La famille du président PS de l'Isère employait au noir une Roumaine
Camelia P. espérait une vie meilleure en France, loin de sa Roumanie natale où le Smic est à 190 euros brut. Elle a découvert « la vie d’esclave », dit-elle, en Isère, à Bourgoin-Jallieu. Selon son témoignage à Mediapart, dix mois durant, d’octobre 2013 à juillet 2014, elle a travaillé dans l’illégalité totale, non déclarée, donc sans les droits de base prévus par le Code du travail français : ni contrat de travail, ni couverture sociale, ni repos compensateurs. Elle a travaillé, explique-t-elle, du lundi au dimanche, douze heures par jour en moyenne lorsqu’elle n’était pas d’astreinte la nuit, pour une rémunération « au noir » de 1 200 euros. Elle était tout à la fois l’infirmière à domicile, la cuisinière, la femme de ménage, l’assistante de vie, la bonne à tout faire d’une personne très âgée à la santé fragile.
L’histoire de Camelia P., 38 ans, est d’autant plus choquante qu’elle était l’employée à demeure de la mère de l’actuel président socialiste du conseil général de l’Isère, un homme politique de premier plan localement : Alain Cottalorda. Candidat aux élections départementales de fin mars, ce très proche de l’actuel secrétaire d’État à la réforme territoriale André Vallini était encore maire de Bourgoin-Jallieu (2001-2014) et président de la communauté d’agglomération Porte de l’Isère (2008-2014) lorsque Camelia P. a été recrutée à l'automne 2013.
Alain Cottalorda n’ignorait pas que Camelia P. était employée « au noir », non déclarée par le particulier-employeur, qui échappait ainsi au paiement des charges sociales patronales et salariales. Des trois enfants Cottalorda, c’est lui, le fils, le seul à vivre à Bourgoin-Jallieu (ses sœurs vivant en Bretagne et dans les Alpes-Maritimes), qui était chargé de gérer les documents administratifs de sa mère, Simone Cottalorda, alors âgée de 96 ans. En son nom, il rémunérait la jeune femme chaque fin de mois. « Simone est incapable de s'occuper de ses comptes bancaires. Elle n'a plus toute sa tête. Vous lui demandez 10 euros, elle vous donne 1 000 euros », assure Camelia P., à laquelle la famille Cottalorda avait attribué un prénom bien français à son arrivée à Bourgoin-Jallieu : « Isabelle ». Elle disposait d'une chambre avec salle de bains à l’étage dans la maison des parents.
Alain Cottalorda rémunérait Camelia P. non pas en espèces mais par chèque. « C’est lui qui venait remplir le chèque à la fin du mois, le 27, 28, 29 ou 30, cela dépendait de son agenda, il était très occupé, passait toujours en coup de vent, puis il le tendait à sa mère qui le signait de sa main tremblante, avant de repartir », raconte Camelia P. à Mediapart. La jeune femme, qui sollicitait parfois des acomptes et envoyait une grande partie de son salaire à sa mère en Roumanie, le déposait chaque mois sur un compte bancaire ouvert à son arrivée à l’agence Bourgoin-Château du Crédit agricole Centre-Est, dont Mediapart a obtenu copie des relevés.
C’est aussi Alain Cottalorda en personne qui accompagne Camélia P., à son arrivée en France, à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin pour obtenir un titre de séjour provisoire valant autorisation de travail. C'est l’unique formalité administrative dont s’acquittera la famille. Camelia P., entrée sur le sol français le 30 septembre 2013, obtiendra, une douzaine de jours plus tard, le 11 octobre, un récépissé de demande de carte de séjour valable quatre mois, jusqu’au 10 février 2014. Il précise qu’elle est domiciliée chez les parents d’Alain Cottalorda et qu’elle a droit « à l’exercice de toutes activités professionnelles ». Depuis le 1er janvier 2014, ce document, qui était jusqu’alors obligatoire pour les ressortissants bulgares et roumains souhaitant travailler en France, n’est plus nécessaire (lire ici le décryptage de Libération).
« Ma seule responsabilité est celle d’un fils »
Sollicité par Mediapart, Alain Cottalorda, qui refuse tout entretien téléphonique, a répondu par mail à nos questions (lire notre Boîte noire et, sous l'onglet Prolonger, l’intégralité de nos questions posées à Alain Cottalorda et ses réponses). Il se dégage de toute responsabilité, nie « avoir jamais employé cette personne roumaine qui résidait chez (ses) parents », comme il dément « gérer la vie et les carnets de chèques » de sa mère, aujourd’hui âgée de 97 ans :« Ma seule responsabilité est celle d’un fils (…). Ma mère bénéficie d’aides à domicile 4 à 5 fois par semaine employées par une association spécialisée, l’ADPA (Association pour l'Aide à domicile aux personnes âgées). Elle reçoit à ce titre l’APA (allocation personnalisée d'autonomie) de la part du conseil général de l’Isère. Une infirmière libérale passe chez elle 1 à 2 fois par semaine et elle voit très régulièrement son médecin traitant. »
Malgré nos nombreuses relances, les voisins et les proches de la famille ont refusé de répondre aux questions de Mediapart. Mais ceux qui n’ont aucun lien de famille avec les Cottalorda et ont bien connu la jeune Roumaine acceptent de parler, à condition que leur anonymat soit préservé, en raison, expliquent-ils tous, de la position dans le département et du pouvoir politique d'Alain Cottalorda. Certains assurent avoir appris dès l'été 2013 par les filles Cottalorda« qu'une Roumaine allait bientôt arriver pour s'occuper de leur mère ». D'autres confirment que c'est bien Alain Cottalorda, le seul à résider à Bourgoin-Jallieu, qui a géré le recrutement et les formalités d'embauche, avec sa sœur Mireille qui était à distance depuis la Côte d'Azur.
Des commerçants se souviennent très bien d’« Isabelle ». « Elle était charmante. On voyait bien qu’elle n’était pas d’ici, que son accent n’était pas lyonnais, mais on n’a jamais parlé de sa vie dans les détails », témoigne un commerçant qui la voyait dans son magasin du mardi au dimanche, « généralement le matin, mais elle pouvait repasser dans l’après-midi s’il manquait quelque chose. » Il se souvient qu’« elle avait souvent une petite mine, elle semblait très fatiguée ». Il témoigne à visage couvert : « Je suis commerçant et je ne voudrais pas qu’on vienne fermer mon commerce. »
« C’est Simone Cottalorda qui me l’a présentée en octobre 2013 comme son employée, raconte un autre marchand. C'était peu de temps avant que sa santé ne se détériore. Elle est venue avec son employée, Isabelle, bras dessus, bras dessous. Puis Isabelle venait seule. Elle a fait de gros progrès en français. Au début, elle ne parlait pas un mot, c’était très difficile de la comprendre. Surtout, elle ne quittait pas le commerce sans la note. Elle devait justifier toute dépense. On la sentait tendue. » Avant de préciser : « Les enfants Cottalorda ont usé un paquet de filles avant elle et ils continuent. »
Selon Alain Cottalorda, Camelia P. est venue à Bourgoin-Jallieu dans l’objectif de devenir aide-soignante à l’hôpital berjallien où elle avait « un contact ». Il reconnaît néanmoins l’avoir accompagnée à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin « pour déposer une demande de carte de séjour ». Il se souvient qu’elle avait fourni une attestation d’hébergement à titre gratuit signée par ses parents devant les services préfectoraux. Aucun document ne nous sera transmis. On ne saura pas à quel titre Alain Cottalorda, alors maire de Bourgoin-Jallieu et président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, « à l'agenda surbooké », a accompagné en personne à la sous-préfecture cette ressortissante roumaine qui ne parlait pas un mot de français et qui n'a « aucun lien de famille avec (ses) parents ». On ne saura pas non plus pourquoi elle était hébergée à titre gratuit pendant dix mois dans la maison de ses parents.
Alain Cottalorda @Capture d'écran d'une vidéo du CG de l'Isère
Relancé lundi 2 mars, il a fait savoir qu'il n'avait pas le temps de répondre à nos questions, par l'intermédiaire de son attachée de presse. Cette dernière nous a précisé que le même jour, lors d'un rendez-vous prévu de longue date, le président du conseil général s'était entretenu de cette affaire avec le procureur, qui aurait trouvé notre démarche « inadmissible » (lire notre Boîte noire). Quant à sa mère, Simone Cottalorda, que nous avons jointe par téléphone, elle a balayé nos questions d'un laconique : « Je suis sourde, je n'entends rien », avant de raccrocher.
Finalement, Alain Cottalorda, qui dénonce nos questions « à la limite de l'indécence » et nos relances téléphoniques auprès de certains comme étant« proches du harcèlement », nous a répondu ce mardi 3 mars de manière encore plus brève. Il réaffirme que c'est bien sa mère qui gère ses deniers, à 97 ans : « Elle n'est ni sous tutelle ni sous curatelle. Elle suit ses comptes et la chargée de clientèle de sa banque passe la voir chez elle. » Ni lui ni sa sœur, insiste-t-il de nouveau, n'ont embauché Camélia P. Dernière relance : « Que faisait Camélia P. à Bourgoin-Jallieu ? À quel titre était-elle logée gratuitement par vos parents ? » Alain Cottalorda nous répond qu'il n'a « plus grand-chose à ajouter » : « Ce n'est pas à moi qu'il faut poser ces questions. Je crois qu'elle a pratiqué des activités associatives, gym ? » On notera qu'il ne dément à aucun moment que Camelia P. ait pu être employée illégalement par sa mère.
Camelia P., elle, a une tout autre version. Une version qui ne varie pas d'un iota auprès de tous ceux auxquels elle a confié son histoire. « C’est Alain Cottalorda et sa sœur Mireille qui m’ont recrutée, raconte-t-elle à Mediapart. Mireille m’avait contactée par mail en avril 2013. Ils cherchaient une infirmière pour s’occuper à domicile de leur maman. Ils m’avaient dit qu’elle avait 85 ans et qu’elle était en pleine forme, en réalité, elle avait 96 ans et elle était très fatiguée. »
La jeune femme dit leur avoir été recommandée par une Roumaine, elle aussi employée depuis de très longues années « au noir » par une famille de Nice, que connaît bien Mireille, mariée à un architecte et installée sur la Côte d’Azur. Cette Roumaine et Camelia P. se connaissent, elles viennent de la même région de Munténie en Roumanie, près de la frontière bulgare : « Elle m’a téléphoné chez moi, en Roumanie, pour me convaincre d’accepter l’offre d’emploi des Cottalorda. »
Lorsque la famille Cottalorda lui propose de travailler pour elle, Camelia P., qui parle aisément l'anglais mais pas un mot de français, n’hésite pas longtemps. Un travail en France, « dans une famille de qualité », c’est son plus grand rêve qui devient réalité. S'occuper d'une personne très âgée ne l’effraie pas. Elle a« l’expérience », une formation d’infirmière. Mais c’est «l’isolement total » qui l’attend à son arrivée, en octobre 2013, dans la grande et cossue demeure familiale où la mère vit avec son mari (qui décédera trois mois plus tard, en décembre 2013), puis seule.
Ni contrat de travail remis, comme il avait été initialement promis, dans les 48 heures suivant l’embauche, ni visite médicale auprès du service interprofessionnel de la médecine du travail de Bourgoin-Jallieu, ni bulletin de paye, ni couverture sociale en cas d’accident ou de maladie. Camelia P. n’a pas de numéro de sécurité sociale, aucune existence salariale connue dans les fichiers des administrations, selon nos recherches auprès des services concernés. Elle ne cotise pas pour sa retraite et n'aura pas droit à des indemnités chômage.
Très vite, le quotidien devient intenable pour Camelia P. : « Je devais être disponible 24 heures sur 24. Ce n’est vraiment pas facile de s’occuper d’une personne très âgée. C’est très lourd. Son comportement était parfois très agité. Elle perdait la mémoire. Elle se levait parfois la nuit. Elle tombait souvent. C’est un peu comme s’occuper d’un bébé. Les journées étaient très longues. Il fallait que je la lave, la coiffe, lui coupe les ongles, et je devais aussi faire le ménage, passer l’aspirateur, nettoyer les vitres, faire les courses, préparer les repas. »
Pendant un mois, Simone Cottalorda sera hospitalisée à la suite de problèmes de santé : « Je cuisinais pour elle et apportais tous les jours ses repas, du lundi au dimanche. » Camelia P. se rend à pied jusqu’à l’hôpital, distant de plusieurs kilomètres, soit une bonne heure de marche à pied aller-retour… De même, elle accompagne Simone Cottalorda et demeure à son chevet, à son service, lorsqu’elle part séjourner chez sa fille, Mireille, dans les Alpes-Maritimes.
Alain Cottalorda est vu comme "le poulain" d'André Vallini (à gauche) @capture d'écran vidéo du CG de l'Isère
Camelia P. tiendra dix mois. Son seul répit ou plutôt « défouloir » ? Une heure de gymnastique quelques fois par semaine dans une salle de sport du centre-ville. Un jour, elle tombe malade. Le médecin traitant de Simone Cottalorda, Bernard Dufour, préconise, à l’occasion d’une de ses visites au chevet de la vieille dame, qu’elle se repose. « Il disait que le métier est difficile, qu’il fallait que j’aie au moins une journée pour moi, pour me relaxer la tête, faire une promenade pour moi », raconte Camelia P., qui, ne bénéficiant d'aucune couverture sociale, s’achetait des médicaments au prix fort. Mais la famille Cottalorda aurait rétorqué à la jeune femme que « cela sous-entend d’embaucher une remplaçante qui coûterait 27 euros de l’heure et que c’est trop cher ».
Joint par Mediapart, le Dr Dufour se souvient « effectivement avoir croisé plusieurs fois l’employée roumaine de Simone Cottalorda au domicile des Cottalorda », tout en précisant bien qu’il n’a « jamais été son médecin traitant ». « Il est évident qu’il est difficile d’être tous les jours au chevet d’une personne âgée, mais j’ignore tout des conditions de travail de cette personne. J’ai pu constater qu’elle était fatiguée, la réconforter, lui dire de se reposer, mais ce n’était pas dans le contexte d’une consultation, d’un examen médical mais bien à l’occasion de mes visites au domicile de la personne âgée que je suis en tant que médecin », explique-t-il, avant de conclure : « Je n’ai pas d’autres commentaires à faire. »
À plusieurs reprises, Camelia P. s’enquiert d’un contrat de travail en bonne et due forme, de fiches de paye. « Lady Simone », comme elle appelle la vieille dame, lui répondait : « Je vais en parler à mon fils, je dépends de mes enfants. » Mais les documents ne viendront jamais, la condamnant à l’illégalité. « Alain Cottalorda passait généralement tous les dix jours visiter sa mère, mais il était toujours pressé. Il était très poli avec moi, m'avait conseillé des méthodes pour apprendre le français. Il savait que je n’avais pas de contrat de travail. J’ai fini par lui en parler directement. Il me disait à chaque fois qu’il n’avait pas le temps, qu’il s’en occuperait le mois suivant, mais il avait toujours une excuse : les élections municipales, des déplacements professionnels », témoigne Camelia P.
Mireille Cottalorda, que Camelia P. avait quasiment tous les jours au téléphone pour lui donner des nouvelles de la santé de sa mère, était beaucoup moins engageante. « Elle me disait : “On te paie bien. Si tu n’es pas contente, tu retournes dans ton pays où il n’y a pas de travail.” »
Au printemps 2014, Camelia P., désemparée, pousse la porte de l’union locale de la CGT de Bourgoin-Jallieu sur les conseils d'un « ami scandalisé de me voir évoluer dans cet environnement esclavagiste ». « C’était très compliqué pour elle de se déplacer, de venir au local syndical, elle se sentait surveillée, elle devait justifier en permanence ses allées et venues auprès de la famille », abonde Daniel Barbier, le secrétaire de la CGT de Bourgoin-Jallieu, qui voit « de nombreux abus dans le secteur de l'aide à domicile en pleine expansion avec le vieillissement de la population ». Elle sera reçue à trois reprises par le syndicat début avril, début juin et en juillet 2014. Mais comme beaucoup de salariés prisonniers du travail dissimulé, elle ne réussit pas à franchir le pas : intenter une action devant les prud’hommes pour retrouver ses droits.
« Quand j’ai insisté pour avoir un vrai contrat de travail, des fiches de paie, la famille Cottalorda m’a montré la porte. Du jour au lendemain, ils m'ont renvoyée», dit Camelia P. Dans la torpeur de l'été, un lundi d'août 2014, elle doit plier bagage et prendre un billet retour pour sa ville, non loin de Bucarest. Un ami la conduit à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry : « Elle était tout à la fois triste et soulagée d'en finir. Les rapports s’étaient très tendus avec les enfants Cottalorda », témoigne-t-il. Pour Alain Cottalorda, qui nous l'explique dans sa brève réponse par mail, Camelia P. « a quitté Bourgoin-Jallieu en indiquant à(sa) mère qu’elle avait obtenu un contrat de travail en CDI en Belgique ou aux Pays-Bas ».
« Faux », répond la jeune femme. Six mois plus tard, elle hésite encore à engager une procédure. Le salarié victime de travail illégal a cinq ans pour se retourner contre son employeur qui, si la fraude est avérée, encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende. Depuis sa Roumanie natale, elle explique à Mediapart combien elle a « peur que son témoignage nuise à ses chances de retrouver un emploi en Europe », alors même qu'elle a envoyé des CV en Belgique et en Angleterre. Elle craint aussi que « cela fasse du mal à Simone », dont elle a gardé des photos où on les voit rire ensemble. Camelia P. l’aime beaucoup : « Elle a toujours été bonne, gentille avec moi. Ce sont ses enfants qui s’opposaient à ma régularisation. »
Le syndicat CGT de Bourgoin-Jallieu a fait le calcul approximatif de ce qu’aurait dû toucher en moyenne Camelia P. : « La difficulté, c’est qu’on ne sait pas ce qu’elle a été pour cette famille tant elle était multi-tâches : infirmière, assistante de vie. En France, une infirmière à domicile est payée en moyenne 2 000 euros net par mois pour sept heures par jour, cinq jours par semaine. Dans le cas d’Isabelle, si l’on se base sur ses indications, nous sommes sur un horaire d'au moins 12 heures par jour, 7 jours par semaine pour un salaire de 1 200 euros par mois. Si elle avait été déclarée selon le droit du travail français, elle aurait dû gagner environ 3 500 € net par mois, selon nos calculs a minima. Sur dix mois, le manque à gagner s’élève à environ 23 000 euros, sans compter les repos compensateurs, les majorations d’heures supplémentaires (25 % pour les huit premières et de 50 % au-delà de 43 heures), le travail de nuit, les congés payés. »
Selon le syndicat, « en considérant que les charges sociales représentent environ 60 % du salaire, l'économie réalisée par la famille Cottalorda s’élève à environ 44 000 euros sur dix mois. Ce montant semble important mais il faut le comparer avec le fait que la salariée n'avait pas de jour de repos ».
Depuis son départ, selon nos informations, Camelia P. aurait d'abord été remplacée par une Française, qui n’aurait pas tenu la cadence, puis par une femme d’origine maghrébine, toujours en exercice. Deux salariées qui, elles non plus, n'auraient pas été déclarées et qui ont croisé les filles de l'ADPA (Association pour l'Aide à domicile aux personnes âgées), qui assurent régulièrement des interventions au domicile de Simone Cottalorda. « Nous, on a un salaire, on est déclarées. On voyait les choses différemment des filles pas déclarées. On avait très peu de relations avec les enfants Cottalorda. Quand Alain Cottalorda passait voir sa mère, c'est tout juste s'il disait bonjour. Pour eux, nous ne sommes pas grand-chose », livre une ancienne de l'ADPA sous le sceau de l'anonymat.
BOITE NOIREJe me suis entretenue longuement avec Camélia P., à plusieurs reprises, en anglais, ainsi qu'avec les syndicalistes de la CGT qui ont étudié son dossier et l'ont reçue à trois reprises début avril, début juin et en juillet 2014. Tout au long des échanges, la peur animait la jeune femme, qui ne veut pas voir son nom publié. Peur de parler, peur des représailles. Elle est retournée vivre en Roumanie à l'été 2014 après son expérience malheureuse chez les Cottalorda et cherche un emploi correspondant à sa formation d'infirmière dans les pays anglophones de l'union européenne.
Alain Cottalorda, avec lequel j'ai essayé d'obtenir un entretien téléphonique depuis vendredi 27 février, a refusé tout rendez-vous. Les échanges se sont faits par mail. Il a répondu aux questions que je lui ai transmises vendredi 27 février et lundi 2 mars, par l'intermédiaire de son attachée de presse Virginie Dechenaud (retrouvez l'intégralité de nos échanges sous l'onglet Prolonger). Deux autres réponses viendront compléter cet échange ce mardi 3 mars.
Malgré plusieurs relances et messages, sa soeur Mireille n'a pas retourné mes appels. Quant à leur mère, Simone Cottalorda, que nous avons jointe par téléphone, elle a balayé nos questions: « Je suis sourde, je n'entends rien », avant de raccrocher.
L’histoire de Camelia P., 38 ans, est d’autant plus choquante qu’elle était l’employée à demeure de la mère de l’actuel président socialiste du conseil général de l’Isère, un homme politique de premier plan localement : Alain Cottalorda. Candidat aux élections départementales de fin mars, ce très proche de l’actuel secrétaire d’État à la réforme territoriale André Vallini était encore maire de Bourgoin-Jallieu (2001-2014) et président de la communauté d’agglomération Porte de l’Isère (2008-2014) lorsque Camelia P. a été recrutée à l'automne 2013.
Alain Cottalorda n’ignorait pas que Camelia P. était employée « au noir », non déclarée par le particulier-employeur, qui échappait ainsi au paiement des charges sociales patronales et salariales. Des trois enfants Cottalorda, c’est lui, le fils, le seul à vivre à Bourgoin-Jallieu (ses sœurs vivant en Bretagne et dans les Alpes-Maritimes), qui était chargé de gérer les documents administratifs de sa mère, Simone Cottalorda, alors âgée de 96 ans. En son nom, il rémunérait la jeune femme chaque fin de mois. « Simone est incapable de s'occuper de ses comptes bancaires. Elle n'a plus toute sa tête. Vous lui demandez 10 euros, elle vous donne 1 000 euros », assure Camelia P., à laquelle la famille Cottalorda avait attribué un prénom bien français à son arrivée à Bourgoin-Jallieu : « Isabelle ». Elle disposait d'une chambre avec salle de bains à l’étage dans la maison des parents.
Alain Cottalorda rémunérait Camelia P. non pas en espèces mais par chèque. « C’est lui qui venait remplir le chèque à la fin du mois, le 27, 28, 29 ou 30, cela dépendait de son agenda, il était très occupé, passait toujours en coup de vent, puis il le tendait à sa mère qui le signait de sa main tremblante, avant de repartir », raconte Camelia P. à Mediapart. La jeune femme, qui sollicitait parfois des acomptes et envoyait une grande partie de son salaire à sa mère en Roumanie, le déposait chaque mois sur un compte bancaire ouvert à son arrivée à l’agence Bourgoin-Château du Crédit agricole Centre-Est, dont Mediapart a obtenu copie des relevés.
C’est aussi Alain Cottalorda en personne qui accompagne Camélia P., à son arrivée en France, à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin pour obtenir un titre de séjour provisoire valant autorisation de travail. C'est l’unique formalité administrative dont s’acquittera la famille. Camelia P., entrée sur le sol français le 30 septembre 2013, obtiendra, une douzaine de jours plus tard, le 11 octobre, un récépissé de demande de carte de séjour valable quatre mois, jusqu’au 10 février 2014. Il précise qu’elle est domiciliée chez les parents d’Alain Cottalorda et qu’elle a droit « à l’exercice de toutes activités professionnelles ». Depuis le 1er janvier 2014, ce document, qui était jusqu’alors obligatoire pour les ressortissants bulgares et roumains souhaitant travailler en France, n’est plus nécessaire (lire ici le décryptage de Libération).
« Ma seule responsabilité est celle d’un fils »
Sollicité par Mediapart, Alain Cottalorda, qui refuse tout entretien téléphonique, a répondu par mail à nos questions (lire notre Boîte noire et, sous l'onglet Prolonger, l’intégralité de nos questions posées à Alain Cottalorda et ses réponses). Il se dégage de toute responsabilité, nie « avoir jamais employé cette personne roumaine qui résidait chez (ses) parents », comme il dément « gérer la vie et les carnets de chèques » de sa mère, aujourd’hui âgée de 97 ans :« Ma seule responsabilité est celle d’un fils (…). Ma mère bénéficie d’aides à domicile 4 à 5 fois par semaine employées par une association spécialisée, l’ADPA (Association pour l'Aide à domicile aux personnes âgées). Elle reçoit à ce titre l’APA (allocation personnalisée d'autonomie) de la part du conseil général de l’Isère. Une infirmière libérale passe chez elle 1 à 2 fois par semaine et elle voit très régulièrement son médecin traitant. »
Malgré nos nombreuses relances, les voisins et les proches de la famille ont refusé de répondre aux questions de Mediapart. Mais ceux qui n’ont aucun lien de famille avec les Cottalorda et ont bien connu la jeune Roumaine acceptent de parler, à condition que leur anonymat soit préservé, en raison, expliquent-ils tous, de la position dans le département et du pouvoir politique d'Alain Cottalorda. Certains assurent avoir appris dès l'été 2013 par les filles Cottalorda« qu'une Roumaine allait bientôt arriver pour s'occuper de leur mère ». D'autres confirment que c'est bien Alain Cottalorda, le seul à résider à Bourgoin-Jallieu, qui a géré le recrutement et les formalités d'embauche, avec sa sœur Mireille qui était à distance depuis la Côte d'Azur.
Des commerçants se souviennent très bien d’« Isabelle ». « Elle était charmante. On voyait bien qu’elle n’était pas d’ici, que son accent n’était pas lyonnais, mais on n’a jamais parlé de sa vie dans les détails », témoigne un commerçant qui la voyait dans son magasin du mardi au dimanche, « généralement le matin, mais elle pouvait repasser dans l’après-midi s’il manquait quelque chose. » Il se souvient qu’« elle avait souvent une petite mine, elle semblait très fatiguée ». Il témoigne à visage couvert : « Je suis commerçant et je ne voudrais pas qu’on vienne fermer mon commerce. »
« C’est Simone Cottalorda qui me l’a présentée en octobre 2013 comme son employée, raconte un autre marchand. C'était peu de temps avant que sa santé ne se détériore. Elle est venue avec son employée, Isabelle, bras dessus, bras dessous. Puis Isabelle venait seule. Elle a fait de gros progrès en français. Au début, elle ne parlait pas un mot, c’était très difficile de la comprendre. Surtout, elle ne quittait pas le commerce sans la note. Elle devait justifier toute dépense. On la sentait tendue. » Avant de préciser : « Les enfants Cottalorda ont usé un paquet de filles avant elle et ils continuent. »
Selon Alain Cottalorda, Camelia P. est venue à Bourgoin-Jallieu dans l’objectif de devenir aide-soignante à l’hôpital berjallien où elle avait « un contact ». Il reconnaît néanmoins l’avoir accompagnée à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin « pour déposer une demande de carte de séjour ». Il se souvient qu’elle avait fourni une attestation d’hébergement à titre gratuit signée par ses parents devant les services préfectoraux. Aucun document ne nous sera transmis. On ne saura pas à quel titre Alain Cottalorda, alors maire de Bourgoin-Jallieu et président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, « à l'agenda surbooké », a accompagné en personne à la sous-préfecture cette ressortissante roumaine qui ne parlait pas un mot de français et qui n'a « aucun lien de famille avec (ses) parents ». On ne saura pas non plus pourquoi elle était hébergée à titre gratuit pendant dix mois dans la maison de ses parents.
Finalement, Alain Cottalorda, qui dénonce nos questions « à la limite de l'indécence » et nos relances téléphoniques auprès de certains comme étant« proches du harcèlement », nous a répondu ce mardi 3 mars de manière encore plus brève. Il réaffirme que c'est bien sa mère qui gère ses deniers, à 97 ans : « Elle n'est ni sous tutelle ni sous curatelle. Elle suit ses comptes et la chargée de clientèle de sa banque passe la voir chez elle. » Ni lui ni sa sœur, insiste-t-il de nouveau, n'ont embauché Camélia P. Dernière relance : « Que faisait Camélia P. à Bourgoin-Jallieu ? À quel titre était-elle logée gratuitement par vos parents ? » Alain Cottalorda nous répond qu'il n'a « plus grand-chose à ajouter » : « Ce n'est pas à moi qu'il faut poser ces questions. Je crois qu'elle a pratiqué des activités associatives, gym ? » On notera qu'il ne dément à aucun moment que Camelia P. ait pu être employée illégalement par sa mère.
Camelia P., elle, a une tout autre version. Une version qui ne varie pas d'un iota auprès de tous ceux auxquels elle a confié son histoire. « C’est Alain Cottalorda et sa sœur Mireille qui m’ont recrutée, raconte-t-elle à Mediapart. Mireille m’avait contactée par mail en avril 2013. Ils cherchaient une infirmière pour s’occuper à domicile de leur maman. Ils m’avaient dit qu’elle avait 85 ans et qu’elle était en pleine forme, en réalité, elle avait 96 ans et elle était très fatiguée. »
La jeune femme dit leur avoir été recommandée par une Roumaine, elle aussi employée depuis de très longues années « au noir » par une famille de Nice, que connaît bien Mireille, mariée à un architecte et installée sur la Côte d’Azur. Cette Roumaine et Camelia P. se connaissent, elles viennent de la même région de Munténie en Roumanie, près de la frontière bulgare : « Elle m’a téléphoné chez moi, en Roumanie, pour me convaincre d’accepter l’offre d’emploi des Cottalorda. »
Lorsque la famille Cottalorda lui propose de travailler pour elle, Camelia P., qui parle aisément l'anglais mais pas un mot de français, n’hésite pas longtemps. Un travail en France, « dans une famille de qualité », c’est son plus grand rêve qui devient réalité. S'occuper d'une personne très âgée ne l’effraie pas. Elle a« l’expérience », une formation d’infirmière. Mais c’est «l’isolement total » qui l’attend à son arrivée, en octobre 2013, dans la grande et cossue demeure familiale où la mère vit avec son mari (qui décédera trois mois plus tard, en décembre 2013), puis seule.
Ni contrat de travail remis, comme il avait été initialement promis, dans les 48 heures suivant l’embauche, ni visite médicale auprès du service interprofessionnel de la médecine du travail de Bourgoin-Jallieu, ni bulletin de paye, ni couverture sociale en cas d’accident ou de maladie. Camelia P. n’a pas de numéro de sécurité sociale, aucune existence salariale connue dans les fichiers des administrations, selon nos recherches auprès des services concernés. Elle ne cotise pas pour sa retraite et n'aura pas droit à des indemnités chômage.
Très vite, le quotidien devient intenable pour Camelia P. : « Je devais être disponible 24 heures sur 24. Ce n’est vraiment pas facile de s’occuper d’une personne très âgée. C’est très lourd. Son comportement était parfois très agité. Elle perdait la mémoire. Elle se levait parfois la nuit. Elle tombait souvent. C’est un peu comme s’occuper d’un bébé. Les journées étaient très longues. Il fallait que je la lave, la coiffe, lui coupe les ongles, et je devais aussi faire le ménage, passer l’aspirateur, nettoyer les vitres, faire les courses, préparer les repas. »
Pendant un mois, Simone Cottalorda sera hospitalisée à la suite de problèmes de santé : « Je cuisinais pour elle et apportais tous les jours ses repas, du lundi au dimanche. » Camelia P. se rend à pied jusqu’à l’hôpital, distant de plusieurs kilomètres, soit une bonne heure de marche à pied aller-retour… De même, elle accompagne Simone Cottalorda et demeure à son chevet, à son service, lorsqu’elle part séjourner chez sa fille, Mireille, dans les Alpes-Maritimes.
Joint par Mediapart, le Dr Dufour se souvient « effectivement avoir croisé plusieurs fois l’employée roumaine de Simone Cottalorda au domicile des Cottalorda », tout en précisant bien qu’il n’a « jamais été son médecin traitant ». « Il est évident qu’il est difficile d’être tous les jours au chevet d’une personne âgée, mais j’ignore tout des conditions de travail de cette personne. J’ai pu constater qu’elle était fatiguée, la réconforter, lui dire de se reposer, mais ce n’était pas dans le contexte d’une consultation, d’un examen médical mais bien à l’occasion de mes visites au domicile de la personne âgée que je suis en tant que médecin », explique-t-il, avant de conclure : « Je n’ai pas d’autres commentaires à faire. »
À plusieurs reprises, Camelia P. s’enquiert d’un contrat de travail en bonne et due forme, de fiches de paye. « Lady Simone », comme elle appelle la vieille dame, lui répondait : « Je vais en parler à mon fils, je dépends de mes enfants. » Mais les documents ne viendront jamais, la condamnant à l’illégalité. « Alain Cottalorda passait généralement tous les dix jours visiter sa mère, mais il était toujours pressé. Il était très poli avec moi, m'avait conseillé des méthodes pour apprendre le français. Il savait que je n’avais pas de contrat de travail. J’ai fini par lui en parler directement. Il me disait à chaque fois qu’il n’avait pas le temps, qu’il s’en occuperait le mois suivant, mais il avait toujours une excuse : les élections municipales, des déplacements professionnels », témoigne Camelia P.
Mireille Cottalorda, que Camelia P. avait quasiment tous les jours au téléphone pour lui donner des nouvelles de la santé de sa mère, était beaucoup moins engageante. « Elle me disait : “On te paie bien. Si tu n’es pas contente, tu retournes dans ton pays où il n’y a pas de travail.” »
Au printemps 2014, Camelia P., désemparée, pousse la porte de l’union locale de la CGT de Bourgoin-Jallieu sur les conseils d'un « ami scandalisé de me voir évoluer dans cet environnement esclavagiste ». « C’était très compliqué pour elle de se déplacer, de venir au local syndical, elle se sentait surveillée, elle devait justifier en permanence ses allées et venues auprès de la famille », abonde Daniel Barbier, le secrétaire de la CGT de Bourgoin-Jallieu, qui voit « de nombreux abus dans le secteur de l'aide à domicile en pleine expansion avec le vieillissement de la population ». Elle sera reçue à trois reprises par le syndicat début avril, début juin et en juillet 2014. Mais comme beaucoup de salariés prisonniers du travail dissimulé, elle ne réussit pas à franchir le pas : intenter une action devant les prud’hommes pour retrouver ses droits.
« Quand j’ai insisté pour avoir un vrai contrat de travail, des fiches de paie, la famille Cottalorda m’a montré la porte. Du jour au lendemain, ils m'ont renvoyée», dit Camelia P. Dans la torpeur de l'été, un lundi d'août 2014, elle doit plier bagage et prendre un billet retour pour sa ville, non loin de Bucarest. Un ami la conduit à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry : « Elle était tout à la fois triste et soulagée d'en finir. Les rapports s’étaient très tendus avec les enfants Cottalorda », témoigne-t-il. Pour Alain Cottalorda, qui nous l'explique dans sa brève réponse par mail, Camelia P. « a quitté Bourgoin-Jallieu en indiquant à(sa) mère qu’elle avait obtenu un contrat de travail en CDI en Belgique ou aux Pays-Bas ».
« Faux », répond la jeune femme. Six mois plus tard, elle hésite encore à engager une procédure. Le salarié victime de travail illégal a cinq ans pour se retourner contre son employeur qui, si la fraude est avérée, encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende. Depuis sa Roumanie natale, elle explique à Mediapart combien elle a « peur que son témoignage nuise à ses chances de retrouver un emploi en Europe », alors même qu'elle a envoyé des CV en Belgique et en Angleterre. Elle craint aussi que « cela fasse du mal à Simone », dont elle a gardé des photos où on les voit rire ensemble. Camelia P. l’aime beaucoup : « Elle a toujours été bonne, gentille avec moi. Ce sont ses enfants qui s’opposaient à ma régularisation. »
Le syndicat CGT de Bourgoin-Jallieu a fait le calcul approximatif de ce qu’aurait dû toucher en moyenne Camelia P. : « La difficulté, c’est qu’on ne sait pas ce qu’elle a été pour cette famille tant elle était multi-tâches : infirmière, assistante de vie. En France, une infirmière à domicile est payée en moyenne 2 000 euros net par mois pour sept heures par jour, cinq jours par semaine. Dans le cas d’Isabelle, si l’on se base sur ses indications, nous sommes sur un horaire d'au moins 12 heures par jour, 7 jours par semaine pour un salaire de 1 200 euros par mois. Si elle avait été déclarée selon le droit du travail français, elle aurait dû gagner environ 3 500 € net par mois, selon nos calculs a minima. Sur dix mois, le manque à gagner s’élève à environ 23 000 euros, sans compter les repos compensateurs, les majorations d’heures supplémentaires (25 % pour les huit premières et de 50 % au-delà de 43 heures), le travail de nuit, les congés payés. »
Selon le syndicat, « en considérant que les charges sociales représentent environ 60 % du salaire, l'économie réalisée par la famille Cottalorda s’élève à environ 44 000 euros sur dix mois. Ce montant semble important mais il faut le comparer avec le fait que la salariée n'avait pas de jour de repos ».
Depuis son départ, selon nos informations, Camelia P. aurait d'abord été remplacée par une Française, qui n’aurait pas tenu la cadence, puis par une femme d’origine maghrébine, toujours en exercice. Deux salariées qui, elles non plus, n'auraient pas été déclarées et qui ont croisé les filles de l'ADPA (Association pour l'Aide à domicile aux personnes âgées), qui assurent régulièrement des interventions au domicile de Simone Cottalorda. « Nous, on a un salaire, on est déclarées. On voyait les choses différemment des filles pas déclarées. On avait très peu de relations avec les enfants Cottalorda. Quand Alain Cottalorda passait voir sa mère, c'est tout juste s'il disait bonjour. Pour eux, nous ne sommes pas grand-chose », livre une ancienne de l'ADPA sous le sceau de l'anonymat.
BOITE NOIREJe me suis entretenue longuement avec Camélia P., à plusieurs reprises, en anglais, ainsi qu'avec les syndicalistes de la CGT qui ont étudié son dossier et l'ont reçue à trois reprises début avril, début juin et en juillet 2014. Tout au long des échanges, la peur animait la jeune femme, qui ne veut pas voir son nom publié. Peur de parler, peur des représailles. Elle est retournée vivre en Roumanie à l'été 2014 après son expérience malheureuse chez les Cottalorda et cherche un emploi correspondant à sa formation d'infirmière dans les pays anglophones de l'union européenne.
Alain Cottalorda, avec lequel j'ai essayé d'obtenir un entretien téléphonique depuis vendredi 27 février, a refusé tout rendez-vous. Les échanges se sont faits par mail. Il a répondu aux questions que je lui ai transmises vendredi 27 février et lundi 2 mars, par l'intermédiaire de son attachée de presse Virginie Dechenaud (retrouvez l'intégralité de nos échanges sous l'onglet Prolonger). Deux autres réponses viendront compléter cet échange ce mardi 3 mars.
Malgré plusieurs relances et messages, sa soeur Mireille n'a pas retourné mes appels. Quant à leur mère, Simone Cottalorda, que nous avons jointe par téléphone, elle a balayé nos questions: « Je suis sourde, je n'entends rien », avant de raccrocher.
Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.
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