«Une passe à 3,7 millions !», s'amuse Lio |
Drôle de redressement fiscal
Le pouvoir est un formidable aphrodisiaque, selon les élus. Michel Charasse, ministre du budget entre 1988 et 1992, explique aux auteurs qu'il a fait face aux avances de la chanteuse Lio. Sauf qu'elle présente une version opposée. Elle raconte avoir obtenu un rendez-vous avec le ministre pour négocier son redressement fiscal de 3,7 millions de francs. Michel Charasse aurait tenu à lui montrer ses appartements privés, puis sa chambre. Où il lui aurait proposé, en vain, de lui « apprendre le baiser japonais ». « Une passe à 3,7 millions ! », s'amuse Lio. Le ministre dément. Sylvia Bourdon, ancienne reine du porno, fait un récit similaire. Venue négocier une dette, elle aurait entendu de la bouche de Michel Charasse : « T'es un mec ou quoi ? J'te plais pas ? J'chuis trop moche pour toi ? » Lui nie.
Le témoignage de Sylvia Bourdon
Une seconde audience chez Charasse s'avéra nécessaire pour finaliser la première subvention de Bercy. Je me présentai avec un blouson de cuir noir, les jambes gainées dans un étroit pantalon de la même couleur. Si mes souvenirs sont exacts, Charasse était assis derrière un vaste bureau Empire. Ses petites lunettes de lecture sur le bout du nez, il était affairé à signer une pile impressionnante de lettres, la mine sombre. Durant de longues minutes, je restai là, plantée au milieu de la vaste pièce, attendant que le ministre daigne remarquer ma présence. Enfin, il releva la tête et m'invita peu aimablement à m'asseoir en face de lui. Contrairement à notre première rencontre, son accueil était revêche. Je ne me laissai pas démonter par ce comportement imprévu et j'engageai la discussion sur les subventions. Brusquement il se leva, ôta ses lunettes, fit le tour du meuble Empire et vint caler son fessier de ministre sur le bord du bureau en me dévisageant. "Vous en avez un beau blouson!" lança-t-il d'un ton badin. C'était tellement inattendu que je balbutiai: "Euh... oui. Ce sont des amis qui les fabriquent.
- Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant?" De plus en plus surprise, je repris mon sang-froid et lui répondis que nous devrions aborder le sujet de ma subvention. Il rétorqua brusquement, en me tutoyant: "Ben alors, ton copain Dumas m'a raconté des histoires! T'es un mec ou quoi? J'te plais pas? J'chuis trop moche pour toi?"
Que répondre à un ministre qui n'est pas l'Apollon du Belvédère et qui essaie de profiter de la situation?
Je me rappelle avoir bredouillé, gênée, que chacun avait son charme, mais que nous étions ici pour évoquer la subvention qui devait m'être attribuée. Il se remit debout, visiblement contrarié, et retourna s'asseoir à sa place de ministre pour parler du dossier. J'étais mal à l'aise. L'audience terminée, Charasse m'accompagna jusqu'à la porte et frôla de la main le cuir de mon blouson. En connaisseur, apparemment, il me lança une dernière fois: "C'est de la bonne qualité en plus!" Dumas avait dû, tel que je le connaissais, évoquer le sujet du sexe avec son collègue.