est si éloigné de ce qui est rapporté dans les médias que j'en reste consterné. En tant qu'ancien professeur d'économie, éditeur du Wall-Street Journal et secrétaire assistant du Trésor pour la politique économique, je suis sidéré par le niveau de corruption régnant dans le milieu financier, au Trésor, dans les agences de régulation financière et à la Réserve fédérale. À mon époque, certains des banquiers et des représentants gouvernementaux officiels auraient été inculpés et envoyés en prison.

Aujourd'hui, aux États-Unis, il n'y a pas de marché financier libre. Tous les marchés sont truqués par la Réserve fédérale et le Trésor. Les agences de régulation étant contrôlées par ceux qu'elles sont supposées réguler, ces dernières ferment les yeux et ne font pas leur travail, et même si elles voulaient agir, elles n'ont aucun pouvoir pour imposer le vote des lois, parce que les intérêts privés sont plus puissants que la loi.

Même les agences gouvernementales de statistiques ont été corrompues. Les critères de mesure de l'inflation ont été établis afin de minimiser celle-ci. Ce mensonge exempte non seulement Washington de payer les ajustements du coût de la vie sur la sécurité sociale, mais libère ainsi l'argent pour d'autres guerres. En minimisant l'inflation, le gouvernement peut aussi créer de la croissance du PIB en comptant l'inflation comme de la croissance, tout comme le gouvernement invente 5% de chômage en ne comptant pas les chômeurs désespérés qui ont cherché un emploi jusqu'à ne plus avoir les moyens de le faire et ont abandonné. Le taux officiel du chômage est de 5 % mais personne ne peut trouver de travail. Comment le taux de chômage peut-il être de 5 % alors que 50% des personnes de 25 ans vivent chez leurs proches parce qu'ils n'ont pas les moyens de vivre de manière indépendante ? Comme John Williams (shadowfacts) l'a reporté, le taux de chômage, si l'on y inclut les personnes qui ont cessé de chercher un travail qui n'existe pas, est en réalité de 23 %.

La Réserve fédérale, qui n'est que l'outil d'une petite poignée de banques, a réussi a créer l'illusion d'un rebond économique depuis juin 2009, en imprimant des centaines de milliards de dollars qui ne sont pas injectés dans l'économie mais qui vont gonfler les prix des actifs financiers. Le niveau artificiellement prospère des marchés d'actions et d'obligations est la preuve que les médias prostitués exhibent pour justifier une prétendue économie en croissance.

La poignée de personnes avisées qui restent aux États-Unis, et ils ne sont vraiment qu'une poignée, savent qu'il n'y a pas eu de reprise depuis la dernière récession et qu'une nouvelle crise est sur le point d'arriver. John Williams a fait remarquer que la production industrielle des États-Unis, quand elle est correctement ajustée au taux d'inflation, n'a jamais retrouvé le niveau qu'elle avait en 2008, encore moins celui de 2000, et qu'elle a encore diminué.

Le consommateur américain est épuisé, accablé par les dettes et le manque de pouvoir d'achat. Toute la politique économique des États-Unis est occupée à sauver une poignée de banques de New-York et non l'économie américaine.

Des économistes et d'autres complices de Wall Street nient le déclin de la production industrielle alors que les États-Unis sont maintenant une économie de services. Certains économistes prétendent que les services dont on parle sont des services de hautes technologies dans la nouvelle économie, alors qu'en réalité, les barman, les serveurs, les vendeurs au détail saisonnier et les aide-soignants ambulants ont remplacé les emplois manufacturiers et les ingénieurs pour une fraction du salaire, provoquant ainsi l'effondrement de la demande globale des États-Unis. De temps en temps, quand les néolibéraux reconnaissent ces problèmes, ils accusent la Chine d'en être responsable.

Il n'est pas certain que l'économie américaine puisse se rétablir. Pour cela, il faudrait une nouvelle régulation du système financier et le rapatriement des emplois et du PIB américain délocalisés dans des pays étrangers. Cela exigerait, comme Michael Hudson le démontre dans son nouveau livre Killing the Host, une révolution de la politique fiscale qui empêcherait le secteur financier d'extraire le surplus économique et de capitaliser sur les intérêts des obligations.

Le gouvernement américain, contrôlé par des intérêts économiques corrompus, ne permettra jamais la mise en œuvre de politiques qui empiètent sur leurs primes et leurs profits encaissés grâce à Wall Street. Aujourd'hui, le capitalisme américain gagne de l'argent en vendant l'économie américaine et les personnes qui en dépendent.

Dans l'Amérique de la liberté et la démocratie, le gouvernement et l'économie servent des intérêts totalement éloignés de ceux du peuple américain. Cette trahison est couverte par un gigantesque réseau de propagande financé par les économistes du libre-échange et les médias financiers prostitués, récompensés pour leurs mensonges.

Quand les États-Unis s'effondreront, leurs États vassaux d'Europe, le Canada, l'Australie et le Japon connaîtront le même sort. Sauf bien sûr si Washington détruit le monde avec une guerre nucléaire, le monde sera reconstruit, et le monde corrompu et dissout de l'Occident ne sera alors qu'une partie insignifiante du nouveau monde.

Paul Craig Roberts

 

The 21st Century: An Era Of Fraud. "Anyone who still Believes in the Purity of US Foreign Policy is a Lost Soul", 19 janvier 2016

Traduit par Guillaume, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone




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Merkel annonce l’intervention de l’OTAN en mer Egée

Merkel annonce l'intervention de l'OTAN en mer Egée

La chancelière allemande Angela Merkel est retournée à Ankara lundi, c'est le dernier de plusieurs voyages en Turquie depuis le début de cette année. Elle y a rencontré le Premier ministre Ahmet Davutoglu et le président Recep Tayyip Erdogan. Alors que l'arrêt des flux de réfugiés et la sécurité des frontières étaient toujours à l'ordre du jour, cette fois-ci la collaboration politique et militaire contre la Russie a été au cœur des discussions.

Merkel et Davutoglu ont condamné tout deux le bombardement russe des civils à Alep et prévenu d'une « catastrophe humanitaire ». Lors d'une conférence de presse commune, ils ont déclaré : « Nous sommes horrifiés par les souffrances subies par les gens en raison surtout des bombardements venant des Russes. » La région de la frontière turco-syrienne, où des dizaines de milliers de gens sont actuellement en fuite, montre la « mesure réelle de la misère. »

La semaine précédente avait vu une grande offensive des troupes gouvernementales syriennes, soutenue par des frappes aériennes russes, afin de reprendre Alep. Avec une population de plus de 2 millions avant la guerre, Alep est la plus grande ville de Syrie et également une des plus anciennes, occupant une position stratégique dans la région entre la mer de la Méditerranée et le fleuve Euphrate.

Des rebelles, soi-disant anti-Assad, contrôlent une partie de la ville depuis longtemps, et l'utilisent pour mener leur guerre contre le gouvernement de Damas. Les troupes gouvernementales, avec le soutien russe, ont maintenant commencé à reconquérir ce territoire, perturbant ainsi une voie importante d'approvisionnement entre les milices islamistes et la Turquie.

Le gouvernement américain et ses alliés dans la région, en particulier l'Arabie saoudite et la Turquie, ont réagi avec colère. Les rebelles, au sein desquels les milices islamistes, comme le Front al-Nosra, jouent le rôle de premier plan, et depuis longtemps ils ont été fournis en armes, argent et soutien logistique par Ankara et Washington.

La semaine dernière, l'envoyé de l'ONU pour la Syrie a rompu les pourparlers de paix peu après leur entrée en vigueur, et le régime saoudien à Riyad a annoncé qu'il était prêt à déployer des troupes au sol.

Depuis lors, l'afflux de réfugiés venant de Syrie, bloqué à la frontière turque après qu'Ankara l'a fermée, a été exploité pour une campagne généralisée contre la Russie. Les reportages démagogiques des médias combinent des images de la guerre de Tchétchénie il y a 20 ans avec des photos d'Alep. L'appel à une intervention militaire, ce qui pourrait conduire à un conflit direct avec la Russie, adopte un ton hystérique.

Lundi Die Welt a accusé le président russe Vladimir Poutine de « se venger […] sur les Turcs et les Allemands » avec l'attaque d'Alep, et a carrément menacé que « de laisser une bataille aux mains d'un guerrier comme Poutine par faiblesse pourrait rapidement se retourner contre nous. »

L'exploitation de la détresse des réfugiés fuyant Alep comme prétexte pour cette campagne est tout à fait hypocrite. Les États-Unis et leurs alliés avaient encouragé la guerre civile en Syrie depuis des années, faisant des millions de réfugiés. Le gouvernement turc est actuellement en guerre contre sa minorité kurde, avec une brutalité comparable aux événements d'Alep.

Des villes kurdes, comme les centres commerciaux historiques de Diyarbakir, Cizre et d'autres ont été transformés en champs de bataille. 1,3 million de civils ont été touchés par un couvre-feu intégral pendant six semaines. À la fin de janvier, les organisations des droits de l'homme ont comptabilisé 200 morts et plus de 200 000 réfugiés.

Pourtant, alors que Merkel à Ankara a condamné les attaques russes « inhumaines » et a accusé Moscou de bombarder la population civile, elle a omis de mentionner la guerre dans l'est de la Turquie. Elle se bat pour une coopération étroite avec le gouvernement Erdogan pour qu'il bloque la fuite des victimes des guerres de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan vers l'Europe.

Merkel a promis de rendre rapidement disponibles les 3 milliards d'euros que l'Union européenne a engagés en novembre pour construire des camps de réfugiés en Turquie. Le Centre d'assistance technique (THW) soutiendrait à l'avenir l'agence de secours aux sinistrés en Turquie, Afad, avec l'approvisionnement des réfugiés. L'agence de protection des frontières de l'UE, Frontex, recevra aussi du matériel militaire supplémentaire.

Mais l'annonce la plus importante de Merkel était que, à l'avenir, l'OTAN va assurer la sécurité dans le bras de mer entre la Turquie et la Grèce. Selon un article dans Tagesspiegel, elle s'est mise d'accord sur cela avec son homologue turc Davutoglu sans en discuter au préalable avec les autres membres de l'OTAN ni avec le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg.

« Cette fois, Angela Merkel a pris l'OTAN par surprise », a écrit Tagesspiegel. Cependant, il y avait au sein de l'OTAN « certainement de la sympathie pour l'inclusion de l'alliance dans le traitement de la crise des réfugiés. » L'Italie, par exemple, qui est la destination de nombreux bateaux de réfugiés, serait reconnaissante pour toute aide, selon les milieux de l'OTAN à Bruxelles.

Stoltenberg a déclaré mardi que l'initiative de lutte contre les « passeurs » serait envisagée sérieusement. Il avait déjà discuté du plan par téléphone avec la ministre allemande de la Défense Ursula Von der Leyen (démocrates-chrétiens) et son homologue turc Mehmet Fatih Ceylan. Aujourd'hui, les ministres de la Défense de l'OTAN ont l'intention de concrétiser la proposition lors d'un sommet à Bruxelles.

Avec leur plan pour une intervention de l'OTAN dans la mer Égée, Merkel et Davutoglu se fondent sur un concept stratégique adopté par l'Alliance en 2010 au sommet de Lisbonne. La lutte contre la traite des êtres humains a été définie comme une tâche de l'OTAN. En utilisant cet argument, la mission de l'OTAN dans la mer Égée doit être présentée comme une action humanitaire contre les trafiquants. Mais dans le contexte de la montée des tensions avec la Russie, elle pourrait rapidement devenir le prélude à une intervention de l'OTAN directe dans la guerre syrienne.

Ulrich Rippert

Article paru d'abord en allemand, WSWS, le 10 février 2016




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